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3. AMENAGEMENT DES TERRES ET DES EAUX

3.1 Introduction

Nous développerons dans ce chapitre certaines observations faites par la Mission à propos de l'aménagement des terres et des eaux en relation avec l'aquaculture.

Dans toute la Chine, les mots d'ordre du président Mao, sur “l'irrigation, sang vital de l'agriculture” et “les céréales, maillons-clé du développement total, etc.”, sont fréquemment cités et la Mission a eu l'impression que ce ne sont pas seulement des slogans: les Chinois appliquent, en effet, tous leurs efforts à l'aménagement et à la fourniture, au moment voulu, de l'eau nécessaire à l'agriculture et à la pisciculture. Elle a pu également constater que, dans les zones rurales, la production agricole, l'élevage et la pisciculture sont effectivement intégrés. Une coordination aussi étroite repose sur l'approvisionnement en eau, dont la garantie est assurée par les projets de mise en valeur hydraulique et d'électrification des campagnes.

La Mission a aussi noté que les projets de conservation de l'eau, qu'ils soient réalisés ou en cours d'édification - réservoirs, endiguement, canaux ou fossés d'irrigation et de drainage, tiennent toujours compte de l'utilisation des plans d'eau pour l'aquaculture. Il est incontestable que celle-ci fait intégralement partie de l'agriculture. Mais, ce qu'il y a de plus remarquable, c'est que cette intégration est pratiquée au niveau même de l'exploitation par les paysans bénéficiaires des projets d'hydraulique.

En Chine, la terre et l'eau sont utilisés intensivement de manière à assurer à la vie rurale son développement total, par un accroissement de la production agricole englobant la pêche. Cette constation est, de loin, l'une des plus significatives qu'ait enregistrée la Mission.

La technologie suivie par la Chine n'est ni exceptionnelle, ni neuve: la plupart de ses méthodes ont été ou sont utilisées ailleurs. Mais la Chine, nous nous en sommes rendu compte, est l'un des rares pays qui appliquent massivement ces techniques relativement simples au niveau de l'exploitation.

Nombre de pays se proposent actuellement de mettre en valeur leurs ressources en terres et en eaux par la production agricole et la pisciculture. L'expérience chinoise montre dans quelle mesure l'aquaculture peut constituer un élément à part entière de l'agriculture. C'est pourquoi, les plans de développement de la terre et des eaux, au moment où ils sont préparés, conçus ou mis en oeuvre, ne devraient jamais dissocier la pisciculture de la production agricole qui, l'une comme l'autre, nécessitent un apport d'eau contrôlé et au moment voulu.

3.2 L'eau et ses utilisations

Les ressources en eau d'une nation, qui constituent évidemment un des facteurs essentiels de l'agriculture et de la pêche, dépendent des caractéristiques du climat et des précipitations, par conséquent des conditions des bassins versants. On trouvera dans les Tableaux 1 et 2 les estimations annuelles respectives, pour la Chine, du débit des principaux fleuves et des précipitations/ruissellement.

Ces tableaux montrent que la moyenne du ruissellement sur les principaux bassins hydrographiques est nettement moindre dans le nord que dans le sud. Vu ses ressources en eau plus abondantes, le sud est capable de soutenir à des niveaux plus intensifs la culture du riz et la pisciculture.

Le mode d'emploi estimé de l'eau dans les bassins du Yangeté et du Fleuve Jaune figure au Tableau 3.

Tableau 1
Débit des principaux fleuves chinois
(D'après van der Leeden, 1975)

Fleuve(A) Débit annuel (m3/an)(B) Superficie du bassinA/B (m3/km2/an)
Hai     15 × 1090,26 × 106  58 × 103
Jaune     48 × 1090,75 × 106  64 × 103
Hwai     42 × 1090,26 × 106162 × 103
Yangtsé1 020 × 1091,8   × 106567 × 103
Riv. des Perles   356 × 1090,42 × 106848 × 103
Totaux1 551 × 1093,4   × 106456 × 103

Tableau 2
Précipitation et ruissellement sur les principaux bassins hydrographiques chinois
(D'après van der Leeden, 1975)

 

Bassin Hydrographique

 
Superficie km2Précipitation moyenne annuelle mmRuissellement moyen annuel mmEvaporation moyenne annuelle mmCoefficient de ruissellement %
Sungari   523 580  512   14137127,6
Liao   219 000   465     7430115,9
Fleuve Jaune (Hwang Ho)   745 100   415     6535015,7
Fl. Jaune sup. (Lanchow)   216 190   427   14827935,0
Fen (Hochin)     38 650   471     5032111,0
Lo (Chuangt 'oul)     62 700   436     28408  6,5
Ching (Chiangchia Shan)     41 800   462     4741610,1
Wei (Hu Hsien)     63 550   573   14243125,0
Hwai   164 560   840   19864223,6
Yangtsé1 808 5001 050   56848254,1
Chinsha   502 050   662   32933350,0
Min   133 5701 100   72237865,6
Chialing   159 810   892   40848446,0
Wu     88 2201 135   58654952,0
Tungting   261 1301 445   85259359,0
Han  174 350   900   35654440,0
Poyang   158 6801 670   97169958,2
Ch'ient'ang     49 9301 650   94071057,0
Min     60 8001 7101 07463662,8
Han     29 7001 655   98267359,0
Riv. des Perles (Si Kiang)   437 2301 480   89059060,2
Tung     26 3001 7581 20355568,4
Pel     45 6001 8851 37051573,0
Si (Wuchow)   328 0001 370   77060356,0
Si sup. (Nanning)     74 3101 340   64664948,0
Total Chine9 597 000   650   28037043,1

