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3. LA PRE-PLANIFICATION

3.1 Opérations menées à bien pendant la phase de pré-planification

La pré-planification comprend toutes les fonctions qui doivent être menées à bien avant la prise de décision véritable. De manière plus spécifique, la pré-planification (pré-préparation du plan serait un terme plus précis) se concentre sur: (1) la prise de contact avec des sources d'information et des organismes ayant une influence potentielle ou pouvant soutenir l'exécution du plan; (2) la collecte et l'analyse d'information; et (3) la familiarisation avec les éléments à prendre en compte dans la planification du développement des pêches (biologie marine, aspects techniques et socio-économiques du secteur halieutique), ainsi qu'avec leurs interactions. La qualité du produit final, en l'occurrence le plan, dépendra de la masse d'informations et de connaissances rassemblée, ainsi que de sa bonne utilisation.

Au cours des paragraphes suivants, l'activité de pré-planification est étudiée en termes de: (1) sa relation avec l'ensemble de l'entreprise de planification; (2) son mode d'exécution; et (3) l'utilisation des informations recueillies.

3.2 Etude du développement sectoriel passé

Comprendre les événements du passé constitue un préalable essentiel à la préparation du futur. Pour que l'exercice présente une valeur pratique pour la planification, l'information tirée du passé doit être étudiée dans une optique d'analyse. Son but sera de découvrir les raisons des possibilités manquées et des échecs du passé. Cette tâche devrait aider à éviter la répétition des erreurs.

Il faut prendre garde à ne pas considérer cette étude du passé comme une opération de sauvetage destinée à ressusciter des programmes qui ont échoué. On élabore des plans pour indiquer la manière la plus satisfaisante de répondre aux futurs besoins de développement, non pour remédier aux erreurs du passé.

Parmi les meilleures sources d'information sur le passé des pêches des pays côtiers en développement figurent les rapports des missions d'examen sectoriel organisées aux cours des dernières décennies par les agences de coopération technique internationales et bilatérales. La plupart de ces rapports contiennent un chapitre analytique avec une évaluation des résultats et des besoins futurs. Ces informations peuvent être vérifiées et actualisées grâce à des entretiens avec des membres de l'industrie et de l'administration des pêches ainsi que des cadres des pêcheries, des pêcheurs et d'autres industriels (qui seront peut-être, dans le futur, impliqués dans l'exécution quotidienne des directives du plan). La recherche dans le passé peut mettre en évidence la nécessité d'effectuer plusieurs enquêtes pendant l'élaboration du plan.

3.3 Création d'une base de données

3.3.1 Recherche primaire et secondaire

Une bonne base de données est fondamentalement nécessaire à l'élaboration de plans réalistes et bien construits.

Ainsi qu'il est indiqué plus haut, de nombreuses informations ont déjà été rendues disponibles par les recherches sur le passé des pêcheries. Actualiser ces informations peut, dans certains cas, impliquer des enquêtes supplémentaires. Toutefois, du fait du manque de temps et d'argent, il convient si possible d'éviter les recherches primaires destinées uniquement à la formulation du plan. Cette règle admet certaines exceptions: lorsqu'aucune donnée sur les indicateurs en question n'a jamais été recueillie, lorsqu'il est impossible d'extrapoler à partir des données du passé, et lorsque les informations disponibles sont considérées trop peu fiables pour la planification.

3.3.2 Des données complètes et précises

Les décisions quant aux informations à recueillir et leur nombre, ainsi qu'à leur exactitude, doivent être prises par le planificateur en fonction des besoins spécifiques en présence. Exiger des données complètes et exagérément précises peut retarder la préparation du plan et le démarrage des programmes opérationnels. D'un autre côté, traiter la phase de collecte des données avec trop de nonchalance peut fausser toute l'activité de planification.

Les conclusions suivantes tirées d'une mission de planification des pêches expriment le compromis à rechercher: “Bien que les données étaient, à certains égards, incomplètes, elles étaient considérées comme pouvant être évaluées avec un risque limité. Le grand problème a été de tirer des déductions valables de données disparates et parfois contradictoires. Le présent rapport est donc … le résultat d'un exercice concerté de jugement professionnel auquel se sont livrés les membres de la mission … pour dégager les conclusions et recommandations les plus défendables à la lumière de l'information disponible” (FAO, Programme de coopération technique, p.2, 1981a).

Des problèmes spécifiques peuvent surgir du fait de l'inexactitude présumée des données. Les gestionnaires peuvent avoir intentionnellement gonflé les données sur la production - probablement pour exiger des fonds budgétaires plus importants; les chefs d'entreprise peuvent citer des chiffres en deçà de la vérité dans les rapports présentés au gouvernement pour réduire leur taux d'imposition; des inexactitudes peuvent être provoquées par la pénurie de personnel ou le manque de formation des agents sur le terrain, etc… Le planificateur doit tenter de déceler les failles de la base de données, rechercher leurs causes, et en interrogeant les “coupables” présumés, ou en confrontant les données suspectes avec d'autres sources d'information, chercher à apporter les corrections appropriées.

3.3.3 Types de données nécessaires

De manière générale, on peut classer les données nécessaires en fonction de leur appartenance aux facteurs de production ou à la production en soi. En ce qui concerne les intrants, il faut d'abord recueillir des informations sur le potentiel de capture et les prises totales autorisées, les sites de débarquement, par espèce et par zone géographique (également, si possible, par saison et engin de pêche utilisé). En ce qui concerne les intrants physiques, des données sont nécessaires quant à l'importance de la flottille de pêche, les engins et les accessoires de pêche; les sites de débarquement, les ports, les installations de transformation et de commercialisation, avec dans chaque cas mention des capacités et du taux d'utilisation de celles-ci, ainsi que sur les fournisseurs et le coût de ces intrants. Il convient de distinguer entre fournisseurs étrangers et nationaux, afin d'identifier leur part respective de l'approvisionnement total et de comparer les frais d'achat. La collecte des données aux fins de planification devrait en outre couvrir l'âge de la flottille et des principales installations portuaires, leur degré d'obsolescence, et les coûts de remplacement. Les données sur la main-d'oeuvre devraient être ventilées par spécialité professionnelle, et dans la mesure du possible, par niveau de spécialisation. A cet égard, il convient également d'obtenir une image des installations de formation existantes dans le pays.

