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APERÇU SUR L'AMELIORATION DES ARBRES FORESTIERS EN CHINE

par

Hong Jusheng
Institut de recherche forestière de l'Académie forestière de Chine à Pékin

INTRODUCTION

La Chine possède 122 millions d'hectares de forêts naturelles et artificielles, qui couvrent 12 pour cent de son territoire. Le volume total sur pied est estimé à 9 500 millions de mètres cubes. Par habitant, le volume de bois sur pied est de 10 m3, et la superficie boisée de 0,13 ha, ce qui est bien audessous des moyennes mondiales. Les types de forêts sont variés, allant de la ceinture de conifères dans les latitudes septentrionales les plus froides aux forêts feuillues de mousson et forêts ombrophiles de la zone tropicale au sud. La Chine est très riche en essences tant résineuses que feuillues, dont le nombre est estimé à 3 200.

Depuis la fondation en 1949 de la République populaire de Chine, une grande importance a été accordée au reboisement: 28 millions d'hectares ont été plantés depuis lors, dont 6 millions d'hectares sont la propriété de l'Etat. Dans les provinces du Nord priorité a été donnée à la plantation de rideaux-abris et brise-vent dans les zones agricoles et aux reboisements pour la conservation des sols et des eaux, tandis que dans les provinces méridionales on a surtout cherché à créer des forêts industrielle d'essences à croissance rapide. Dans les régions montagneuses écartées et peu peuplées on a parfois eu recours au semis aérien.

Dans le but de protéger les écosystèmes naturels et les espèces rares d'animaux et de plantes, 57 réserves naturelles ont été constituées à travers le pays; elles couvrent au total 1,6 million d'hectares, soit 0,16 pour cent du territoire national.

Amélioration des arbres forestiers

La vaste échelle des reboisements en Chine fournit en large champ de recherche et d'application dans tous les aspects de l'amélioration des arbres. La première institution de génétique forestière - le Département de recherche génétique et sélection de semences de l'Institut de recherche forestière de l'Académie forestière de Chine - fut créée en 1952. Au début des années cinquante le travail de recherche se concentrait principalement sur: (1) l'hybridation et l'introduction de cultivars exotiques de Populus; (2) la reproduction et le classement de zones semencières de Cunninghamia et Pinus; (3) la sélection d'arbres plus et l'installation de vergers à graines de Pinus; (4) les techniques d'évaluation de la qualité physiologique des semences forestières. La recherche a été en grande partie interrompue au cours de la période 1966–1977, mais elle a repris en 1978 et des progrès considérables ont été accomplis depuis cette date.

A l'heure actuelle les institutions suivantes travaillent à l'amélioration des arbres forestiers en Chine: (1) l'Institut de recherche génétique forestière et l'Institut forestier subtropical de l'Académie forestière de Chine; (2) les sections d'enseignement et de recherche en génétique forestière des Collèges forestiers du Nord-Est, de Pékin et de Nanjing (Nankin); (3) les départements de recherche génétique forestière des Instituts de recherche forestière des provinces de Guangdong (Kouang-tong), Jiangxi (Kiang-si), Jiangsu (Kiang-sou), Sichuan (Setchouan), Hunan (Hou-nan) et Heilongjiang (Heiloagkiang); (4) les groupes de recherche génétique forestière de tous les autres instituts provinciaux de sciences forestières.

Le personnel de niveau universitaire engagé dans les travaux d'amélioration des arbres forestiers dans tout le pays se chiffre à environ 2 000. Ces travaux peuvent être classés en cinq grandes catégories, dont nous discuterons brièvement ci-dessous: (1) Introduction d'essences exotiques; (2) Essais de provenances: (3) Vergers à graine; (4) Hybridation; (5) Culture de tissus.

(1) INTRODUCTION D'ESSENCES EXOTIQUES

La Chine a un vaste territoire, avec des conditions édaphiques et climatiques variées et une agriculture diverse qui offrent de multiples possibilités d'introduction d'essences forestières.

