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4. PECHE DANS LES LACS ET RESERVOIRS

4.1 Productivité

4.1.1 Réservoirs et lacs

On donne généralement le chiffre de 20 millions ha environ comme superficie totale des eaux continentales en Chine. Un tiers consiste en petits lacs, réservoirs et étangs. Cette estimation, toutefois, date d'avant 1956 (Solecki, 1966). Depuis, la superficie disponible pour la pisciculture s'est accrue, les programmes de création d'étangs ou bassins et de réservoirs, petits ou moyens, ayant continué d'être très actifs. Par conséquent, les 6,7 millions ha considérés à l'époque comme propices à l'aquaculture atteignent probablement aujourd'hui 10 millions d'ha ou davantage.

Les “cinq lacs” traditionnels - Tungting, Poyang, Hungtzé, Taihu et Chao - font ensemble près de 1,4 million d'ha, avec une production annuelle de l'ordre de 70 000 t de poisson (selon une estimation, faite par la Mission, de 50 kg/ha).

Environ 130 lacs sont réputés avoir plus de 100 km2. Les 33 lacs de plus de 100 km2 répertoriés par van der Leeden (1975) totalisent plus de 4 millions d'ha, mais dont 670 000 sont saumâtres. Le plus grand des lacs salés, le Koko Nor, est situé à 3 200 m au dessus du niveau de la mer. Sa teneur en sel est d'environ un pour cent et il donne lieu à une pêche importante de perche jaune et de brochet (Anon., 1974).

Dans la province de Hupei, les lacs, cours d'eau et réservoirs constituent quelque 70 pour cent des 270 000 ha de plans d'eau. La production moyenne des lacs de plus de 10 000 ha, a-t-il été signalé à la Mission, serait de 60 kg/ha et celle des lacs de taille moyenne de 225 kg/ha. Quant aux petits lacs et réservoirs de superficie inférieure à 500 ha, leur rendement est en général de 1 000 kg/ha en exploitation intensive.

D'après les Chinois, les réservoirs produiraient environ un tiers moins que les lacs naturels de même superficie. Pour les petits réservoirs et lacs, ils indiquent comme moyenne nationale “plusieurs douzaines de jin par mu” - ce qui signifierait d'un quart à un tiers des chiffres donnés pour le Hupei.

Dans le Tableau 4 figure la productivité de quelques lacs et réservoirs de différentes tailles. Les statistiques récentes sur les lacs et réservoirs plus profonds, en terrain montagneux, ne sont pas disponibles. On peut supposer que leur productivité doit être assez inférieure.

Evidemment, dans certaines régions, il existe encore de petits réservoirs construits pour emmagasiner l'eau qui ne sont pas utilisés pour la production piscicole.

Les gens de ces régions n'ont pas eu l'habitude de manger du poisson. Toutefois, a-t-on dit à la Mission, ces réservoirs sont maintenant presque partout empoissonnés et pêchés, conformément à l'adage national “partout où il y a de l'eau, il doit y avoir du poisson”. Les alevins nécessaires semblent être disponibles facilement dans la plus grande partie du pays où la pisciculture en bassin ou étang est possible.

4.1.2 Cours d'eau et canaux

On pêche aussi dans les grands fleuves. Toutefois, il semble que l'on prête peu d'attention à leur aménagement dans ce but. La pêche se pratique habituellement avec des engins traditionnels. La Mission a observé en plusieurs endroits qu'on utilisait de grands carrelets, dont le filet a de 5 à 20 m2; on lui a signalé aussi l'emploi de filets dormants et de lignes.

Les petites rivières et les canaux dans les deltas du Yangtsé, de la Rivière des Perles et autres sont aménagés plus intensivement pour la pêche. Certaines pêcheries, comme celle de la Commune de Chen-tung où la Mission s'est rendue, sont divisées en secteurs (parfois avec des gardes-pêche dont le rôle est d'entretenir les clôtures et d'aider au passage des embarcations). Ces endroits sont empoissonnés (voir paragraphe 5.3) et reçoivent un appoint en fumier et fourrages. La productivité y atteint près de 1 500 kg/ha.

