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4. CONTROLE DE L'EFFORT DE PECHE

Il est incontestable qu'une réduction de l'intensité de la pêche, notamment celle qui pèse sur les stocks septentrionaux de merlus, serait particulièrement bénéfique. Il en résulterait un certain accroissement des captures totales, ainsi qu'une réduction substantielle des coûts; l'on pourrait ainsi sans aucun doute accroître considérablement le rendement net de la pêche. Si, en principe, les pays pourraient accepter une telle réduction de l'intensité de la pêche, il reste à décider comment elle doit être réalisée dans la pratique. Il faudra prononcer sur l'ampleur de la réduction; savoir si elle doit être faite sur une base légale, au prorata dans tous les secteurs de la pêcherie, ou si certaines flottilles devront réduire leur effort plus que d'autres; déterminer comment l'on mesurera l'intensité de la pèche, quelles limites seront fixées à l'effort de pêche, et comment l'on peut faire respecter cette limite par tous les participants en mettant bien en évidence son application.

Le rapport du Groupe de travail sur les merlus donne des estimations de la réduction de l'effort de pêche qui, sur la base des données disponibles, devrait procurer le rendement le plus considérable. Pour les stocks septentrionaux, l'on a estimé qu'une réduction de 70 pour cent par rapport à l'effort actuel donnerait le rendement constant le plus élevé. Dans la pratique, il est douteux que l'on puisse facilement réaliser une réduction de cette ampleur en une seule fois; une réduction par étapes (peut être de 20 pour cent tous les deux ou trois ans) serait plus acceptable à la pêcherie. Cette mesure permettrait de reconstituer le stock après chaque réduction, de sorte qu'à aucun moment, sauf pendant une brève période faisant suite à la première étape, les captures totales ne devraient tomber au-dessous du niveau actuel.

D'autres raisons militent en faveur d'une approche progressive pour atteindre le niveau optimal de l'effort de pêche. Tout d'abord, les données dont disposait le Groupe de travail n'étaient ni aussi bonnes ni aussi complètes qu'on aurait pu l'espérer. Il en résulte que ses estimations manquent de précision. Si, de toute évidence, une certaine réduction s'impose, notamment pour les stocks septentrionaux, le niveau réel de l'effort procurant le rendement le plus élevé (ou espérance de capture par recrue) est peut-être quelque peu différent de celui indiqué dans les estimations. Deuxièmement, le niveau de l'effort procurant les captures les plus considérables est une limite maximale correspondant a un niveau souhaitable de l'intensité de la pêche. Dans la plupart des circonstances, il serait préférable de pêcher de manière un peu moins intensive, afin de profiter de la réduction des coûts accompagnant une très faible réduction des captures totales. On aurait besoin d'analyses économiques et sociales pour déterminer quel doit être le niveau optimal.

Finalement, le niveau souhaitable de l'intensité de la pèche dépend entre autres du maillage utilisé. Une réduction de l'intensité de la pêche et un accroissement de la dimension des mailles sont l'un et l'autre nécessaires, car nombre de merlus et de sparidés sont capturés sans avoir eu le temps d'atteindre une bonne taille. Si l'on emploie un maillage plus grand, en permettant ainsi aux poissons plus petits de s'échapper, la nécessité de réduire l'intensité de la pêche sera quelque peu moindre - encore que dans l'avenir prévisible il est peu vraisemblable que l'on puisse faire adopter l'utilisation d'un maillage suffisamment grand pour éliminer la nécessité de réaliser une certaine réduction de l'effort de pêche. Compte tenu de tous ces facteurs, il semble raisonnable de se fixer comme cible initiale une réduction de dix à vingt pour cent de l'intensité de la pêche.

On peut justifier pour diverses raisons la fixation de taux différents de réduction de l'effort de pêche pour divers secteurs de la pêcherie. Lorsque la pêche est pratiquée par l'Etat côtier et par des navires étrangers, il ressort des projets d'article du nouveau droit de la mer que ces navires ont droit essentiellement à "l'excédent", une fois que l'Etat côtier a prélevé les captures qu'il peut effectuer. Cela signifie que si l'on doit réduire l'intensité totale de la pêche, cette réduction ne sera le fait que des navires étrangers.

