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CONCLUSIONS

Sur l'environnement:-

  1. Le lac Kivu est un lac de montagnes d'origine volcanique, situé à une altitude de 1.463 m; il forme une frontière naturelle entre le Rwanda et le Zaïre. La zone littorale ne représente que 12% de la surface totale.

  2. La présence de grandes quantités de gaz méthane dans les eaux en dessous de 200 m est caractéristique du lac, dont la réserve totale a été estimée à 50 km3 (DEGENS et al., 1971 et 1972).

Sur les ressources:-

  1. La pauvreté et l'immaturité écologique de la faune piscicole sont caractéristiques du lac; les espèces endémiques appartenant aux familles des Cyprinidae, Claridae et Cichlidae (BEADLE, 1974) sont représentéespar les espèces largement répandues dans les eaux voisines des rivières; par conséquent l'écosystème du lac est peu développé et plusieurs niches sont inoccupées.

  2. Avec l'objectif d'améliorer la grande déficience de la faune ichtyologique, l'introduction d'alevins de deux clupéidés du lac Tanganyika fut effectuée dans le lac Kivu en 1959 par COLLART (1960); seul l'Isambaza (L. miodon) s'est acclimaté et constitue actuellement le plus grand stock du lac.

  3. Le L. miodon étant la seule espèce pélagique, a colonisé toutes les parties du lac et des densités importantes sont présentes au large de la côte; sa biomasse totale pour la zone pélagique du lac entier a été évaluée à 6.154 tonnes dont 3.523 tonnes pour la partie zaïroise et 2.631 tonnes pour la partie rwandaise du lac (REUSENS, 1987). L'estimation basée sur la biomasse du zooplancton a estimé le potentiel à 55 kg/ha, donnant une production potentielle totale de 13.000 tonnes pour l'ensemble du lac (REYNTJENS, 1980).

  4. Comme les estimations du potentiel ont été effectuées seulement deux fois et pendant de brèves périodes, elles doivent être considérées comme indications puisqu'elles ne concernent que la biomasse relative en septembre 1986 et en mars 1987 respectivement, et par conséquent doivent être considérées avec prudence.

Sur la pêche:-

  1. La pêche au L. miodon au lac Kivu est un phénomène relativement nouveau. Tandis que les premières tentatives ont commencé en 1976, le développement actuel a commencé avec le démarrage de la première phase du projet de Développement de la Pêche au lac Kivu en 1979.

  2. Durant notre enquête-cadre de septembre-octobre 1987, 1915 pêcheurs (854 au Rwanda et 1061 au Zaïre) ont été recensés; ils opèrent à partir de 66 points de débarquement des deux côtés du lac y compris la zone totale de l'île Ijwi.

  3. Le fait que la pêche au L. miodon est un phénomène relativement nouveau se reflète dans la structure d'âge et l'origine des pêcheurs. Du côté rwandais, l'âge moyen est de 22.8 ans tandis qu'au Zaïre il est de 24.2 ans; du côté rwandais du lac 53.5% des pêcheurs sont d' origine d'agriculteurs, 30.9% d'origine de pêcheurs coutumiers et 15.6% d'origine de pêcheurs artisanaux tandis que du côté zaïrois 35.7% des pêcheurs sont d'origine d'agriculteurs, 25.7% d'origine de pêcheurs coutumiers et 38.6% d'origine de pêcheurs artisanaux.

  4. Il y a trois types d'UEP impliqués dans la pêche au L. miodon: ce sont les UEP-catamarans, les UEP-trimarans et les UEP coutumières. En septembre-octobre 1987, il y avait un total de 46 UEP-catamarans (42 au Rwanda et 4 au Zaïre), 118 UEP-trimarans (55 au Rwanda et 63 au Zaïre) et 10 UEP-coutumières, toutes au Zaïre.

  5. La valeur actuelle nette des moyens de production primaires a été déterminée; la valeur de toutes les UEP-catamarans s'élève à 9.2 millions de FRW, celle de toutes les UEP-trimarans à 59 millions de FRW, et celle de toutes les UEP-coutumières à 65.000 Z. Donc la valeur actuelle totale des moyens de production primaires de la pêche au L. miodon au lac Kivu s'élève à environ 68.3 millions de FRW.

  6. La localisation des points de débarquement et des moyens de production a été aussi quantifiée; sur les 66 points de débarquement, seulement 1 a plus de 10 UEP, et 70% des points de débarquement sont très petits, ayant entre 1 et 2 UEP chacun.

