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ANNEXE 6
Elevages de Tilapia en cages flottantes au “Centre d'Aquaculture” de British Petroleum à BAPO (Jacqueville)
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1. Introduction

“Le gouvernement ivoirien s'attache à favoriser toute entreprise désireuse de monter une ferme d'aquaculture industrielle. Une première ferme d'aquaculture entièrement privée a été construite à Bapo, Sous-Préfecture de Jacqueville. Elle a pour objectif la production de 500 tonnes de Tilapia par an, après 3 ans de démarrage d'aquaculture en vraie grandeur en Afrique de l'Ouest.” (Interview du Dr. Luc Koffi, Directeur des Pêches Maritimes et Lagunaires, par Douhot A.N., dans Fraternité Hebdo No. 1087 du 15.2.80).

Le Centre d'Aquaculture de Bapo a été financé et construit par B.P. (British Petroleum) en 1979, sur les rives de la lagune Ebrié, à proximité de Jacqueville. Cette entreprise privée est dirigée par M. David Campbell, ancien du projet FAO IVC/77/526 qui a effectué les premiers élevages en cages au lac Kossou.

En plus des installations à terre, deux batteries de chacune 12 cages sont ancrées en face de Bapo. Etant donné la réputation de “calme permanent” de la lagune Ebrié, chaque batterie de cages n'était ancrée que par deux gueuses en béton de 200 kg chacune.

La tempête, survenue en lagune Ebrié à la fin de la première semaine de mars 1980, a emporté les deux batteries de cages qui ont dérivé et se sont disloquées contre des piliers en béton, vestiges d'une ancienne jetée. Pratiquement tous les stocks de fingerlings et de poissons en grossissement qui se trouvaient alors dans les cages ont été perdus. De plus, les armatures métalliques des cages se sont brisées ou ont été tordues et les filets ont été déchirés. Heureusement, et après bien des efforts, M. Campbell a pu récupérer les pontons et les cages et il a refait les ancrages en utilisant comme gueuses, 4 fûts à essence de 200 litres chacun par batterie de cages. Les fûts ont été remplis de béton. Du fait de cette catastrophe, la Mission n'a pu voir les cages en pleine exploitation.

Le “Centre d'Aquaculture” de Bapo n'a pas encore atteint le stade de l'exploitation commerciale, et il s'agit encore d'une entreprise expérimentale où l'on met au point l'élevage en cages en milieu saumâtre. C'est la raison pour laquelle nous n'avons pu obtenir des données exactes et définitives, notamment en ce qui concerne les densités de mise en charge des tanks de prégrossissement et des cages, les taux de survie aux différentes phases d'élevage et les rendements. Ce n'est qu'à la fin de la période expérimentale, et quand on disposera des résultats d'au moins deux cycles annuels de production, qu'il sera possible de dresser un bilan de cette exploitation piscicole, la première du genre en Afrique de l'Ouest.

1 Cette section a été rédigée sur base des informations fournies par M. David Campbell, Directeur du “Centre d'Aquaculture” de Bapo

2. Les installations du Centre d'Aquaculture

Ces installations se composent de:

3. Investissements

En mars 1980, l'investissement total de BP à Bapo était de 150 millions de Fr. CFA. Avec un nouvel investissement de 50 millions de Fr. CFA, le directeur du Centre estime pouvoir augmenter sa capacité de production et passer de 150 tonnes/an à 500 tonnes/an.

4. Schéma de production

4.1 Les espèces élevées en cages

Les espèces élevées à Bapo sont Tilapia nilotica et accessoirement T. heudelotii. Il y a également un petit stock d'alevins de mâchoirons (Chrysichthys walkeri), prélevés dans la lagune Ebrié, et qui font l'objet d'un essai de premier grossissement en tanks.

T. nilotica a été choisie comme espèce principale du fait de sa rapidité de croissance et sur la base des résultats des élevages en cages à Kossou (Coche, 1976; Campbell 1978, 1978a).

Le premier lot de reproducteurs T. nilotica provenant de Mopoyem était parasité. Cela a provoqué d'importantes mortalités. La détermination des parasites est en cours.

T. heudelotii est une espèce estuarienne caractéristique, relativement abondante dans toute la lagune Ebrié. Elle ne vit qu'en eaux saumâtres, et elle n'est pas parasitée. C'est pour ces raisons que M. Campbell a entamé la reproduction de T. heudelotii, espèce sans doute plus adaptée au milieu saumâtre de la lagune Ebrié que T. nilotica, même si la croissance de T. heudelotii semble inférieure à celle de T. nilotica.

4.2 Les phases d'élevage

L'exploitation se fait en quatre phases:

Phase I: production d'alevins en bassins métalliques rectangulaires de 55 m2. Les alevins, encore en “nuage”, sont retirés journellement des bassins et déversés dans des tanks de prégrossissement. On retire chaque jour des 4 bassins de ponte entre 5 000 et 10 000 alevins, soit en moyenne 7 500 alevins/jour. Tous les alevins récoltés en une semaine (environ 52 000) sont regroupés dans un seul tank de prégrossissement.