Tableau 3
Utilisation de l'eau dans les bassins du Fleuve Jaune et du Yangtsé
(Source: Tojin Sha, 1964)

(Unité: 100 millions de m3)

Utilisation de l'eauFleuve JauneYangtséTotal
Non productive1  22,4  15,0  37,4
Industrielle et urbaine  12,8   12,8
Navigation  13,9    7,0  20,9
Irrigation233,0238,0471,0
Pêche  11,8   11,8
Total293,9260    553,9

1 L'utilisation de l'eau non productive comprend:
(a) 740 millions de m3 de pertes dans le lac Tung Pin
(b) 1 000 millions de m3 de pertes, provenant du Fleuve Jaune
(c) 500 millions de m3 de pertes, provenant de l'irrigation dans toutes les provinces
(d) 1 500 millions de m3 de pertes, provenant de la dérivation des cours du Han, du Chi et du Fleuve Jaune.

D'après ce tableau, l'eau utilisée pour la pêche représente environ 5 pour cent de celle servant à l'irrigation. Etant donné que les poissons ne consomment pas d'eau, la pisciculture dans les bassins et canaux d'irrigation est également encouragée: il y a là une voie à suivre pour les pays qui souhaitent mieux utiliser leurs ressources en eau.

3.3 Stratégie de la mise en valeur de la terre et des eaux

3.3.1 Grands programmes

La Chine donne à la conservation de l'eau la priorité absolue dans ses divers programmes de développement. Des investissements massifs, en crédits budgétaires et en main-d'oeuvre, ont été engagés à cette fin.

De l'avis des officiels chinois, il reste beaucoup à faire dans ce domaine. Dans la province de Hupei, par exemple, trente pour cent seulement des programmes hydrauliques ont été réalisés. Cependant, il n'est pas douteux que cette politique a recueilli des bénéfices tangibles. C'est ainsi qu'il n'y a eu aucune crue grave du Fleuve Jaune ou des autres grands cours d'eau depuis dix ans.

Ces mêmes personnalités ont souligné le fait que la stabilisation du débit des cours d'eau et du niveau des lacs, ainsi que la formation de nouveaux plans d'eau ont créé un environnement qui favorise la production agricole, particulièrement la pisciculture. Les paysans peuvent maintenant faire porter tous leurs efforts sur cette production, sans avoir à redouter les crues ou la sécheresse.

La production d'énergie hydroélectrique a multiplié l'électrification des secteurs ruraux, permettant ainsi, comme a pu s'en rendre compte la Mission, de mécaniser les opérations agricoles et piscicoles, particulièrement le pompage de l'eau grâce à l'emploi généralisé des pompes électriques.

Rappelons ici les principales étapes de la politique et de l'action gouvernementales en matière de contrôle et de développement hydrauliques, telles qu'on les a indiquées à la Mission:

1950–55Elimination des dommages les plus importants dûs aux inondations, par la restauration ou la construction de digues, ainsi que par l'augmentation de la capacité d'écoulement des cours d'eau au moyen de travaux de dragage.
1955–60Emmagasinage de l'eau, extension des superficies irriguées particulièrement dans le nord.
1960–65Efficacité de l'irrigation et productivité des périmètres irrigués accrues par l'installation de structures hydrauliques régulatrices dans les projets terminés. Amélioration de l'exploitation des réseaux d'irrigation, surtout en combinant drainage et irrigation. Extension de la production d'énergie hydroélectrique.
1965-Importance continue et accrue donnée au développement global, embrassant la lutte contre les inondations, l'irrigation, le drainage, l'énergie hydroélectrique et la navigation. Utilisation intensifiée des terres et des eaux, notamment par l'adduction d'eau au niveau des exploitations et par le remembrement des terres.

A la suite de ces mesures, entre 1950 et 1973, la Chine a réalisé une longueur de digues estimée à 130 000 km et un réseau d'irrigation s'étendant sur 28 000 000 ha. Actuellement la superficie irriguée est estimée à 44 000 000 ha.

3.3.2 Province de Hupei (à titre d'exemple)

Les entretiens que la Mission a eu avec les fonctionnaires du gouvernement provincial de Hupei lui ont permis de noter les étapes suivantes:

1949–53La lutte contre les inondations est alors prioritaire, avec la reconstruction des digues, particulièrement sur le Yangtsé et le Fleuve Hai. Au total, 7 000 km de digues, dont 1 200 le long du Yangtsé et 900 le long du Hai, ont été reconstruits.
1954–58Le développement de l'irrigation constitue l'objectif principal, avec construction de réservoirs et de réseaux de canaux; 5 000 à 6 000 barrages sont édifiés, commandant environ 30 pour cent des surfaces de captation de la province.
Après 1959Mise en valeur hydraulique polyvalente, comprenant la lutte contre les inondations, l'irrigation, la navigation, la production d'énergie hydroélectrique et la pêche.
Somme de réalisations à ce jour:Les digues, reconstruites ou nouvelles, s'étendent le long de 8 000 km de cours d'eau. Plus de 7 000 barrages, dont 32 de grande dimension, ont été construits. Il en est résulté une réduction appréciable des dégâts occasionnés par les inondations et une augmentation substantielle de la production d'électricité. Le développement de l'irrigation, qui intéresse environ 700 000 ha, contribue à l'amélioration des rendements: par rapport aux niveaux de 1949, le rendement actuel des céréales est 2,7 fois supérieur, celui du coton 8 fois.
Critères de l'aménagement:La lutte contre les inondations vise à prévenir les dommages de crues susceptibles de survenir une fois par siècle, tandis que les pompes des systèmes de drainage sont conçues pour faire face à des précipitations maxima, prévisibles une fois seulement tous les dix ou vingt ans. Quant aux déversoirs des barrages, leur section est souvent calculée pour écouler mille ans de pluies.
Travaux d'irrigation:L'irrigation par gravité prédomine en terrain accidenté, l'adduction d'eau par pompes étant très largement répandue en plaine. En montagne, de petits réservoirs couplés avec des bassins de retenue sont les sources principales d'alimentation. Actuellement, les réseaux d'irrigation sont conçus pour faire face à des sécheresses persistantes pendant 50 ou 100 jours.
Pêche:La promotion de la pêche fait toujours partie des prévisions en ce qui concerne les réservoirs, tandis que la pisciculture est constamment encouragée dans les petits étangs. La pisciculture fait également l'objet d'une attention particulière dans les canaux de drainage, mais pas dans ceux d'irrigation. Il en sera question plus en détail dans les paragraphes suivants.