En ce qui concerne les extrants, le planificateur doit rassembler des données sur les quantités et les prix de vente à tous les niveaux de distribution, par espèce et par produit, et - si nécessaire - par caractéristique de qualité. Ces données doivent être obtenues séparément pour les produits destinés au marché national et ceux d'exportation. Si possible, les informations sur les prix doivent se référer aux principaux marchés destinataires. Pour compléter cette étape de collecte des données, le planificateur doit également recueillir des informations sur l'infrastructure de distribution et de commercialisation.

Pour les pays présentant des débouchés intérieurs assez importants pour la production halieutique, il convient d'obtenir une image précise du schéma de consommation, et notamment des détails sur les centres de consommation, les habitudes alimentaires, les préférences, etc… La majorité de ces renseignements ne peut pas être fournie par les organismes de pêches, mais par les ministères de l'agriculture, les études nutritionnelles, et les enquêtes de recensement générales.

Lors du travail de préparation de la planification, il ne faut pas négliger les divers services de soutien essentiels à l'aménagement et au développement rationnels des pêcheries. Cette partie de l'étude doit s'étendre aux structures administratives et institutionnelles, ainsi qu'au personnel, aux finances (subventions, taxes et redevances applicables aux pêcheries), à la recherche, aux moyens scientifiques et techniques, et couvrir également les composantes de l'ensemble de l'infrastructure économique qui sont essentielles à la mise en oeuvre d'activités de développement dans le secteur des pêches: réseau routier et transports, réseaux de distribution d'eau et de carburant, par exemple.

Il faut souligner qu'il est inutile de recueillir des informations ne servant pas à des fins spécifiques, telles l'ébauche de programmes de développement ou l'instauration de mesures rationnelles d'aménagement des ressources ou des capacités. En ce qui concerne la collecte des données sur les coûts - qui permettent de décider de l'utilisation des intrants, de l'acquisition des intrants matériels ainsi que de choisir entre plusieurs fournisseurs possibles - les effets du change font l'objet d'un examen particulier.

Les informations sur les extrants fournissent les directives nécessaires à l'orientation et au développpement du marché.

Les données sur les coûts et les prix sont essentielles lors du choix entre plusieurs stratégies possibles ainsi que de la budgétisation des programmes.

3.4 Comprendre le secteur des pêches

3.4.1 Comprendre les facteurs qualitatifs qui influencent l'aménagement et le développement des pêches

Une bonne base de données n'aura guère d'utilité pour le planificateur tant que celui-ci ne sera pas suffisamment familiarisé avec le secteur des pêches pour pouvoir interpréter correctement ces données.

On hésite parfois à confier la tâche de formulation du plan à un spécialiste de la planification, parce qu'on soupçonne habituellement celui-ci de ne pas suffisamment connaître le secteur. D'un autre côté, si un halieutiste est chargé de la planification, on craint que l'intérêt global du secteur soit lésé, le spécialiste ne connaissant que les problèmes du domaine scientifique ou technique qui relève de sa compétence.

Si un planificateur professionnel est désigné à la tête d'une unité de planification , il doit travailler dur pour acquérir une appréciation tant qualitative que quantitative des problèmes des pêches. Pour combler ses lacunes, il doit dans une première étape apprendre à connaître les caractéristiques principales des facteurs de production matériels et humains, ainsi que de la production en soi. La familiarisation du planificateur avec les liens entre chaque facteur est également essentielle.

En commençant par les ressources, le planificateur doit au moins acquérir une connaissance de base des éléments qui influencent les dépenses et les recettes. A cet effet, il doit posséder une connaissance générale des déterminants de l'abondance des stocks, des caractéristiques climatiques et des schémas de migration qui affectent les stocks et l'effort de pêche, de l'éloignement par rapport aux installations portuaires, du nombre de bancs, des caractéristiques physiques et chimiques des ressources halieutiques: âge, taille, couleur, apparence, goût, teneur en matières grasses, qualité de la chair, poisson osseux ou cartilagineux, comportement alimentaire (notamment en ce qui concerne la dépendance vis-à-vis d'autres espèces ayant une importance commerciale et les cas de cannibalisme), effets de la pollution, parasitisme, etc… Il importe que le planificateur reconnaisse ses limites dans ce domaine et qu'il sache quand demander conseil aux scientifiques spécialisés en aménagement et en développement des ressources.

Aux fins d'aménagement des pêcheries, les aspects suivants demanderont une attention particulière (d'après MacKenzie, 1983):

  1. importance et caractéristiques du comportement, à savoir concentration saisonnière, schémas de migration, etc…, d'un stock d'une espèce donnée ou de stocks (biomasse) plurispécifiques (stocks associés);
  2. variation du stock ou des stocks en fonction des facteurs naturels (milieu) et des différents degrés d'intensité d'exploitation (pression de l'effort de pêche);
  3. interaction de l'exploitation d'un stock particulier avec celle d'autres stocks dans le même écosystème;
  4. taux et niveau de capture optimum, et taille et densité des stocks, afin d'identifier la récolte halieutique;
  5. conséquences de la répartition de l'accès à un stock donné entre des utilisateurs se faisant concurrence sur la quantité toale des prises, le taux de capture, et la taille des poissons pêchés (âge des individus d'une espèce);
  6. interactions possibles entre les prises totales, le taux de capture, la stabilité des captures et la taille des poissons;
  7. rendement maximum équilibré (captures) des stocks d'un écosystème pouvant être atteint dans le temps.

