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1. INTRODUCTION

En février 1984 la FAO (Rome) a invité Euroconsult à lui fournir un expert pouvant assurer une mission d'assistance technique de cinq semaines pour un projet d'aquaculture en Roumanie, suivant l'accord conclu entre la FAO et la Centre de production et de transformation industrielle du poisson de Bucarest. Euroconsult a proposé les services de M. J.C.J. van Zon, spécialiste principal de l'aquaculture.

A l'arrivée de l'expert en Roumanie le 18 mars, le mandat de la mission a été examiné avec les autorités roumaines et légèrement modifié de façon à y inclure:

Les autorités roumaines ne demandent pas que leur soient fournis des avis détaillés concernant la conception et la construction du centre, non plus qu'une liste du matériel couramment vendu dans le pays.

Les autorités roumaines ont apporté un concours efficace à la mission pendant son séjour en Roumanie. Toutes les données nécessaires ont été fournies rapidement et la partie logistique était également bien organisée. Pendant son séjour, M. van Zon a été accompagné par M. C. Pecheanu, Directeur du Centre de recherche sur les pêches, la pisciculture et le traitment du poisson. Mme J. Pecheanu a fait fonction d'interprète. L'itinéraire complet de la mission figure à l'annexe 1.

2. LA PISCICULTURE EN ROUMANIE

La Roumanie est depuis des temps anciens un pays consommateur et producteur de poisson: elle exploite des eaux trés poissonneuses, comme la mer Noire, le Danube et son delta et les nombreux lacs et riviéres de l'intérieur du pays, richesses qui ont favorisé l'essor de la pêche ainsi que de la recherche sur les espèces des eaux douces, des eaux saumâtres et des eaux salées. Cette recherche n'a pas eu seulement pour but de perfectionner les engins, mais aussi d'améliorer la production des étangs et des cours d'eau naturels dont le plus important est le delta du Danube. Jusqu'en 1960, la prospérité des pêches roumaines a reposé en grande partie sur les conditions idéales qu'offraient pour l'alimentation et la reproduction des poissons, les quelque 0,4 million d'hectares de plaines d'inondation. Depuis lors, ces plaines ont été de plus en plus largement assainies pour faire place à des activités agricoles. La pisciculture qui s'est développée dans les étangs et dans les fonds de vallées endiguées a en partie compensé cette perte de production; les possibilités de reproduction offertes sont de plus en plus remplacées par les plaines d'inondation des stations utilisant des systèmes de reproduction artificielle ou contrôlée. Le plan quinquennal approuvé par le gouvernement pour le Centre de production et de transformation industrielle du poisson comprend un “programme de développement de la pisciculture”. Ce même plan quinquennal a, entre autres objectifs, de porter la consommation de poisson par habitant à 10 kg en 1985 (dont 4,5 kg provenant des eaux intérieures) et à 15 kg en 1990 (dont 6,5 kg provenant des eaux intérieures).

Le tableau 1 montre les superficies disponibles pour la production. Le gouvernement a l'intention d'exploiter aussi intensivement que possible la totalité de cette superficie. A l'heure actuelle, une partie de ces eaux n'est utilisée qu'extensivement, comme le montrent les rendements annuels qui vont de 20 à 3 500 kg/ha. La production nationale totale que le pays compte tirer de la pisciculture et des pêches s'élève à 113 500–150 000 tonnes, chiffre ventilé dans le tableau 2. La valeur commerciale totale de cette production se situe entre 175 et 230 millions de dollars E.-U. L'accroissement de la production dans les bassins naturels (par repeuplement et aménagement des populations ichtyques naturelles) et en étangs, ainsi que l'augmentation du nombre des étangs - 30 000 ha supplémentaires prévus d'ici 1990 - devraient contribuer à augmenter la production actuelle.

En 1990, la production halieutique totale devra avoir atteint 250 000 tonnes par an, dont environ 210 000 tonnes devront provenir de quelque 90 000 ha d'étangs de pisciculture.

Pour porter, comme le veut le plan, la production des étangs d'une moyenne qui est actuellement inférieure à 1 000 kg/ha à près de 2 000 kg/ha en l'espace de six ans, il faudra une connaissance approfondie des facteurs qui limitent la production actuelle. Les paramètres de la production ont été étudiés en Roumanie par le Centre d'Etat de la recherche halieutique de Galati (district de Galati), la station de recherche de Podu-Iloaici (district de Jasi), la station de recherche de Nuçet (district de Dimbovita) et la faculté des pêches de Galati. Les principaux facteurs qui restreignent la productivité des étangs sont les suivants:

Les autorités roumaines font ce qu'elles peuvent pour éliminer ces obstacles. Douze écloseries ont été construites dans le pays (voir figure 1) et ont livré en 1983 un milliard d'alevins. Le rendement des écloseries (nombre de larves par unité de superficie) a beaucoup augmenté grâce à la mise en service de l'incubateur mis au point par la station de recherche de Nuçet (incubateur Nuçet) et à l'emploi conjugué de cet incubateur avec un système de reproduction contrôlée de la carpe de roseau dans de vastes bassins circulaires (système chinois). On espère pouvoir accroître sensiblement ce chiffre en tirant davantage parti des ressources en eau chaude du pays (prolongation des périodes de reproduction). Les possibilités de la polyculture se sont améliorées depuis que la proportion d'alevins de carpes chinoises disponibles a augmenté (23 pour cent en 1983). C'est là un point particulièrement important, car cette espèce ne peut se reproduire dans les stations d'élevage comme la carpe commune. Grâce à l'emploi des eaux chaudes et à la modernisation de la technologie des écloseries, il devrait être possible de reproduire davantage d'espèces.

La forte mortalité du fretin pose un problème important. Concernant la carpe commune, 40–45 pour cent seulement du fretin utilisé pour les repeuplements atteignent 1 g (au bout d'un mois environ). Parfois, 15 pour cent seulement atteignent l'hiver (25–30 g, exceptionnellement 80 g). En ce qui concerne la carpe chinoise, moins de 10 pour cent des alevins arrivent jusqu'à l'hiver (10–20 g). La mortalité des alevins se produit essentiellement dans les premiers temps qui suivent le peuplement des étangs. On pourrait atténuer le problème en aménageant le plancton avant de peupler l'étang et en portant en 10 à 20 jours le fretin jusqu'au stade des petits alevins, notamment pour la carpe chinoise. Le développement des alevins suppose l'emploi d'un aliment de démarrage, dont la production (aliments vivants ou en boulettes) n'est encore, technologiquement parlant, pas possible en Roumanie. La production d'un aliment d'élevage en boulettes est néanmoins possible; on pense que l'emploi de cet aliment combiné avec le déversement d'alevins développés tôt dans la saison pourrait ramener de trois à deux ans le temps d'élevage nécessaire pour produire des poissons commercialisables pesant plus de 250 g.