Tableau 4
Productivité et caractéristiques diverses de divers lacs et réservoirs en Chine

NomProvinceSurface (ha)Profondeur moyenne (m)Productivité (kg/ha/an)Remarques
Réservoir de Ho LungKwangtung2008,3     70(Production actuelle-escomptée: 200 kg/ha)
Lac Tung (lac de l'est)Hupei1 4674–5   278167 ha inutilisés pour la pêche
Lac Paï TanHupei4002   730 
Réservoir de MiyunPékin9 300?   150 
Lac TaihuKiangsu226 0003     52 
Lac Fan Li (lac de 2½ li)Kiangsu3332   525Connecté au Lac Taihu
Lac Hsuan WuKiangsu4501,51 100 
Lac Tin ShanShanghai6 600?   151Egalement 450 kg/ha d'escargots et autres mollusques
Lac Liu HwaPékin3325 000(Rapport de la mission canadienne)
Lac Liang tséHupei4 330?   1731953. Réduit de moitié en 1956 à cause de la pêche excessive (Anon., 1958)

4.2 Exploitation

4.2.1 Principes

Fondamentalement, les programmes d'exploitation élaborés pour la pêche dans les lacs et réservoirs ne sont que le développement à plus grande échelle du système de polyculture qui réussit si bien dans l'élevage en bassin ou étang. Les réservoirs ou les lacs de moins de 100 ha sont exploités pour une production intensive avec alimentation d'appoint et à forte densité de stockage.

A l'autre extrémité de cette catégorie, les grands lacs (de plus de 10 000 ha), comme le lac Taihu, dans le bassin du Yangtsé, sont exploités en combinant diverses techniques: stockage, protection des frayères naturelles et création de nouvelles, réglementation des saisons et des engins de pêche, enclos réservés dans les baies et anses se prêtant à l'aquaculture intensive.

Une grande attention est donnée, semble-t-il, à l'aménagement des bassins versants pour augmenter la fertilité des lacs. Réciproquement, les ressources annexes des lacs (humus fertile des fonds, végétation aquatique, escargots, etc.) sont utilisées pour accroître la production agricole dans le voisinage immédiat.

Il est arrivé que certains des lacs naturels, comme le Pai Tan et le Hsuan Wu, aient subi naguère de grosses fluctuations de niveau, par suite des crues ou des sécheresses périodiques. Aujourd'hui, des stations de pompage et autres dispositifs correcteurs ont été installés qui régularisent le niveau de l'eau (voir paragraphe 3.5).

Les lacs et réservoirs de petite et de moyenne tailles sont l'objet d'une attention toute spéciale au voisinage des agglomérations urbaines, où la production de poisson et les facilités récréatives sont particulièrement nécessaires. Les coupes de graminées dans les parcs et les déchets de légumes provenant des marchés sont utilisés pour l'alimentation d'appoint des poissons. Digues et chaussées permettent la promenade et sont utilisées comme assise à des kiosques au milieu du lac; mais elles servent aussi à séparer le lac en différentes unités de production, comme dans le lac de l'Est (Figure 2).

Figure 2

Figure 2 Chaussée sur le lac de l'Est séparant celui-ci en différents bassins

4.2.2 Méthodes spéciales

La méthode chinoise, en ce qui concerne les pêcheries de lac et de réservoir, comporte cinq aspects inhabituels qui méritent quelque explication. Ce sont:

  1. le stockage

  2. la fertilisation

  3. la pêche à grande échelle

  4. le morcellement

  5. le nivellement et le nettoyage des fonds

Les principes en question ne sont pas exceptionnels. L'URSS, par exemple, les applique, quoique avec moins de cohérence. Ailleurs, on a souvent considéré que leur coût élevé n'était pas payant. Nous les discutons ici en fonction des conditions particulières qui prévalent en Chine.

4.2.2.1 Stockage

Il existe moins d'espèces d'eau douce indigènes en Asie qu'en Amérique du nord, beaucoup moins qu'en Amérique du sud ou en Afrique. Les espèces asiatiques sont plus typiquement fluviales. La faune ichtyologique naturelle, ou spontanée, des lacs et réservoirs ne dispose donc pas d'une alimentation aussi variée que celle dont bénéficient, disons, les faunes de la plupart des eaux africaines. Il y manque souvent des mollusques, des détritus végétaux, du phytoplancton et même des organismes alimentant le zooplancton, qui soient adaptés aux eaux libres.

Aussi l'empoissonnement combiné, tel qu'il est pratiqué, avec la carpe herbivore, la carpe argentée (phytoplanctonivore), la carpe noire (qui mange des mollusques) et la carpe marbrée (zooplanctonivore), associé à des espèces qui se nourrissent dans le fond comme la carpe de vase et la carpe commune utilise-t-il mieux la production spontanée du système. Mais ces espèces ne se reproduisent pas naturellement dans les eaux dormantes des lacs et étangs: c'est pourquoi, on doit répéter régulièrement leur mise en charge (“capture et réempoissonnement à tour de rôle”). Cela demande un travail supplémentaire et certaines installations, car le système ne permet pas un contrôle étroit de la dimension du stock. De cette façon, les captures ne varient pas d'une année à l'autre, comme c'est le cas quand elles dépendent des stocks sauvages.