On a introduit des arbres exotiques en Chine depuis plus de 1 000 ans. Jusqu'à la Libération, la plupart de ces introductions avaient un but purement ornemental, et se faisaience à petite échelle. Depuis lors, l'introduction d'essences exotiques est devenue une tâche importante pour la production ligneuse et les plantations de bords de routes. A ce jour près de 700 essences exotiques ont été introduites en Chine, dont 30 à 40 sont largement utilisées en reboisement. Des peupliers ont été introduits tant d'Europe que d'Amérique du Nord; on y trouve Populus euramericana cv. I-214 et Populus X euramericana cv. “Sacrau 79” dans les plaines centrales et le Nord de la Chine, P. euramericana no 63, 69 et 72 (Populus deltoides X Populus nigra) au Sud, dans le bassin inférieur du Yang-Tsé-Kiang, où ils ont très bien réussi. On les plante à grande échelle pour le bois et les fibres. Les introductions d'Eucalyptus sont importantes en Chine, notamment dans la province de Guangdong (Kouang-tong) et la région autonome de Guangxi Zhuang (Kuang-Hsi), autrement dit les régions tropicales et subtropicales. Quelques Eucalyptus spp. avaient été introduits dans la province de Guangdong il y a une centaine d'années. A ce jour une centaine d'espèces d'Eucalyptus ont été introduites, mais seulement trois à cinq sont largement utilisées en reboisement: Eucalyptus citriodora Hook, E. exserta F.V.N., E. robusta Sm., E. globulus Labill, E. camaldulensis Dehnh.

Pinus taeda L. (Loblolly pine) et Pinus elliottii Engelm. var. elliottii (Slash pine) sont parmi les espèces de pins les plus largement plantées en Chine. Quelque 130 000 ha de plantations de ces deux essences ont été établies depuis 1972, P. elliottii dans les basses collines subtropicales à altitude inférieure à 300 m, P. taeda entre 200 et 500 m. Toutes deux sont largement plantées dans les vallées de la Rivière des Perles (Si-Kiang) et du Yang-Tsé. Quelques autres pins du Sud des Etats-Unis sont également plantés, tels que Pinus serotina et Pinus palustris (Long leaf pine). Des pins tropicaux tels que P. caribaea et P. oocarpa ont été introduits en Chine méridionale à partir de 1964. Parmi les trois variétés de P. caribaea (var. caribaea, var. hondurensis et var. bahamensis), P. caribaea var. caribaea originaire de Cuba a la meilleure croissance et la meilleure forme de fût.

Larix leptolepis Sarg. originaire du Japon est l'une des essences exotiques qui ont le mieux réussi en Chine. On l'a planté dans certaines parties des provinces de Liaoning, Heilongjiang, Sichuan, Henan (Ho-nan) et Hubel (Hou-pei), jusqu'à présent avec succès. Les reboisements avec cette essence seront poursuivis.

D'autres essences exotiques qui ont réussi en Chine sont Robinia pseudoacacia, Cryptomerla japonica, Taxodium distichum var. nutans et T. distichum, Liriodendron tulipifera, Carya illinoensis (Pecan ou faux hickory), Juglans nigra, Casuarina spp., etc.

Pour résumer notre expérience en matière d'introduction d'essences exotiques, les régions d'origine les plus intéressantes pour nous sont: l'Est de l'Amérique du Nord, le Japon, le Sud-Est asiatique et l'Est de l'Australie. Les essences originaires de l'Ouest de l'Amérique du Nord et des régions méditerranéennes, en revanche, n'ont pas donné de bons résultats.

“Introduction of Exotic Trees in China”, rédigé par l'ancien directeuradjoint de l'Académie forestière de Chine, a été publié en 1983.

(2) ESSAIS DE PROVENANCES

Le besoin d'essais de provenances s'est fait sentir en Chine dans les années cinquante. A cette époque l'Institut de recherche de l'Académie forestière de Chine entreprit l'étude des provenances de Pinus et Cunninghamia, et fit des propositions préliminaires de division du pays en secteurs pour la répartition des graines forestières. Par la suite plusieurs essences ont fait l'objet d'études plus poussées, telles que Pinus massoniana et Cunninghamia lanceolata. La plupart des essais les plus importants et les mieux conçus ont été entrepris après 1977. L'Académie forestière de Chine fournit maintenant une organisation et des directives pour les essais de provenances à l'échelle nationale. A ce jour nous avons mené des essais de provenances sur 24 essences, dont 17 conifères et 7 feuillus. Parmi ces essences 16 ont été incluses dans le plan scientifique national. Il s'agit des espèces suivantes:

Cunninghamia lanceolata (sapin ou araucaria de Chine)
Eucalyptus spp. (E. exserta, E. citriodora,
E. saligna)
Larix gmelini
L. leptolepis (mélèze du Japon)
L. olgensis
L. principis-rupprechtii
Pinus armandii
P. elliottii (slash pine)
Pinus koraiensis (pin de Corée)
P. massoniana
P. sylvestris var. mongolica
P. tabulaeformis (pin de Chine)
P. taeda (Loblolly pine)
Platyeladus orientalis
Tectona grandis (teck)
Ulmus pumila