3.3.3 Intégration des grands programmes et des travaux à petite échelle ou au niveau de l'exploitation

Si la Mission a noté le rôle déterminant que les grands programmes d'aménagement hydraulique, évoqués précédemment, jouent dans la stabilisation et dans l'accroissement de la production, agricole ou piscicole, elle a également pu apprécier la part qui revient aux projets de conservation de l'eau à petite échelle, mis en oeuvre par les communes populaires, les brigades et les équipes de production. Au cours de son séjour, elle a visité de nombreux projets modestes de ce genre, tels que construction de petits réservoirs, bassins, stations de pompage et canaux. Le spectacle de séries de petits réservoirs et d'étangs reliés ensemble par les réseaux d'irrigation dans les régions accidentées de la province de Honan est vraiment impressionnant. Vus d'avion, on dirait un chapelet de citrouilles égrenées le long de leur tige.

La politique chinoise en matière de conservation des eaux consiste à exécuter simultanément des travaux d'échelle diverse (grande, moyenne et petite, celle-ci au niveau de l'exploitation), afin de tirer des avantages intégrés de ces différents projets. L'Etat réserve ses investissements aux programmes-clés, tandis qu'il encourage les communes populaires (et leurs dépendances) à mettre sur pied des projets à leur niveau ou à celui des exploitations, qui mobilisent la population: ainsi, l'eau disponible grâce aux grands travaux est immédiatement utilisée pour les cultures et la production de poisson.

Dans la zone deltaïque du Yangtsé et de la Rivière des Perles, la Mission a remarqué de nombreuses petites stations de pompage, dont certaines mobiles, qui avaient été construites par les communes. Reliées aux grosses stations et structures hydrauliques d'Etat, elles forment de vastes réseaux d'irrigation et de drainage qui participent à la rizipisciculture.

Il est malheureusement trop fréquent de voir dans d'autres pays de puissants systèmes d'irrigation rester inemployés des années après leur achèvement, simplement par manque de réseau de distribution de l'eau sur les exploitations, faute d'avoir intégré le fonctionnement d'ensemble du système.

La Mission a été vivement impressionnée par l'intégration des projets-clés aux systèmes d'irrigation à petite échelle (au niveau des exploitations), édifiés et opérés par les paysans eux-mêmes. A son avis, c'est là un domaine qui devrait donner lieu à une étude approfondie et où les Etats membres de la FAO pourraient tirer des enseignements profitables, en s'inspirant de la méthode chinoise et en l'appliquant dans leurs propres pays.

3.4 Réservoirs et bassins de retenue

Comme bien d'autres pays, la Chine construit ses barrages, réservoirs et retenues, avant tout pour régulariser le ruissellement ou le débit fluvial et pour emmagasiner de l'eau à des fins agricoles, industrielles et urbaines. Mais les plans d'eau ainsi créés sont intensivement utilisés en Chine pour la pisciculture.

La Mission a eu l'occasion d'observer différents types de barrages à la Foire agricole de Shanghai. Du point de vue technique, la conception et la construction semblent suivre les mêmes méthodes que celles pratiquées ailleurs. Un grand nombre de ces barrages, particulièrement les petits et les retenues, sont du type barrage-poids et sont construits par mobilisation de la main-d'oeuvre locale.

Du point de vue de la pêche, le nivellement et le nettoyage des fonds valent d'être signalés. Dans la plupart des réservoirs construits avant 1958, alors que le temps pressait à la fois pour régulariser les crues et créer des réserves d'eau, les fonds des retenues étaient rarement déblayés avant leur remplissage. Pour faciliter la récolte du poisson, les fonds des petits réservoirs que l'on construit aujourd'hui sont non seulement faucardés, mais dessouchés. Dans quelques-uns, le fond est même nivelé. Nous en parlerons plus loin.

En ce qui concerne les réservoirs, la Chine en a construit plus de 280 de grande capacité (supérieure à 108 m3), 1 800 de capacité moyenne (107 à 108 m3) et d'innombrables de petite taille (105 à 107 m3 de capacité). De même, on ne compte pas les bassins de retenue de capacité inférieure à 105 m3. Les réservoirs édifiés après la Libération sont au nombre de 250 pour les gros, 1 300 pour les moyens et 11 000 pour les petits (correspondant à des barrages de plus de 15 m de haut).

