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4. PROGRAMME NATIONAL POUR LA RELANCE DE LA PISCICULTURE RURALE AU GABON

4.1 Justification et buts du programme

Nous venons de démontrer la rentabilité de la pisciculture rurale et le rôle qu'elle peut avoir dans l'économie gabonaise. Reste à répondre à répondre à la seule question: quel est le volume des ressources à mettre en oeuvre pour avoir une pisciculture rurale viable? Est-ce qu'un programme de développement de la pisciculture rurale justifie une action du gouvernement gabonais? Avant d'aborder ces questions, il faut donner les caractéristiques d'un tel programme national de développement de la pisciculture rurale, son coût et les résultats escomptés.

La mission estime qu'un programme national de pisciculture rurale pourrait avoir comme but concret les chiffres indiqués dans le tableau 5. Donc vers la fin de 1986 plus de 4 000 étangs, la plupart d'environ 2 ares, seraient mis en état de produire l'année suivante 400 tonnes de tilapia et 350 tonnes de porc (poids vif). C'est un volume de nourriture considérable. S'il n'y avait pas de problèmes de distribution, cette production pourrait fournir à la population rurale gabonaise à peu près 1 kg/per caput/an. Une production de cette envergure constitue un accroissement énorme de la production locale de viande.

Dans les régions visitées par la mission il y a encore toujours des villageois qui veulent faire de la pisciculture mais qui ne peuvent pas le faire, faute d'alevins et de conseils techniques. Cette attitude réflète les efforts faits, particulièrement il y a plus de 10 années, pour la vulgarisation de la pisciculture. Malheureusement, l'effort n'a pas été soutenu. Toutefois, l'intérêt existant facilitera beaucoup l'implantation du programme national proposé dans ce rapport. Les techniques de l'élevage sont connues et pratiquées, entre autre en République Centrafricaine. Maintenant il faut aider les villageois en leur donnant des alevins et des conseils techniques.

En ce qui concerne le développement de la pisciculture, il est à craindre qu'une action de longue durée, dix ans au moins, soit nécessaire pour former les cadres et familiariser complètement les populations intérieures avec ces problèmes. Le choix des moniteurs locaux devra se porter presque uniquement sur ceux originaires des régions intérieures où ces travaux auront lieu car l'expérience prouve qu'il est très difficile de faire vivre à l'intérieur du pays un originaire de la côte ou des villes (Bounassies, 1967).

Les populations gabonaises n'ont pas de tradition d'élevage et il faut tenir compte de ce fait dans l'élaboration des programmes de pisciculture. Un autre handicap est la rareté relative de sous-produits agricoles, du moins dans certaines régions du pays.

Pour obtenir des rendements intéressants en élevage en étangs de T. nilotica, en monoculture et en polyculture, il est indispensable de fertiliser les étangs et de nourrir les poissons.

L'on peut utiliser, soit des engrais chimiques (inorganiques), tels que superphosphate, sulfate d'ammoniaque, urée et des amendements calcaires (chaux agricole, dolomie, etc.), soit des engrais organiques, tels que fumier de boeuf, fumier de porc, fientes de poules, compost et fumier artificiel. Etant donné les prix relativement élévés des engrais chimiques et les prix de transport, il est recommendé d'utiliser, autant que possible, des engrais organiques, que l'on peut trouver sur place. Du compost devrait être utilisé quand on ne dispose pas de fumier ou de fientes de poules. Du fumier artificiel peut également être préparé sur place. La manière d'utiliser ces engrais est décrite en annexe 2.

Des sous-produits agro-industriels pouvant servir d'aliments pour les poissons, et les porcs et canards des élevages associés, sont disponibles dans certaines villes et localités du pays:

  1. Drêche de brasserie humide et levure de bière: la drêche est disponible, gratuitement, à la brasserie Regab à Libreville (3 000 t/an) et à la Sobraga à Oyem (3 t/jour durant 250 jours de l'année). De la levure de bière, également gratuite, se trouve à Libreville (100 t/an) et à Oyem (400 1/jour).

