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XIII. EXPLOITATION FORESTIERE ET ENVIRONNEMENT, DU POINT DE VUE NOTAMMENT DE LA PROTECTION DES SOLS ET DES COURS D'EAU DANS LA FORET TROPICALE HUMIDE

par

D.A. Gilmour 1/

1. INTRODUCTION

Les forêts procurent à l'humanité un certain nombre de ressources, le bois n'étant que l'une d'entre elles (considérée comme la Plus importante dans beaucoup de régions forestières). Les autres grandes ressources assurées par les forêts sont l'eau, les fourrages, la faune sauvage et les loisirs. Dans certaines circonstances, une ou plusieurs de ces ressources peuvent être plus importantes que le bois, ce dont les pratiques d'aménagement des forêts doivent tenir compte. L'aménagement des terres forestières en vue d'exploiter ces cinq ressources fondamentales s'appelle "aménagement polyvalent".

Lorsque les ressources naturelles existent en abondance et que la population est clairsemée, l'aménagement polyvalent ne s'impose pas; mais quand un nombre croissant d'individus doit compter sur un niveau de ressources inchangé ou en diminution, il devient nécessaire d'utiliser les ressources disponibles de la manière la plus rationnelle.

Quand on met en oeuvre un système d'aménagement polyvalent, il surgit inévitablement des conflits entre les diverses utilisations, c'est-à-dire entre l'exploitation du bassin versant pour ses ressources hydrauliques et pour son bois. Dans le cadre d'un aménagement polyvalent, il est rarement possible d'obtenir un rendement optimal d'une ressource donnée en raison des concessions qu'il faut faire pour tenir compte des autres. Néanmoins, correctement appliqué, il assurera au public le maximum de profit total grâce à l'utilisation de toutes les ressources.

La récolte du bois entraîne un certain nombre de modifications dans l'environnement et ces dernières années on a fait valoir ces seuls arguments pour critiquer l'exploitation forestière et les pratiques sylvicoles accusées d'avoir provoqué une altération du milieu naturel. C'est pourquoi il est important, d'un certain nombre de points de vue, que les opérations forestières aient un minimum de répercussions sur l'environnement.

1/ Service Forestier, Atherton, Queensland, Australie.

La présente communication traite des méthodes de protection des sols et des cours d'eau pendant et après les opérations de débardage, de l'efficacité de certaines de ces méthodes et de quelques uns des problèmes rencontrés quand on veut modifier les techniques d'exploitation courantes. Les exemples proviennent d'une zone de forêt humide du Queensland nord (climat tropical humide, avec une moyenne pluviométrique de 2700 millimètres).

2. DOMMAGES CAUSES PAR L'EXPLOITATION FORESTIERE

L'exploitation des forêts peut entraîner un certain nombre de modifications de l'environnement dont les principales sont les suivantes:

 

(a) Erosion suivie d'un envasement des cours d'eau et des réservoirs.

(b) Modification du régime hydrographique (quantité, qualité et périodicité) et augmentation des températures de l'eau des rivières.

(c) Altération de l'environnement qui sert d'habitat aux animaux et aux oiseaux, par modification de la composition en essences de la forêt et par destruction des lieux d'abri et de nidification.

Comme indiqué dans l'Introduction, la présente communication est axée sur les méthodes qui permettent de contenir l'érosion et l'envasement dans les limites minimales.

L'abattage des arbres n'entraîne pratiquement, en lui-même, aucune perturbation du sol. Les problèmes commencent quand on enlève les arbres. En, d'autres termes, ce sont les routes et les pistes de débardage (glissoirs pour les grumes) qui sont potentiellement à l'origine d'un ruissellement superficiel excessif et de l'érosion.

L'importance de l'érosion qui suit le débardage dépend (dans une certaine mesure) de la quantité de sol mis à nu, qui varie selon le système d'exploitation. Rice et ses collaborateurs (1) ont constaté que, dans le nord-ouest des Etats-Unis, la surface de sol dénudé après exploitation variait de 1 à 2 pour cent pour une coupe à blanc-étoc débardée par hélicoptère à 25 pour cent pour une coupe sélective par groupes. Des études effectuées dans le Queenslasnd-Nord en Australie ont montré qu'après chaque débardage sélectif avec tracteurs, 18 à 21 pour cent de la superficie sont occupés par les pistes de débardage (Archives du Queensland Forestry Department, Atherton). Soixante-dix pour cent environ de cette superficie seraient des sols nus.