Phase II: prégrossissement d'alevins de moins d'un gramme en tanks de 4 m2. Le pré-grossissement dure 2 mois durant lesquels les alevins passent de moins d'un gramme à 2 grammes. A ce poids, les alevins sont déversés dans les cages de premier grossissement.

Compte-tenu des mortalités durant le prégrossissement et lors des manipulations, l'on devrait disposer, tous les 2 mois, d'environ 25 700 alevins de 2 grammes par tank.

Phase III: premier grossissement en cages (27 m3) d'alevins de 2 grammes. Durée: un mois, durant lequel les alevins passent de 2 grammes à 22–25 grammes, ce qui correspond au stade de fingerling. Après un mois de premier grossissement et un taux de mortalité de 25 pour cent, il reste 19 000 fingerlings qui sont placés en cages de production.

Phase IV: grossissement des fingerlings en cages de production, durant 3 mois, pour obtenir des poissons commercialisables d'un poids moyen de 180 à 200 gr. Durant cette quatrième phase, il n'y aurait pas de mortalités.

4.3 La production d'alevins

La reproduction de T. nilotica et de T. heudelotii se fait en bassins rectangulaires de 55 m2 dont l'eau est changée deux fois par jour, par pompage. On dispose de 4 bassins d'une superficie totale de 220 m2. Le fond des bassins de ponte est nu et les mâles n'ont donc pas l'occasion de construire des nids.

On place entre 260 et 360 reproducteurs T. nilotica par bassin avec un sex ratio de l mâle (poids moyen entre 200 et 300 grammes) pour 5 femelles (entre 120 et 200 grammes). Il y a donc dans chaque bassin de ponte entre 217 femelles et 60 mâles (densité de 260 reproducteurs/bassin) et 300 femelles et 60 mâles (densité de 360 reproducteurs/bassin). Selon les densités adoptées, il y a donc en moyenne entre 4,72 et 6,54 reproducteurs par m2 de bassin de ponte. Selon les mêmes densités, il y a en moyenne entre 0,78 et 1,09 mâles par m2, ce qui veut dire que le territoire de chaque mâle n'excède pratiquement par un mètre carré.

On obtiendrait entre 1 000 et 1 200 alevins par femelle et par ponte, ce qui est nettement supérieur à ce que l'on récolte habituellement en étangs: entre 670 alevins en moyenne par femelle/ponte à Madagascar (Thérezien, 1968) et 750 alevins par ponte et par femelle dans des eaux à températures comprises, toute l'année, entre 20 et 25°C (Bard et al., 1975).

En admettant une production moyenne de 1 000 alevins par femelle et par ponte, et un intervalle de 7 semaines entre chaque ponte, la production annuelle théorique des 4 bassins serait de 6 millions d'alevins de 8–10 jours (densité de 260 reproducteurs par bassin) à 8 millions d'alevins (densité 360 reproducteurs/bassin).

Actuellement, la production journalière à Bapo est de 5 000 à 10 000 alevins par jour, soit entre 1 800 000 et 3 600 000 alevins/an. Cette production, réduite par rapport aux possibilités théoriques de production d'alevins, résulte du fait que les quatre bassins ne sont pas encore utilisés régulièrement à temps plein et parce que, au départ, le stock de reproducteurs de T. nilotica était parasité par des copépodes, ce qui a entrainé des pertes élevées de reproducteurs et d'alevins.

Les reproducteurs sont nourris journellement, à la main, avec des granulés (pellets) à environ 4 pour cent du poids du peuplement de chaque bassin. Les granulés sont composés de 50 pour cent de son de blé, 42 pour cent de tourteau de coton et 8 pour cent de farine de poisson. Le prix de revient de ces granulés, fabriqués sur place, est de 88 Fr. CFA le kg.

Les alevins, encore en “nuage”, sont retirés chaque jour des bassins de ponte, au moyen d'épuisettes à fines mailles, et déversés dans les tanks de prégrossissement. Ils ont entre 4 et 5 mm et pèsent moins d'un gramme.

4.4 Prégrossissement en tanks

Les alevins, à leur sortie des bassins de ponte, sont placés en tanks d'environ 4 m2 (2 × 2). L'alimentation en eau se fait par pompe électrique, individuelle par tank, et le niveau d'eau (environ 40 cm) est réglé par un flotteur qui branche ou débranche la pompe selon les nécessités. L'eau qui s'écoule par le fond au moyen d'une colonne perforée située au centre du tank, est renouvelée quatre fois par heure.

Actuellement, tous les alevins produits en une semaine (5 000 à 10 000 alevins/jour × 7 jours = 35 000 à 70 000 alevins/semaine) sont déversés dans un seul tank. On les trie régulièrement et l'on retire les plus gros qui sont stockés dans d'autres tanks, à des densités variables.

Après 6 à 7 semaines, les alevins atteignent 1 gramme, en moyenne, et environ 2 grammes après 2 mois de prégrossissement.

Les alevins en tanks sont nourris automatiquement et en permanence (distributeur automatique à tapis roulant) d'un mélange pulvérulent comprenant, entre autre, du lait en poudre et des vitamines.

