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MINAGRI/PNUD/FAOSEM/89/03
PROJET RWA/87/012juin 1989

SEMINAIRE TRENTE ANS APRES L'INTRODUCTION DE L'ISAMBAZA AU LAC KIVU

Gisenyi, 6–7 juin 1989

MISSION D'EVALUATION DE LA REUSSITE DE L'INTRODUCTION DES ISAMBAZA AU LAC KIVU (octobre–novembre 1976)

par

Vincent FRANK
Conseiller en pêche et aquaculture
MINAGRI

1 INTRODUCTION

Une misson d'évaluation des possibilités de pêche des clupeidés (sardines) du lac Kivu a été réalisée en octobre-novembre 1976. La mission avait pour objet:

En août 1976, nous avons pu vérifier de visu la présence de ces petits poissons de plus ou moins 10 centimètres de longueur à Gisenyi et à Kibuye. Aux mêmes endroits, nous avons aussi observé, durant la période qui précède le coucher du soleil, des milliers de jeunes clupéidés sautant à la surface des eaux littorales du lac.

La réussite de l'introduction et de l'acclimatation de l'Isambaza au lac Kivu semblait être confirmée par ces quelques observations fragmentaires. Devant le potentiel alimentaire considérable que représente ce poisson pour les populations riveraines, l'envoi d'une mission technique et scientifique de prospection au lac Kivu fut décidée de commun accord entre la FULREAC (Fondation de l'Université de Liège pour les Recherches scientifiques en Afrique Centrale), l'A.G.C.D. (Administration Générale de la Coopération au Développement) et la Tilapia International Association, à la demande du Ministère de l'Agriculture et de l'Elevage du Rwanda.

2 PECHE

2.1 Généralités

En vue d'effectuer des pêches préliminaires nocturnes, une équipe de quatre pêcheurs, opérant habituellement ensemble sur le lac Tanganyika, à bord d'une unité artisanale de pêche, a été recrutée à Bujumbura pour une durée d'un mois. Pour permettre un roulement entre ces travailleurs, un pêcheur rwandais suplémentaire a été embauché à Cyangugu pour la durée de la mission au bord du lac Kivu.

La technique de pêche nocturne à la lampe au moyen d'un catamaran et d'un filet soulevé, a été mise au point sur le lac Tanganyika par A. COLLART et L. HALING entre 1955 et 1970. Elle a été appliquée sans modification majeure sur le lac Kivu au cours de la présente mission.

Tout le matériel de pêche indispensable à la mission (lampe au pétrole type Petromax, filet soulevé ou carrelet, moteur hors-bord, petit matériel divers, etc.) nous a été prété par le Projet de Développement de la Pêche et de la Commercialisation du Poisson à Bujumbura, avec l'assentiment des autorités Burundaises.

2.2 Description de la technique de pêche

A la nuit tombante, les lampes étaient allumées avant le départ du catamaran pour les lieux de pêche. L'équipage évitait généralement de s'éloigner de plus 3 km des rives rwandaises du lac Kivu de peur de s'aventurer dans les eaux territoriales zaïroises. Au cours de ces pêches préliminaires, nous n'avons donc jamais pêché dans les eaux profondes du milieu du lac.

Arrivés sur le lieu de pêche, les quatre pêcheurs mouillaient alors leur filet entre les deux embarcations et en descendaient l'ouverture jusqu'à une profondeur approximative de 25 mètres. Régulièrement les pêcheurs pompaient de l'air sous pression dans les réservoirs à pétrole des lampes pour maintenir une intensité lumineuse constante. Les Isambaza se rassemblaient alors sous les lampes à une profondeur variant entre 0 et 25 mètres. Après une période d'attente allant de 10 à 25 minutes, les quatre pêcheurs empoignaient chacun une corde de rappel, remontaient le filet le plus rapidement possible et le hissaient à bord d'une embarcation, tout en concentrant les poissons dans une poche. Lorsque la totalité du filet était embarquée, les sardines étaient déversées dans une caisse en bois pouvant en contenir plus ou moins 40 kg.