Il faut toutefois se souvenir que de nombreuses essences nécessitent un sol nu pour se reconstituer et c'est pourquoi un dénudement avisé de la surface du sol peut représenter une pratique de régénération souhaitable.

Une fois que le sol est exposé au bombardement des gouttes de pluie et: à lénergie érosive des eaux de ruissellement, l'érosion peut se produire. Normalement, le sol superficiel non perturbé d'une forêt est bien structuré, cohérent et résistant à l'érosion en raison des propriétés que lui confère la végétation. La matière organique sous forme de feuilles, d'écorce, etc. est en permanence incorporée au soi par l'intermédiaire des micro-organismes, ce qui donne cette bonne structure du sol superficiel.

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Figure 1. Érosion profonde par ravinement dans un sol granitique sous forêt humide; la ravine s'est formée parce qu'une piste de débardage a enlevé le sol superficiel stable et que l'on n'avait rien prévu pour le drainage. La silhouette au centre de la photo donne une idée de l'échelle.

Le sous-sol pour sa part est fréquemment assez dispersif, c'est-àdire qu'il se désintègre très facilement en particules de sable, limon et argile sous l'effet de l'humidité. C'est ce qu'illustre le tableau 1 qui montre les données concernant le taux de dispersion à diverses profondeurs dans un sol granitique sur l'Atherton Tableland dans l'extrême nord du Queensland, en Australie.

Tableau 1

Taux de dispersion 1/ à diverses profondeurs dans un sol granitique SOUS forêt humide à Danbulla, sur l'Ahterton Tableland (extrême nord du Queensland, Australie).

Profondeur (cm)

Taux de dispersion (%)

0-15

0,6

15-30

16,0

60

57,0

500

77,0

Il est évident que le sol pris comme exemple dans le Tableau 1 a une surface très stable mais une fois que cette surface stable est enlevée (par suite de la construction d'une piste de débardage), le sous-sol est très Sujet à l'érosion. De fait, ce type de sol particulier a donné lieu à une érosion massive après exploitation chaque fois qu'on n'a pas accordé suffisamment d'attention au drainage des pistes de débardage, comme on peut le voir d'après les profondes ravines représentées sur la Figure 1.

Les produits d'érosion charriés.par le ruissellement superficiel finissent par aboutir aux cours d'eau, à moins que ces matériaux ne soient détournés. Une fois dans le cours d'eau, les particules fines sont souvent charriées en suspension tandis que les particules grossières viennent augmenter la charge du lit. Les cours d'eau rendus boueux posent des problèmes si l'eau est utilisée par l'industrie ou pour des usages domestiques. De plus, un excès de sédimentation nuit souvent à l'habitat des poissons (5,6).

1/ C'est Middleton (2) qui a le premier proposé, en 1930, d'utiliser le taux de dispersion comme indice de l'érodabilité du sol et ce taux a depuis été utilisé par de nombreux chercheurs (3,4). C'est une mesure du degré d'agrégation stable à l'eau de la fraction limon + argile du sol. Middleton a recommandé que des sols ayant un taux de dispersion supérieur à 10 soient considérés comme érodables et ceux ayant un taux de dispersion inférieur à 10 comme non érodables.

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Figure 2. Les passages en remblais de terre et rémanents d'exploitation, comme celui qui est montré ici, constituent de puissantes sources de sédimentation en aval quand ils subissent un affouillement pendant la saison humide.

3. COMMENT MINIMISER L'EROSION ET LA SEDIMENTATION DES COURS D'EAU

3.1 Mesures générales

Dès qu'une forêt est perturbée par l'exploitation, il est fatal qu'une certaine érosion se prosuise. Il est à peu près impossible d'éliminer complètement l'érosion - tout ce que l'on peut faire est de la maintenir à un minimum. On dispose d'une assez grande quantité de renseignements décrivant diverses recettes et techniques permettant d'atténuer l'érosion du sol et: la sédimentation des cours d'eau depuis les zones d'abattage (voir par exemple références 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13). Notre intention ici est de donner simplement quelques directives générales applicables à n'importe quelle région. Les voici:

 

(a) Zones tampons autour des cours d'eau: Implanter toutes les routes, pistes de débardage et rampes pour l'évacuation des grumes aussi loin que possible des cours d'eau.