Une différenciation des taux de réduction se justifie également par des raisons biologiques. Lorsque les pêcheries diffèrent par la composition de leur captures - notamment par la taille des poissons capturés - une réduction de l'effort aura des effets différents selon la flottille à laquelle elle est appliquée. Etant donné que le principal avantage résultant d'une telle réduction consiste à permettre aux poissons de petite taille de survivre et de croître, cet avantage sera plus considérable lorsqu'elle survient dans le secteur de la pêcherie qui exploite directement ces poissons.

Dans le cas des stocks de merlus septentrionaux tout au moins, ces deux considérations agissent en sens inverse. La pêcherie marocaine semble prendre des poissons beaucoup plus petits que la pêcherie espagnole - bien que les données ne soient pas très précises et que l'on ait besoin de nouvelles études sur la taille des poissons capturés par les différents navires. Il serait donc plus avantageux de réduire l'effort de pèche marocain, plutôt que l'effort de pêche espagnol. En fait, la flottille marocaine capture apparemment si peu de merlus d'une taille équivalente ou supérieure à ceux pris par les bateaux espagnols que si l'on réduisait l'effort de pêche des unités espagnoles, toutes choses étant égales, la pêche portant sur les poissons de grande taille (qui de ce fait devrait s'accroître), ne suffirait pas à procurer des avantages substantiels.

A l'heure actuelle, il paraît difficile de déterminer pour le stock septentrional dans quelle mesure les flottilles devraient différencier la réduction de leurs efforts. Pour ce faire, il serait souhaitable (a) d'analyser scientifiquement l'incidence de modes différentiels de réduction sur les captures totales et sur les captures des flottilles individuelles, ainsi que d'étudier une réduction uniforme de l'effort de pêche total, et (b) de procéder a des études opérationnelles visant à déterminer dans quelle mesure la pêcherie marocaine pourrait désormais faire porter son attention sur les poissons de plus grande taille.

En ce qui concerne la mesure de l'effort de pêche qui porte sur les stocks de merlus ou de sparidés, elle peut être faite en termes de captures ou d'activité des bateaux de pêche. Les deux méthodes soulèvent des objections. Un chiffre donné de captures représentera des efforts de pêche réels différents selon l'abondance du stock. Toutes choses étant égales l'on peut s'attendre que le contingent de captures qui est nécessaire pour réaliser une certaine réduction de l'effort augmentera au cours des années, à mesure que les stocks s'accroissent en fonction de la diminution de l'effort de pêche. En outre, l'abondance peut se modifier pour des causes naturelles et il semble que les stocks de merlus dans la zone relevant du COPACE accusent des fluctuations notables. Jusqu'à ce qu'il soit possible de surveiller les variations de l'abondance d'une année a l'autre avec plus de précision qu'on ne le fait actuellement, il sera difficile d'établir quelles devraient être les prises correspondant à un niveau prédéterminé de l'effort de pèche. Par conséquent, pour le moment, il ne semble pas réaliste d'envisager des limites de capture comme méthode de contrôle, même si cette méthode présente des avantages évidents - par exemple, le poids de poissons capturés est une mesure facilement comparable et compréhensible de l'intensité de la pêche.

La mesure de l'intensité de la pêche en termes d'activité de la flottille (nombre de bateaux, nombre de jours de pêche, etc.) peut poser de gros problèmes de comparabilité. L'intensité de l'exploitation à laquelle un navire donné soumet pendant une période donnée des merlus ou des sparidés sera déterminée par sa puissance de pêche (le tonnage du navire lui-même et les caractéristiques de l'engin de pêche utilisé), et par l'attention prêtée aux merlus ou aux sparidés pendant la période considérée.

A longue échéance, les problèmes évoqués précédemment - modification de la puissance de pêche des divers navires - peuvent s'aggraver en menant a des accroissements substantiels de l'intensité réelle de la pêche à mesure que l'efficacité des navires augmente. A court terme, l'on peut minimiser les effets des modifications de l'efficacité en tenant compte de la classe du navire intéressé.

Dans la zone du COPACE, le problème le plus grave est que de grandes quantités de merlus et de sparidés sont capturées par des chalutiers qui peuvent également exploiter d'autres espèces démersales ou des poissons pélagiques. L'effort de pêche réel exercé par ces unités varie selon qu'elles pèchent délibérément le merlu ou les sparidés, plutôt que par exemple les céphalopodes ou les chinchards, dépend en outre de l'importance des captures fortuites réalisées lors de la pêche de ces dernières.

