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5. DISCUSSION

Il est nécessaire pour la compréhension des résultats de cette étude de considérer la croissance des L. miodon dans le lac Kivu et l'age auquel ils entrent dans la pêcherie. On dispose de paramètres de croissance provenant de trois sources différentes (TABLEAU 6). Pour ceux publiés par SPLIETHOFF et al (1983) et les résultats préliminaires résultant des analyses effectuées par P. MANNINI au Projet Pêche, dans les deux cas, les données ont été obtenues à partir d'échantillonnages effectués sur des unités travaillant dans la région de Gisenyi, les données de KANINGINI (1990) diffèrent considérablement des autres. Il est possible que cela reflète des différences de taux de croissance dans l'extrémité sud du lac, ou que ce soit la conséquence d'un échantillonnage sélectif. Si le mouvement des poissons du nord vers le sud suggéré dans la FIGURE 13 est un phénomène réel, les valeurs relativement faibles observées pour L∞ peuvent s'expliquer par une absence de poissons de grande taille dans les échantillons.

Les L. miodon atteignent la taille de 100 mm en 12 mois (TABLEAU 3) lorsqu'ils sont pleinement sélectionnés par l'engin de capture (TABLEAU 8). La plupart des poissons capturés par la pêcherie sont donc dans leur seconde année.

Ceci permet d'expliquer qu'il y ait une corrélation entre la pluviosité et les captures 15 mois plus tard (FIGURE 9). Il n'est cependant pas immédiatement évident que la pluviosité affecte l'abondance du L. miodon car le débit des rivières dans le lac Kivu est faible comparé à son volume. Tout au plus il ne pourrait représenter que 10 km3 (bassin versant de 7000 km2 × 1400 mm de pluie annuelle), ce qui ne représente que 1,7% du volume du lac. Le débit des rivières affecte vraisemblablement la partie superficielle du lac qui ne représente que 20% du volume total faisant que le débit des rivières représenterait 9% de cette portion superficielle du lac. Cette quantité d'eau s'écoulant dans le lac pourrait avoir un effet significatif en particulier dans l'étroite bande littorale qui constitue l'aire privilégiée de reproduction du Limnothrissa miodon et où il séjourne jusqu'à atteindre une taille suffisante pour se déplacer vers le large (SPLIETHOFF et al., 1983).

L'effet de ces rivières est renforcé par la perte continuelle de matières organiques dans l'hypolimnion. Cette perte est permanente à cause de l'absence de mélange de part et d'autre de la thermocline.

L'apport d'éléments nutritifs dans la zone littorale et son influence sur la population de zooplancton a un effet direct sur la survie de larves de Limnothrissa miodon. Cet effet ne deviendra apparent qu'après deux années, car la plupart des individus capturés dans la pêcherie sont dans leur deuxième année. L'étroite relation avec la pluviosité suggère que les facteurs de l'environnement sont à l'heure actuelle les facteurs déterminants de la taille du stock de L. miodon. L'effet apparemment non significatif de l'effort de pêche sur la CPUE se remarque sur la FIGURE 2 par l'accroissement prononcé de la CPUE en 1989 et 1990 (pour cette dernière année le chiffre est établi sur la base des quatres premiers mois de l'année). La CPUE en 1989 avait atteint une valeur voisine de celle de 1983, alors que l'effort de pêche était six fois plus grand.

L'absence de schéma d'un variation saisonnier marqué indique que les conditions de l'épilimnion ne varient pas de manière significative, la possibilité d'une migration du sud vers le nord n'est qu'une hypothèse et nécessite une confirmation par des recherches futures. Toutefois, en raison du fait que l'extrémité sud du lac est moins profonde, et comporte un nombre important d'îles, sa zone littorale est plus importante que dans la partie nord, elle est de la sorte probablement plus favorable à la ponte des L. miodon suivie d'une migration des grands poissons en dehors de la zone. De tels mouvements ont été décrits au lac Tanganyika (ROEST, 1973) et il n'y a pas de raisons qu'ils ne puissent avoir lieu au lac Kivu.

La relation entre l'abondance de zooplancton et les captures de poisson (FIGURE 14) contribue très peu à la compréhension des schéma de variation saisonniers. Comme on peut s'y attendre, les quantités importantes de poissons semblent être responsables de la diminution de la quantité de zooplancton, cette dernière pouvant se reconstituer lorsque le poisson est moins abondant.

La relation entre les poissons capturés et la proportion d'individus mûrs présents 1 à 1,5 année plus tôt, semble permettre d'expliquer les variations dans les captures (FIGURE 15). Malheureusement les données sur la reproduction ne sont disponibles que pour deux années (REUSENS, 1987), alors que celles publiées par SPLIETHOFF et al., (1983) semblent répondre à d'autres critères et ne peuvent être utilisées. Depuis 1989, le programme d'échantillonnage biologique recueille de façon systématique et continue les données de sexe et maturité (MUTAMBA & MULINDABIGWI, 1990), elles permettront la comparaison avec les captures futures.

Il semble qu'il y ait des différences importantes entre les lacs naturels et artificiels, mises en évidences par le fait que le L. miodon aux lacs Kariba et Cahora Bassa n'atteignent que la moitié de la taille qu'ils atteignent dans les lacs Tanganyika et Kivu. Le lac Kivu présente cependant un certain nombre de caractéristiques qui le rapproche des lacs artificiels, comme le fait que les éléments nutritifs sont rapidement perdus (vers l'hypolimnion au lieu d'être emportés par les rivières comme aux lacs Kariba et Cahora Bassa), ceci indiquant que l'apport des rivières a probablement un effet important chaque année. Le résultat étant que le stock de poisson est sensible au conditions de l'environnement qui sont à l'heure actuelle un élément déterminant de la taille du stock.

Les résultats de cette étude montrent l'importance des facteurs abiotiques sur le Limnothrissa miodon du lac Kivu de la même manière que dans les autres lacs peuplés de le même espèce. A l'heure actuelle le stock semble d'avantage être sous l'influence de ces facteurs que sous celle de l'augmentation de l'effort de pêche. En effet la CPUE en 1990 est semblable à ce qu'elle était en 1980 alors que l'effort de pêche a été multiplié par vingt dans le même temps.


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