Les pêcheurs effectuaient de 5 à 12 coups de filet par nuit. Ils revenaient habituellement à terre entre 5h.30' et 6 heures du matin. Le poisson était alors vendu sur, place ou au marché local pour un prix de 50 à 70 FRW le kilo.

Une partie de la production était aussi distribuée à titre de propagande pour souligner l'importance du potentiel piscicole du lac Kivu. Le produit de la vente du poisson, soit 24.050 FRW a été remis au département des Eaux et Forêts à Kigali.

2.3 Résultats des pêches préliminaires

Ces pêches expérimentales ont été effectuées en dehors des périodes de pleine lune, exception faite pour la dernière nuit de pêche à Cyangugu. En effet, les prises diminuent très sensiblement durant ces périodes. C'est ce qu'on a pu observer sur le lac Tanganyika, où les pêcheurs ne sortent pas durant les quelques jours qui précédent et suivent la pleine lune.

Les eaux du bassin de Bukavu, où est situé Cyangugu, étaient très peu transparentes, ce qui diminua évidemment l'efficacité des lampes. Ce phénomène explique sans doute les mauvais résultats obtenus à cet endroit. Précisons, en outre, qu'au même endroit, la faible superficie des eaux territoriales rwandaises situées en zone pélagique, a obligé les pêcheurs à poser leur filet à proximité des rives du lac dans des endroits où la transparence de l'eau est spécialement faible. Les résultats obtenus à cette station ne sont donc pas probants.

3 CONCLUSIONS

On pouvait affirmer que l'Isambaza (Limnothrissa miodon) avait colonisé en grand nombre toutes les eaux du lac Kivu. Ceci nous était confirmé par les écho-sondages effectués durant les pêches et au cours de nos déplacements sur le lac.

Par contre, le Ndagala (Stolothrissa tanganicae), introduit en même temps que l'Isambaza, ne semblait pas s'être acclimaté.

Un des buts de notre mission était, rappelons-le, la sensibilisation des populations au potentiel alimentaire du lac Kivu. Ce but a été atteint par l'organisation dans chacune des trois Préfectures de séances de démonstration de pêche à la lampe devant les autorités locales et à la population. En outre, des distributions gratuites de sardines ont concrétisé ces démonstrations.

L'intallation d'une pêcherie sur le lac Kivu était souhaitable puisque les résultats de nos pêches préliminaires étaient comparables aux résultats obtenus par les pêcheurs artisanaux du lac Tanganyika. En effet, les données moyennes mensuelles, recueillies pour l'année 1975 par le Projet de Dévelopement de la Pêche sur le lac Tanganyika à Bujumbura, variaient entre 29 kg et 188 kg de Ndagala par unité et par nuit de pêche. Or, notre mission est arrivée à des résultats légèrement inférieurs variant entre 20 kg et 144 kg par nuit.

Au vu des résultats encourageants obtenus par notre mission, et vu l'intérêt général des autorités rwandaises rencontrées, nous insistons pour que soient mises rapidement en pratique les propositions formulées par M. A. COLLART dans sa note sur la pêche au lac Kivu (juillet 1974); à savoir concrètement: constitution pour un an de trois unités de pêche artisanale du type décrit précédemment avec catamaran en bois de fabrication locale, opérant sur le lac Kivu à partir des trois localités de Nyamasheke, Kibuye et Gisenyi, dans le but:

  1. d'y introduire cette méthode de pêche jusqu'alors inconnue et de la vulgariser;

  2. de contrôler rapidement par des pêches itinérantes l'expansion réelle déjà atteinte par l'Isambaza dans la totalité des eaux rwandaises;

  3. de déterminer par le rendement de ces pêches un premier plan (de 3 ans par exemple) d'exploitation rationnelle de cette nouvelle ressource.

Ce type de pêche permet aussi une meilleure répartition des revenus au niveau régional en encourageant la multiplication des points de pêche sur tout le pourtour du lac.



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