La productivité de la pêche à l'hectare est d'autant plus forte que la superficie du plan d'eau et sa profondeur sont plus réduites. Comme les réservoirs importants et moyens sont souvent construits dans des endroits écartés, ce sont ceux de petite capacité, ainsi que les retenues et étangs qui offrent les meilleures possibilités à la pisciculture. En particulier, les étangs situés près des villages et des terres cultivées sont les mieux adaptés.

Le paysan chinois paraît bien familiarisé avec les principes de l'irrigation par gravité. Il a également accumulé une expérience considérable dans la construction et l'utilisation de petits étangs.

La Mission a pu observer avec intérêt l'exploitation intégrée des séries de réservoirs et de bassins ou étangs, reliés entre eux par un réseau de canaux. Ainsi, l'eau issue des grands réservoirs est envoyée dans des retenues plus petites ou dans des bassins pour alimenter la réserve nécessaire à l'irrigation et à la pisciculture. Dans ce dernier cas, a-t-il été précisé, on maintient le plan d'eau à une profondeur minimum: par exemple 3 m en été et 1,8 l'hiver.

En plus des réservoirs et bassins qui emmagasinent l'eau, les barrages de retenue ont une fonction particulière. La construction de ces barrages constitue l'une des méthodes traditionnelles pour prévenir ou minimiser l'érosion en terrain accidenté. Ceci, en partie pour retenir l'eau, mais l'objectif principal est de récupérer de nouvelles terres de culture dans le lit des rivières, derrière les barrages, par précipitation et sédimentation de limon riche en éléments fertilisants. Aussi, prévoit-on la construction de ces barrages de consolidation en travers d'un seul bassin versant de petite dimension. En général, on installe ainsi de 8 à 14 petits barrages en terre remblayés (de 6 à 10 m de haut) par km2. Puis, on crée en aval la série de petits réservoirs ou bassins, d'autant plus utilisables pour la pisciculture qu'ils sont à proximité immédiate des terres de culture récupérées et, donc, d'un accès facile pour les paysans.

3.5 Lacs naturels

La campagne chinoise est parasemée de lacs, non seulement dans les plaines chaudes et humides de l'est, mais aussi dans les régions montagneuses et froides de l'ouest. Environ 130 lacs ont une superficie supérieure à 100 km2, localisés surtout dans les biefs moyen et inférieur du Yangsté.

Dans le sud-est du pays, les lacs sont pour la plupart constitués d'eau douce. Reliés aux réseaux hydrographiques principaux, ils jouent un rôle très important pour l'irrigation, la navigation et la pêche.

Autrefois, a-t-il été signalé à la Mission, les eaux des lacs n'étaient pas régularisées. Une utilisation irrationnelle des lacs et des bassins versants était souvent la cause de crues dévastatrices ou de sécheresse. Depuis 1949, la régularisation et l'aménagement des lacs ont requis l'attention du gouvernement, qui a institué une réglementation et entrepris des travaux visant à:

  1. stabiliser le niveau des lacs afin de promouvoir l'agriculture, la pêche, la navigation et les activités récréatives;

  2. améliorer la fonction régulatrice des lacs contre les fortes chutes de pluie sur les bassins versants, comme élément de l'aménagement général de ces derniers.

A cet effet, un certain nombre de dispositifs hydrauliques, avec pompes, sont installés le long des lacs et sur le périmètre des bassins versants. On peut voir des exemples de ces ouvrages régulateurs au lac Taihu, dans la province méridionale de Kiangsu, où la Mission s'est rendue le 7 mai 1976. Ce lac s'étend sur 2 250 km2 et a 393 km de rives.

Le lac Taihu faisait partie, à l'origine, d'une mer peu profonde. L'ingression de cordons de sable dans le Yangtsé et le long du littoral a isolé le lac actuel, qui se déverse dans le Yangtsé par 42 effluents.

Dans le passé, l'aménagement des cours d'eau dans la région du lac Taihu avait reçu quelque attention, car ils étaient utilisés pour le transport. Mais, depuis la guerre de l'opium en 1840 jusqu'en 1949, les conditions s'étaient dégradées: la superficie du lac avait été considérablement diminuée au moyen de digues, pour les besoins de la riziculture, ce qui avait naturellement abaissé d'autant le volume d'eau emmagasiné. D'autre part, le mauvais entretien des rivières reliant le lac au Yangtsé avait réduit leur capacité de drainage, surtout par suite de la sédimentation; si bien que le territoire autour du lac avait souvent souffert d'inondations.

Dix-huit réservoirs ont été construits après 1949 et des structures hydrauliques ont été installées sur 300 petits lacs environ, dans le périmètre du bassin versant, pour régulariser le ruissellement dans le lac Taihu. Parallèlement aux travaux d'aménagement du bassin versant, les déversoirs dans le Yangtsé ont été améliorés par dragage des fonds, endiguement, pose de vannes et de pompes à drainer. De nombreuses stations de pompage ont été construites pour amener l'eau sur les terres de culture et dans les étangs à poisson.

Ce système global de régularisation du lac a stabilisé le niveau de l'eau (±1 m). En même temps qu'un aménagement coordonné des lacs, réservoirs, canaux et structures hydrauliques, ces ouvrages ont permis d'utiliser rationnellement les ressources en terre et en eau de la région, pour l'agriculture, la pêche, la navigation et les activités récréatives.

La Mission n'a pas été en mesure d'obtenir des informations ni des données sur les systèmes d'aménagement hydraulique du lac et de son bassin versant. Il semble que le fonctionnement intégré et systématique des nombreuses installations soit assez compliqué.

Le sujet mériterait cependant d'être étudié en détail.