  7. La pêche avec catamarans et trimarans s'effectue de nuit utilisant un filet à soulever (160–180 m2 de surface de bouche pour les catamarans et 360–420 m2 pour les trimarans), et un système d'attraction lumineuse de configuration des lampes (Columbus no 9, Drum, Coleman et Anchor) très varié.

  8. Une entrée forte dans la pêche des deux côtés du lac au cours de 1987 a été notée; à la fin de 1986, 103 UEP actives existaient; maintenant 71 UEP supplémentaires sont entrées dans la pêche, ce qui signifie une augmentation de la flottille de 51.6% au Rwanda et de 97.4% au Zaïre.

  9. Le fait que la plupart des UEP entrées récemment dans la pêche proviennent d'Uvira pose un problème, dû principalement au diamètre réduit de la maille de filet utilisé (3–5 mm dans la poche) parce qu'à l'origine il était destiné à la pêche au S. tanganicae.

  10. En raison des difficultés rencontrées par les pêcheurs pour obtenir les engins et matériels de pêche nécessaires, en particulier les pièces de rechange pour les lampes et les filets de bonne qualité, l'exploitation optimale des UEP particulièrement des UEP privées au Rwanda et celles du Zaïre, n'est pas possible.

  11. Malgré qu'aucun système statistique acceptable n'ait été établi jusqu'à présent, il est estimé qu'environ 3.500 tonnes de L. miodon ont été débarquées en 1987.

  12. Presque toutes les captures de L. miodon au Zaïre et/ou celles produites par les UEP-privées au Rwanda sont vendues fraîches ou, pendant les périodes de forte production, séchées sur les filets des pêcheurs.

  13. Aux Centres de pêche du projet (Gisenyi, Kibuye et Cyangugu) il y a seulement quatre produits habituellement disponibles: ce sont les Isambaza frais, séchés (sur les séchoirs) et congelés (congelés entiers et traités).

  14. Comme la pêche au L. miodon est une activité récente, il s'en suit que sa commercialisation est également récente principalement au Rwanda, qui n'a pas comme le Zaïre, une tradition dans ce domaine.

  15. Au Rwanda, les habitudes nutritionnelles de la population, la méconnaissance, la disponibilité/accessibilité des produits de la pêche et le faible pouvoir d'achat en général, ont été et sont encore les principaux facteurs limitatifs à la commercialisation.

  16. Des efforts considérables ont été faits par le projet pour établir et développer la commercialisation d'Isambaza au Rwanda et créer l'habitude de le consommer particulièrement en milieu rural. 15 recettes ont été développées par le projet et l'accent a été mis sur l'utilisation d'Isambaza séchés.

  17. Le prix du L. miodon varie selon l'endroit où il est vendu. Les prix d'achat et de vente du L. miodon du côté zaïrois du lac et dans les points de débarquement en dehors du projet reflètent les forces du marché (l'offre et la demande). Par contre, le projet a toujours pratiqué des prix fixes. Néanmoins, les études des prix sont déjà en cours et il sera bientôt possible de réviser le système des prix du projet.

RECOMMANDATIONS

Les recommandations suivantes sont faites:

Générales:-

  1. La pêche au L. miodon au lac Kivu devrait être strictement réservée aux pêcheurs artisanaux et on ne peut considérer d'établir la pêche semi-industrielle au lac Kivu.

  2. Il est essentiel que le maximum d'efforts soit fait en vue de déterminer avec certitude les paramètres biologiques manquants (biomasse totale, migrations horizontales et verticales, identification des zones de reproduction, etc), la ressource du L. miodon dans toutes les phases lunaires pendant au moins une ou deux saisons consécutives, pour enfin permettre l'établissement d'un plan de gestion du stock pour la totalité du lac.

  3. Dès que le plan de gestion du stock sera mis sur pied, il sera indispensable d'établir une coopération effective entre les autorités rwandaises et zaïroises, pour enfin assurer le renforcement et le suivi du plan de gestion du stock en utilisant les organismes existants (CEPGL) et/ou considérer d'établir une commission technique spécifique pour le lac Kivu. Il s'en suit alors qu'une législation appropriée et commune doit être établie parce qu'il s'agit d'une espèce migratoire.

  4. Un financement devrait être recherché pour la mise en place et le fonctionnement d'un projet de développement pour le côté zaïrois du lac, afin d'assurer que les efforts déjà faits du côté rwandais ne restent pas vains.