En ce qui concerne les biens d'équipement, le planificateur doit s'intéresser, entre autres, aux critères de “qualité” suivants: âge, état et obsolescence, possibilités de modification, flexibilité du marché de l'emploi, etc… Chaque fois que le planificateur doit avoir une connaissance moins superficielle d'un domaine technique afin de prendre une décision, il doit s'adresser aux spécialistes en constructions navales,engins de pêche, constructions portuaires, transformation, commercialisation,etc…

L'expérience montre que les considérations socio-économiques sont les plus fréquemment négligées par la planification du développement des pêches. Pourtant, ce manque d'intérêt pour les comportements et les besoins des producteurs et des consommateurs a infligé aux planificateurs d'amères leçons.

Parmi tant d'autres, on peut tirer des documents sur les pêches les exemples suivants: (1) des projets de développement de la pêche artisanale ont échoué du fait de tentatives pour encourager des groupements ayant une connaissance limitée de la mer à entreprendre des opérations de pêche; (2) des plans de modernisation des pêcheries ont avorté, faute de pouvoir convaincre les pêcheurs d'opérer en haute mer; (3) des pêcheurs accoutumés à un type d'embarcation et à des méthodes de pêche particulières ont résisté aux efforts entrepris pour modifier leurs habitudes (par exemple, les nouveaux bateaux, plus efficaces et plus stables, proposés par les experts du soutien technique ont été rejetés par les pêcheurs car ils ne fournissaient pas d'emploi à tous les membres de la famille. L'augmentation des bénéfices rendue possible par les nouveaux bateaux ne compensait pas le fait que certains n'auraient pu trouver du travail à terre); (4) la peur du chômage et/ou la concurrence entre pêche artisanale et industrielle ont parfois été à l'origine de l'opposition à l'introduction du chalutage dans les pêcheries proches de la côte; (5) dans certains cas, la mobilité a été affectée par un attachement tenace à la tradition familiale; (6) l'échec à tenir compte de l'attitude négligente des pêcheurs locaux envers l'entretien des bateaux et des engins de pêche ou du non-respect des critères d'hygiène et de qualité a parfois faussé la mise en oeuvre de plans par ailleurs minutieusement conçus; (7) les habitudes de travail et de dépense des pêcheurs (par exemple, la tendance de certains pêcheurs à dépenser leurs gains immédiatement en boissons alcoolisées et l'oisiveté qui en découle) ont également influé sur la planification, la discontinuité des modèles de travail rendant plus difficile la préparation du calendrier des activités.

Du point de vue de la commercialisation, des problèmes de planification peuvent survenir du fait des difficultés à évaluer les habitudes des consommateurs et leurs interdits alimentaires. Ceux-ci peuvent avoir une influence considérable sur les perspectives de développement régional ou local, et ils ne sont pas toujours familiers au planificateur au niveau macro-économique.

3.4.2 Comprendre les relations entre les différents intrants, les différents extrants et entre intrants et extrants

Connaître les liens entre les données importe autant que la quantité et la qualité de celles-ci. De ce fait, le planificateur doit connaître parfaitement les facteurs qui affectent la production, la transformation et la distribution des produits halieutiques, ainsi que les liens entre ces facteurs. Seulement ainsi sera-t-il en mesure de choisir en toute connaissance de cause entre plusieurs stratégies possibles.

Pour mieux connaître le secteur, le planificateur doit s'en remettre aux conseils scientifiques et techniques des spécialistes. Toutefois, pour poser les \ill\ \ill\, il doit posséder une bonne compréhension générale des ressources, de la technologie et de l'économie des pêcheries. Les informations recueillies auprès des spécialistes peuvent être vérifiées et complétées par la lecture attentive des études de recherche et de faisabilité et les rapports sur la productivité et les dépenses et recettes du secteur.

Le planificateur doit prendre l'habitude d'étudier chaque intrant et chaque extrant pour déterminer l'incidence qu'aurait un changement de leur importance ou de leur qualité sur la production ainsi que sur les extrants matériels et les recettes.

Pour ne prendre qu'un seul exemple, il devra avoir conscience que la décision de pêcher à plus grande distance de la côte (du fait de l'extension des zones de pêche) affectera la main-d'oeuvre (manque éventuel de qualification des pêcheurs ou refus de se lancer dans ces opérations, incidence sur leur organisation socio-économique, modification de leur mode de rémunération, etc…); influera sur les spécifications de taille, de construction et d'équipement des embarcations de pêche (qui influenceront à leur tour les spécifications d'équipage); nécessitera des dispositions spéciales de conservation des captures à bord; exigera des modifications de la taille et de la nature des sites de débarquements et des installations à terre, ainsi que des réseaux et des procédures de distribution et de commercialisation, etc… Dans tous les cas, les répercussions sur les dépenses et les recettes doivent être étudiées en détail avec les experts.

Le planificateur devra également savoir qu'un stock d'une espèce donnée, pélagique par exemple, peut être récolté, suivant qu'il se rencontre en plus ou moins grandes concentrations, par des engins de pêches de masse, qui peuvent contribuer à la réduction des dépenses et rendre possible un autre type d'utilisation et permettre une percée sur des marchés différents, chose impossible si les concentrations avaient été moins importantes. En ce qui concerne l'exploitation, pour certaines espèces, il peut exister une seule utilisation finale, comme c'est le cas avec les langoustes qui sont généralement vendues fraîches ou congelées aux fins de consommation humaine, alors que d'autres, comme les harengs, peuvent avoir des destinations multiples (d'après FAO, 1981).

