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7. EVALUATION

On a note a la section 3.2 que les données relatives aux captures par unité d'effort de pêche, tant pour l'Angola (pour les deux espèces de sardinelles confondues) que pour le Congo (pour les deux espèces considérées séparément) ne révèlent aucune tendance précise. En aucun des deux cas cependant on a tenu compte de l'évolution de la puissance de pêche des bateaux.

On ne dispose d'aucune information, pour la période considérée, sur l'introduction des powerblocks et autres dispositifs permettant d'améliorer l'efficacité des navires, mais on possède des données sur l'augmentation du tonnage des senneurs. Il apparaît peu vraisemblable que la puissance de pèche d'un senneur puisse être proportionnelle à son tonnage. D'après Campos Rosado (1972) l'efficacité de pêche d'un senneur de 90 TJB opérant dans le sud de l'Angola, essentiellement à la recherche de Trachurus (chinchard), représente moins de deux fois celle d'un senneur de 80 TJB.

Dans la mesure ou les taux de capture d'un senneur donnent une indication de l'abondance du poisson, on peut considérer que le fait de ne pas corriger l'effort de pêche en fonction de l'augmentation du tonnage des bateaux conduit à sous-estimer l'effort en unités standards et, partant, à surestimer l'abondance du poisson les années suivantes; a contrario, le fait de corriger l'effort de pèche en introduisant un coefficient proportionnel au tonnage des bateaux conduit à sous-estimer l'abondance des stocks. Ceci étant dit, la figure 5 montre les taux de capture de la pèche à la senne coulissante de l'Angola et du Congo par bateau/TJB/ année et par bateau/capacité de cale/jour, respectivement. Les chiffres relatifs à S. aurita contenus dans cette figure ne révèlent toujours aucune tendance définie; en revanche, les chiffres relatifs à S. maderensis traduisent une nette baisse de rendement dans les eaux congolaises entre 1964 et 1978.

Il semblerait donc que la densité des stocks de S. maderensis ait décru dans les eaux congolaises, encore qu'aucun des deux graphiques ne donne une image très nette d'une telle diminution.

A l'examen de ces observations, il conviendrait de tenir compte du fait que, pour diverses raisons énoncées dans de nombreuses études, les taux de capture des senneurs à senne coulissante peuvent ne pas représenter fidèlement les variations réelles des stocks de poisson. Parmi les principales raisons avancées, on relève la possibilité de saturation des navires dans les cas ou la densité de poisson est forte et des facteurs liés au comportement du poisson et à la formation des bancs ainsi qu'au comportement de la flottille de pêche.

En conséquence, il se peut aussi que le tableau fourni par les graphiques, d'après lequel on a des taux de capture de S. maderensis relativement peu élevés sur une période de plusieurs années au cours desquelles les taux de capture de S. aurita sont élevés (et vice versa), soit du dans une certaine mesure aux aspects particuliers d'une pêcherie opérant sur des poissons en bancs, par exemple lorsqu'elle se concentre sur les bancs les plus denses, sans que cela signifie que l'abondance des stocks des deux espèces accuse des fluctuations nettement opposées. Il demeure cependant que les taux de capture sont très variables, notamment dans le cas de S. aurita (entre 1.1 et 17 dans les données non corrigées) et de façon moins prononcée dans le cas de S. maderensis (de 4,2 à 10) ce qui apparaît d'ailleurs clairement des deux graphiques montrant les captures par effort de pêche, que les chiffres aient été ou non corrigés en fonction de variations du tonnage des bateaux. Indépendamment de l'effet artificiel que pourrait éventuellement introduire une sous-estimation des stocks d'une espèce donnée certaines années ou les captures de l'autre espèce ont été importantes, ces fluctuations peuvent être en rapport avec des variations de la répartition ou du comportement du poisson et, par voie de conséquence, de sa vulnérabilité ou encore avec des fluctuations réelles de l'abondance du poisson correspondant à des classes d'âge plus ou moins bonnes. A cet égard, on notera que la pêche angolaise a enregistré des taux de capture très élevés dans la Division 1.2 au cours des années 1969 et 1972 (ce qui n'a pas été le cas dans la Division 1.1) et que les taux de capture de S. aurita dans les eaux congolaises ont été très élevés, de manière presque simultanée en 1969/1970 et en 1972/1973. Un précédent record de la pêcherie angolaise dans la Division 1.2 remonte à 1964, vraisemblablement lié à la bonne classe d'âge de 1963 (voir l'étude de Ghéno et de Poinsard sur la détermination de l'âge -1969), bien que, la même année, la pêche congolaise n'ait pas enregistré un taux de capture élevé de S. aurita. Les résultats des recherches de Fontana et Pianet (1973) sur l'indice gonadosomatique (voir section 4.3) corroborent l'hypothèse selon laquelle les forts taux de capture enregistrés en Angola et au Congo au cours des deux dernières périodes ont également été dus à un excellent recrutement.

On a constaté que l'indice gonadosomatique a été particulièrement élevé en 1967 et 1978, ainsi qu'en 1970/71, ce qui a pu donner lieu à un recrutement exceptionnel les années suivantes.