Les entreprises de production existant actuellement sont indiquées par un point sur la figure 2; on peut voir qu'elles sont surtout concentrées, tant en nombre qu'en superficie, dans la partie sud-est du pays où la population est la plus dense. Toutes sont des entreprises étatiques et chacune d'entre elles a à sa disposition un certain nombre de stations piscicoles dont la superficie totale est indiquée sur la figure 2. C'est également dans le sud-est que la superficie disponible pour la production (1984) est la plus étandue mais, si on divise la quantité d'alevins actuellement produite par les écloseries de la figure 1 par la superficie des étangs, on voit que les résultats les plus faibles correspondent au sud-est.

3. OBJECTIFS ET PORTEE DU PROJET

3.1 HISTORIQUE

Les autorités roumaines ont estimé que les efforts déployés dans le cadre du programme national d'intensification (tant en quantité qu'en variété) de la production d'alevins, n'étaient pas suffisants. Même les derniéres écloseries construites ne répondent plus aux besoins technologiques et au savoir-faire actuellement disponibles dans le monde. Les ingénieurs halieutistes fraîchement sortis des universités n'ont pas la possibilité de se familiariser avec un matériel dont ils connaissent théoriquement l'existence afin d'adapter les systèmes de (re) production à ce type de matériel ou vice versa. Non seulement cette technologie de pointe est le plus souvent absente en Roumanie, mais encore il est très difficile de trouver les crédits nécessaires pour l'importer de l'étranger.

C'est pour ces raisons que le ministère roumain de l'agriculture et de l'industrie alimentaire a demandé à la FAO de lui fournir une assistance technique pour mettre au point et parfaire de nouvelles techniques de production artificielle et d'élevage du poisson.

3.2 OBJECTIFS DU PROJET

Le projet envisagé a pour principal objectif de créer en Roumanie un centre de reproduction artificielle pour poissons qui applique la technologie moderne et puisse remplir les fonctions suivantes:

Pour répondre le mieux possible à ces besoins, le centre de reproduction artificielle pour poissons disposera d'une source d'alimentation en eau chaude, ainsi que de terrains suffisamment vastes pour que puissent y être construits des bâtiments (écoloseries, laboratoires, magasins, ateliers, salles de machines, installations de formation, etc.); des bassins de développement du fretin, des étangs pour la croissance et la maturation de stocks de géniteurs et une unité de production d'aliments vivants et artificiels. L'équipement devra être suffisamment mécanisé pour que le centre soit assuré d'une productivité maximum. Grâce à ces installations, la plupart des obstacles qui s'opposent au développement ultérieur de la pisciculture en Roumanie devraient être levés.

Le Centre de reproduction artificielle pour poissons sera rattaché au Ministére de l'agriculture et de l'industrie alimentaire et sera placé sous la responsabilité du Centre de production et de transformation industrielle du poisson de Bucarest. La contribution roumaine au projet consistera à:

Les autorités roumaines ont demandé à la FAO de:

Il est prévu de commencer les travaux de construction en 1985, les premières activités biologiques du nouveau centre de reproduction artificielle pour poissons en 1986 et la production en 1987.

3.3 PORTEE DU PROJET

Les dimensions du Centre de reproduction artificielle pour poissons seront établies en fonction de la capacité annuelle prévue de production envisagée qui est de:

Les plans de reproduction par espèces sont indiqués dans le tableau 3.

Si l'on juge d'après les quelques écloseries alimentées en eau chaude qui existent en Roumanie, la production envisagée pour le nouveau centre de reproduction artificielle pour poissons demandera une superficie totale d'au moins 300 ha, superficie que l'on estime suffisante pour recevoir tous les bâtiments et les étangs avec l'infrastructure nécessaire à la croissance des stocks de géniteurs, à la prématuration, maturation et récupération des producteurs, à l'élevage du fretin, à l'hivernage et au traitement de l'eau.

L'alimentation en eau chaude et en eau froide devra être qualitativement et quantitativement suffisante pour allonger au maximum la saison de la reproduction et assurer des conditions de développement optimales aux alevins de divers stades; il faudra des systèmes automatisés de surveillance et d'ajustement de divers paramètres, ainsi que des systèmes de purification. Les détails concernant les apports et le matériel nécessaires (quantités et spécifications) ne pourront être fournis que quand l'emplacement aura été choisi (voir chapitre 5), sauf en ce qui concerne la fabrique d'aliments de démarrage qui devra avoir une capacité suffisante pour satisfaire non seulement aux besoins du nouveau centre, mais aussi à ceux d'autres écloseries. La capacité envisagée est de 2 000 tonnes d'aliments de démarrage par an; les boulettes auront un calibre de 50–200 μm.

4. CHOIX DE L'EMPLACEMENT

4.1 GENERALITES

Les autorités roumaines ont sélectionné quatre emplacements qui, disposant d'une source d'alimentation en eau chaude, peuvent convenir à la création du centre de reproduction artificielle pour poissons:

Ces emplacements sont signalés sur la figure 3.

Des spécialistes de la pisciculture, des ingénieurs halieutistes et diverses personnes connaissant bien les particularités de chacun des emplacements ont été interrogés, et des données ont été rassemblées concernant les volumes et qualités de l'eau, les caractéristiques des emplacements et autres aspects connexes. Les emplacements et sources d'alimentation en eau ont été autant que possible visités. Des discussions ont eu lieu, tant sur place que dans la capitale (Bucarest), pour examiner l'intérêt que les différents sites présentent sur le plan commercial et du point de vue de leur éventuelle contribution à des programmes de recherche et de formation en cours.

Les données rassemblées sont présentées pour chaque emplacement séparément dans les sections 4.2–4.5 ci-après; dans la section 4.6 on a récapitulé les données et suggéré un choix.

4.2 EMPLACEMENT DE GALATI

Une importante usine métallurgique (fer et acier) est installée à Galati et produit d'abondants effluents d'eau chaude. Une partie de cette eau sert au chauffage des maisons de Galati, mais il en reste encore beaucoup. Cet excédent augmente quand les besoins de chauffage domestique diminuent, ce qui coincide d'ailleurs avec le moment (printemps) où la demande d'une écloserie augmente. Le volume d'eau chaude disponible devrait suffire pour alimenter l'écloserie envisagée, anticiper la fin de la maturation d'un certain nombre de reproducteurs, et éventuellement pour réchauffer quelques étangs. Les autorités de la ville de Galati sont intéressées par l'installation d'une écloserie centrale sur leur territoire; l'autorisation d'utiliser un terrain et les sources d'eau chaude et d'eau froide a déjà été donnée.