Certaines caractéristiques des espèces, notamment la taille, la consistance de la chair, la nature osseuse ou cartilagineuse, la teneur en matières grasses, auront une importance décisive sur l'utilisation et influenceront les coûts de production et les possibilités commerciales. D'autres caractéristiques, par exemple l'aspect général, la couleur, peuvent avoir une incidence directe sur l'acceptation d'une espèce par les consommateurs. Une espèce peut constituer la principale source de nourriture d'une autre vivant dans les mêmes fonds, ce qui demande une évaluation minutieuse des dépenses et des recettes des deux pêcheries pour parvenir à décider quelle espèce pêcher, et en quelle quantité.

Certains types de navires peuvent être inadaptés à la capture de certains poissons, et certaines embarcations peuvent ne pas plaire aux pêcheurs.

Les consommateurs peuvent préférer certaines espèces et certains types de produits et rejeter les autres, ainsi qu'avancer des exigences particulières quant à la transformation, le conditionnement et la présentation. En conséquence, le planificateur fera bien de se familiariser avec les habitudes des consommateurs et leurs modèles d'achat pour éviter que le développement ne soit entravé par des difficultés de commercialisation.

3.5 Liens avec d'autres secteurs de l'économie

Le planificateur des pêches ne doit jamais oublier les deux considérations suivantes: (1) les ressources de développement sont rares; et (2) tant sur les marchés des facteurs que des produits, les pêcheries font concurrence à d'autres industries.

En ce qui concerne les intrants, les pêches commerciales et d'amateur ou les pêcheries commerciales et/ou les bateaux de plaisance peuvent se trouver en rivalité pour l'exploitation des eaux maritimes. Le développement d'autres secteurs de l'économie peut avoir une incidence positive ou négative sur les pêcheries, et les opérations de ces dernières peuvent, suivant les cas, s'avérer bénéfiques ou néfastes pour les autres. La destruction des marais, la pollution des estuaires, la construction de digues empêchant l'apport d'éléments nutritifs aux eaux maritimes, peuvent diminuer les rendements et même détruire les pêcheries dans une zone limitée. Inversement, la pollution attribuée aux pêcheries peut entraîner des dommages économiques pour les autres industries. A terre, les usines malodorantes de traitement du poisson peuvent entraver le développement d'une industrie du tourisme pleine de promesses.

Les pêcheries peuvent également faire concurrence à d'autres secteurs pour l'achat d'intrants, par exemple lorsque les chantiers navals construisent des navires pour les entreprises de pêche et de commerce ou lorsqu'un nombre limité de membres d'équipage qualifiés sont demandés à la fois par les pêcheries et les autres opérateurs.

En ce qui concerne le marché, le poisson entre en compétition directe avec d'autres aliments à protéine animale, dans certains pays en particulier la volaille. Plus indirectement dans de nombreux pays, mais plus certainement dans les pays les moins développés ayant des ressources économiques très limitées, le poisson fait concurrence à tous les autres types de denrées. Si un marché du poisson quelconque doit exister dans ces pays, les prix ne doivent pas dépasser ceux des autres denrées de base.

Les problèmes qui peuvent surgir du fait de la concurrence entre les pêcheries et les autres secteurs de l'économie en ce qui concerne le marché des intrants et/ou des extrants doivent être considérés comme des facteurs de risque lors de la planification. En même temps, il faut penser à des mesures permettant de renforcer la position des pêcheries face à la concurrence.

En outre, afin d'éviter les conséquences indésirables d'une concurrence intersectorielle, il faut établir une liaison entre, notamment: (1) les ministères voulant lancer des projets d'ingéniérie dans des zones où leur mise en oeuvre menacerait les ressources halieutiques; (2) les industries dont les usines déversent des polluants dans les eaux poissonneuses; (3) les agences de promotion de la pêche d'amateur et du tourisme intéressées par des zones de pêche commerciale. L'objectif d'une telle liaison est de parvenir à un modus vivendi à la satisfaction mutuelle de toutes les parties.

3.6 Liens entre les pays côtiers en développement et les autres pays en ce qui concerne les pêches

Les plans sectoriels d'un pays doivent tenir compte des plans ou des entreprises lancées par les autres pays (notamment les pays voisins d'une même région) susceptibles d'avoir une incidence sur eux. A cet effet, les plans de développement dudit pays doivent être étudiés attentivement, et les propositions de programmes éventuellement modifiées, pour s'adapter aux possibilités et aux difficultés pouvant surgir dans les pêcheries nationales. Il faut également s'efforcer de coordonner les plans et les activités avec ceux des pays concernés et de négocier des accords avantageux pour toutes les parties, afin d'éviter de futurs conflits quant à l'exploitation et la commercialisation des ressources.

Si d'autres pays ont l'intention de démarrer ou d'élargir des opérations de même nature que celles envisagées par le pays côtier en développement dans le cadre de son nouveau plan, et si la production est destinée aux marchés internationaux, il convient de comprendre et d'évaluer clairement les conséquences sur la capacité d'absorption du marché et l'évolution des prix. A cet égard, il faut garder à l'esprit, par exemple, qu'actuellement de nombreux pays envisagent de développer les ressources en petites espèces pélagiques de leur ZEE, dans le but de commercialiser la production future dans les pays côtiers en développement présentant des carences graves en aliments à protéine animale. La concurrence entre ces pays pourrait bien entraîner une baisse des prix du marché pour ces espèces, jusqu'à atteindre un niveau où les produits seront accessibles à une part assez importante de la population (mais non celle connaissant les plus graves problèmes) du pays côtier en développement qui s'efforce de développer ses propres pêcheries. Ceci signifie que, en l'absence de barrières commerciales, le marché intérieur du pays sera envahi par des espèces importées à bas prix et/ou, si le pays oriente son développement vers l'exportation, que ses recettes seront beaucoup moins importantes du fait d'une concurrence accrue.