(b) Débardage: Quand on emploie des tracteurs, il convient d'éviter le "traînage" et utiliser par contre une arche de débardage.

(c) Gradients: Maintenir les gradients de toutes les routes et pistes aussi faibles que possible.

(d) Drainage: Assurer un drainage satisfaisant de toutes les routes et pistes.

(e) Exploitation en montant ou en descendant: Pratiquer, chaque fois que cela est possible, l'exploitation vers l'amont.

(f) Mise au repos: A la fin de chaque campagne d'exploitation, mettre les routes et pistes "au repos" et appliquer un traitement spécial aux zones qui posent des problèmes (ensemencement en graminées, etc.).

Nous allons maintenant examiner une par une chacune de ces directives.

3.2 Zones tampons autour des cours d'eau

En aménageant des zones de protection le long des cours d'eau, on s'assurera que tout ruissellement superficiel et toute érosion qui se produit effectivement auront quelques chances d'être détournés vers des zones non perturbées pour être filtrés avant d'atteindre le cours d'eau. Quand les routes doivent traverser des cours d'eau, on construira des ponts en madrier ou des dalots en béton. La figure 2 montre un passage avec remblai en terre et madriers, de construction médiocre, dans le nord du Queensland. Ce genre de croisement subit à chaque saison des pluies, un affouillement qui provoque une sédimentation considérable en aval. Diverses études ont montré qu'un petit nombre de zones génératrices de sédiments Peuvent contribuer puissamment à l'érosion et à la sédimentation des bassins versants (14,15); le croisement présenté sur la figure 2 en est un exemple patent.

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Figure 3. Effets de l'enlèvement de la végétation sur les températures maxima moyennes mensuelles des cours d'eau dans un bassin de 18 ha situé dans le Queensland Nord.

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Figure 4. Ornières profondes dans les pistes de débardage, provoquées par le traînage des grumes. L'utilisation d'une arche de débardage soulevant l'extrémité des grumes permet d'atténuer cette forme de dégât.

Dans certaines zones critiques, par exemple dans les bassins qui fournissent de l'eau pour les usages domestiques et les zones autour des réservoirs, il faut exclure toute activité d'exploitation forestière sur chaque berge du cours d'eau et sur une certaine distance par rapport au niveau normal de hautes eaux du réservoir. La largeur de cette zone tampon laissée intacte varie en fonction des conditions locales (sol, topographie, végétation, régime pluviométrique, etc.) mais on recommande généralement qu'elle s'étende sur 20 mètres au moins de chaque côté du cours d'eau.

La végétation conservée sur les berges empêche également la température de l'eau de monter. La figure 3 montre l'influence de l'enlèvement de la végétation de forêt humide sur les températures maxima de l'eau dans un petit bassin de réception du Queensland-Nord. La moyenne des températures maximales mensuelles a augmenté d'environ 1ºC en hiver et de 2ºC en été, bien que les températures minimales n'aient pas été modifiées par la coupe.

3.3 Effets du traînage (glissage)

Le traînage des grumes sur le sol derrière un tracteur perturbe inutilement le sol et creuse les pistes de débardage, les transformant souvent en voies d'eau bien affirmées qu'il est difficile de drainer. La figure 4 montre le genre de dommages que peut occasionner le traînage. L'emploi d'une arche de débardage qui soulève l'extrémité des grumes au-dessus du sol permet d'atténuer ce genre de dégâts.