Les effluents d'eau chaude peuvent être fournis à des températures comprises entre 30° et 70°C. Cette eau chaude peut être utilisée pour réchauffer l'eau du Danube destinée au centre de reproduction artificielle pour poissons. Pour cela, elle devrait être transportée sur environ 2 km par une conduite isotherme jusqu'à un échangeur de température. L'effluent refroidi sera renvoyé aux aciéries. L'échangeur de température assurera une température constante de l'eau fournie à la station. L'unité sera construite dans la partie nord-ouest de la zone qui peut être mise à la disposition de la station (voir figure 4).

L'eau du Danube peut être prélevée dans un aqueduc qui passe à environ 100 m de l'échangeur de température. Cet aqueduc (qui se compose de trois conduites de 1 200 mm de diamètre) transporte l'eau depuis une station de pompage située sur les berges du fleuve, non loin des aciéries. Il a une capacité installée de 18 m3/seconde (64 800 m3/ heure); le complexe métallurgique (fer et acier) ne consomme pas plus de 10 000–12 000 m3/ heure. Cela signifie que plus de 50 000 m3/heure sont disponibles; la station ne devrait pas consommer plus de 7 500 m3/heure en période de pointe (voir tableau 4), dont environ 6 800 m3/heure devront être réchauffés d'environ 5–7°C.

L'eau chaude ne sera pas en contact avec le poisson. Les analyses chimiques de cette eau (échantillonnées tous les mois par le Centre de recherche halieutique de Galati), indiquent une sursaturation en oxygène et des teneurs cationiques élevées. On ne peut donc pas exclure certains problèmes de corrosion dans l'échangeur de température, mais ces problèmes devraient rester dans des limites acceptables.

Les paramètres qualitatifs de l'eau froide prélevée à l'amorce de l'aqueduc, dans le Danube sont également measurés tous les mois par le Centre de recherche halieutique. Les données pour 1981–82 sont présentées dans le tableau 6. Elles appellent certains commentaires. La teneur en sulfure d'hydrogène dépasse les niveaux de sécurité pour les cyprinidés et leurs oeufs; le taux d'ammoniaque est, en permanence, à un niveau tel que l'on peut s'attendre, pour le moins, à une inhibition de la croissance. Les nitrites dépassent légèrement, à certains moments, les niveaux acceptables (même dans des eaux dures, leur concentration ne devrait pas dépasser 0,06 mg/litre) et le Fe total approche ces mêmes limites (pour la carpe 1 mg/litre). D'autre part, la teneur en substances organiques peut être considérée comme élevée et risque de créer des problèmes dans les étangs. La reproduction des poissons et la culture des larves dans une eau de cette qualité ne sont pas impossibles, mais elles ne peuvent pas non plus être considérées comme jouissant de conditions très favorables. La forte teneur en particules argileuses dans cette partie du Danube, spécialement au printemps, obligerait à construire un bassin de sédimentation, avant filtrage et échange de température.

La pollution de la zone des étangs par des précipités provenant des cheminées des aciéries ne devrait pas avoir une incidence appréciable; la zone des étangs est située au sud-est de la zone industrielle et les vents dominants sont orientés au nord.

Le terrain disponible a une superficie d'un peu plus de 40 ha; il est relativement plat et constitué de sols argileux sableux. Le sol est très fertile et la construction des étangs et des bâtiments ne posera pas de problème. Un canal de décharge devra être creusé le long de la limite sud-ouest de l'emplacement; il s'écoulera en direction de la rivière Siret, soit par gravité soit - quand le niveau de l'eau sera élevé dans la rivière - par pompage.

Actuellement, cet emplacement est occupé en partie par des prairies, en partie par des arbres; il est pratiquement improductif. L'infrastructure est bonne: l'emplacement est situé sur la grand-route qui va de Galati à Brăila; l'électricité, le téléphone et l'eau potable passent à peu de distance. Tous les facteurs nécessaires à l'aménagement des étangs (engrais, chaux) et à la production d'aliments peuvent être trouvés dans le district.

Si l'on compare les caractéristiques de l'emplacement de Galati avec les objectifs du projet (section 3.3), on voit que sa superficie (40 hectares) est beaucoup trop faible. Par contre, à une dizaine de kilomètres, l'écloserie et les étangs de production du Centre de recherche halieutique sont installés sur un terrain de 300 ha utilisés par des digues du lac de Brates. Il est prévu de leur adjoindre prochainement 200 autres hectares. Les étangs existants pourraient être retirés à la production et isolés pour élever le stock de géniteurs de la station. La superficie totale (40 ha + 300 ha) correspondrait aux besoins, mais serait moins facile à gérer qu'un tout homogène. En outre, cette situation ferait perdre une importante superficie productive.

4.3 EMPLACEMENT DE BRăILA

Une importante centrale thermoélectrique (capacité installée 960 MW) est installée à Brăila et alimente en énergie électrique la ville de Brăila et le réseau national, et en énergie thermique (vapeur surchauffée) deux industries lourdes importantes qui se trouvent à proximité (usine de papier et fibres artificielles). La centrale électrique emploie l'eau du Danube pour refroidir ses quatre condensateurs (4 turbines 3 x 210 MW et 1 × 330 MW). L'eau est pompée dans un canal latéral du Danube, bien entretenu (voir figure 5) dans lequel la hauteur d'eau est de 4,5 m quand le Danube est à son niveau le plus bas. Il a 1 000 m de longueur et 70 m de largeur; grâce à ses vastes dimensions, il fait fonction de bassin de sédimentation pour les limons.

L'eau réchauffée est reversée dans le Danube à travers un canal à ciel ouvert, revêtu de béton (dimension 1 150 x 16 m). A l'exception d'une petite quantité utilisée pour réchauffer un ensemble de serres, cette eau chaude n'est pas employée et pourrait servir au centre de reproduction artificielle pour poissons dont on envisage la création. L'autorisation concernant cet emploi a déjà été donnée de même que pour l'utilisation d'un terrain appartenant à l'Etat.

Le tableau 7 montre la température de l'eau chauffée; en général l'eau sera de 8–9°C plus chaude que l'eau du Danube. La température ne dépasse jamais les valeurs susceptibles d'être létales pour les espèces de poissons élevées dans les périodes correspondantes.

Le tableau 8 montre quels ont été, en 1979–80, les volumes d'eau chaude disponibles. D'après la direction de la centrale électrique, les volumes ont un peu augmenté récemment, à la suite de l'installation de la quatrième turbine et de pompes plus puissantes. On peut dire, sans risque de se tromper, que la quantité d'eau chaude disponible sera au minimum de 11,2 m3/seconde; que la quantité totale d'eau nécessaire à la station de reproduction artificielle pour poissons sera globalement de 3,6 m/seconde, dont environ 1,8 m3 d'eau chaude (voir tableau 9 et sous-section 5.3.7). La source d'eau froide est illimitée. La direction de la centrale électrique est prête à garantir la continuité des pompages même dans le cas très improbable où toutes les turbines tomberaient en panne simultanément.