Dans certains pays côtiers en développement, le développement à grande échelle est devenu possible pratiquement du jour au lendemain, grâce à l'acquisition de matériel de pêche auprès de pays obligés de procéder à une liquidation du fait d'un déclin spectaculaire de leurs pêcheries traditionnelles. Ce matériel étant racheté à bas prix, des opérations qui semblaient jusque-là peu rentables sont devenues réalisables. L'expansion incontrôlée qui s'est souvent ensuivie a eu des conséquences néfastes sur les ressources halieutiques et sur l'économie du pays concerné; on peut l'attribuer, du moins partiellement, au faible coût d'investissement initial. A mesure de l'essor du secteur, les biens d'équipement les plus vétustes et les moins onéreux ont pu être maintenus en opération; le nouveau matériel, plus efficace mais sensiblement plus coûteux, acquis pendant la phase d'expansion, a dû être abandonné en premier lors de la baisse des rendements. Ainsi, la chute de la productivité s'est accompagnée d'une hausse des coûts, et les pays en développement, à leur tour, ont été confrontés à la nécessité de liquider une partie de leur matériel.

Avant la création des ZEE, la pêche étrangère au large des côtes de certains pays, dans des zones que ceux-ci pensaient avoir le droit d'exploiter pour leur propre bénéfice, a souvent donné lieu à des conflits, qui ont parfois pris des proportions de véritables “guerres des pêches”.

L'extension de la juridiction nationale a diminué de tels risques de conflit. La participation de la pêche étrangère dans les nouvelles zones où le pays côtier ne peut ou ne veut pas récolter la totalité des prises autorisées, fait l'objet de négociations et d'accords acceptables pour toutes les parties. La pêche étrangère au-delà des limites du pays côtier pouvant affecter les stocks de la ZEE et l'exploitation des stocks partagés par deux pays ou plus restent les deux principales sources de conflit en la matière (sans compter les désaccords sur la délimitation des zones de pêche).

La pêche au-delà des nouvelles limites ne devrait pas provoquer de graves problèmes à l'avenir, la plupart des captures d'espèces conventionnelles s'effectuant à l'intérieur des ZEE. Par opposition, l'exploitation des stocks partagés peut, dans certains cas, provoquer certains désagréments entre pays voisins. Le problème des stocks partagés ne peut être résolu que par des négociations entre les pays côtiers concernés. Ces négociations seraient grandement facilitées si les intérêts de chaque Etat étaient exprimés clairement, de préférence en valeurs économiques, de manière à ce que les pays puissent comparer leurs intérêts et à fournir également une base à l'évaluation des indemnités. A mesure que les pays prendront conscience des problèmes posés par les stocks partagés et des pertes communes potentielles, ils auront la volonté croissante de refréner leurs propres pêcheurs et de trouver des compromis avantageux pour tous (FAO, 1981).

De nombreux pays côtiers pourraient en efflet tirer profit d'une philosophie du compromis, philosophie qui cherche à établir une division rationnelle entre travail et bénéfices, en coordonnant des activités similaires jusque-là menées séparément, et en créant des dispositions en vue de consultations informelles.

La volonté parfois rencontrée de “faire mieux” (ou aussi bien) que le voisin a favorisé dans certains cas la création d'installations similaires (chacune sous-utilisée et sans espoir de jamais devenir autonome) dans des pays voisins. On aurait pu épargner beaucoup d'argent et d'effort si ces pays s'étaient accordés pour détenir et faire tourner en commun des installations économiquement plus viables et répondant aux besoins de chacun.

Dans certains cas, les pays en développement ont souhaité conclure des accords de pêche non parce qu'ils espéraient bénéficier de la participation à l'aménagement et au développement des pêches d'un autre pays, mais pour en retirer des avantages dans des secteurs extérieurs à la pêche. Ces avantages peuvent être politiques ou concerner d'autres branches de l'économie nationale, ou ils peuvent simplement anticiper la bonne volonté des pays concernés lors de relations futures.

En ce qui concerne l'évolution politique et économique imprévisible de la scène internationale et ses conséquences sur les pêches, le planificateur ne peut qu'élaborer des dispositifs d'interventions pour permettre aux pêcheries de s'adapter rapidement à des situations favorables ou défavorables. Parmi les impondérables figurent, entre autres, la modification des relations politiques et économiques entre pays, la variation des taux de change affectant les apports de capitaux, ainsi que les modifications du volume et de l'intensité des échanges, les variations du cours international des carburants susceptibles de peser sur le coût des pêches, la modification des politiques de crédit international et de coopération technique, etc.

3.7 Le cadre légal

La planification est régie par un cadre d'orientation qui comprend:

  1. l'ensemble des lois, dispositions institutionnelles, réglementation et procédures qui régissent l'aménagement et l'exploitation des ressources des océans, et
  2. les activités gouvernementales qui affectent indirectement les pêches, par exemple celles qui concernent l'imposition, le développement de l'industrie et du commerce et les affaires étrangères (d'après MacKenzie, 1983).

A cette énumération doivent être ajoutées les éventuelles restrictions imposées par le droit international. Avec le nouveau régime des océans, les Etats côtiers ont rçu des directives claires quant à l'exploitlation de leurs richesses halieutiques maritimes. En outre, la planification du développement doit impérativement tenir compte de la philosophie, des directives, des impératifs et des obstacles énoncés dans les plans économiques nationaux et dans la réglementation nationale régissant le secteur des pêches.