3.4 Tracé et conception des routes et pistes de débardage

Il est important de maintenir des gradients de routes et pistes de débardage aussi faibles que possible car la puissance d'érosion du ruissellement superficiel augmente avec la vitesse. Le drainage des routes et pistes de débardage constitue de toute évidence une méthode permettant de réduire l'érosion et la sédimentation des cours d'eau. Il est important de détourner le ruissellement superficiel des routes et des pistes avant qu'il ait eu la possibilité d'acquérir une vitesse suffisante pour devenir un agent d'érosion sérieux. L'eau de drainage détournée vers une forêt non perturbée a une possibilité de filtrer sa charge en sédiment avant d'atteindre le cours d'eau. Des directives plus détaillées concernant l'écartement des drains sur les routes et les pistes figurent dans la communication de Megahan (Voir Volume 1, chapitre XIV) ainsi que dans un certain nombre d'autres ouvrages (Voir par exemple 9 et 13). Dans la plupart des cas cependant, il faudra faire une évaluation de chaque zone pour tenir compte de variations locales du type de sol, de la topographie, du régime pluviométrique, etc.

3.5 Avantage de l'exploitation remontante

La figure 5 montre un modèle théorique de développement des pistes de débardage dans le cas d'une exploitation vers l'amont et celui d'une exploitation vers l'aval. Il est évident que dans le cas de l'exploitation vers l'aval, l'eau a la possibilité de se concentrer sur les pentes inférieures le long des principales pistes de débardage, provoquant ainsi une érosion et un risque de sédimentation considérables. Par contre, l'exploitation vers l'amont concentre les principales pistes de débardage sur les crêtes, de sorte que le ruissellement superficiel s'écoule à travers des zones progressivement moins perturbées à mesure qu'il descend le long des versants.

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Figure 5. Tracé théorique des pistes de traînage pour une exploitation vers l'amont et une exploitation vers l'aval (lignes en pointill es). Dans le cas de l'exploitation remontante, l'eau des pistes s'écoule vers des zones progressivement moins perturbées à mesure qu 'elle descend la pente, ce qui réduit le risque d'érosion. L'exploitation descendante, par contre, concentre le ruissellement superficiel sur le bas des pentes le long des principales pistes de traînage, d'où un risque considérable d'érosion et de sédimentation.

3.6 Mise au repos des pistes

A la fin de chaque campagne d'exploitation forestière, il faut inspecter le secteur et mettre "en repos" les routes et pistes de débardage. Le cas échéant, on construira des cassis pour assurer un bon drainage pendant la saison humide. La majeure partie du drainage des routes d'exploitation forestière est exécutée en tenant compte de conditions "moyennes", c'est-à-dire une très faible périodicité des crues, ce qui est souvent insuffisant pour faire face aux conditions pluviométriques en saison humide (en particulier dans les régions tropicales oÙ la saison humide est plus marquée).

Tous les secteurs critiques, comme par exemple les grands remblais routiers ou les routes et pistes situées à proximité de cours d'eau ou de réservoirs, doivent être inspectés et le cas échéant ensemencés en plantes à croissance rapide afin de les consolider le plus rapidement possible (voir également la communication sur les "hydro-semis" incluse dans la présente publication). Il a déjà été mentionné l'importance que peut prendre un petit nombre de zones génératrices de sédiments qui fournissent plus que leur part (compte tenu de la superficie) de ruissellement superficiel et d'érosion et c'est en portant attention à des détails qui peuvent paraître mineurs que l'on améliorera sensiblement la situation générale de l'érosion et de la sédimentation.

4. MISE EN APPLICATION DE CES MESURES

Sur le plan pratique, il faut évaluer en particulier chaque zone dont on envisage pour la première fois d'exploiter les ressources forestières de manière à pouvoir inclure dans les accords de vente du bois certaines conditions visant à maintenir l'érosion et la sédimentation des cours d'eau à un niveau minimum. Ces conditions dépendront de facteurs écologiques locaux tels que la végétation, la géologie, le sol, la topographie et le régime pluviométrique. Il faut aussi tenir compte de l'utilisation finale de l'eau. Par exemple, il faudra appliquer des conditions plus strictes dans les bassins versants qui fournissent de l'eau pour les usages domestiques que dans les secteurs où l'eau ne donne pas lieu à une utilisation importante en aval.

Cette évaluation par zones est extrêmement importante car les conditions varient amplement même à l'intérieur de zones relativement limitées. Ainsi, une pratique sylvicole acceptable dans une zone sera exclue dans la zone adjacente si le matériau d'origine du sol passe d'un sédiment stable à un granit fortement sujet à se disperser.