Compte-tenu de la petite taille des alevins en “nuages” lors de la mise en charge des tanks, et d'un certain parasitisme des T. nilotica, les mortalités en 2 mois de prégrossissement doivent être de l'ordre de 50 pour cent. Dans ce cas, et en admettant une production journalière moyenne de 7 500 alevins en “nuage”, il ne resterait, après 2 mois de prégrossissement que 26 250 alevins de 2 grammes par tank (soit 50 pour cent de 52 500 alevins en “nuage” produits en une semaine).

Si l'on considère qu'il y a encore environ 2 pour cent de mortalité durant les manipulations et le transport des alevins de 2 grammes, des tanks vers les cages de premier grossissement, on disposerait donc, tous les 2 mois, d'environ 25 700 alevins de 2 grammes par tank pour déverser ensuite dans les cages de premier grossissement, soit à peu près 51 kg d'alevins.

4.5 Premier grossissement en cages

Ce grossissement des alevins de 2 grammes se fait en cages de 27 m3 dont les parois et le fond sont en Netlon à mailles de 8 mm. A 2 grammes les alevins ont une taille qui ne leur permet plus de passer à travers des mailles de 8 mm.

Le premier grossissement dure un mois. Les poissons sont nourris à la main aux granulés de la même composition que ceux que l'on utilise pour les reproducteurs. Au début du premier grossissement, la ration journalière est de 4 pour cent du poids des alevins déversés. On diminue ensuite progressivement la ration pour arriver entre 1 et 1,5 pour cent de la biomasse à la fin du grossissement.

En un mois environ, les alevins passent de 2 à 22–25 grammes. A ce poids ils ont atteint le stade “fingerling” et sont utilisés pour la mise en charge des cages de production. Tous les quinze jours on trie les alevins en cours de premier grossissement et on retire de la cage les fingerlings (poissons qui ont atteint 25 grammes ou plus). Ils sont stockés pour ensuite mettre en charge les cages de production de poissons de consommation.

Les mortalités en cours du premier grossissement seraient d'environ 25 pour cent. Des 25 700 alevins de 2 grammes provenant d'un tank de prégrossissement, il ne resterait alors qu'environ 19 000 fingerlings de 25 grammes, soit à peu près 47,5 kg, après un mois de premier grossissement. Ces fingerlings servent à mettre en charge les cages de production.

4.6 Production en cages

A Bapo, l'on dispose de 24 cages (2 batteries de chacune 12 cages). Chaque cage a un volume de 54 m3 (8,50 × 4,25 × 1,50 m). Les cages ont 1,50 m de profondeur et sont ancrées dans la lagune Ebrié, en face des installations de BP, sur des fonds d'environ 2m.

Seulement une batterie de cages est utilisée actuellement. Les cages sont mises en charge avec des fingerlings d'environ 25 grammes provenant des cages de premier grossissement. La densité de mise en charge varie de 93 à 370 fingerlings par m3 de cage, selon les essais soit 5 000 à 20 000 fingerlings par cage de 54 m3.

Les fingerlings reçoivent des granulés de la même composition que ceux distribués aux reproducteurs. La nourriture est donnée 5 fois par jour, à la volée, à la surface des cages. Les T. nilotica viennent happer les granulés à la surface, mais les T. heudelotii auraient tendance à se nourrir plutôt sur le fond des cages, ce qui est conforme au régime alimentaire de cette espèce dans les eaux naturelles (Thys van den Andenaerde, 1964; Daget et Iltis, 1965).

Au début de l'élevage, la ration journalière est de l'ordre de 3 à 4 pour cent de la biomasse mais elle est diminuée ensuite graduellement jusqu'à environ 1 pour cent au courant du troisième mois de grossissement. Des essais sont en cours pour déterminer la ration journalière idéale à donner aux fingerlings de 25 grammes pour atteindre, dans les meilleurs délais, un poids moyen de 180 à 200 grammes.

La durée de cet élevage de production est de 3 mois et durant cette période, les fingerlings passent de 25 à 180–200 gr, soit une croissance de 1,8 à 2,1 g par poisson, pour une densité de mise en charge de 93 fingerlings par m3 (5 000 fingerlings par cage). A des densités plus élevées, telles que 370 fingerlings/m3 (20 000 fingerlings/cage), on risque d'avoir des problèmes d'oxygène dissout dans l'eau des cages. Quand la teneur en oxygène est basse, la croissance des individus est affectée et ralentie.

Après 3 mois d'élevage, à une densité de 93 fingerlings/m3, la production est de l'ordre d'une tonne par cage, soit un rendement de 64,8 kg/m3 de cage/an.

A la densité de 93 fingerlings/m3, et en 4 cycles d'élevage de 3 mois, la production annuelle de chaque cage est donc de 4 tonnes, soit 48 tonnes par an pour une batterie de 12 cages ou 96 tonnes par an pour les 24 cages existantes à Bapo.

Pour obtenir, à la même densité de 93 fingerlings/m3, une production de 150 tonnes/an, production escomptée à la fin de la période expérimentale et en ne disposant que de 24 cages de 54 m3, il faudrait obtenir une production de 6 250 kg de poissons par cage/an.


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