3.6 Canaux et ruisseaux

La Mission a retenu que dans la plains deltaïque, où la pente des canaux d'irrigation est presque nulle et la vitesse du courant relativement faible (0,1–0,3 m/sec), la pisciculture se pratique sans alimentation artificielle.

Dans cette basse région, où le riz constitue la culture irriguée principale, les canaux et ruisseaux servent à la fois pour l'irrigation et le drainage, souvent aussi pour la navigation. Ils sont habituellement en eau toute l'année, ce qui offre de bonnes conditions pour la pisciculture. Comme ces canaux reçoivent les eaux résiduelles des terres de culture et des municipalités voisines, ils contiennent en général une masse considérable de plancton. La pisciculture intensive permet d'approvisionner régulièrement ces canaux en alevins.

Les canaux sont souvent reliés aux rivières principales ou aux lacs par des vannes, parfois pourvues de pompes. Celles-ci fonctionnent de manière à régler le niveau dans les canaux et ruisseaux, afin de permettre un régime des eaux suffisant pour l'irrigation et le drainage. On tient compte cependant également de la pisciculture et de la navigation. L'irrigation se fait surtout par pompage, qui n'a pas d'effet sur la pisciculture à condition d'installer des barrières à poisson autour de l'aspiration. Il paraît que ces barrières sont souvent cause de problèmes pour la navigation dans les canaux et ruisseaux: aussi, utilise-t-on maintenant des barrières mobiles que l'on peut rapidement déplacer, ou des barrières qui laissent un passage libre pour les embarcations.

D'autre part, les canaux d'alimentation des exploitations pour l'irrigation ne sont en général pas utilisés pour la pisciculture, a-t-on précisé à la Mission. Ce qui est normal, car leur débit varie selon les besoins en eau et ils doivent aussi être souvent vidés pour les travaux d'entretien.

De plus, leur profil est souvent conçu de façon à opposer la moindre surface au courant qui, pour des raisons d'économie, doit être aussi rapide que possible. Si bien que, souvent:

Des travaux réguliers d'entretien sont effectués, afin de maintenir au niveau souhaité la capacité hydraulique des canaux et ruisseaux, qui comprennent l'excavation du fond et le faucardage. La Mission a souvent constaté que les coupes d'herbes aquatiques et la vase extraite sont restituées aux champs comme engrais organiques. L'efficacité des poissons herbivores (comme la carpe herbivore) pour nettoyer les canaux a été indiquée à la mission, mais sans qu'on lui ait communiqué de détails techniques. Cette question mériterait d'être étudiée plus à fond, étant donné l'intérêt manifesté à cet égard par certains Etats membres de la FAO.

3.7 Système d'adduction d'eau aux exploitations

Dans les endroits où co-existent les étangs à poisson et les terres cultivées, les réseaux d'irrigation au niveau des exploitations servent souvent à alimenter en eau les étangs. Ceci, particulièrement dans les bas-fonds où l'adduction d'eau se fait surtout par pompes. L'eau est élevée et déversée dans des fossés qui desservent à la fois les champs et les étangs.

Habituellement, les rizières sont continuellement irriguées, tandis que l'eau n'est amenée dans les étangs piscicoles que lorsque le niveau descend au dessous d'une certaine limite (50 cm, par exemple, au dessous des pleines eaux). Il faut une quantité d'eau supplémentaire pour remplir les étangs après vidange, laquelle se fait généralement l'hiver quand on répare les étangs. La Mission n'a eu aucun détail à ce sujet, mais on peut penser que l'adduction d'eau est programmée de manière à réduire au minimum les besoins de force électrique.

Les revêtements de brique ou de ciment sont les plus utilisés, mais on se sert aussi parfois de flumes de ciment préfabriqués.

Là où l'on ne veut pas perdre un pouce de terre, on se sert de canalisations souterraines, que l'on enfouit sous les chemins d'accès à l'exploitation, de manière à ne pas empiéter sur les terrains de culture. Un exemple en a été observé sur la commune populaire de Chen-tung, près de Shanghai. La Mission a estimé que ce système contribue à augmenter le rendement de l'irrigation en réduisant les pertes par infiltration sur le parcours de distribution de l'eau. Toutefois, il semble que l'introduction d'engins lourds dans l'agriculture mécanisée doive obliger à employer des canalisations plus fortes, nécessitant un enfouissage plus profond.

3.8 Etangs piscicoles

La Mission a eu l'occasion de voir un certain nombre d'étangs piscicoles, construits et gérés par les communes ou par des organismes d'Etat. Les conditions matérielles varient selon leur emplacement et leur exploitation piscicole, comme nous le verrons plus loin dans le paragraphe 5.4.

Les critères de conception décrits ci-dessous sont extraits de “La pisciculture en eau douce”, ouvrage rédigé par l'Institut de recherche aquicole de Chanquan, publié en chinois par Nongguo Publishing Company en 1974.

Alimentation en eau

La disponibilité à bas prix d'eau abondante et de qualité constante est la condition fondamentale préalable à tout projet de construction d'étang piscicole. Toutefois, il vaut mieux édifier ces étangs le long de cours d'eau, lacs ou canaux qui garantissent l'approvisionnement.

Si l'on s'efforcera d'obtenir une prise et un écoulement d'eau par gravité, il est cependant nécessaire de prévoir des dispositifs élévateurs pour faire face aux variations de niveau.

Plan d'eau

Une vaste surface d'eau est souhaitable. Plus vaste est le plan d'eau, plus fort est l'effet du vent qui augmente la teneur en oxygène dissous et favorise le mélange des couches supérieures et inférieures. La moyenne habituelle est de 0,7 ha (10 mu).