L'évaluation des zones avant exploitation et la détermination des conditions spéciales à appliquer à certaines d'entre elles supposent un élément substantiel de planification préalable pour la totalité des opérations d'exploitation. Le type d'exploitation (vers l'amont ou vers l'aval), l'implantation des routes, pistes de débardage, glissoirs, l'emplacement et le type de croisement des cours d'eau, l'outillage à utiliser, doivent tous être décidés avant le début des opérations. Cela suppose que l'on doit modifier radicalement les pratiques routinières en vigueur dans de nombreuses régions où "le choix de l'exploitant" constitue la règle plutôt que l'exception. Mais il s'agit d'un changement nécessaire pour limiter au maximum les répercussions des coupes sur l'environnement.

Bien qu'il soit nécessaire de définir dans le détail les conditions relatives à chaque zone de vente, il est souhaitable de se réserver un certain degré de souplesse de manière à pouvoir prendre sur place des décisions dictées par des circonstances particulières; par exemple, on peut décider qu'un arbre se trouvant précisément à l'intérieur d'une zone tampon peut être abattu sans nuire en rien au capital pédologique ou hydraulique, alors qu'un autre situé à une certaine distance et en dehors de la zone tampon devra être épargné (éventuellement parce qu'il penche en direction du cours d'eau sur un versant abrupt). C'est une manière de mettre directement en cause les individus qui doivent alors assumer la responsabilité de leurs décisions et ne peuvent se retrancher derrière les règlements. Cela suppose évidemment que les opérateurs de terrain sont qualifiés et dûment entraînés.

5. EXEMPLE DE FORET HUMIDE ILLUSTRANT L'EFFICACITE DES MESURES CONCERNANT LA LUTTE CONTRE L'EROSION ET LA SEDIMENTATION

5.1 Description de la zone prise comme exemple

Les mesures énoncées à la section 3 ci-dessus ont été utilisées pour établir un ensemble de conditions applicables aux ventes de bois dans un bassin versant de 44 km2 situé dans le Queensland-Nord. Ces conditions sont décrites dans l'annexe. La végétation était celle d'une forêt vierge humide, qui avait été fortement exploitée avant d'être partiellement défrichée pour construire un réservoir pour l'alimentation en eau de la ville de Cairns. Le climat est du type tropical humide, avec une pluviométrie moyenne de 2 700 mm dont 60% tombent de janvier à avril, pendant les mois de la saison humide.

5.2 Problèmes qui se posaient avant l'application des directives

Quand l'exploitation a commencé en 1960, on ne s'est guère préoccupé des valeurs hydrauliques et, dès 1965, une grave érosion se manifestait depuis les routes et pistes de débardage tandis qu'une sérieuse sédimentation se produisait dans les cours d'eau. Il y a eu dans le bassin versant de nombreux cas de traînage et halage à travers de grands cours d'eau et l'on n'a -pas beaucoup prêté attention à l'emplacement des routes, des pistes et des rampes de glissement des grumes. Certaines rampes se trouvaient presque dans le lit des cours d'eau et les eaux de drainage étaient évacuées directement dans les cours d'eau.

5.3 Mesures prises dans l'exemple considéré

En 1967, des "clauses" (ou réglementations) spéciales ont été incluses dans tous les accords de vente de bois intéressant le bassin versant. Ces dispositions visaient à réduire l'érosion et la sédimentation des cours d'eau dans le bassin de Freshwater Creek, dans le nord du Queensland. Les principaux articles en étaient les suivants:

 

(1) "Le tracé de tous les projets de routes, principales pistes de débardage et rampes glissoires sera soumis à l'approbation du fonctionnaire forestier responsable".

(2) "Le traînage et halage à travers les cours deau courante sont interdits".

(3) "L'acheteur construira et entretiendra des drains partant des routes, pistes de débardage et rampes de glissement des grumes à la demande et à la satisfaction du fonctionnaire forestier".

(4) "Avant de construire un passage en travers d'un cours d'eau, l'acheteur devra obtenir une permission du fonctionnaire forestier et les conditions liées à l'autorisation devront être observées par l'acheteur. Ces conditions préciseront éventuellement la manière dont il faudra évacuer les déchets s'il y en a".

(5) "Pour les opérations de traînage, on utilisera une arche de débardage ou bobtail, si le fonctionnaire forestier le demande".