La qualité des eaux chaudes et froides de Brăila est contrôlée régulièrement pour quelques paramètres, tant par la centrale électrique que par les services halieutiques. Le tableau 10 récapitule les données disponibles. A première vue, la qualité de l'eau convient à la pisciculture, mais il manque les données concernant H2S, HN3 et les phénols, dont les concentrations ne devraient cependant pas être aussi fortes qu'à Galati, car Brăila est située plus en amont sur le Danube et au-delà du point jusqu'où les navires de mer remontent le fleuve (à savoir le port de Brăila) et où sont installées les industries lourdes. Il est cependant recommandé de mesurer régulièrement la teneur en NH3 d'autant plus que le pH est plutôt élevé. La centrale électrique n'emploie pas de produits chimiques antisalissures; les escargots se trouvant dans les condensateurs sont enlevés mécaniquement.

Un rapport roumain intitulé “Utilizarea apei calde industriale pentru piscicultura” (Utilisation des eaux chaudes industrielles pour la pisciculture) datant de 1980, contient des données concernant l'oxygénation des eaux chaudes de Brăila, l'oxygène ayant été mesuré pratiquement tous les trois jours entre le 10 mai et le 23 octobre 1980. Les concentrations d'oxygène sont toujours supérieures à la saturation; pendant la période de reproduction, la moyenne s'établit autour de 140 pour cent.

Le terrain disponbile à Brăila s'étend sur 450 ha (figure 6) et présente toutes les conditions requises. C'est une étendue plane comprise entre la digue du Danube (constituée du même sol argileux sableux) et la route qui conduit de Brăila au village de Tichilesti. Un canal de drainage périphérique devrait être construit, qui drainerait en même temps les eaux d'infiltration provenant du Danube en périodes de hautes eaux. Ce canal pourrait se déverser dans le Danube à travers une station de pompage qui existe déjà (figure 5). Le sol extrait pour creuser le canal serait utilisé pour construire les diguettes des étangs, de sorte que le fond de la plupart des étangs ne serait pas très au-dessus du niveau actuel du sol et que le drainage pourrait se faire par gravité en direction du canal périphérique. Il existe un réseau d'irrigation souterrain intact (tuyaux en amiante-ciment) qui pourrait probablement être transformé en un système de secours pour l'aération des étangs.

Le sol est raisonnablement fertile; actuellement, on y cultive surtout du mais (avec un rendement atteignant 6 tonnes à l'hectare). Cette production de 2 700 tonnes par an serait la seule richesse qui disparaîtrait si cette zone était utilisée pour l'aquaculture. L'infrastructure est très bonne; tous les points d'approvisionnement et de commercialisation officiels se trouvent à proximité.

Il existe dans les environs, un certain nombre de lacs salés. Deux grands lacs (150 et 100 ha) sont des lieux de tourisme et de cure; les petits lacs (0,02–0,5 ha) ne sont pas exploités. On pourrait y produire des Artemia et de la biomasse pour le centre de reproduction artificielle pour poissons.

4.4 EMPLACEMENT DE CĂRAND

A Cărand, dans le district d'Arad, à 85 km au nord-est de la ville d'Arad (Roumanie occidentale), une unité de reproduction est actuellement en cours de construction. On a examiné la possibilité de développer cette unité pour en faire le centre de reproduction artificielle pour poissons dont on envisage la création.

Cette unité devrait entrer en service à la fin de mai 1984. Elle produira chaque année 50 millions de jeunes alevins (fretin) de carpe commune et 25 millions de jeunes alevins (fretin) de carpe chinoise, destinés à approvisionner le district lui-même. Au cours des deux premières années, la production de fretin de carpe commune sera excédentaire et pourra être utilisée pour desservir des districts voisins. Rien n'est prévu pour le développement du fretin en alevins.

L'emplacement actuel a une superficie de 5 ha; la figure 7 montre sa disposition. Il est prévu de l'étendre plus tard de 10 ha supplémentaires, qui serviront essentiellement à construire des étangs d'élevage pour le stock de géniteurs. L'accord de principe concernant cette extension de 10 ha a déjà été donné, mais n'est pas définitif. Pour le moment, il s'agit d'une zone agricole ayant une productivité plutôt faible (céréales principalement, 1 000 kg/ha). Le sol est constitué d'une argile très fine, qui convient à la construction des étangs. Les pentes sont plutôt faibles (⅓ au bord de l'eau).

L'unité est alimentée avec l'eau géothermale, d'un forage de 26 m de profondeur, qui débite 27 litres par seconde avec une charge statique de 0,7 atmosphère. Une série de pompes sera installée qui permettra de porter le débit d'eau chaude à 70 litres par seconde maximum. La température de cette eau est constante à 27°C. L'eau froide est fournie par un autre puits artésien qui livre 15 litres par seconde, à une température de 14°C. Cette eau sera utilisée pour les besoins de l'unité, à savoir pour remplir les étangs et, mélangée avec l'eau chaude, pour remplir les étangs de stockage de l'eau. Tous les étangs seront alimentés séparément en eau chaude et en eau froide; dans l'écloserie, un thermorégulateur (mélangeur) sera construit. Il n'existe pas d'autre source d'alimentation en eau dans les environs. Un canal de drainage evacuera les eaux usées par gravité, sur une distance d'environ 5 km, et les déversera dans un cours d'eau. Le tableau 11 présente les données relatives à la qualité de l'eau chaude.

La teneur en nitrites est très élevée mais ne posera pas nécessairement des problèmes de toxicité si la dureté totale de l'eau reste aussi faible après mélange avec l'eau froide. On ne possède pas de données concernant la qualité de la source d'eau froide; cette eau est considérée comme potable. On ne connaît pas la composition minérale de l'eau chaude; des essais conduits pendant une année avec de gros poissons n'ont jusqu'à présent pas révélé de problèmes. Les taux d'oxygène devraient être suffisamment élevés: aucun système d'aération n'est envisagé.

Pour une écloserie produisant 75 millions d'alevins (fretin), production étalée sur une soixantaine de jours, la consommation d'eau totale sera de l'ordre de 0,5 litre par seconde (1 litre pour 200 000 oeufs par minute pendant deux jours; 1 litre par 500 000 larves par minute pendant 5 jours); les étangs consommeront de 6 litres par seconde (5 ha) à 18 litres par seconde (15 ha) pour compenser l'évaporation, auxquels il faut ajouter le débit en circulation (0,25 litre par seconde par hectare). Les disponibilitiés en eau sont donc plus que suffisantes pour assurer la consommation quotidienne; toutefois, si l'on y ajoute la quantité généralement nécessaire pour le remplissage, à savoir 10 pour cent du volume total de l'étang sur 48 heures (8 litres par seconde par hectare), elles deviendront critiques après adjonction des 10 ha supplémentaires.