Le plan économique d'un pays doit énoncer clairement les objectifs nationaux, par ordre de priorité. Toute la planification sectorielle doit s'effectuer en fonction des objectifs ainsi exprimés. Les auteurs du plan économique ne pouvant connaître le potentiel et les besoins de chaque secteur, il incombe aux planificateurs sectoriels de s'assurer que les intérêts des différents secteurs seront reflétés de manière adéquate dans le plan. Généralement, plus le nombre d'intermédiaires dans la hiérarchie de planification entre l'organisme de planification national et celui des pêches est important, (lorsque, par exemple, les planificateurs des pêches sont subordonnés à des organismes sous-départementaux ou départementaux du Ministère de l'agriculture ou de l'agriculture, de l'élevage et des pêches), plus il sera difficile de faire coïncider les objectifs sectoriels et les objectifs nationaux et de garantir une représentation équitable des intérêts sectoriels dans le plan d'ensemble.

L'exemple suivant montre ce qui peut arriver si les plans pour les pêcheries sont élaborés par un ministère principalement responsable d'un autre secteur: des ressources halieutiques, qui en principe auraient pu être distribuées aux consommateurs, ont été, conformément aux directives du plan, transformées en poudre de poisson pour l'alimentation des volailles. Les économies ainsi réalisées dans l'aviculture ont bénéficié aux consommateurs sous forme de prix moins élevés, ce qui a entraîné une expansion considérable du marché avicole. Les produits avicoles et halieutiques étant en concurrence directe sur le marché, il n'existait guère plus d'intérêt à étudier les possibilités de développement des pêches.

L'accès aux pêches dans les limites nationales est généralement resté libre pour tous les ressortissants du pays (bien que dans certains pays, des groupes de pêcheurs côtiers aient parfois reçu des droits d'usage territorial, c'est-à-dire exclusifs, pour la pêche (TURFS). L'extension des limites a aboli le privilège d'accès réservé aux seuls étrangers. Pour protéger les ressources halieutiques et éviter le chaos sur les fonds de pêche, l'Etat doit assurer un système de réglementation. Celui-ci peut comprendre des mesures administratives ou des arrangements plus formels, tels les législations des pêches élaborées par des corps législatifs. Actuellement, la tendance est à la promulgation de lois générales sur les pêches dans le cadre desquelles des réglementations plus détaillées peuvent être émises: la loi générale doit non seulement conférer l'autorité légale de réglementer les pêches, mais offrir également une justification et une structure à la réglementation. Il sera ainsi plus facile (pour l'autorité responsable ou administrative) de garder une certaine cohérence entre les réglementations et de déceler les lacunes juridiques. Cela rendra également le système plus compréhensible, et donc plus acceptable, pour les pêcheurs (d'après FAO/Norway Cooperative Programme, 1981).

Mis à part les réglementations des pêches et les mesures administratives concernant directement le secteur, il existe de nombreuses dispositions liées à d'autres secteurs et qui affectent les pêches, directement ou non. Certains domaines, notamment le droit des sociétés, les codes d'investissements, les dispositions quant à la navigation, les douanes, etc… méritent une attention particulière, car les procédures et les dispositions les régissant sont susceptibles d'affecter la planification de l'aménagement et du développement des pêches.

Dans la mesure où les procédures internationales et nationales destinées à assurer l'aménagement et le développement rationnels de l'économie et du secteur halieutique sont énoncées par la loi, la liberté du planificateur des pêches lors de l'élaboration des programmes sera limitée. Toutefois, le Planificateur doit toujours faire pression pour obtenir des modifications lorsque les statuts en vigueur entravent gravement le développement rationnel du secteur.

3.8 Soutien à l'aménagement et au développement

3.8.1 Principaux besoins en soutien à l'aménagement et au développement

La recherche quant au soutien à l'aménagement et au développement avant la préparation véritabledu plan se concentre sur les structures administratives et le personnel, les dispositions institutionnelles, les finances, et la coopération technique et matérielle étrangére.

Au niveau micro-économique, une recherche sur les soutiens supplémentaires - tels les services dans le domaine des assurances, la formation, la promotion de la coopération - peut être nécessaire.

3.8.2 Structures et encadrement administratifs

Lorsque la planification est traitée (comme il se doit) comme relevant du personnel, et lorsqu'elle reste complètement séparée du travail opérationnel, les planificateurs doivent préparer au moins une évaluation informelle des structures et de l'encadrement administratifs, dans le but de se convaincre qu'une gestion compétente pour la mise en oeuvre des programmes sera disponible au moment voulu.

L'enquête doit commencer par un inventaire des structures et fonctions existantes, pour continuer par une évaluation en termes quantitatifs et qualitatifs (qualifications, compétence, initiative) des besoins en encadrement administratif.

Outre le service public normalement responsable du secteur halieutique, certains pays ont mis en place des organes para-étatiques pour mener àbien des tâches spécifiques. De plus, des organisations de l'industrie des pêches peuvent parfois créer à des fins spécifiques, dans le cadre des services offerts à leurs membres, des projets autogérés. Dans d'autres cas, et d'autres domaines, des organismes industriels publics mixtes ont recu le pouvoir de prendre - ou même d'appliquer - des décisions d'aménagement et de développement.

De manière fonctionnelle, les services offerts peuvent être classés en gros selon leur nature réglementaire, de conseil, de promotion ou opérationnelle. Lorsqu'un seul et même organisme assure la responsabilité de plus d'une de ces catégories (réglementaire et opérationnele, par exemple), il faut trouver le juste équillibre entre l'emploi de la carotte et du bâton. Le problème est de parvenir à un mode adéquat d'institution et d'application des réglementations sans perdre la confiance et la coopération du secteur qui bénéficie du soutien au développement.