    La Regab à Libreville envisage cependant de déshydrater la drêche d'y incorporer la levure de bière centrifugée et sèchée, ainsi que des oligo-éléments et des vitamines et d'amalgamer ces ingrédients en tourteaux pour l'alimentation du bétail, comme cela se fait déjà dans une des principales brasseries de Kinshasa, Zaire. Ce projet est actuellement à l'étude, sans que l'on puisse donner plus de précisions.

    La Regab ouvrira, vraisemblablement début 1982, une nouvelle brasserie à Mouila, d'une capacité annuelle de 5 000 hl de bière. Il y aurait donc, à partir de 1982, de nouveaux sous-produits disponibles, utilisables en aquaculture: environ 750 t de drêche humide/an et 100 000 1 de levure de bière/an.

  2. Son de riz: est disponible à Tchibanga (CFA.F. 30/kg, départ d'usine), à N'Dende et à Nyali, au même prix qu'à Tchibanga.

  3. Déchêts de minoteries (son de blé, etc.): environ 800 t/an sont disponibles à Libreville.

    D'autres ingrédients sont également disponibles, tels que déchêts d'abattoirs (contenus de panse et sang) et déchêts de ménage.

    Il serait nécessaire de faire l'inventaire complet de tous les sous-produits qui peuvent être utilisés en pisciculture. Un tel inventaire devrait énumérer les produits disponibles, leur localisation, les quantités disponibles, la période de disponibilité, leur utilisation actuelle, leur prix et les frais de transport.

4.2 Ressources et activités du programme

Pour atteindre ces buts il faut un effort concient et concentré sur quatre aspects fondamentaux:

Les annexes 2 à 9 de ce rapport contiennent des recommendations très detaillées sur les travaux à faire pour rendre efficaces les stations piscicoles existantes. La mise en fonction des stations piscicoles constitute le premier pas indispensable dans un programme national pour la relance de la pisciculture rurale. La mission est de l'avis qu'il faut une somme d'environ CFA.F. 17 millions pour remettre en route les huit stations identififées pour le programme national (voir tableau 6). Remises en plein fonctionnement et servant une pisciculture rurale active, la plupart des stations doivent s'autofinancer à l'exception des salaires des moniteurs et des responsables. Des recettes seront obtenues par la vente des alevins et des poissons marchands, des porcs et des canards. Quelques années après le démarrage du programme national pour la relance de la pisciculture rurale, les dépenses annuelles devraient être inférieures aux recettes.

Pour assurer l'assistance technique nécessaire aux villageois dans les régions desservies par le programme national, la mission considère qu'il faut avoir environ 30 moniteurs piscicoles specialisés. Ils travailleront dans les villages seuls, ou avec les vulgarisateurs ruraux formés à l'Ecole Nationale des Cadres Ruraux à Oyem.

Tableau 5

Programme National pour la Pisciculture Rurale au Gabon Nombre d'Etangs et Production

 198219831984198519861987
 12312312312312312
Nombre d'étangs-3046403048041 7601 1021 1862 6602 2941 2162 8003 5107961 9604 306 
Production4                 
- Tilapia (tonnes)-  22    90    201    322    418 
- Porcs (tonnes)-  14    67    160    266    360 

1 Nombre d'étangs en activité au début de l'année
2 Nombre d'étangs mis en route pendant l'année
3 Superficie des étangs mis en route pendant l'année (ares)
4 Productions en tonnes (poids vif) pour les étangs qui étaient en activité au début de l'année

Tableau 6

Programme National pour la Pisciculture Rurale au Gabon

Remise en état de stations piscicoles1: coût (d'investissement), frais de fonctionnement et bénéfices

(CFA.F. '000)