4.5 EMPLACEMENT D'ORADEA

Juste au sud-ouest de la ville d'Oradea, au nord de la route qui conduit d'Oradea à Sintandrei, un emplacement de 60 ha a été sélectionné en vue de construire une grande écloserie. Cet emplacement a d'autre part été étudié pour voir s'il conviendrait à la construction du centre de reproduction artificielle envisagé. L'accord concernant l'utilisation de ce terrain a été délivré; l'autorisation d'utiliser 100 autres hectares situés au sud de la route a été demandée, mais refusée. L'extension de cet emplacement n'est donc pas envisageable.

La terre est actuellement exploitée à des fins agricoles; le sol argileux produit 2,5– 3,0 tonnes par hectare de céréales (orge principalement) ou de graminées fourragères et peut être considéré comme raisonablement fertile.

L'unité de reproduction pour laquelle cet emplacement a été réservé devrait être construite dans les années à vernir. Elle comprendra une écloserie, d'une capacité minimum de 100 millions de jeunes alevins (60 pour cent de fretin de carpe chinoise et 40 pour cent de fretin de carpe commune), des bassins de développement et des bassins d'élevage pour le stock de reproducteurs, de prématuration et de maturation pour les géniteurs. L'emplacement disposera de trois sources d'alimentation en eau:

Les sources d'eau chaude sont de type artésien et le débit ne peut vraisemblablement

pas etre augmente par pompage: en ce qui concerne l'eau froide, une station de pompage devra être construite. L'eau froide charrie, de temps à autre, beaucoup de limon; il faudra donc un bassin de sédimentation relativement vaste. Un dispositif de mixage centralisé des eaux sera installé, avec contrôle automatique de la température et système d'aération. L'eau usée sera déversée par gravité dans un petit ruisseau. La figure 8 montre la disposition des lieux.

Le tableau 12 montre la qualité de l'eau des trois sources d'alimentation. Comme l'eau géothermale est très chaude, il faudra prélever dans la source d'alimentation en eau froide un volume relativement important. La qualité de l'eau risque alors de poser quelques problèmes. Les cyanures, phénols, métaux lourds et autres polluants, même à l'état de traces, peuvent causer des dommages irréversibles aux larves de cyprinidés. La teneur en fer est trop élevée, d'autant que l'eau chaude elle-même en contient beaucoup. C'est un point qu'il faudra vérifier avant de construire l'écloserie; si sa valeur totale dépasse 0,2 mg/l, l'ion ferreux peut être nocif pour le mucus des ouies des larves. La concentration maximale de nitrites de l'eau froide est toxique; il faudrait savoir avec quelle fréquence cette valeur maximale (ou d'une manière générale des valeurs supérieures à 0,06 mg/1) se rencontre, et à quelle période de l'année. La concentration des nitrates dépasse les seuils recommandés (3 mg/l); on ne dispose pas de donnée concernant l'ammoniaque. La même remarque s'applique à H2S qui ne devrait pas dépasser 0,1 μg/l.

D'une manière générale, la source d'alimentation en eau froide donne l'impression d'être assez polluée (l'eau doit être prélevée juste en aval de la ville d'Oradea, ce qui n'est jamais très favorable). Il est fortement recommandé de faire des essais avec le mélange d'eau chaude et d'eau froide envisagé pour en vérifier les effects sur les larves de cyprinidés avant que la construction ne commence. Il faudra aussi étudier les conséquences du transport de l'eau chaude à travers une conduite de 5 km en amiante-ciment (lessivage de composés toxiques).

Les données mensuelles concernant l'évaporation et les précipitations (tableau 13) montrent que, pour maintenir le niveau de l'eau dans les étangs, il faudra un maximum de 6 mm/jour, ainsi qu'un volume estimatif correspondant à 4 mm pour compenser les pertes par infiltration, ce qui représente 70 litres par seconde pour l'ensemble de la superficie. Il faudra compter aussi 15 litres par seconde pour le volume d'eau en circulation. Si la totalité de cette consommation est assurée avec de l'eau chaude (à 24°C environ), il restera plus que suffisamment d'eau chaude (mélangée) pour l'éclosérie et pour un certain nombre de bassins de développement. Le remplissage des étangs devra se faire uniquement avec de l'eau froide. L'apport total d'eau froide devrait être d'au moins 650 litres par seconde (2 350 m3/h).

4.6 COMPARAISON DES EMPLACEMENTS ET CHOIX DE CELUI QUI OFFRE LES MEILLEURES CONDITIONS

Pour choisir l'emplacement convenant le mieux à la construction du futur centre de reproduction artificielle pour poissons, on peut appliquer divers critères, dont certains sont purement techniques et d'autres sont de nature différente. Les critères techniques sont ceux qui permettent de voir si l'emplacement considéré convient à la reproduction proprement dite. Les autres critères résultent en partie d'une confrontation des objectifs du project avec les caractéristiques des emplacements, et en partie d'évaluations secondaires, comme on peut le voir d'après le tableau 14.

Le tableau 14 montre que, en fait, les quatre emplacements peuvent, théoriquement, convenir à l'installation d'une station de reproduction, bien que parfois la qualité de l'eau laisse à désirer. On pouvait s'attendre à cette conclusion, étant donné que les emplacements avaient déjà fait l'object d'une première sélection dans ce but. Mais si l'on se réfère au programme ambitieux de reproduction et de développement du fretin prévu pour le nouveau centre, seuls les emplacements de Galati et de Brăila offrent les conditions voulues. Si l'on tient compte du fait que la qualité de l'eau est moins bonne à Galati et que d'autre part la station devrait être divisée en deux parties, c'est Brăila qu'il faut choisir.

La troisième catégorie de critères approte également des arguments en faveur des emplacements situés dans la partie orientale; la ville de Galati héberge déjà le Centre de recherche et de production qui travaille sur la pisciculture. Les pêches et le traitement du poisson ainsi que la Faculté roumaine de technologie halieutique et de pisciculture, ce qui signifie qu'une coopération fructueuse pourra s'établir entre les nouvelles stations et ces deux institutions, qui mettront ainsi en commun des installations modernes, des connaissances et des possibilités de formation. Cet argument vaut aussi bien pour Galati que pour Brăila, car ces deux villes ne sont distantes que de 30 km.

En ce qui concerne la commercialisation du fretin et des alevins, on a déjà fait observer dans le chapitre 2 que la demande la plus forte correspond aux centres de production situés dans la partie sud-est du pays. Une partie des larves serviront à repeupler des nappes d'eau naturelles, elles aussi principalement situées dans le sud-est (le Danube, spécialement). Là encore, cet argument vaut aussi bien pour Galati que pour Brăila.