(6) Le fonctionnaire forestier responsable peut suspendre les opérations, en totalité ou en partie, à tout moment et pour toute durée, s'il estime que celles-ci nuisent aux eaux ou aux forêts".

5.4 Résultats des mesures dans le cas considéré

De 1965 à 1969, on a effectué des mesures de la concentration de sédiments en suspension et l'on trouvera résumés à la figure 6 les résultats de ces mesures. Il y a eu diminution progressive de la teneur en sédiments après la mise en vigueur des conditions spéciales (directives) bien que la pluviométrie en saison humide ait très peu changé et que les activités d'exploitation forestières se soient poursuivies au même rythme pendant chaque saison sèche. En 1965/66, les taux de sédiments en suspension ont été relativement faibles car cette année-là les pluies ont été de 40 pour cent inférieures à la moyenne et les pluies de forte intensité ont été rares, Le taux le plus élevé de sédiments en suspension mesuré au cours de la saison humide 1968/69 n'a été que de 188 ppm (parts par million).1/ alors que les teneurs en sédiments durant la saison humide de 1965/66 avaient souvent dépassé 700 ppm.

1/ ppm = part par million = mg par litre = gramme par m3

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Figure 6. Concentrations de sédiments en suspension sur des stations d'échantillonnage en aval de la zone d'exploitation forestière du bassin de Freshwater Creek (Queensland-Nord) de 1965-66 à 1968-69. Des clauses visant à réduire l'érosion et la sédimentation ont été mises en vigueur en 1967. Chaque point représente un échantillon de sédiments en suspension.

Il est manifeste que des règlementations ou mesures relativement simples - sous forme, dans le cas présent, de "clauses" incluses dans les accords de vente de bois - peuvent sensiblement améliorer les conditions relatives à l'érosion du sol et à la sédimentation dans les cours d'eau, même dans le cadre d'une opération de "rapiéçage" comme dans l'exemple que nous venons de décrire à propos d'une forêt humide. Elles peuvent être bien plus efficaces si les opérations de débardage sont planifiées à l'avance et si l'on tient compte dès le début des valeurs pédologiques et hydrauliques. C'est ce qui ressort de maintes études effectuées principalement aux EtatsUnis (par exemple 8, 9 et 16).

6. PROBLEMES INHERENTS AU CHANGEMENT DES CLAUSES D'EXPLOITATION FORESTIÈRE ET A L'ETABLISSEMENT DE DIRECTIVES

Il est généralement plus facile d'inclure des clauses (le terme de "clauses" désignant des restrictions, directives, spécifications, etc.) dans les accords de vente de bois que d'obtenir qu'elles soient appliquées. Les opérateurs de terrain (qu'il s'agisse de foresterie publique ou privée) ont tendance à être très conservateurs et à opposer une certaine résistance au changement. Il est relativement facile de convaincre tant les spécialistes de la foresterie que les grands patrons de l'industrie du bois de la nécessité de tels changements. Cette prise de conscience doit ensuite 'être transmise à ceux qui, sur le terrain, font véritablement le travail : techniciens forestiers, surveillants, personnel chargé de la coupe et de la vidange. Il s'agit là probablement de la partie la plus difficile de la tâche et elle requiert une grande patience et une grande persévérance de la part des responsables. Si ces derniers font bien leur travail et arrivent à convaincre les opérateurs de terrain des avantages des nouvelles dispositions) le moment viendra oÙ le personnel de terrain prendra conscience aussi bien des valeurs liées à l'eau et au sol que de celles liées au bois et accomplira automatiquement "le bon geste".

7. CONCLUSIONS

Étant donné le climat actuel de préoccupation en matière d'environnement, il s'impose de procéder à un examen critique de nos techniques Courantes d'exploitation forestière soit pour des zones spéciales (telles que les bassins fournissant de l'eau pour les usages domestiques) soit pour des opérations courantes. Nous devons considérer l'utilisation d'un point de vue différent; au lieu de chercher à tirer un rendement maximum du bois, il faut tendre à maximiser la valeur globale de la zone pour la société, Cela impliquera parfois que l'on devra, dans certaines zones, réduire le rendement en bois (voire l'exclure) pour tenir compte d'autres richesses.

8. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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