 Stations Piscicoles
 BitamOyemM'Bigou1PeyrieLébambaTchibanga
Coût de remise en état      
- matériel et outillage    80   
- remise en état d'étangs6 2643203403 472      312655
- porcherie/abri canards   380303-464  
- bâtiments 150700  80     50 
- véhicules1 500 -1 500     
Total8 1447731 120   5 516      362655
Frais annuels de2 fonctionnement      
- main-d'oeuvre2 4962 184   9602 604   1 3101 298   
- matériel et outillage   254250  80251   184138
- aliments, poissons   657165 136   913256
- aliments, porcs/canards   777315-186-255
- engrais   290181214126    64  73
- achat: porcelet/canetons   760578-1 006      200100
- transports   200200  50200  
- divers    50  50  20  50     50  50
Total5 4843 923   1 324   4 559   2 7212 170   
Recettes des ventes2      
- alevins1 3501 980    1 260   2 3401 092   
- poissons4 3062 574    4 212   1 110639
- canards 130 688  
- porcs2 5081 872    8 260   4 1702 091   
Total8 1646 556   82814 420     7 6203 822   
Bénéfice annuel2 6802 633   (496) 3 701   1 449   (79)

Notes:

1 La mission n'a pas pu visiter les Stations Piscicoles de Mitzic et de Minvoul. Les coûts de remise en état de ces deux stations sont cependant repris au document de projet. Les frais et les recettes pour les stations de Mitzic et, de Minvoul ont été calculés sur base des données obtenues pour la station de M'Bigou.

2 En année de croisière.

Pour remettre en état un étang il faut un effort. Pour creuser un étang de même taille il faut un plus grand effort. Ces efforts, en bien des cas, entraîneront des dépenses (salaires de la main-d'oeuvre, achat d'outillages, de ciment, etc.). Une fois les étangs remis en état, les pisciculteurs seront obligés d'acheter des alevins pour mettre en charge ces étangs. Donc il faut que les futurs pisciculteurs utilisent leur épargne ou qu'ils obtiennent des crédits. Combien de CFA.F. est-ce qu'il faut prévoir pour un fond de roulement de crédit à la pisciculture rurale? Nous avons calculé le chiffre global qu'il faut prévoir pour le fond de roulement. Les hypothèses suivantes ont été utilisées:

  1. seulement 32,5 pour cent des coûts de la construction des étangs a été envisagé (une grande partie de la construction des étangs sera faite par des membres non-salariés de la famille)

  2. 75 pour cent des dépenses d'un cycle de production. Les crédits seront récupérés pendant quatres années. Sur ces bases, les besoins pour le fonds de roulement nécessaire pour réaliser le programme national de relance de la pisciculture rurale seront d'environ CFA.F. 200 millions en 1986 (voir tableau 7).

4.3 Besoins en assistance technique

Pour mettre en route dans une période courte, le programme national pour la relance de la pisciculture, le Gabon a besoin d'assistance technique, en premier lieu pour la formation des moniteurs mais aussi pour assurer pendant quelques années une bonne utilisation des stations piscicoles.

La mission a préparé un document de projet pour un projet d'assistance à l'exécution du programme national de développement de la pisciculture rurale. Le projet est formulé pour assurer l'assistance requise à l'exploitation des stations piscicoles, donc a deux des trois programmes nécessaires pour la relance de la pisciculture rurale. Il est nécessaire que le gouvernement décide de fournir les ressources indispensables pour assurer la bonne exécution de la troisième: le credit piscicole. Sans un programme de crédit rural le développement sera plus lent que ce qui a été envisagé dans ce rapport.

4.4 Coûts et bénéfices d'un programme national de pisciculture rurale

Nous revenons maintenant à la question qui a été soulevée au commencement du chapitre 4.1: combien de ressources le gouvernement gabonaise pouvait-il consacrer à un programme national pour la relance de la pisciculture rurale?