Le critère intitulé “coût d'opportunité” représente la valeur actuelle de l'emplacement du point de vue de la production piscicole nationale. L'emplacement de Brăila restera pour le moment non valorisé s'il n'est pas utilisé pour le nouveau centre. Les trois autres emplacements seront utilisés de toute façon pour la (re)production piscicole, soit en partie soit en totalité. Le choix de Brăila correspondra donc à un enrichissement maximum du potentiel piscicole actuel.

Si l'on fait la synthèse de tous les arguments et critères considérés, il ne fait pas de doute que l'emplacement de Brăila offre les meilleures perspectives; il ne comporte par ailleurs aucune indication contraire. Il est donc suggéré d'installer le nouveau centre de reproduction artificielle pour poissons à Brăila.

5. INSTALLATIONS DE PRODUCTION DU CENTRE DE REPRODUCTION ARTIFICIELLE POUR POISSONS

5.1 CONDITIONS BIOLOGIQUES

La capacité des installations du Centre de reproduction artificielle pour poissons devra être calculée à partir d'un certain nombre d'hypothèses biologiques, qui sont présentées dans le tableau 15. Sur la base de ces hypothèses, il est possible d'établir une liste des besoins biologiques, comme on l'a fait dans le tableau 16. Etant donné que toutes les hypothèses recensées dans le tableau 15 comportent une marge de sécurité (et sont arrondies au chiffre inférieur), les données du tableau 16 peuvent être considérées comme des maximums.

5.2 PROGRAMME DE PRODUCTION

L'idée qui est à l'origine de la création de ce Centre de reproduction artificielle pour poissons est que la période de reproduction peut être allongée en utilisant des eaux réchauffées. Il y a, toutefois, des limites à cette possibilité:

En tenant compte de ces limitations, on peut établir le programme de production représenté sur la figure 9, qui se fonde sur les hypothéses ci-après:

En ce qui concerne la figure 9, il convient de faire quelques remarques:

5.3 INSTALLATIONS DE PRODUCTION

A partir des tableaux 15 et 16 de la figure 9, il est possible d'estimer le nombre et la dimension des installations de production, ainsi que la quantité d'eau dont le Centre de reproduction artificielle pour poissons aura besoin. Il est visible que les installations seront particulièrement sollicitées entre le 20 avril et la fin du mois de juin: si la capacité de charge du Centre est suffisante pour cette période, on ne risque pas d'avoir des problémes à d'autres époques de l'année. Les charges totales correspondant à la période de pointe, les installations et besoins d'eau correspondants, sont présentés ci-après. Pour faciliter les calculs, on suppose que toutes les pontes sont étalées de façon uniforme sur l'ensemble de la période utile pour les espèces concernées et que les hypophysations s'effectuent chaque jour.

5.3.1 Incubation des oeufs

Le tableau 18 montre la production d'oeufs escomptée pendant la période de pointe. La plus forte production devrait correspondre à la dernière décade d'avril et la première décade de mai, période pendant laquelle on peut obtenir chaque jour des pontes artificielles représentant 55 kg d'oeufs non adhésifs et environ 35 kg d'oeufs adhésifs. Pour les oeufs non adhésifs, il est conseillé d'utiliser des incubateurs Nuçet. Un incubateur Nuçet peut contenir 800 g d'oeufs frais qui peuvent être renouvelés tous les deux jours; il consomme 5 litres par minute d'eau. Il faudra 140 incubateurs.

Les oeufs adhésifs seront mis en incubation dans des bocaux Zug de 7 litres, qui peuvent contenir 50 g d'oeufs frais. Leur consommation d'eau est de 0,5 litre par minute; le bocal peut être réutilisé tous les trois jours. Il faudra 2 100 bocaux.

5.3.2 Stade du sac vitellin

Les larves écloses sont déposées dans des bocaux Zug géants (200 litres), qui peuvent contenir 500 000 sujets. Il faudra 250 bocaux; ils consomment au maximum 5 litres d'eau par minute. Les larves peuvent rester dans ces bocaux jusqu'à ce que le fretin ait 4–5 jours (moment où il peut se nourrir lui-même), au maximum un jour de plus, s'ils sont nourris toutes les deux heures avec des oeufs de poule durcis finement homogénéisés. Pour des larves nageant activement (brochet, silure, Acipenseridae), il est conseillé d'utiliser des hapas flottants, du type déjà en usage en Roumanie, placés dans un bassin. Là encore les larves restent 4–5 jours; il faut 35 hapas de 0,1 m3 (50 × 50 × 40 cm), pouvant recevoir chacun 250 000 larves. Leur consommation d'eau est de 10 litres par minute. Il n'est pas conseillé d'utiliser des hapas (ou récipients en général) trop grands pour éviter des contaminations massives si une épidémie se déclenche (on remarquera que les risques d'épidémie ou d'invasions de parasites sont beaucoup plus élevés dans les eaux réchauffées). Le tableau 19 récapitule les données concernant la production de larves escomptée pendant la période de pointe et les installations nécessaires à l'élevage des larves.

5.3.3 Préparation du fretin

La majeure partie du fretin produit par le Centre sera envoyée à des stations de production et déversée dans des étangs. Il est conseillé de traiter ces étangs 5 à 7 jours avant le déversement, avec un insecticide organophosphoré (Flibol, Dipterex, Neguvon: tous à base de trichlorfon) contenant 0,5 mg d'ingrédient actif par litre pour favoriser la prolifération des rotifères.

Une autre partie de ce fretin sera préparée dans les installations du Centre. Le fretin peut être déversé soit dans des étangs d'eau chaude, soit dans les bassins intérieurs qui auront d'abord servi à mettre en condition les géniteurs. L'élevage en bassins intérieurs facilite la lutte contre les maladies et les prédateurs (donc favorise un taux de survie plus élevé); l'élevage en bassins extérieurs donne moins de travail et permet d'utiliser davantage les aliments naturels. Dans la pratique, toutefois, la répartition des alevins entre les installations intérieures et extérieures se fera en fonction des aliments disponibles: les espèces planctivores (carpe argentée, à grosse tête) n'acceptent pas facilement les aliments artificiels et devront donc être élevées en étangs. Les autres espèces peuvent être gardées dans les bassins intérieurs et être nourries avec des aliments de démarrage artificiels, auxquels on ajoutera du plancton.

Dans les étangs, le fretin peut être déversé avec une densité de 0,5–1,0 million par hectare; pour produire du fretin (20–25 jours d'élevage), il faudra une superficie de 10 hectares. Pour maintenir ces étangs à une température de 23°C, il faudra au maximum 4 000 litres par minute par hectare d'eau réchauffée en mai, consommation qui descendra à 100 litres par minute par hectare en été.