Profondeur

D'après l'expérience des Chinois, la profondeur optimale est de 2 à 3 m. Au dessous de 3 à 4 m, on a constaté que l'activité de la photosynthèse n'est pas suffisante pour tenir oxygénées les couches profondes, la température s'abaisse et l'eau contient moins de plancton.

Autres conditions

Autant que possible, il faut éviter la présence de forêts denses ainsi que de bâtiments élevés autour des étangs, de façon à ne pas faire écran au soleil ni au vent.

Il est préférable que l'étang ait sa plus grande longueur dans le sens est-ouest, pour bénéficier d'une plus longue insolation.

Dimensions et forme

Une forme rectangulaire de 2:1 ou de 3:2, comme proportion, est recommandée pour l'étang. On décide de la largeur du couronnement des berges selon l'utilisation, mais on adopte en général 1,5–2,0 m, davantage (2,5–3,5 m) si l'on doit prévoir le passage de véhicules.

La pente des berges dépendra de la stabilité du sol, mais, habituellement elle est de 1:1,5. Le fond est pratiquement horizontal. Lorsque l'entrée et le déversoir sont situés à des endroits différents, il peut être nécessaire de donner une pente de 1:200–1:300 du côté-entrée au côté-déversoir.

Sol

On évite autant que possible les sole perméables. Lorsqu'on ne peut pas faire autrement il faut alors empêcher les infiltrations, par compactage du sol, revêtement à l'argile, à la chaux, aux films de plastique et à l'asphalte.

Emplacement

Pour des raisons économiques et d'opportunité, il est préférable d'installer des étangs dans des terrains saturés d'eau ou sur des terres marginales. Il faut veiller à l'effet des crues et aux commodités de transport.

Caractéristiques de différents étangs

Voici quelques types de bassins sur l'exploitation piscicole de Tungshan (province de Kiangsu):

Utilisation de l'étangSuperficie (mu)Profondeur (m)Proportion du plan d'eau
Réserve d'eau
3–5  3–4 
Poissons adultes
4–103–47
Jeunes poissons
3–5  2–3,52
Jeunes alevins
1–3  1,5–21

3.9 Rizières

La pisciculture dans les rizières n'est pas aussi développée que dans les lacs ou étangs: certains paysans, seulement, la pratiquent pendant la croissance du riz et hors saison. La Mission n'a pas pu obtenir de renseignements directs et ceux qui suivent sont extraits de la documentation mentionnée au paragraphe précédent.

L'expérience de la rizipisciculture a démontré aux Chinois que:

3.9.1 Modifications de la rizière pour la pisciculture

Les billons des rizières doivent être hauts et stables, de 35 à 45 cm plus élevés que les billons normaux et larges de 30 cm environ. Les billons doivent être compacte pour empêcher les poissons de s'échapper et éviter les fuites d'eau.

Souvent aussi, on creuse une partie du champ assez profondément pour retenir les poissons. Ces fosses, profondes de 60–90 cm, occupent une superficie qui varie entre 1–2 pour cent de celle de la rizière.

Les rizières utilisés pour la pisciculture sont ceux où l'irrigation et le drainage ont été aménagés. Aussi les entrées et sorties d'eau sont-elles protégées par des grilles qui empêchent le poisson de s'échapper.

3.9.2 Pisci-riziculture

Les alevins sont mis dans les rizières une semaine environ après le repiquage et y restent jusqu'après la récolte. La densité de stockage varie de 3 000 à 9 000 poissons/ha (200–600/mu), selon la fertilité des sols. Sans alimentation d'appoint, les poissons de 9 à 12 cm (carpillons et tilapia) sont souvent stockés à la densité de 3 000 à 4 500/ha (200–300/mu).

Il arrive cependant que les poissons sont alimentés intensivement. Dans la province de Kwangtung, par exemple, une brigade cultive 2,7 ha (40 mu) pour le riz et le poisson. Elle récolte environ 4 500 kg/ha (530 jin/mu) de riz à la première récolte, 5 250 kg (700 jin/mu) à la seconde en plus de 935,5 kg de poisson (125 jin/mu). La brigade consacre aussi 0,4 ha (6 mu) de la rizière à la pisciculture intensive, en ajoutant journellement 175 kg (350 jin) de fumier de porc et de bovin comme fertilisant et 200 kg (400 jin) de fourrage vert comme nourriture. La récolte, de riz comme de poisson, semble avoir été excellente.

3.9.3 Gestion de l'eau et des inputs agricoles

La rizipisciculture, précise-t-on, exige que l'on surveille attentivement la mise en eau du champ et les fuites éventuelles de poisson, ainsi que l'intrusion de canards et de poissons prédateurs. Egalement, il faut s'assurer que l'eau ait une profondeur suffisante et que sa température ne dépasse pas 31°C. On y parvient en irriguant avec de l'eau courante plus froide.

En ce qui concerne la fertilisation, l'application d'engrais chimique ne doit pas dépasser 30 kg/ha (2 kg/mu) et par jour, dit-on.

Quant aux insecticides, on les emploie avec beaucoup de prudence afin d'éviter leurs effets nuisibles sur les poissons. Quand on ne peut éviter d'appliquer de fortes doses, on recueille au préalable les poissons que l'on remet dans le champ lorsque la toxicité a diminué à une teneur tolérable.

Dans beaucoup de cas, moins l'eau dans la rizière est profonde, plus le rendement en paddy est élevé et, naturellement, moins les besoins d'eau sont grands. Très souvent, la rizière réclame un drainage intermittent, particulièrement lors des dernières façons, afin d'éviter les conséquences fâcheuses dues à la réduction des substances organiques que favoriserait une submersion prolongée. L'eau peu profonde et le drainage intermittent rendent difficile la pisciculture dans les rizières, sinon impossible.

