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8. CONSEQUENCE DES MESURES D’AMENAGEMENT PROPOSEES SUR LA PECHE CREVETTIERE EN COTE D’IVOIRE

La biologie et la pêche de P. duorarum étant bien connues en Côte d’Ivoire, des techniques de simulation ont pu être utilisées par Garcia (1978) pour étudier les interactions entre la pêcherie artisanale lagunaire et la pêcherie industrielle en mer, ainsi que l’effet de fermetures en mer seule et de fermetures combinées en mer et en lagunes, sur la production en poids et en valeur, la biomasse et donc les rendements ainsi que sur la fécondité potentielle. L’éventail des mesures envisageables est très large et le choix final dépendra de leur comparaison aux options gouvernementales en matière de développement. Seules les solutions les plus plausibles, compte tenu des connaissances acquises sur ce stock, ont été testées.

L’utilisation combinée des modèles globaux et structuraux a montré que l’on pouvait espérer, en supprimant la pêche lagunaire, obtenir une prise optimale de 1260 tonnes qui serait capturée en 2800 jours de pêche par 11 crevettiers de 250 CV travaillant 250 jours par an. La flottille actuelle étant constituée d’unités de 350 CV dont la puissance de pêche relative est d’environ 25 pour cent supérieure, l’optimum (F0,1) serait atteint avec 7 à 8 unités.

Au taux d’exploitation en lagune observé en 1973 (55 pour cent), la prise optimale en mer tombe à 570 tonnes pour un niveau d’effort optimum identique. La pue serait alors de 200 kg/j (chalutier de 250 CV) ou. 250 kg/j (chalutier de 350 CV). L’augmentation de la pression de pêche en lagune se traduit par un baisse appréciable des captures en mer mais également par une augmentation des prises en lagune. Il est donc important d’examiner l’évolution des prises totales (mer + lagune) en fonction des différents scénarios d’exploitation combinée en mer et en lagune. La valeur globale des captures dépendant de la taille des crevettes capturées, cette évolution doit être examinée en termes de poids et de valeur marchande. Dans la situation actuelle, représentée sur la Figure 13 par le point de l’année 1973, une réduction globale de l’effort en mer ou en lagune n’apporterait que peu de changement en termes de tonnage total (3 à 8 pour cent), mais l’amélioration de la valeur totale des captures serait très sensible (12 à 43 pour cent selon la réduction considérée en lagune).

Après avoir examiné les conséquences simulées d’une variation de l’effort de pêche en mer ou en lagune ou simultanément, il est intéressant d’examiner les conséquences théoriques d’interventions saisonnières: fermetures en mer ou en lagune ou simultanées. Ces mesures visent à modifier la distribution de la mortalité par pêche en fonction de l’âge, en protégeant les juvéniles quand leur croissance est encore rapide et que la maturité sexuelle n’est pas encore atteints. Cette protection peut s’exercer en lagune au moment de la migration en mer, immédiatement après celle-ci. La migration et le recrutement en mer s’effectuent surtout de janvier à avril, période pendant laquelle se produit 53 pour cent du recrutement. La fermeture la plus efficace correspondrait donc à cette période. Les hypothèses d’aménagement testées sont les suivantes:

- Fermetures en mer: janvier, janvier-février, février-mars, mars-avril, février-mars-avril. L’effort de base a été choisi égal à 300 j/mois ouvrable, niveau correspondant au maximum de production équilibrée;

- Fermetures en lagune: seul le cas le plus favorable, c’est-à-dire celui correspondant à la fermeture en février-mars au moment du pic de migration, a été envisagé. Une période plus longue est théoriquement envisageable mais ne semble pas compatible avec la situation socio-économique actuelle des artisans. Le niveau d’exploitation retenu est celui de 1973, soit 55 pour cent.

Fig. 13 - Evolution des prises annuelles théoriques en poids et en valeur marchande, pour différents scénarios d’exploitation combinée mer/lagune (d’après Garcia, 1978a)

Les résultats concernant la prise en mer ont été calculés en poids et en valeur, et le gain (positif ou négatif) chiffré en pourcentage par rapport à une situation sans fermeture (Tableau 6). La fermeture en mer seule, quelle que soit la période de fermeture considérée, conduit à une perte de 2 à 6 pour cent en poids de captures en mer et de 0 à 2 pour cent en valeur pour une économie d’effort qui atteint 25 pour cent dans le meilleur des cas (fermeture en février-mars-avril). Le résultat est donc positif puisque, compte tenu de la précision des estimations, on peut considérer que la capture en poids ou en valeur restera pratiquement inchangée alors que l’on peut escompter réduire d’un quart le coût d’exploitation. Les résultats d’une fermeture simultanée sont encore supérieurs puisque les gains varient alors de 8 à 15 pour cent en poids et de 14 à 16 pour cent en valeur.

Les résultats concernant les prises combinées (mer + lagune) ont été calculés de la même façon et sont donnés dans les tableaux 7 et 8. Dans le cas où une fermeture n’est appliquée qu’en mer (Tableau 7), les prises totales (mer + lagune) diminuent très légèrement en poids (-1 à -4 pour cent), mais restent stables en valeur; dans le cas d’une fermeture en mer et d’une fermeture simultanée en lagune (en février-mars), la diminution en poids serait de 3 à 7 pour cent, mais le gain en valeur serait de 2 pour cent (Tableau 8).

Cela signifie que si pour des raisons socio-économiques l’exploitation lagunaire en Côte d’Ivoire devait être maintenue à son niveau actuel, on ne peut attendre d’amélioration très sensible des captures globales (mer + lagune) en poids ou en valeur (et cela quel que soit le scénario d’aménagement retenu). En revanche, il serait possible de réaliser une économie d’effort de pêche en mer de 25 pour cent sans entraîner de baisse de la prise totale annuelle, en poids ou en valeur. Si l’exploitation lagunaire pouvait être réduite, on n’obtiendrait des résultats vraiment intéressants qu’au niveau de la valeur des captures.

Quel que soit le scénario envisagé, la biomasse et la fécondité théorique du stock seraient nettement améliorées, ce qui réduirait les risques d’effondrement.


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