Le programme national pour la pisciculture rurale aidera les villageois des régions concernées (Woleu-N'Tem, N'Gounie, Nyanga et plus tard le Haut-Ogooué) à pratiquer la pisciculture pour vivre mieux. Le tableau 8 démontre que le programme est un moyen très efficace pour l'augmentation des revenus d'un grand nombre d'habitants ruraux1. Peu importe quelle notion de bénéfices l'on adopte, ils surpassent largement les coûts du programme. Pour chaque CFA.F. investi ou depensé par le Gouvernement pour ce programme, les pisciculteurs ruraux peuvent compter en tirer six en bénéfice net. Bien sûr, pour une partie des éleveurs, ce bénéfice se manifestera en mangeant leur propre produit; donc en évitant un achat.

Il est évident que les données sur lesquelles se basent les projections de cette section peuvent être améliorées en ce qui concerne le nombre d'étangs et d'élevage associés qui vont être mis en production pendant le programme. Ce fait n'invalide pas les conclusions ci-dessus. Le coût du programme est surtout lié à son ampleur. Donc, si le nombre d'étangs récupérés ou creusés ne sera pas aussi important que prévu par la mission, les coûts du crédit piscicole et les salaires des moniteurs pourraient être diminués. Il en résulte que la différence entre bénéfices et coûts peut rester large, même à un niveau d'activités plus réduit que celui prévu dans ce rapport.

1 En 1986, l'action doit permettre à 2 000 ou 3 000 familles d'avoir un étang piscicole; et à 50 000 à 100 000 personnes non-producteurs de manger du Tilapia frais.

Naturellement, les principaux coûts pour le gouvernement sont ceux nécessaires à rélancer le programme. Après les premières cinque annèes les besoins de crédits et le nombre des moniteurs piscicoles n'augmenteront pas au rythme du nombre des étangs. Donc sur une période plus large que celle du tableau 8 nous obtiendrons des bénéfices encore plus encourageants.

Les facteurs suivants sont à l'origine de cette situation très favorable:

Du fait de l'évidente rentabilité de la pisciculture rurale, à tout point de vue, la mission est d'avis que le gouvernement devrait accorder une importance primordiale à son implantation et à son développement.

Tableau 7

Programme National pour la Pisciculture Rurale au Gabon
Besoins en Crédit

(CFA.F. en millions)

 1982   1983    1984 1985   1986   1987   
Crédit      
-besoins pour creuser ou récupérer un étang1445  859484 
-repayement du crédit- 4  15365977
-additions au fond de roulement1441   705825 
-crédit total du fond de roulement fin d'année1455 125183  208   
       
Valeur de la Production1      
-valeur des Tilapia et porcs produits dans les étangs mis en charge par le programme- 252110240  390  520 

1 Les poissons, et porcs, non commercialisés sont valorisés aux prix de marché (CFA.F. 600/kg poids vif)

2 Le valeur de la production réalisée dans des unités en activité à la fin de l'année antérieure (1981)

Tableau 8

Programme National pour la Pisciculture Rurale au Gabon
Bénéfices et Coûts du Programme

(CFA.F. en millions)

 1981  1982  1983  1984 1985 1986 
Bénéfices      
-valeur marchande de la production1-25110 240390520
-valeur marchande moins coût de production2-1565149242319
-valeur marchande moins coûts de production autres que salaires (payés ou imputés)-1874169275363
       
Coûts      
-relance et opérations des stations piscicoles33419  6-    (4)   (4)
-moniteurs (15) additionnels4  71418  18  18  18
-crédits piscicoles5-  414  27  39 
Total des coûts413738  45  53 

1 Voir tableau 7

2 Calculés sur les bases données au tableau 3

3 Les coûts de remis en état des stations plus les différences entre frais annuels de fonctionnement (qui ont été évalués à 100 pour cent dès 1981), et les recettes de ventes (0% en 1981 à 100% en 1985)

4 15 moniteurs seront recrutés pour le programme. Le 15 restants seront sélectionnés entre le personnel actuel du service des pêches continentales et pisciculture

5 Le coût du crédit piscicole consiste d'intérêts pas perçus par l'état (10% différence entre l'intérêt annuel que payera le pisciculteur et l'intérêt commercial) et le crédit non remboursé, estimé à un tiers du total.


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