Dans les bassins intérieurs, le fretin peut être élevé dans des récipients ne dépassant de préférence pas 75 cm de profondeur. (Les meilleures dimensions sont les suivantes: 600 × 120 × 75 cm.) On peut le déverser avec une densité de 15 000 m3. Le volume d'eau nécessaire pour faire croître le fretin est fonction de sa consommation d'oxygène et dépend du poids des sujets. Elevé en bassins intérieurs avec des aliments de démarrage d'excellente qualité et une eau à 22–24°C, on peut obtenir du fretin avancé pesant jusqu'à 400 mg en 3–4 semaines. Un poisson de 400 mg en pleine croissance consomme environ 1 mg d'oxygène/heure; 1 litre d'eau en fournit environ 3 mg (on suppose que le seuil minimum est de 4 mg par litre). Pour préparer en bassins intérieurs la quantité de fretin prévue (voir tableau 20), il faudra 1 400 m3 de bassins et 8 500 litres par minute d'eau pendant la période de pointe. Il faudra avoir quelques bassins peu profonds et de dimensions relativement réduites (du type auge californienne), notamment pour élever le fretin de Silurus et d'Acipenseridae (maximum 250 m3). Pour les auges, on recommande les dimensions suivantes: 300 × 100 × 50 cm (fond arrondi).

5.3.4 Mise en condition des géniteurs

Les géniteurs de Silurus glanis, Ictiobus spp., Cyprinus carpio, Ctenopharyngodon idella, Abramis brama et Tinca tinca peuvent être mis en condition dans des bassins intérieurs. Si l'on y ajoute des bassins dans lesquels on gardera pendant deux jours d'autres espèces en cours d'hypophysation, il faudra donc calculer un maximum de 2 300 m3 (10 kg/m3) pour les deux dernières décades d'avril. La consommation d'eau de ces poissons est fonction de leur consommation d'oxygène; des sujets pesant en moyenne 5 kg en consomment 2 000 mg/heure; la quantité d'oxygène disponible dans l'eau est de 4 mg/litre (23–24°C; limite inférieure 3 mg/litre). On peut voir dans le tableau 21 les volumes d'eau nécessaire. Les géniteurs planctivores sont mis en condition dans des étangs d'eau chaude, avec une densité maximale de 2 000 kg/ha. Il faudra au total 14 hectares en avril; la consommation d'eau (voir tableau 21) est calculée sur la base des données utilisées pour le tableau 20.

5.3.5 Installations d'eau chaude

Le tableau 22 récapitule l'ensemble des installations nécessaires. On peut voir que les bassins et étangs peuvent être partiellement utilisés deux fois: d'abord pour mettre en condition les géniteurs, puis pour élever le fretin. Les bassins devront être temporairement divisés en deux compartiments (de 300 cm de longueur) quand les géniteurs s'y trouvent; pour empêcher les poissons de sauter, il faudra couvrir les bassins.

5.3.6 Installations d'eau froide

La partie du terrain sur lequel on envisage de construire le Centre de reproduction artificielle pour poissons qui ne sera pas utilisée pour les installations susmentionnées ou pour les bâtiments et routes, sera transformée en étangs. Ces étangs seront utilisés pour:

A l'exception des étangs réservés au plancton, il s'agira d'étangs d'eau froide, alimentés cependant en eau chaude pour compenser les pertes journalières (7 mm/jour) et pour avoir un certain débit en circulation (2 mm/jour = 50 pour cent du volume/an). Pour ces étangs d'eau froide, on disposera d'une superficie minimum estimée à 300 hectares.

La quantité de géniteurs qui devront être mis au repos représente 70 pour cent de la quantité totale utilisée (voir tableau 16), soit 62 000 kg. (Les géniteurs provenant du milieu naturel sont reversés dans le milieu naturel; les mâles de Silurus et Acipenseridae sont sacrifiés). Pendant leur séjour dans les étangs (ils seront a nouveau utilisés deux ans après), ils devraient prendre en moyenne 1,5 kg de poids, de sorte qu'il faudra une superficie de 40 ha. Au bout de quelques années, cette superficie sera ramenée à 25 hectares environ. Comme le cycle est de deux ans, il faudra en définitive 50 hectares pour les étangs de récupération; la dimension conseillée est de 2,5 hectares par étang.

La production de géniteurs devrait prendre en moyenne cinq ans; ceux-ci peuvent être utilisés aux fins de reproduction au cours de la sixième année. Ces délais sont légèrement plus courts que dans la pratique roumaine habituelle; cela s'explique par le fait que les étangs auront des températures légèrement plus élevées. Les géniteurs seront élevés dans un système de polyculture; après les cinq premières années, la quantité de géniteurs ajoutée en moyenne chaque année au stock au repos sera d'environ 50 000 kg, obtenus conformément au programme de reproduction du tableau 23.

Si l'on déduit de la superficie totale la superficie destinée aux étangs de repos (50 ha) et la superficie destinée à la production du stock de géniteurs (environ 50 ha supplémentaires), il reste une superficie de 200 ha pour des étangs de production à grande échelle.

5.3.7 Consommation d'eau

Le tableau 24 montre les quantités totales d'eau chaude qui seront utilisées par le Centre de reproduction artificielle pour poissons.

Pour les installations de la série A (tableau 24), il est conseillé d'utiliser une eau filtrée et aérée, ayant une température relativement constante. Cette eau devra être déversée dans l'émissaire de drainage après utilisation, car elle contiendra presque à coup sûr des produits pharmaceutiques (formaline, vert-malachite).

Les installations de la série B n'auront par contre pas besoin de recevoir une eau filtrée, car le poisson sera nourri avec du plancton provenant de l'extérieur. Il est suggéré d'utiliser le plus possible l'eau quittant ces bassins pour réchauffer les étangs de la série C, en y ajoutant un complément d'eau chaude. Le principal avantage de ce système est que les excréments et les organismes planctoniques évacués des bassins intérieurs iront stimuler la croissance du plancton dans les étangs. Un écoulement séparé devra être prévu pour vidanger l'eau des bassins traités vers l'émissaire principal; la perte d'eau ne devrait pas dépasser 10 pour cent.

L'eau provenant des étangs de la série C (tableau 24) contiendra de fortes quantités d'engrais et de plancton car, pour maintenir la température des étangs, l'eau sera renouvelée rapidement. Il est suggéré de déverser toute cette eau dans une série de petits étangs peu profonds (50 ha au moins, 1 m de profondeur) qui seront utilisés pour produire du plancton. Ces étangs ne contiendront pas de poissons (sauf quelques grosses carpes de roseaux chargées d'éliminer les macrophytes); le plancton recueilli sera utilisé comme aliment d'appoint dans les bassins d'élevage intérieurs. L'eau en excédent dans les étangs de production de plancton sera évacuée.

Les 300 hectares d'étangs de repos, d'étangs d'élevage des géniteurs et d'étangs de production devraient être des étangs d'eau froide; pour compenser les pertes journalières dues à l'évaporation et aux infiltrations, ils recevront néanmoins de l'eau chaude.