De l'avis de la Mission, les frais de main-d'oeuvre relativement peu élevés et le choix d'espèces qui n'ont pas besoin d'aliments riches en protéines sont les facteurs les plus importants de la réussite de la méthode chinoise. Il convient aussi de souligner que la récolte massive, ou à grande échelle, des stocks (voir paragraphe 4.2.2.3), là où elle est pratiquée, laisse du temps libre aux intéressés pour d'autres activités. En Chine, ce sont généralement les pêcheurs qui produisent aussi les poissons destinés à être stockés dans les lacs et réservoirs.

Habituellement, a-t-il été précisé à la Mission, on stocke à la densité d'environ 1 500 individus (de 10 à 15 cm de long) par ha de lac (voir paragraphe 5.3). Ces jeunes poissons sont produits en général dans le voisinage immédiat du lac (voir paragraphes 5.5 et 5.6).

4.2.2.2 Fertilisation

L'alimentation directe du poisson par fertilisation des eaux est considérée comme un élément essentiel de l'exploitation des petits étangs et réservoirs. Elle est souvent effectuée dans des lacs de 100 ha ou davantage. On utilise les fumiers animaux, de porc surtout, pour stimuler la croissance planctonique.

La règle empirique est d'élever 15 porcs au moins par ha d'eau (voir paragraphe 5.4.2). Des légumes et fourrages verts sont donnés aux carpes herbivores, lesquelles produisent à leur tour des déchets organiques, source d'alimentation pour les autres espèces. “Nourrissez bien une carpe chinoise et vous donnerez à manger à trois autres poissons” - disent les Chinois.

Dans la plupart des pays, la fertilisation des grands lacs et réservoirs n'est pas considérée comme un moyen pratique d'exploitation piscicole. L'éleveur a également peu d'action sur la mise en valeur générale des terres environnantes. La Chine, cependant, estime que ses terres arables doivent être utilisées à plein pour nourrir sa population. Aussi, attache-t-elle un grand prix à l'utilisation la plus efficace possible des eaux. L'exploitation piscicole reçoit donc la considération la plus attentive dans l'établissement des plans agricoles, notamment à l'échelon de la Commune. Le planificateur chinois considèrerait comme incomplet et inéconomique tout projet qui viserait à améliorer les pêcheries d'un lac, sans tenir compte de l'utilisation des terres environnantes.

L'emploi des matières de vidange humaines pour fertiliser les eaux n'a guère été évoqué. Néanmoins, il est certain que l'on multiplie les efforts pour améliorer les méthodes de fermentation et de stérilisation de ces déchets, aussi bien comme engrais terrestre qu'aquatique (voir paragraphe 5.4.2).

4.2.2.3 Récolte massive ou à grande échelle

Dans les grands lacs ou fleuves, la pêche se fait par les moyens plus ou moins classiques (par exemple, au moyen de filets maillants et/ou de chalutage à deux embarcations). Mais, dans les lacs plus petits et les nouveaux réservoirs, on préfère utiliser des méthodes permettant de récolter un gros pourcentage du stock dans le temps minimum. Les sennes de 5 km de long sont courantes (dans le lac de l'Est ou dans le Wuhan). On emploie régulièrement des sennes encerclant un périmètre de 1 à 1,5 km, la plus grande partie du travail se faisant manuellement. Mais ces filets peuvent aussi être employés comme sennes de plage, avec des hâlins frappés à intervalles réguliers sur la ralingue du filet (Solecki, 1966).

Une méthode intéressante consiste à rabattre le poisson en bateau vers une extrêmité du lac ou une large baie, en frappant l'eau au fur et à mesure que les embarcations avancent. Au bout d'une centaine de mètres de progression, on mouille un filet derrière les bateaux pour empêcher le poisson de refluer (Figure 3). Après avoir répété l'opération, on relève le premier filet qui servira au barrage suivant. Une fois le poisson ainsi concentré, on le pêche avec des filets de modèle classique qui encerclent le périmètre restant.

Dans certains cas (comme dans le Réservoir de Ho Lung), le dernier barrage de filet comporte une nasse (Figures 4a et 4b).