En principe, l'on peut régler la question des captures fortuites en déterminant premièrement l'ampleur des prises de merlus ou de sparidés qui seront capturés inévitablement par les bateaux qui exploitent d'autres espèces, et deuxièmement l'intensité de la pêche dirigée que l'on peut autoriser en tenant compte des captures fortuites. Il reste encore deux problèmes à résoudre, l'un scientifique et l'autre lié à l'application des règlements. Le problème scientifique se pose comme suit: nous ne disposons pas à l'heure actuelle de connaissances suffisantes sur l'incidence des captures secondaires inévitables pour fixer des limites réalistes au pourcentage de captures fortuites qui serait admissible; il se peut que cette incidence soit très faible, notamment pour les sparidés, dans le cas du chalutage des espèces pélagiques (sardinelles, maquereaux, etc.), mais elle pourrait être substantielle dans le cas de la pêche des céphalopodes ou d'autres espèces de fond. Quant au problème d'application des règlements, il est le suivant: si un certain pourcentage de captures fortuites est autorisé pour chaque sortie (par exemple, si l'on procède à une vérification lorsque les prises sont mises à terre), les pêcheurs seront tentés, si les captures fortuites sont peu importantes d'intensifier la pèche dirigée en fin de sortie. L'on pourrait faire face a cette difficulté en exerçant un contrôle plus poussé, ou en fixant le taux des captures fortuites admissibles à un niveau très faible. Il reste une dernière question à résoudre touchant l'application des règlements: elle suppose en effet que toutes les personnes affectées par la réglementation soient convaincues que les autres pêcheurs respectent également les règlements. Dans la mesure où cela concerne les stocks dépendant d'une juridiction unique, il s'agit essentiellement d'un problème qui relève du gouvernement responsable, plutôt que d'une discussion internationale. Cependant, même dans ce cas, si la pêche est également pratiquée au titre d'arrangements appropriés par des navires étrangers, il peut être souhaitable de prévoir des accords internationaux. L'Etat côtier imposera les règles qu'il juge appropriées pour s'assurer que la procédure relative aux permis de pêche ou les autres modalités d'accès sont respectées. Par ailleurs, il est souhaitable que les pêcheurs étrangers et leurs gouvernements soient convaincus que toute règle, par exemple, touchant le maillage minimum, appliquée aux pêcheurs de l'Etat côtier, est bien suivie par ceux-ci. Une fois cette confiance établie, l'on pourra compter sur l'Etat du pavillon des navires étrangers pour qu'il fasse en sorte que ses unités se soumettent au règlement.

Cette confiance mutuelle quant au respect de la réglementation est beaucoup plus importante lorsque l'habitat d'un stock de poisson s'étend sur plusieurs zones économiques. On a déjà mentionné à propos du contrôle du maillage qu'il est souhaitable de procéder à des observations mutuelles, chaque pays contrôlant les activités des pêcheurs d'un autre pays dans les zones ou les ports de pêche de ce dernier. Des considérations analogues s'appliquent également aux accords portant limitation du nombre de navires autorisés a opérer ou de l'ampleur des captures totales effectuées. Sans une assurance mutuelle que ces accords seront respectés, il est probable que les mesures de contrôle de l'intensité de la pêche deviendront très vite inefficaces.

En résumé, le contrôle de l'intensité de la pêche est hautement souhaitable, mais pose de nombreux problèmes. Par conséquent, l'on fait preuve d'optimisme en escomptant que l'on pourra, grâce a un accord immédiat, réduire l'intensité de la pêche des stocks de merlus septentrionaux disons de 20 pour cent. Il est plus réaliste d'espérer que l'on prendra au plus tôt des décisions (qui en fait auraient plus de chance de donner des effets à long terme) pour aborder les divers problèmes qui se posent, afin d'aboutir dans le proche avenir à des accords concrets sur la manière de réduire véritablement l'effort de pèche et les coûts qui en résultent. Parmi les activités nécessaires, citons les suivantes:

i) Définir plus nettement les objectifs qu'il convient d'assigner à la réduction de l'effort de pêche pour les différents stocks de poisson;

ii) Prendre des décisions quant à la différenciation de cette réduction pour les divers secteurs des pêches;

iii) Identifier la meilleure mesure (captures, jours-navires, etc.) à utiliser pour déterminer l'effort de pêche;

iv) Choisir des méthodes qui permettront de fixer des limites à l'effort de pêche, bien mettre en évidence du fait de leur application.


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