Une solution consisterait à élargir la superficie et la profondeur des fosses à poisson, bien que cela puisse diminuer la surface cultivée. De plus, l'irrigation à l'eau courante pour empêcher la température de devenir trop élevée est souvent au détriment de son efficacité. Ce sont des inconvénients qu'on ne devra pas négliger quand on recommandera de pratiquer la pisciculture dans les rizières.

3.10 Dispositifs élévateurs de l'eau

La Mission a vu fonctionner plusieurs pompes de forte puissance. Par exemple, la station de pompage de Pai-Tan, dans la province de Hupei, compte quatre jeux de pompes axiales, d'une capacité de 8 m3/sec/pompe, à 8 m de hauteur piézométrique.

A l'occasion de sa visite de la Foire agricole de Shanghai, la Mission a appris que des pompes de très grande puissance sont installées sur beaucoup de projets de conservation des eaux. Elle a eu le sentiment que la Chine est aujourd'hui capable de manufacturer et d'installer tous les types de pompes: les petites pompes qui sont largement répandues dans les campagnes pour alimenter en eau les exploitations et les étangs sont, pense la Mission, fabriquées localement.

La pisciculture est, en majeure partie, pratiquée dans les basses plaines deltaïques. Là, le niveau de l'eau dans les canaux et les ruisseaux est fréquemment au dessous de celui des terrains environnants. Par conséquent, il est indispensable d'avoir des dispositifs élévateurs à la fois pour l'irrigation et pour alimenter les étangs, mais également quand ceux-ci sont vidés.

Les dispositifs traditionnels, tels que la roue ou “dragon” hydraulique ont été vus ici et là par la Mission, mais l'emploi des pompes électriques est maintenant généralisé. A l'occasion de sa visite de la commune populaire de Chen-Tung, près de Shanghai, elle a appris que l'alimentation en eau du périmètre se faisait naguère à l'aide de la traction animale, au moyen de roues élévatrices qui utilisaient environ 400 animaux. Ces “noria” ont été remplacées en 1958 par 21 pompes électriques; cependant, la Commune conserve les vieux dispositifs ainsi que le bétail, pour parer à toute éventualité. Au cours des entretiens avec les représentants de la Commune, la Mission a eu l'impression que celle-ci accorde une attention particulière à l'entretien des pompes: vingt et une, lui a-t-on dit, sont en bon état de fonctionnement et la Commune dispose des pièces de rechange nécessaires. Il est à noter que chaque secteur rural est électrifié, ce qui constitue évidemment la clé du développement rapide de l'irrigation et de la pisciculture par pompage. Les plus couramment utilisées sont des pompes mobiles à faible refoulement (de 1 à 3 m, avec un débit estimé à 2 ou 4 m3/min). Très souvent, ces petites pompes sont transportées par bateau jusqu'au point à irriguer. La pompe fonctionne soit à l'électricité disponible sur place, soit avec le moteur Diesel (généralement de 10 CV) de l'embarcation.

3.11 Remembrement des terres

Le remembrement des terres, nivellement compris, a pour objectif premier, a-t-on dit à la Mission, d'accroître la productivité de la terre et de la main-d'oeuvre. Le travail consiste à niveler et à remodeler les parcelles (en leur donnant une forme rectangulaire, le plus souvent), à les équiper de réseaux d'irrigation et de drainage, ainsi que de routes d'accès.

Dans la majorité des périmètres de pêche, tels que le delta de la Rivière des Perles dans la province de Kwangtung, les étangs occupent une partie considérable des terres, entre 30 et 60 pour cent. Le remembrement, par conséquent, englobe les étangs ou le plan d'eau. Dans la Commune populaire de Le Liu (district de Shun-ta), par exemple, 50 pour cent de la superficie sont occupés par des étangs, mais tout l'ensemble - terres et eaux - a été remembré. Il en est résulté que le nombre des étangs épars et de forme irrégulière a été fortement réduit et qu'ils ont été remplacés par des étangs réguliers dans des blocs rectangulaires de 60 × 90 m. En tout, le nombre des étangs est passé de 9 743 à 4 877, mais leur superficie totale n'a pas changé.

Entre les étangs, la terre utilisée pour la culture a été également remodelée et un réseau d'irrigation a été aménagé dans le même temps. Cette intégration a été vraiment spectaculaire.

Un tel remembrement des champs et des étangs piscicoles, associé à la mise en place d'ouvrages de régularisation des eaux, a très nettement accru la productivité de la terre, des eaux et de la main-d'oeuvre, car la culture et la pêche dans des parcelles de forme régulière ont un bien meilleur rendement. En même temps, l'adduction et l'application d'eau se font au moment opportun. Enfin, ce qui n'est pas moins important, le transport des inputs et des produits agricoles est assuré de manière efficace grâce aux routes d'accès et aux cours d'eau navigables.

Les techniques utilisées en Chine sont en grande partie identiques à celles en usage dans les autres pays. Mais ce qui est exceptionnel ici, c'est la mobilisation des masses pour les travaux de terrassement.

D'évidence, une des principales raisons des facilités qu'a la Chine pour exécuter rapidement et à une aussi vaste échelle le remembrement des terres tient au système de propriété. Comme la terre et les étangs appartiennent à l'Etat ou aux communes, les décisions de remodelage et réallocation des champs ou des étangs ne sont pas sujettes aux atermoiements juridiques comme dans la plupart des autres pays.