Si l'on résume les données disponibles, il semblerait que la flottille qui exploite Sardinella spp. dans la Division 1.2 de la CIPASE soit demeurée à un niveau pratiquement constant pendant la majeure partie de la période 1956-1972, le nombre de bateaux ayant légèrement diminué et le tonnage moyen s'étant légèrement accru. On ne dispose d'aucune donnée antérieure à 1969 sur les captures de sardinelles réalisées dans la Division 1.1 de la CIPASE, malgré l'importance de la flottille opérant dans ce secteur. Toutefois, après 1969, les captures de sardinelles enregistrées dans cette division n'ont représenté qu'une petite partie des captures réalisées dans la Division 1.2. On observe également une certaine augmentation de la pêche dans la zone du Congo, mais les captures sont minimes comparées aux résultats obtenus dans la Division 1.2. Dans l'ensemble la période 1956-1972 a probablement été marquée par une certaine augmentation globale de l'effort de pêche concernant la sardinelle, dans l'ensemble de la région, mais cet accroissement a sans doute été assez modeste. C'est déjà une raison pour laquelle il est difficile d'appliquer les techniques classiques d'évaluation des stocks à ces données.

Si l'on tient compte également du fait que les données relatives aux quantités totales débarquées ne sont peut-être pas très précises étant donné qu'il a fallu les calculer à partir d'hypothèses sur la composition par espèce (section 3.1), et que par ailleurs on ne connaît l'effort de pêche de la flottille angolaise qu'à travers le nombre approximatif de bateaux par an, il est bien évident que les observations disponibles ne permettent aucunement d'évaluer l'importance des ressources en sardinelle, non plus que leur rendement potentiel. Le fléchissement probable des taux de captures de S. maderensis dans les eaux congolaises peut être localement l'effet d'une intensification de la pèche dans ces eaux, mais aucun des renseignements dont on dispose actuellement n'indique que la pêcherie ait pu avoir un effet considérable sur les ressources dans leur ensemble. Il est donc possible que le taux de mortalité du a la pêche soit encore peu élevé et que les prises de sardinelles puissent être substantiellement augmentés.

L'examen des caractéristiques biologiques de S. aurita et S. maderensis indiquées plus haut comme la croissance très rapide des premières années, suivie d'une croissance très lente par la suite (c'est-à-dire une valeur élevée de K), jointe à la longueur relativement importante pour un recrutement moyen (1c représentant peut-être 50 pour cent de L¥ d'après les données congolaises) fait apparaître que le rendement par recrue continuera d'augmenter avec la pêche jusqu'à ce que celle-ci atteigne des niveaux très élevés.

Mais il est un autre aspect de la question dont il faut tenir compte. En effet, on a pu observer dans diverses parties du monde qu'une pêche relativement intensive peut entraîner un brusque effondrement des ressources pélagiques, même quand les taux de capture n'accusent pas un fléchissement considérable. Dans certaines pêcheries tout au moins, un tel phénomène a été du à un trop faible recrutement. C'est pourquoi il importerait peut-être de pêcher en faisant en sorte que la taille du stock reproducteur reste au-dessus d'un certain minimum. S'il est vrai que les importantes fluctuations que l'on constate dans le cas de S. aurita représentent des variations de l'ampleur des stocks plutôt que de la vulnérabilité à la capture, il se pourrait bien qu'une exploitation excessive de ces ressources dans les années creuses ait des résultats néfastes et se traduise notamment par une trop forte diminution du stock reproducteur. Il importerait notamment, compte tenu de la tendance des flottilles, tant nationales qu'étrangères, a intensifier leurs activités, de suivre attentivement l'évolution de la pêcherie des stocks de chacune des deux espèces considérées séparément et de faire en sorte que toutes les données, y compris celles qui n'ont pas été publiées mais que l'on peut encore trouver non publiées dans les services ou les archives, soient analysées en profondeur et de manière régulière. On sera aussi mieux à même d'apprécier s'il y a lieu d'aménager la pêche et, au besoin, de préparer le terrain pour une telle action.

Un dernier point doit être signalé. En effet, que ce soit au stade des études ou à celui de l'aménagement de la pêche, il importe au plus haut point de savoir si les ressources de chaque espèce peuplant la zone de pêche appartiennent aux mêmes stocks ou si au contraire elles sont constituées par des populations différentes plus ou moins indépendantes. Dans le premier cas, toutes les études et activités d'aménagement doivent porter sur le stock de chaque espèce considéré comme un tout, et être conduits conjointement par tous les responsables et services concernés, tandis que dans le deuxième cas il est possible de traiter chaque population séparément.

On peut penser, d'après le peu que l'on sait de la répartition et des migrations des espèces peuplant la zone de pêche Congo-Angola, que la situation telle qu'elle se présente dans cette zone reflète de manière fidèle celle qui prévaut dans le secteur nord de l'Afrique de l'Ouest, de la Guinée-Bissau au Cap-Blanc, dont les caractéristiques océanographiques sont analogues. Les ressources de S. aurita appartiendraient donc à un seul et même stock migrant d'un bout à l'autre de la région, tandis que S. maderensis pourrait constituer un certain nombre de populations plus ou moins indépendantes évoluant le long des cotes.

Il convient de noter à cet égard que la diminution de l'effort de pêche dans les eaux angolaises en 1975/76 ne semble pas avoir eu d'effet sur les taux de capture enregistrés dans le secteur congolais, ce qui indiquerait que les stocks sont plus ou moins distincts, ou un faible taux de mortalité du à la pêche même avant 1975.


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