Si un organisme possède dans le même domaine (les pêches, par exemple), les responsabilités réglementaires et opérationnelles, des craintes, souvent justifiées, tendront à apparaître quant à l'usage par l'organisme de ses pouvoirs afin de promouvoir les opérations sous son contrôle direct au détriment d'autres opérations.

Le planificateur doit s'efforcer d'identifier les interférences de juridiction, les doubles responsabilités et autres sources de conflits entre organismes ou unités administratifs. La faute peut incomber au manque de clarté dans la définition des limites juridictionnelles, au nombre insuffisant et/ou au manque de compétence des cadres, aux lacunes des dispositions sur la formation. Quelle que soit leur origine, ces conflits constitueront un sérieux handicap à l'exécution du plan.

La coordination des programmes et du soutien administratif n'est pas chose aisée. Les programmes ne doivent pas être élaborés en vue de donner aux structures et à l'encadrement “une occupation”, ou pire encore, de justifier leur existence même. Les dispositions quant à l'organisation et au personnel ne doivent pas être prises avant que les besoins structurels et fonctionnels n'aient été clairement définis par le plan.

3.8.3 Institutions et dispositions institutionnelles

Dans les domaines scientifique, technologique et socio-économique des pêches, un soutien qualifié à l'aménagement et au développement est fourni par les services de l'administration des pêches, les éstablissements universitaires et les entreprises du secteur. Les instituts de recherche et de développement régionaux et internationaux sont généralement en mesure d'offrir leur assistance, non seulement sur les problèmes généraux mais aussi les problèmes locaux, et ils doivent être consultès de manière routinière, chaque fois que les installations nationales ne sont pas équipées pour fournir l'aide requise. Les dispositions relatives à l'échange d'information entre pays côtiers voisins s'avèrent particulièrement utiles, car selon toute probabilité, les pays affrontent les mêmes problèmes lors de l'aménagement et du développement de leurs pêcheries.

Outre les groupes d'intérêts particuliers, à savoir les associations d'armateurs, de pêcheurs, d'ouvriers, de négociants, etc…, diverses institutions - groupes consultatifs, conseils, comités de liaison, etc… - influencent, ou du moins tentent d'influencer, la planification du développement. Certaines de ces institutions sont nationales, d'autres sont régionales, d'autres encore concernent seulement une espèce ou un groupe de produits. Certains de ces organismes ne sont pas moins que des groupes de pression industriels déguisés, d'autres ont été créés avec l'appui des pouvoirs publics et ont un rôle de conseil, d'autres encore doivent être obligatoirement consultés par l'administration des pêches dans certains domaines spécifiés (ou la liaison en routine est obligatoire). La contribution de ces groupes à la planification et à l'exécution du plan doit être accueillie favorablement, dans la mesure où ils peuvent fournir des conseils utiles ou un soutien politique à l'industrie. D'un autre côté, une consultation et une liaison régulières et obligatoires peuvent parfois gêner la prise de décision et ralentir les progrès de la préparation et l'exécution du plan. Les planificateurs doivent maintenir le contact pour tirer tous les bénéfices de la contribution des groupes, mais ils ne doivent pas hésiter à souligner les conséquences de dispositifs de consultation et de liaison qui n'accompliront que peu de choses et tendront à retarder ou à paralyser la prise de décision.

3.8.4 Sources de financement

Une bonne connaissance des sources de financement, leur capacité et leur volonté de soutenir le secteur, les fins et les conditions du financement, est essentielle au planificateur.

Le budget alloué au secteur par le gouvernement doit suffire à couvrir les besoins fondamentaux. Que ces fonds apparaissent ou non adaptés à la réalisation des objectifs du plan, àcourt terme le planificateur doit les considérer comme acquis. S'ils sont largement inférieurs aux besoins, le planificateur doit présenter ses arguments en faveur d'un changement aux autorités compétentes, pour garantir que la planification du développement à l'avenir ne sera pas entravée par des restrictions budgétaires excessives.

Les relations entre pêcheries et banques sont souvent mitigées. La banque peut hésiter à accorder un prêt à un pêcheur, les perspectives économiques de ce partenaire potentiel n'étant pas assez reluisantes, telles qu'elles sont présentées dans des propositions mal élaborées. D'un autre côté, le pêcheur pense souvent ne pas pouvoir supporter le fardeau des intérêts qu'il doit accepter avec le prêt.

Une bonne planification facilitera grandement les relations, tant au niveau macro- que micro-économique. Les institutions bancaires internationales et régionales, en particulier, étudient en permanence des propositions bien concues et préparées qui mettent en évidence l'existence de ressources de développement biologiques, techniques et humaines, ainsi que de possibilités commerciales satisfaisantes.

Les fonds des entreprises privées, particulièrement ceux des entreprises étrangères qui souhaitent participer au développement des pêches dans un pays côtier en développement, représentent une troisième source de capitaux pour le secteur. L'entreprise privée étrangère peut demander encore plus que les banques en échange de sa contribution financière et autre (notamment que les banques de développement internationales ou régionales, qui n'exigent parfois que l'assurance que les plans du projet sont sains, qu'un solide soutien à la gestion est disponible pour la mise en oeuvre, et que les intérêts dus seront remboursés). Pour cette raison, toute proposition de participation d'une entreprise privée étrangère, sous forme de contrôle partagé des sociétés nationales, d'entreprises conjointes, de contrat d'affrètement ou d'autres services, doit être attentivement examinée afin de déterminer le bénéfice réel qu'apportera au pays côtier en développement l'entreprise étrangère en échange du privilège d'investir dans une branche de son économie.