Les besoins maximums d'eau chaude et d'eau froide du Centre de reproduction artificielle pour poissons sont récapitulés dans le tableau 25; ils s'élèventà 108 000 litres par minute pour l'eau chaude (dont 7 200 litres par minute d'eau filtrée) et 108 000 litres par minute d'eau froide.

Etant donné que les systèmes d'alimentation en eau froide et en eau chaude (pompes, canalisations) sont du même ordre de grandeur mais sont essentiellement utilisés à différents moments de l'année, ils peuvent se remplacer l'un l'autre en cas de nécessité.

6. AMENAGEMENT DES INSTALLATIONS

La présente mission n'avait pas l'intention de présenter un plan complet des installations du Centre de reproduction pour poissons. Néanmoins, un diagramme des opérations a été établi (représenté sur la figure 10) ainsi qu'un plan schématique (d'une partie) de l'emplacement (carte 1) et des bâtiments de l'écloserie d'alevinage (carte 2). (Les cartes sont insérées dans une pochette au dos de la couverture.)

La figure 10 montre comment l'eau chaude et l'eau froide provenant des étangs de stockage correspondants s'écoulent soit vers les 300 hectares d'étangs d'élevage des géniteurs et de production (par gravité: voir les niveaux sur la carte 1) ou vers la salle des machines. Dans la salle des machines, l'eau est mélangée automatiquement jusqu'à ce qu'elle atteigne la température fixée, puis pompée à travers des filtres. A la sortie des filtres, l'eau passe par des aérateurs tubulaires en forme de U, car le mixage aura pour effet d'abaisser la teneur en oxygène du mélange au-dessous du taux de saturation. Le mélange d'eau filtrée et aérée est entreposé dans un réservoir où s'effectue la décompression (libération d'oxygène); il servira à laver les filtres et à alimenter l'écloserie. La salle des machines est pourvue d'un drain pour l'eau de lavage qui repart en arrière; les réservoirs sont raccordés au drain principal pour permettre un nettoyage/désinfection périodique. L'eau provenant de l'écloserie (qui contient souvent des produits pharmaceutiques) est évacuée.

Les installations d'alevinage devraient être alimentées en eau chaude, directement à partir du réservoir d'eau chaude. Il n'est pas nécessaire de la filtrer car le fretin est nourri de plancton concentré provenant de l'extérieur, probablement plus pathogène que l'eau non filtrée. L'oxygénation est superflue car on peut penser que l'eau chaude est saturée en oxygène (ce qui a d'ailleurs été signalé). Il n'est pas nécessaire non plus de régler la température, car la source d'eau chaude n'est pas sujette à de fortes et soudaines fluctuations de température et n'atteint jamais des températures létales pour le fretin. Si l'on désire une température d'élevage légèrement inférieure, on peut cependant prévoir un apport constant d'eau froide (réglé manuellement).

L'eau provenant des installations d'alevinage sera évacuée; le réseau de drainage ne sera en principe utilisé que quand les bassins auront été traités avec des médicaments ou des désinfectants. Normalement, cette eau s'écoulera vers les deux séries de bassins alimentés en eau chaude utilisés pour la maturation et pour l'alevinage des espèces planctivores. De cette façon, on tirera le maximum de profit des aliments et engrais (rincés des installations d'alevinage). Comme la quantité d'eau chaude évacuée ne suffira pas pour réchauffer les étangs, il faudra prévoir ēgalement un apport direct d'eau chaude.

Toute l'eau qui s'écoulera des étangs d'alevinage et qui contient des engrais et du plancton, sera déversée dans de très vastes étangs à plancton.

On peut voir sur la carte 2 une disposition possible des diverses installations décrites ci-dessus avec indication des niveaux internes et externes. Les réservoirs d'eau sont situés aussi près que possible des sources d'alimentation; le niveau maxumum de ces réservoirs et le niveau du réservoir d'eau mélangée se trouvent à une hauteur suffisante pour que l'eau s'écoule autant que possible par gravité. Les étangs de géniteurs et les étangs de production sont alimentés par une gouttière ouverte logée dans une digue spéciale (de faible hauteur); cette gouttirère est raccordée aux réservoirs d'eau par des canalisations souterraines.

Les étangs à plancton sont conçus de façon que le plancton recueilli puisse être débarqué aussi près que possible des installations d'alevinage.

Les étangs réservés aux géniteurs et à la production ne sont pas représentés sur la carte 1; le tracé de ces étangs sur les 300 ha disponibles est laissé aux autorités roumaines.

La carte 2 montre la disposition provisoire des bâtiments qui recevront l'écloserie et les installations d'alevinage. L'écloserie sera construite en briques ou en béton; quelques bureaux, laboratoires et salles de détente sont prévus. Il est possible toutefois de construire ce bâtiment en mettant tous les bureaux sur un étage supérieur. Le bâtiment destiné à recevoir les installations d'alevinage doit avoir une grande superficie; pour réduire les frais, il est suggéré de construire une sorte de serre.

Tous les appareils mentionnés dans la sous-section 5.3.5 trouveront place dans l'écloserie et les installations d'alevinage suivant les dimensions ci-après (y compris l'espace nécessaire aux manipulations):

Entre les rangées, un espace suffisant a été réservé pour laisser passer des brouettes (écloserie) ou des camions (alevinage). Dans l'écloserie, un certain nombre de tables ont été installées à des fins diverses; la serre qui fera fonction de nursery contient deux grands bassins chinois (10 m de diamètre) et deux magasins à usages divers.

L'eau arrive à l'écloserie par gravité à partir du réservoir d'eau mélangée, elle circule dans tous les appareils et s'écoule dans un collecteur.

Le plancher de la zone d'alevinage se trouve à un niveau plus bas que celui de l'écloserie, car celle-ci doit être alimentée par gravité depuis le réservoir d'eau chaude (situé plus bas). L'amenée d'eau principale passe par une gouttière ouverte située à proximité de l'écloserie; le raccordement entre l'écloserie et la zone d'alevinage se fait par degré, au-dessus de cette gouttière. Depuis la gouttière principale, des gouttières d'alimentation traversent la serre sur toute sa longueur et alimentent tous les bassins et auges par gravité (voir plan détaillé sur la carte 2).

Comme nous l'avons expliqué précédemment, les eaux de vidange de la zone d'alevinage s'écoulent en principe vers les étangs d'élevage situés à l'extérieur. Pour cela les gouttières de drainage de la serre ont été placées au niveau voulu pour que des étangs puissent être alimentés par gravité. Perpendiculairement à ces gouttières de drainage principales (mais placées plus bas), un certain nombre de gouttières plus petites ont été prévues pour éliminer l'eau qui ne peut être réutilisée. Ces gouttières peuvent être ouvertes (et la principale gouttière détournée) dans des coffres de jonction; cette eau (qui provient de 10 bassins en même temps) s'écoule dans l'émissaire principal du centre.


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