Les poissons sont chassés dans la nasse. L'opération exige de 20 à 50 personnes et peut durer 20 jours ou davantage si le lac occupe une grande superficie. La méthode a paru très efficace à la Mission. Mais l'investissement qu'elle implique est lourd. Des digues permanentes sont parfois édifiées afin de réduire la longueur des filets nécessaires pour concentrer le poisson. Le rendement du système est particulièrement bon pour les carpes herbivores argentées et marbrées qui restent dans la partie supérieure de la colonne d'eau. Naturellement, le système n'est valable que là où la vente immédiate de grandes quantités de poisson est possible.

4.2.2.4 Morcellement

Les lacs et réservoirs sont fréquemment morcelés pour améliorer le rendement de la production et de la pêche. Dans des réservoirs comme celui de Ho Lung, qu'a visité la Mission, des digues ont été édifiées en travers de plusieurs baies. Cela raccourcit la longueur des routes d'accès aux différentes parties du rivage. En outre, les digues forment des bassins protégés, où l'on peut élever les alevins jusqu'à la taille qui leur permet d'échapper aux prédateurs, lorsqu'on les transfère dans le lac lui-même. Ces zones d'alevinage sont de petite dimension et de faible profondeur, afin de pouvoir aussi éliminer systématiquement les poissons indésirables et interdire pratiquement leur retour.

Ce morcellement sert aussi à isoler des périmètres de pêche les parties où l'on fait pousser des plantes aquatiques comme le lotus, ou, du lac principal, les zones réservées aux activités récréatives; enfin, il facilite la pêche (voir paragraphe 4.2.2.3).

Figure 3

Figure 3 Affiche apposée au lac de l'Est, montrant les positions successives des barrages de filets utilisés pour concentrer le poisson dans un bras du lac et l'y pêcher

Figure 4a

Figure 4a Relevage de la nasse d'un grand filet-barrage utilisé pour la récolte du poisson dans un réservoir (Ho Lung, province de Kwangtung)

Figure 4b

Figure 4b Vidange de la nasse (Réservoir de Ho Lung)

Sur le lac Taihu, on a montré aux membres de la Mission une digue construite en travers d'une grande baie. La partie enclose, de 150 ha environ, avait été convertie en étangs piscicoles pour élevage intensif. Edifiée en trois mois par 2 200 travailleurs munis seulement d'outils manuels, cette digue permettra d'accroître la production de la baie, de 7 t/an environ à peut-être 700. Le morcellement des lacs et réservoirs sera de plus en plus utilisé en Chine, semble-t-il, pour convertir ces zones à la pisciculture intensive.

4.2.2.5 Nivellement et nettoyage des fonds

Avant 1958, les réservoirs que l'on construisait en Chine étaient rarement, ou seulement partiellement, débarrassés des arbres avant la mise en eau. Dans d'autres parties du monde, le défrichement est déconseillé, parce que les arbres morts et autres laissés pour compte de l'ancien milieu favorisent la productivité en augmentant les effectifs de poissons. Cependant, la méthode chinoise de stockage et d'alimentation des poissons dans de petits réservoirs peut réduire l'importance de cet effet. Laisser en place les arbres paraît donc un avantage assez mince en comparaison. D'un autre côté, les arbres sont gênants pour les opérations de pêche: ils interdisent l'emploi de filets à traîner ou à remorquer - méthode importante en Chine. C'est pourquoi, après 1960, tous les périmètres qui devaient être submergés dans les petits réservoirs ont non seulement été défrichés, mais les souches et autres obstacles éventuels ont été enlevés et les fonds nivelés selon un profil uniforme, afin de faciliter autant que possible la pêche.

Il est beaucoup moins intéressant de nettoyer les fonds des grands, ou même des moyens, réservoirs. Aussi, les Chinois s'efforcent-ils de nettoyer seulement les fonds d'anses naturelles ou autres endroits d'une dizaine d'hectares (2 li de circonférence), là où cela facilitera la pêche. Comme on ne pratique généralement pas d'alimentation d'appoint dans ces grands plans d'eau, la productivité extra-biologique des fonds non nettoyés est probablement plus importante.

4.3 Problèmes écologiques

La manière dont la Chine aborde les problèmes écologiques évoque tout à fait le soin avec lequel les anciens artisans de ce pays sculptaient un bloc de jade avec infiniment de détails, tout en lui conservant sa forme originelle. Le relief est aplani, les marécages sont transformés en lacs exploitables avec leur niveau d'eau régularisé, en étangs et en terres cultivées, tout cela par emploi massif de main-d'oeuvre. Mais, dans le même temps, de vastes programmes de reboisement et de lutte contre l'érosion sont en cours, afin de restaurer l'ancien paysage chinois effaçant les traces d'une longue usure du relief.

