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7. EXPERIENCE DE L'AEPN EN AQUACULTURE

par

Jacques Deschamps
Président - Association des Eleveurs de porcs de Nippes

1. L'AEPN COMMENCE LA PISCICULTURE

En 1984, lors d'un voyage à la Jamaïque, j'avais rendu visite à un éleveur de porcs qui avait des bassins de poissons faisant suite à sa porcherie. A ma question lui demandant la raison et l'économie de ces bassins, il me répondit que ses poissons étant alimentés avec le fumier de porcs, ne lui coûtaient absolument rien mais couvraient 50% du coût de l'entretien des porcs.”

A mon retour en Haïti, j'en fis part à mes collaborateurs de L'AEPN; plus tard, en 1985, la lecture d'un article dans la revue “PIG INTERNATIONAL” sur l'élevage associé PORCS / POISSONS en Thailand, devait nous convaincre d'établir un tel projet dans les Nippes où l'eau est abondante et le repeuplement porcin à un stade très avancé.

Au début de 1986, comme par hasard, nous avons rencontré l'lng. - Agr. Jean Condé avec qui nous avons discuté de notre intention de valoriser davantage le projet de repeuplement porcin en l'associant à l'aquaculture. Il offrit tout de suite ses services bénévolement et prépara un document de projet qui reçut l'approbation du Comité Directeur de L'AEPN, sous réserve de trouver le financement, vu les dépenses déjà élevées du projet porcs. Le Comité recommanda de faire un petit projet pilote avant de se lancer dans un projet de l'envergure de celui qui est actuellement en cours.

Ce projet pilote fut présenté à l'Ambassade du Canada qui accepta de le financer en considérant l'innovation et l'impacte socio-économique qu'un tel projet pourrait avoir sur la diète alimentaire, pauvre en proteines animales, du paysan.

Fort de ce financement canadien, une vingtaine de bassins furent construits. La satisfaction du personnel du Projet et l'engouement des éleveurs nous poussèrent à contacter les agences internationales de financement pour le grand projet; c'est ainsi que la Mission Française de Coopération qui suivait de près nos travaux sur le repeuplement porcin des Nippes ne marchanda pas son concours et accepta de financer la plus grande partie du projet. De leurs côtés, les éleveurs de porcs offrirent leurs parcelles de terrain et leur main-d'oeuvre pour compléter l'aide économique reçue du gouvernement français.

2. ASSISTANCE TECHNIQUE DU PROJET D'AQUACULTURE

Le Ministère de l'Agriculture avec qui nous maintenons des contacts permanents pour le Développement Rural de la région, nous mit en contact avec le Service de Pêche et le Projet Aquaculture Rural financé par la FAO. Ce dernier par l'entremise de son CTP Monsieur Jim Miller, se mit avec son staff à notre entière disposition tant au point de vue technique qu'au point de vue formation des futurs pisciculteurs et des ouvriers préposés à la construction des bassins. - C'est ainsi qu'il organisa 2 séminaires et forma plus de 60 éleveurs. Le Projet Aquaculture Rural fit profiter à l'un de nos membres d'une bourse d'étude de 5 mois à l'Université d'Auburn en Alabama (malheureusement, à son retour, les services de ce boursier ne furent pas mis à notre disposition comme espéré).

3. CONSTRUCTION DES BASSINS

Les travaux commencés en avril 1987 avancèrent assez rapidement malgré certaines contraintes telles que: terrains marécageux qui sont lourds à enlever et à transporter et aux troubles socio-politiques de juin et juillet. Nous avons déjà construit 32 bassins allant de 130 m2 à 1000 m2 pour un total de 12.000 m2.

Du Ministère de l'Agriculture nous avons reçu 1500 alevins qui se sont reproduits et ont permis l'ensemencement de tous les bassins avec plus de 50.000 alevins.

Les premiers alevins reçus et produits ont déjà permis à la population locale et aux éleveurs de manger plus de 2.000 kg. de poissons. Des essais de fumage et de salage ont été satisfaisants. Les paysans en ont pris goût et exercent beaucoup de pressions pour obtenir la construction de nouveaux bassins.

4. METHODOLOGIE EMPLOYEE

Notre projet piscicole n'est basé sur aucune dépense pour l'alimentation des poissons; l'éleveur doit avoir au moins 2 porcs pour obtenir assez de fumier pour enrichir l'eau des bassins, vu que les poissons se nourrissent de plantons développés à partir de la décomposition des déchets. C'est la raison pour laquelle tous les bassins sont fouillés chez un éleveur de porcs à proximité de la porcherie. L'eau sortant du bassin va arroser les jardins des paysans dont les cultures profitent.

