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PHENOLOGIE, MORPHOLOGIE, PRODUCTION ET PHYSICLOGIE DES GRAINES DE PROSOPIS

L'application des directives concernant la récolte, le traitement et la conservation des semences de Prosopis doit s'appuyer sur une connaissance suffisante de la phénologie, de la morphologie, de la production et de la physiologie des graines des espèces de ce genre. Un examen général de ces points importants est brièvement présenté ci-dessous.

Phénologie

Les observations phénologiques montrent que très communément la floraison et la fructification des Prosopis varie d'une année à l'autre, et d'un arbre à l'autre à l'intérieur d'une population au cours de la même année. Certaines des variations dans la fructification à l'intérieur d'une population ont été attribuées à des différences dans l'attirance des inflorescences pour les insectes au cours d'une période de floraison donnée. Les fluctuations dans les populations d'insectes suceurs jouent également un rôle en déterminant le nombre de fruits naissants qui avortent dans une année donnée.

La floraison des Prosopis se produit peu après l'éclatement des bourgeons au début du printemps, lorsque le temps se réchauffe. Les inflorescences apparaissent lorsque les arbres se sont couverts de nouvelles feuilles. Leur forme varie selon l'espèce, de petites boules sphériques à des chatons allongés, pelucheux. En général, les Prosopis poussant sous des latitudes australes au Chili et au Pérou fleurissent en octobre et novembre, tandis que les Prosopis du Mexique fleurissent entre mars et mai. La floraison des Prosopis du Mexique - de même que du sud-ouest des Etats Unis - est souvent plus irrégulière que celle observée en Amérique du Sud.

Le calendrier de floraison d'une espèce peut changer lorsqu'on l'introduit dans un nouveau milieu. Prosopis juliflora du Mexique introduit en Inde, par exemple, y produit en abondance des fleurs et des fruits deux fois par an, en février-mars et en août-septembre.

Un faible pourcentage des fleurs produit finalement des fruits, dont très peu donneront des semences viables. Une pollinisation insuffisante, et des dégâts d'insectes, en sont les principales raisons. En fait, moins de 3 pour cent des millions de fleurs produites par un Prosopis adulte forment des ébauches de fruits, dont seulement le tiers à la moitié continueront leur développement. Les fruits prennent environ trois mois pour arriver à maturité, et sont soumis à de lourdes déprédations par les insectes.

Selon le Rapport de la Phase I du projet FAO/CIRPG (FAO 1980), les périodes de récolte de semences se situent de février à mars ou avril au Chili, décembre à mars, plus août, au Pérou, et à partir d'août au Mexique.

Morphologie

Les fruits de toutes les espèces du genre Prosopis sont des gousses indéhiscentes, qui selon l'espèce peuvent être de longues et linéaires à courtes et spiralées. Leur longueur varie de 3 à 30 centimètres, et elles pendent à l'extrémité de courts pédoncules, en bouquets comptant jusqu'à 12 gousses. Le Tableau 3 présente un exemple de composition morphologique des gousses de Prosopis. L'enveloppe extérieur ou exocarpe des gousses mûres a une couleur qui va du jaune paille au brun rouge, souvent moucheté. Les gousses sont malheureusement souvent infestées par des charançons.

Tableau 3

Composition morphologique de fruits de Prosopis

Prosopis glandulosa%Prosopis velutina%
graines15,0graines24,6
 enveloppe des graines  7,0 enveloppe des graines10,6
 tégument  3,6 tégument  5,5
albumen  3,4albumen  5,1
cotylédons  7,9cotylédons14,0
péricarpe85,0péricarpe75,4
 endocarpe36,8 endocarpe11,7
mésocarpe + exocarpe48,2mésocarpe + exocarpe63,7

Source: Becker et Grosjean 1980

Dans la gousse, les graines sont enrobées dans une matrice pulpeuse, le mésocarpe. Elles sont séparées entre elles par une cloison fermée appelée septum. Une enveloppe protectrice, l'endocarpe, qui est imperméable à l'eau, entoure chaque graine. L'endocarpe doit être brisé pour que la germination puisse se produire; c'est en raison de sa présence que certaines graines de Prosopis peuvent survivre très longtemps dans le sol.

Les graines peuvent être d'oblongues à presque carrées selon l'espèce; dans certains cas elles ont un bord irrégulier. En général, les graines de la plupart des espèces ont environ 0,3 à 0,7 cm de long, 0,3 à 0,4 cm de large et 0,2 à 0,3 cm d'épaisseur. Elles sont généralement luisantes, de couleur brun clair.