D'autres essences faisant l'objet d'essais sont: Pinus yunnanensis, P. caribaea, P. oocarpa, Robinia pseudoacacia, Paulownia fortunei, Populus tomentosa, P. simonii, Cryptomeria fortunei, C. japonica. Les expérimentations en cours comportent les éléments suivants: comparaison d'ensemble des performances entre provenances; interaction entre provenances et milieu; variation entre provenances en ce qui concerne la morphologie, la phénologie, la croissance, le taux de survie, la résistance au froid, aux maladies, aux parasites, la biochimie, les chromosomes, etc.

A ce jour, des résultats ont été obtenus sur des essences incluses dans les premiers essais, telles que Cunninghamia, Pinus massoniana, P. armandii, Ulmus pumila, Tectona grandis, Pinus tabulaeformis.

(3) VERGERS A GRAINES

Le colossal programme de reboisement de la Chine exige un approvisionnement copieux en semences. Celles-ci sont actuellement obtenues à partit des peuplements naturels pour les essences indigènes et d'importation pour les essences exotiques, ainsi que pour une part très limitée de plantations en Chine. Il nous faut donc constituer des vergers à graines qui assureront la production de semences de haute qualité.

Les travaux de recherche en matière de sélection génétique et la création de vergers à graines et de pépinières de plants bouturés débutèrent vers la fin des années cinquante, et surtout après les années soixante. En 1964, lors de la “Première discussion académique nationale sur la sélection d'arbres forestiers d'élite”, fut adoptée une résolution visant à entreprendre une sélection génétique systématique et créer des vergers à graines et pépinières de plants bouturés. C'est de là que proviennent les premiers vergers à graines de Chine, celui de Pinus elliottii de Hongling, comté de Taishan dans la province de Guangdong et celui de Cunninghamia de Yangkou dans la province de Fujian (Fou-Kien). Les réunions de l'Association nationale des arbres d'élite tenues en 1972, et la “réunion de travail sur les races d'élite d'arbres forestiers” organisée par la Société des arbres forestiers de Chine du Ministère des forêts, donnèrent une impulsion au développement des vergers à graines.

Depuis 1972 les travaux concernant les vergers à graines ont considérablement progressé. A ce jour près de 19 000 arbres plus ont été sélectionnés, et 7 300 ha de vergers à graines greffés, 677 ha de pépinières de plants bouturés et 30 000 ha de peuplements semenciers ont été constitués. A l'heure actuelle 20 essences sont utilisées dans la sélection génétique, les vergers à graines et les pépinières de plants bouturés, dont 13 essences résineuses et 7 essences feuillues, les principales étant: Cunninghamia lanceolata, Pinus massoniana, P. tabulaeformis, P. sylvestris var. mongolica, P. elliottii, P. taeda, Larix olgensis, L. gmelini, L. leptolepis, L. principis rupprechtii, Populus spp., Ulmus pumila, Eucalyptus spp., Robinia pseudoacacia. Nous avons maintenant commencé à récolter des graines de vergers installés au cours de la première période, d'essences telles que Cunninghamia, Pinus elliottii, P. taeda. Les vergers à graines de Cunninghamia peuvent maintenant fournir 30 pour cent des semences nécessaires annuellement pour le programme de plantation de cette essence. En règle générale le travail de sélection génétique a pour point de départ la sélection phénotypique, mais nous avons maintenant commencé des tests de descendance, et déjà obtenu certains résultats. Sur la base des tests de descendance nous avons commencé à établir des vergers à graines de première génération améliorée (F1) de certaines essences telles que Cunninghamia, Pinus elliottii, P. taeda, et dans la province de Fujian un verger à graines de seconde génération de Cunninghamia a été établi.

(4) HYBRIDATION

Depuis la fondation de la République populaire de Chine, un travail d'hybridation d'essences forestières à relativement grande échelle a été réalisé. Au cours des trente dernières années des croisements inter et intraspécifiques ont été faits avec Populus, Pinus, Cunninghamia, Larix, Salix, Ulmus, Paulownia, Eucalyptus, Thea oleosa, Aleurites fordii, Phyllostachys edulis, etc. Des progrès considérables ont été accomplis dans le travail d'hybridation pour certaines essences.