3.12 Passes à poisson

En général, les structures hydrauliques édifiées en travers des cours d'eau, telles que petits barrages de dérivation et ouvrages de régularisation en amont, sont équipées d'échelles à poissons, pour ne pas empêcher leur migration. Des passages à poisson sont aussi aménagés à l'intérieur des vannages. En ce qui concerne les grands travaux, c'est le département de la Conservation des eaux qui en dresse les plans et qui assure leur installation en consultation avec les organismes responsables de la pêche. L'expérience du Hwai a été mentionnée à la Mission, à titre d'illustration de l'importance attachée par le gouvernement à ces dispositifs.

Un barrage avait été construit en 1956–57 en travers de l'estuaire de ce fleuve, pour régulariser les crues et s'opposer à l'ingression de l'eau de mer dans la zone deltaïque, ainsi que pour emmagasiner une réserve d'eau douce. Une fois l'ouvrage terminé, on s'est aperçu que la migration des crabes et des mulets était arrêtée, entraînant inévitablement une chute de la production. En 1965, la commune de pêcheurs de Tung-kou ne récoltait plus que 100 à 150 kg (200 à 300 jin) de crabes par jour et 50 kg (100 jin) par embarcation - contre 3 000 à 4 000 kg par jour de crabes (6 000 à 8 000 jin) et 1 250 kg (2 500 jin) de mulet par embarcation, en 1955.

Une équipe spéciale, chargée de dresser les plans de passes à poisson, a été constituée en 1965. Elle en a étudié l'emplacement, le modèle, la capacité, la vitesse d'écoulement et la profondeur adéquates, en synchronisme avec le fonctionnement des vannes.

Une passe à poisson a ainsi été construite en 1966, qui a rétabli la migration aisée des jeunes. De plus, le fonctionnement du système de vannage a été amélioré, permettant un accroissement des captures de crabes et de mulets. Plus de 15 000 kg (30 000 jin) de crabes par jour ont été pêchés en 1972.

La Mission n'a pas obtenu de renseignements techniques sur la construction de cette passe à poisson. Une étude détaillée de l'expérience chinoise à cet égard devrait retenir l'attention, estime la Mission, car souvent les Etats membres de la FAO négligent de coordonner la conception de ces échelles ou passes, en fonction de l'emplacement et des structures hydrauliques.

3.13 Résumé et recommandations

3.13.1 Résumé

La Chine attache la plus grande importance à l'utilisation totale et intensive des ressources en terre et en eaux par l'agriculture et la pêche. Les gens qu'a rencontrés la Mission ont, à tous les niveaux, insisté sur le rôle clé de l'approvisionnement en eau, sûr et régulier, concurremment avec un drainage effectué en temps utile, qui conditionne le succès des opérations agricoles et piscicoles. Mais l'un des facteurs majeurs qui y contribuent est dû à l'électrification de tous les secteurs ruraux.

Ce qui constitue le fait le plus frappant en Chine, c'est l'emploi au niveau de l'exploitation, par les paysans, des techniques permettant une utilisation efficace et intensive des ressources en terre et en eaux; techniques qui ne sont nullement très sophistiquées, mais réellement autochtones et extrêmement pratiques.

Les plans d'eau créés ou élargis pour les besions de l'irrigation et du drainage sont invariablement utilisés pour la pêche et pour la reproduction du poisson.

L'humus des fonds d'étangs ou de ruisseaux, une fois ceux-ci excavés pour en maintenir les caractéristiques hydrauliques, est recueilli et restitué aux terres cultivées pour en fertiliser le sol; système parfaitement naturel et qui du point de vue écologique, apparaît comme très sain.

Les programmes de remembrement englobent à la fois les champs cultivés et les étangs piscicoles.

Les réseaux d'irrigation et de drainage sont tracés de manière à desservir aussi bien les cultures que l'aquaculture, et aussi la navigation.

Bref, les projets d'irrigation et de drainage sont conçus et exécutés pour assurer le plein emploi des ressources en terre et en eaux.

3.13.2 Recommandations

D'autres pays ont accompli de grandes réalisations, certes, avec des ouvrages gigantesques nécessitant des techniques fort complexes de génie civil et d'énormes capitaux. Mais les pays en développement ont sans doute intérêt à étudier d'abord, et de plus près:

  1. les projets de mise en valeur hydraulique à petite échelle, tels qu'ils sont conçus, exécutés et gérés en Chine par les paysans eux-mêmes, au niveau de la commune ou de l'exploitation, pour un coût minimal, grâce à l'emploi exclusif des ressources et des matériaux locaux;

  2. l'exploitation intégrée des ressources en terre et en eaux pour la production intensive, agricole comme aquicole, au niveau des exploitations (commune ou brigade);

  3. les techniques de production agricole, d'élevage de pisciculture et de pêche, adoptées et exécutées par les paysans en totale intégration.

A cet effet, la Mission recommande:

  1. Aux personnalités haut placées des Etats membres d'effectuer un voyage d'étude d'un mois, qui leur permettra de se faire une idée générale des modes de pensée des Chinois, ainsi que de leurs résultats, et d'identifier les sujets justifiant des études de détail et la formation nécessaire pour leurs ressortissants.

  2. D'envoyer se former “sur le tas” des agents techniques, vulgarisateurs et exploitants, à l'échelon de la commune ou de la brigade pendant trois à six mois.

  3. D'organiser dans les Etats membres des projets pilotes de démonstration, avec formation, dirigés par des techniciens et des paysans chinois.


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