Production

Comme on peut s'y attendre, il y a des variations considérables entre individus et entre populations dans la production de graines pleinement développées par fruit. On peut cependant, d'après le travail de Solbrig et Cantino (1975) sur Prosopis chilensis, évaluer approximativement la quantité de graines produites par un arbre moyen dans une saison de reproduction donnée.

Un sujet moyen de Prosopis chilensis produit plusieurs millions de fleurs; pour prendre un exemple, nous admettrons le chiffre de 10 millions. Il est produit un fruit adulte pour 10 000 fleurs. Selon les observations de Solbrig et Cantino, on a en moyenne 19 graines par fruit, ce qui nous donne donc une production de 19 000 graines par arbre pour une seule récolte.

Un calcul analogue fait pour Prosopis flexuosa, espèce endémique d'Argentine, donne une estimation de 80 000 graines en moyenne par arbre.

Un comptage réel de la production totale de semences d'un sujet de Prosopis velutina dans le sud-ouest des Etats-Unis a donné 142 000 graines.

A partir des estimations et du comptage réel ci-dessus, et en tenant compte d'une large marge d'erreur pour l'approximation grossière du nombre de fleurs par arbre, il semble qu'on puisse admettre qu'un pied de Prosopis produit en une fructification entre 10 000 et 100 000 graines.

On a obtenu entre 20 000 et 35 000 graines à partir d'un kilogramme de gousses fraîchement récoltées. Le nombre moyen de graines par kilogramme dans quatre échantillons était de 20 500, entre un minimum de 20 600 et un maximum de 38 300.

Physiologie

Pour que les graines de Prosopis puissent germer, il faut que l'endocarpe soit fendu ou enlevé, et que deux phénomènes se produisent: imbibition par l'eau et échanges gazeux. Lorsque ces processus s'engagent, l'embryon commence à croître, par dilatation puis par division des cellules. Finalement, la radicule perce son enveloppe protectrice.

Avec une humidité suffisante, les graines de Prosopis peuvent germer en six heures seulement à environ 35°C. Le pourcentage maximum de germination se produit aux alentours de 30°C, bien que les graines puissent germer à des températures allant de 20°C à 40°C. L'effet de la température est semble-t-il de régler le rythme et l'importance de l'absorbtion d'eau par la graine qui germe. A des températures supérieures ou inférieures à la gamme de températures critiques, la quantité d'eau absorbée est insuffisante pour permettre la germination.

Les exigences de températures élevées pour la germination des graines de Prosopis sont probablement dues au fait que ce genre de végétal a évolué dans des régions caractérisées par des pluies estivales. Dans une certaine mesure, on peut les interpréter comme un mécanisme qui évite que les graines ne germent lors des pluies hivernales occasionnelles et moins assurées.

Bien que les graines de Prosopis puissent germer à la surface du sol, la survie des plantules exige qu'elles soient couvertes par une mince couche de terre (un à deux centimètres). Etant donné que la germination en elle-même n'est pas influencée par la lumière, cette exigence apparaît comme étant davantage en rapport avec un bon ancrage et un contact maximum avec une couche de sol humide. Dans la plupart des régions arides et semi-arides, l'humidité dans les couches superficielles du sol n'est disponible que pendant un temps limité. Les semis émergents sont entièrement tributaires de l'humidité qui entoure les graines pendant une courte période de temps. Il semble que la sélection naturelle ait favorisé des mécanismesprécis qui utilisent une gamme relativement étroite de températures et de conditions d'humidité pour assurer la germination des graines seulement pendant la saison des pluies, lorsque les conditions sont propices.

La dormance des graines, qui est courante chez les Prosopis, doit être rompue pour que la germination s'accomplisse. La dormance dont il s'agit ici est une dormance imposée par la nature des téguments, c'est-à-dire une inhibition de la germination due aux enveloppes qui entourent l'embryon. En enlevant ou blessant ces enveloppes, on permet à un embryon non en état de dormance de germer.

En milieu contrôlé, les semences de Prosopis entreposées peuvent rester viables pendant très longtemps. C'est ainsi que dans l'atmosphère sèche d'un herbier, dans le sud-ouest des Etats-Unis, des semences de Prosopis juliflora avaient gardé un pourcentage de viabilité de 60 pour cent au bout de 50 ans.


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