  5. Des contacts étroits et continus avec les pêcheurs sont essentiels; c'est pourquoi toute “amélioration” de la condition des pêcheurs doit être liée à l'amélioration et la standardisation des moyens de productions primaires (pirogues, filets et lampes), et/ou du secteur secondaire ou tertiaire et/ou des aspects sociaux (centres communautaires de pêche/coopératives), et doit prendre en considération les conditions spécifiques de chaque communauté, et en particulier le degré de volonté d'acceptation de certains “changements”.

Particulières:-

  1. Il est essentiel qu'un système de collecte de données statistiques soit mis en place dans les points de débarquement les plus importants couvrant les deux côtés du lac.

  2. Afin d'améliorer la capacité de production et la sécurité des pêcheurs, il est fortement suggéré d'établir un système de communication VHF dans les points de débarquement les plus importants.

  3. Afin de réduire les investissements initiaux, particulièrement ceux d' importations en devises, il est fortement recommandé d'utiliser au maximum des matériaux localement disponibles (bois pour les pirogues, fabrication des têtes de lampes, etc).

  4. Pour résoudre le plus grand problème qui affecte maintenant la pêche et limite le processus de reproduction du L. miodon particulièrement dans la partie Sud du lac, il est indispendable de renforcer l'utilisation de la maille idéale, parce que celle de 3–4 mm utilisée actuellement est trop petite et capture beaucoup de poissons immatures.

  5. Puisque les UEP privées ne peuvent pas se procurer des filets de bonne qualité et au prix juste, il est fortement recommandé d'établir de petites boutiques/magasins qui vendraient du matériel de pêche, particulièrement des filets et des pièces de rechange pour les lampes, principalement du côté zaïrois du lac.

  6. Afin d'améliorer les engins et techniques de pêche actuellement utilisés, il est recommandé:

    1. d'expérimenter sur le trimaran INYOGARUZI FAO 126 un système d'attraction lumineuse plus puissant;

    2. de transformer la totalité des catamarans en trimarans dans les plus brefs délais;

    3. d'expérimenter un globe à quatre faces en pyrex, sur les lampes Columbus no 9;

    4. de suivre et analyser les résultats des filets plus grands de surface;

    5. de construire pour les UEP basées à Kibuye et Cyangugu un bateau-chasseur par UEP, suivre et analyser les résultats.

  7. Des essais devraient être faits pour améliorer la qualité des produits débarqués, par exemple des tentatives pour installer des petits caissons isothermes, particulièrement dans les endroits où la glace est disponible.

  8. Afin de résoudre le problème de transport des principales zones de pêche vers les Centres de pêche existants et/ou les principales agglomérations, il est suggéré que soit menée une étude de faisabilité spécifique afin d'établir un système adéquat de transport et de distribution du poisson.

  9. En même temps, il faudrait étudier avec prudence l'établissement et le placement des Sous-centres de pêche dans la zone.

  10. De la même manière, des essais devraient être faits pour:

    1. améliorer la qualité des produits existants (poissons séchés);

    2. améliorer la présentation/emballage des Isambaza congelés; et

    3. développer les autres produits (Isambaza fumés, farine, etc).

  11. Il est recommandé que les mesures suivantes soient prises afin d'améliorer le système de commercialisation et de distribution d'Isambaza:

    1. assurer un approvisionnement plus régulier des Centres de pêche grâce à des mesures incitatives vis-à-vis des pêcheurs: approvisionnement en matériel, prix;

    2. établir un système de distribution/stockage en premier lieu à Kigali pour le frais, le congelé et le séché afin de dégager le projet de l'activité “transport”;

    3. continuer à diversifier les activités du Centre de Kibuye (congelé entier, congelé traité), afin de favoriser la vente en frais à Gisenyi;

    4. améliorer la conservation des poissons séchés afin de pouvoir répondre aux fortes demandes (avril-juillet) alors que la production est faible;

    5. redéfinir une politique de prix pour l'achat aux pêcheurs et la vente des différents produits dans nos Centres et à l'extérieur.

  12. Il est essentiel que les recommandations de TIETZE (1988) soient adaptées en visant à établir un système de crédit pour les pêcheurs artisanaux.

  13. Il est recommandé que les mesures appropriées soient prises afin d'assurer la capacité locale de planification, de gestion et de suivi des programmes de développement de la pêche au lac Kivu.

  14. Enfin, et pour les raisons qui ressortent de ce qui précède, il est recommandé que le support de toutes les parties continue, pour enfin assurer la réussite de la présente phase du projet et la privatisation éventuelle des activités actuellement exécutées par le projet.


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