3.8.5 Coopération technique étrangère

Ce qui a été dit ci-dessus pour le financement s'applique également à la coopération dans le domaine technique. Les questions essentielles concernent souvent non pas tant la localisation des sources de soutien que l'évaluation correcte de la capacité d'absorption du pays de ce soutien et le choix du partenaire apparemment le mieux qualifié pour répondre aux besoins de développement.

Les sources privées sont en mesure d'offrir une expérience précieuse en matière de gestion opérationnelle, notamment au niveau micro-économique, mais leurs recommandations sont souvent soupçonnées de n'être pas suffisamment désintéressées, et les compensations exigées en échange de leur coopération semblent parfois excessives. On peut penser que la coopération bilatérale, multilatérale et internationale pour le développement est offerte sur une base moins intéressée. Cette coopération tend à se concentrer sur la planification de l'aménagement et du développement, les activités d'assistance technique et un certain nombre d'activités de soutien dans le domaine de la formation, la création d'institutions, etc…

Certains pays en développement ont découvert que, dernièrement, leur recherche d'associés étrangers pour le développement des pêches suscite de nombreuses réponses. Ceci s'explique en grande partie par l'incidence de l'extension des zones de pêche, les étrangers offrant leur coopération dans l'espoir d'acquérir une situation privilégiée euégard aux permis de pêche dans les eaux du pays assisté. Parfois, cette tendance a eu pour conséquence indésirable de ralentir la mise en oeuvre des programmes - les pays cherchant une deuxième, troisième, quatrième évaluation ou proposition auprès de toutes les parties impliquées dans la coopération. Pour finir, le pays en développement croule sous une avalanche de recommandations et de propositions de développement que les planificateurs peuvent difficilement évaluer les unes par rapport aux autres.

Si, du fait de la volonté du pays d'accepter toute l'aide qui lui est offerte, de nombreux projets non coordonnés et parrainés par des parties différentes sont entrepris simultanément, le développement, plus souvent qu'à son tour, tend à enregistrer des résultats decevants.

La coopération étrangère doit être soigneusement adaptée à la capacité d'absorption réelle du pays. Si elle about it à une prolifération des installations et des capacités, au gaspillage et à la croissance désordonnée de l'économie, ainsi qu'il a été décrit plus haut, les étrangers récolteront en dernier lieu de la rancune plutô que de la bonne volonté. Dans son propre intérêt, le pays étranger doit s'assurer que le pays en développement bénéficie d'une aide pour instaurer des contrôles stricts de son programme de développement, et que l'aide extérieure contribue à la mise en oeuvre de ce programme.

Lorsque des offres de coopération d'un nombre assez important de pays étrangers ont été acceptées pour des programmes spécifiques, des difficultés sont à prévoir en ce qui concerne le personnel, l'achat et le remplacement du matériel et des pièces détachées, etc… Ces difficultés sont dues non seulement à des facteurs linguistiques et culturels, mais aussi aux différences de spécification et de qualité des intrants matériels.

Le choix des partenaires étrangers devant coopérer au développement s'effectue souvent sur la base de considérations politiques, les intérêts des pêches n'entrant guère en ligne de compte. Dans tous les cas, les partenaires ont l'obligation de mesurer la capacité d'absorption de l'assistance par le pays en développement, ainsi que d'alerter les autorités compétentes quant aux conséquences indésirables tant d'une procrastination excessive à accepter les offres de coopération que d'une approbation sans discernement des propositions des intérêts étrangers.

3.9 Résumé du chapitre

Pendant la phase de pré-planification, le planificateur des pêches doit se mettre parfaitement au courant de tous les éléments susceptibles d'affecter l'aménagement et le développement des pêches au cours du plan. A cette fin, il doit étudier les faits passés et les statistiques; les aspects scientifiques, techniques et socio-économiques de la production et la commercialisation halieutique; les liens avec d'autres secteurs faisant l'objet de programmes pouvant affecter les pêches; les liens avec les événements internationaux; le cadre juridique dans lequel les pêches doivent opérer; les aspects du soutien à l'aménagement et au développement par rapport aux structures et à l'encadrement administratifs; les institutions et les dispositions institutionnelles; les sources de financement; et la coopération technique étrangère.

Le planificateur ne doit pas se limiter à évaluer la situation présente mais s'enquérir également des intentions futures et préparer des projections sur la base de ses conclusions.

Les contacts qu'il prend au cours de l'étape de collecte de données lui permettront d'établir des dispositifs de liaison et de consultation qui faciliteront la mise en oeuvre du plan ainsi que d'étudier les sources potentielles de soutien au développement.

Enfin, l'information obtenue permettra au planificateur d'identifier les possibilités et les obstacles à prendre en compte lors de la formulation du plan. Le planificateur peut découvrir des possibilités d'exploitation des ressources jusque-là négligées pour développer de nouveaux marchés, d'utilisation plus efficace des capacités, d'amélioration de l'aide aux petites pêcheries, etc… D'un point de vue négatif, il peut avoir remarqué des facteurs susceptibles de retarder l'exécution des programmes d'aménagement et de développement - tels que des restrictions juridiques et administratives qui n'auraient jamais dû être imposées ou qui ne se justifient plus, des contrats mal rédigés de participation étrangére aux activités de développement, l'échec à tenir compte de l'incidence de la variation des intrants disponibles ou des coûts, etc…

Ce qu'a appris le planificateur pendant la pré-planification doit lui donner des indices quant aux stratégies et programmes à intégrer au plan qu'il doit préparer. Doté d'une solide base de données et d'une bonne connaissance de la manière d'aborder les divers problèmes d'aménagement et de développement des pêches, il doit être prêt à s'attaquer à l'étape de prise de décision de la planification.


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