Tout se passe selon le schéma de recyclage en annexe.

5. CONTRAINTES

  1. Le paysan ne pouvant libérer que des parcelles trop petites (environ 150 m2) ceci rend le coût de construction élevé au mètre carré en comparaison du coût d'ur bassin de 600 m2

  2. Le paysan n'ayant qu'un bassin de 150 m2, ne devrait recevoir que 450 (soit 3 au m2) alevins monosexes car selon nos observations s'il reçoit 300 alevins des deux sexes (soit 2 au m2), après trois mois, par suite de la reproduction de près de 5000 alevins, le bassin n'arrive pas à nourrir toute cette quantité de poissons, retardant ainsi le développement des parents qui ne peuvent pas grossir assez vite pour atteindre en 6 mois ¾ de livre (poids du marché).

    Nous avons donc décidé que des stations soient prévues dans le cadre de notre projet pour stériliser à base d'hormones, les alevins produits. - Ces alevins stériles seraient distribués aux propriétaires de petits bassins qui ne feraient que de l'engraissement (ce qui est économiquement plus rentable).

  3. Nous avons remarqué que les alevins fournis pour le projet n'étaient pas de bonne qualité, ayant trouvé après les récoltes des mélanges de trois espèces de Tilapia: T. Niloticus, T. Mossambicus, et T. auréus ne donnant pas les résultats escomptés. Notre intention dans le projet, à contourner ses difficultés, est de construire des écloseries de lignes pures et d'obtenir des croisements spécifiques donnant également des alevins monosexes. Des recherches bien connues ont prouvé qu'en croisant 2 espèces de Tilapia, par exemple Auréus mâle et Niloticus femelle, produisent au moins 90 % d'hybrides mâles. Dans cette optique, nous souhaitons que le C.R.D.A. se penche également sur cet aspect d'hybridation et permettre aux pisciculteurs du pays d'avoir accès à ces alevins mâles.

  4. Nous avons essayé de faire le sexage à la main quand l'alevin a atteint un poids moyen de 60 gr. pour le mettre dans le bassin d'engraissement. Malheureusement la sélection, faite à l'oeil nu, a laissé passer quelques femelles qui un mois plus tard, se sont mises à reproduire et peupler les bassins d'alevins en grand nombre. Cette méthode demande une très grande expérience et beaucoup de temps; mais elle est la seule disponible quant à présent dans les Nippes.

6. LACUNES DU SERVICE DE PECHE ET D'AQUACULTURE

Le plus grand problème que nous confrontons est l'absence de coopération entre le Service de Pêche et d'Aquaculture du Ministère et le Projet. Le suivi des techniciens du Ministère est très faible sur le terrain pour ne pas dire inexistant. Ceci est dû au manque de personnel dans ce service et de moyens logistiques.

En dehors du service des techniciens d'Aquaculture Rural offert à notre projet, personnellement, j'ai été déçu dans mes attentes. Nous pensions que le Ministère qui a introduit le tilapia en Haïti depuis 1951, devrait pouvoir donner un service de vulgarisation correspondant aux besoins des éleveurs avec tout le personnel qualifié que cela implique tels que:

  1. Des Ingénieurs en construction de bassins.
  2. Des Superviseurs de construction de bassins.
  3. Des Biologistes pour contrôler les poissons.
  4. Des Généticiens pour les travaux à faire sur les espèces.
  5. Des Spécialistes en sexage à la main.
  6. Des Spécialistes en écloserie.
  7. Des Laborantins pour les analyses spécifiques, etc…

Le manque des techniciens cités plus haut et les contraintes financières imposées au fonctionnement d'un tel service, constituent un obstacle majeur au développement de la pisciculture en Haïti comparativement à ce qui se fait dans la Caraïbe tout particulièrement en République Dominicaine, à la Jamaïque, Porto-Rico, aux lles Bahamas, etc…

En tant que membre du secteur privé, intéressé au développement de la pisciculture, nous souhaitons que le Ministère prête une oreille attentive à nos suggestions et besoins et fasse le nécessaire dans le meilleur délai pour combler nos attentes en trouvant et en formant le personnel nécessaire si vraiment il ne veut pas manquer “le train du développement”.

Tout se passe selon le schéma suivant de récyclage.


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