Populus

Le travail d'hybridation de Populus entrepris par le Professeur Xu Weiying à l'Institut de recherche forestière de l'Académie forestière de Chine se caractérise par son ampleur et son développement rapide, le nombre de combinaisons réalisées, et ses résultats évidents par comparaison avec d'autres essences. Nous avons commencé par des croisements interspécifiques dans les groupes et entre groupes de Populus nigra et P. cathayana, et nous en venons maintenant au croisement interspécifique à l'intérieur du groupe Populus alba, au croisement entre Populus alba et les autres groupes, ainsi qu'au croisement entre les groupes Populus cathayana et P. euphratica. A présent, les hybrides qui sont largement plantés et sont manifestement intéressants en reboisement sont les suivants: P. X popularis Hsu., P. simonii, P. simonii nigra var. italica Keohe no 12', P. X pekineca Hsu, P. simonii X P. italica.

Salix

En ce qui concerne l'hybridation de Salix, des espèces de ce genre sont largement utilisées pour le bois de feu, et couramment plantées pour lutter contre l'érosion et stabiliser les berges de cours d'eau. Le vaste programme de sélection et d'hybridation est mené principalement à l'Institut de recherche en sciences forestières de la province de Jiangsu (Kiang-sou).

Ce programme comprend comme éléments la sélection, l'hybridation, la constitution de clones et les essais de terrain. On a récemment créé des hybrides de croissance rapide, avec une bonne forme de fût. Les reboisements avec ce genre botanique se poursuivent.

Pinus

Au début des années soixante la Section d'enseignement et de recherche en génétique forestière du Collège forestier de Nanjing (Nankin) entreprit des croisements inter- et intraspécifiques de Pinus. Les résultats de ces recherches montrent que la première génération (F1) de Pinus thunbergii X P. palustris, P. thunbergii X P. yunnanensis et P. thunbergii X (P. elliottii + P. taeda + P. yunnanensis) présente un degré élevé d'hétérosis. A l'âge de 6 ans, la hauteur est de 55–69 pour cent supérieure à celle de la descendance de Pinus thunbergii issue de pollinisation libre, et la croissance des racines et de la tige est de 33–44 pour cent supérieure.

Larix

Le travail de sélection de Larix est mené à l'Institut de recherche en sciences forestières de la province de Heilongjian et au Collège forestier du Nord-Est. On a d'ores et déjà obtenu certains hybrides: Larix gmelini X L. leptolepis et L. leptolepis X L. olgensis. Des succès ont été obtenus dans l'hybridation d'autres essences, telles qu'Eucalyptus exserta X E. robusta, Liriodendron chinese X L. tulipifera, Juglans mandshurica X J. regia, Paulownia fortunei X P. fargesii, Paulownia kawakamii X P. fortunei, Aleurites fordii, Thea oleosa, etc.

(5) CULTURE DE TISSUS, ETC.

Certains chercheurs génétiques forestiers en Chine s'intéressent à la culture de tissus d'essences forestières. Les questions qui se posent à cet égard vont de la méthodologie et de la recherche à la philosophie générale et au champ d'application. Actuellement on cherche à propager ainsi notamment les diverses espèces de peupliers et leurs hybrides, Ulmus pumila et U. japonica, Cunninghamia lanceolata, Taxodium distichum var. nutans, Paulownia, Eucalyptus hybrides, etc. La culture de tissus d'eucalyptus en est au stade de production industrielle dans la région autonome de Guangxi Zhuang. Nous avons également fait des travaux sur la génétique des arbres forestiers, en commençant par l'étude des chromosomes et l'analyse des caryotypes, ainsi que l'application des isoenzymes pour l'évaluation des hybrides et des provenances. C'est ainsi par exemple qu'ont été publiés des premiers résultats d'études sur les caryotypes de Cunninghamia. Des progrès ont été accomplis également dans d'autres voies, telles que ségrégation protoplasmique, sélection de mutants, sélection de génotypes répondant à de faibles intensités d'éclairement.

En résumé, l'amélioration des arbres forestiers se développe vigoureusement en Chine, et des succès ont été obtenus tant dans la résolution des problèmes de production que dans l'étude des lois scientifiques. D'une manière générale, cependant, notre science est encore jeune, notre travail au stade embryonnaire, et de nombreux problèmes subsistent. Par rapport aux pays avancés en matière de génétique forestière, nous avons encore un long chemin à parcourir. Nous souhaitons apprendre d'eux, et sommes résolus à redoubler d'efforts.

Manuscrit reçu en décembre 1984


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