La Chine s'efforce d'utiliser au maximum les ressources dont elle dispose, mais en tenant compte des implications écologiques de ce développement. Les déchets, de toute nature, sont réduits au minimum: la gamme des pratiques piscicoles vues et discutées par la Mission offre d'excellents exemples de la façon dont ces déchets sont recyclés dans le système de production.

Le développement industriel a engendré des problèmes indéniables de pollution atmosphérique et aquatique, auxquels le gouvernement a répondu en créant récemment des départements de l'environnement aux échelons national et provincial. Les normes de qualité de l'air et de l'eau ont été insérées dans la loi - les nouvelles usines sont tenues à s'y conformer, mais non les plus anciennes - sauf s'il se présente localement des problèmes spécifiques.

En 1969, une décharge d'eaux résiduelles a provoqué une chute importante de la production de poisson dans le Fleuve Nun-chiang (Tsitsihon). Les eaux d'un grand réservoir près de Pékin ont été polluées par des effluents industriels qui ont donné mauvais goût au poisson. Ces incidents ont aidé les Chinois à comprendre l'importance d'une telle législation. Il a été remédié aux deux problèmes que nous venons de mentionner.

Toutefois, l'effort entrepris à une vaste échelle pour “domestiquer” la production constitue une autre source de préoccupation. Partout ailleurs, la conversion des bas-fonds marécageux en lacs de grande surface, en étangs piscicoles et en terrains cultivés est considérée comme une menace possible pour la qualité de l'eau car elle réduit la filtration naturelle et, en outre, la sauvagine, comme le poisson, a besoin de ces espaces pour se reproduire et parfois pour s'alimenter.

Bien que ces problèmes n'aient pas été discutés avec la Mission, les Chinois en paraissent conscients. Dans le lac Taihu, des bas-fonds humides et des marais utiles à la reproduction naturelle de plusieurs espèces de poisson ont été institués en réserves et ne peuvent être détruits, ni même pêchés.

Il semble toutefois que les Chinois préféreront trouver d'autres voies pour remplir le rôle écologique joué par les bas-fonds humides et les marécages (par exemple en ancrant des mottes d'herbe dans le lac Taihu). La conversion à grande échelle de marais en étangs, ou autres usages, continuera probablement.

4.4 Résumé et recommandations

Les méthodes d'exploitation des lacs et réservoirs chinois méritent d'être étudiées de près et même d'être imitées par certains Etats membres. Leur conception originale, proprement chinoise, est caractéristique du développement de ce pays. La façon d'aborder les problèmes est en général adaptée à son régime social et économique. Il est remarquable de constater comme les projets pourvoient exactement aux conditions et contraintes locales particulières et comment, à la manière des pièces d'un puzzle, chacun de leurs éléments vient prendre sa place en fonction des ressources et de l'organisation locales.

Aussi convient-il de regarder leur programme d'empoissonnement, fertilisation et pêche de toutes les eaux disponibles, dans le contexte de l'importance donnée à l'agriculture par la Chine qui y voit la clé de son développement; également, en fonction du programme global de production agricole qui traduit cette politique. C'est un système dans lequel, le cas échéant, on attend de l'industrie qu'elle fournisse les capitaux nécessaires aux investissements agricoles.

Même, ce qui est plus significatif, le rapport coût/bénéfice semble être évalué en fonction du développement général plutôt que sur la base d'un projet particulier. C'est ainsi que le coût de déblayage d'un réservoir près d'une ville ne sera pas mis en balance avec les recettes provenant de la vente du poisson supplémentaire, mais plutôt avec des facteurs tels que la consommation de poisson généralisée, la promotion de la production de porc, etc.

La régularisation des stocks de poisson dans les lacs et réservoirs, en les réapprovisionnant au moyen d'alevins élevés artificiellement, est un principe qui mérite d'être reconsidéré à la lumière de l'expérience chinoise. On notera que ce système est très pratiqué en Inde et dans d'autres pays d'Asie. Là où ce genre d'empoissonnement est proposé, il conviendra d'envisager tout particulièrement la possibilité d'aménager des zones annexes d'alevinage, interdites aux prédateurs, et des installations adjacentes pour la production d'alevins.

Il importe, pour les autres pays, de noter l'intérêt d'une exploitation intégrée de l'ensemble des ressources aquatiques. Cette pratique représente une évolution récente en Chine, mais déjà très remarquable. Les pays où l'expansion de la production de poisson d'eau douce constitue un élément important de leur développement devraient faire un effort particulier pour réussir dans leurs plans comme dans la pratique “le mariage de la ferme et du poisson”.


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