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5. PROBLEMES DE PLANIFICATION DES PECHES RENCONTRES PAR LES PAYS COTIERS EN DEVELOPPEMENT A LA SUITE DE LA CREATION DE LEUR ZEE

5.1 Problèmes liés à l'exploitation et l'utilisation maximales des ressources et l'octroi du droit d'accès à d'autres Etats

Dans le cadre du nouveau régime des océans, la communauté internationale a légué aux pays côtiers l'ensemble des ressources biologiques marines au large de leurs côtes. Toutefois, le nouveau régime stipule certaines obligations des pays bénéficiaires afin que ces derniers tirent des revenus nets maximum de l'exploitation de leurs ressources, et qu'ils évitent les excès. Ainsi, le droit de la mer assure non seulement l'avenir des pays, mais il les oblige à prendre des responsabilités que lui-même n'a jamais pu assumer de manière effective par le passé. D'une certaine manière, les pays côtiers se voient confier l'aménagement des ressources pour le bien de tous.

Des conventions spécifiques du nouveau droit de la mer décrivent de la manière suivante comment chaque pays côtier doit répondre aux attentes de la communauté internationale:

(1) La conservation du capital laissé par la communauté internationale aux pays côtiers doit être assurée par la fixation de plafonds annuels de capture (PTA, prises totales autorisées). Le droit de la mer confère au pays côtier tous les pouvoirs, y compris le droit de déterminer unilatéralement le volume des prises autorisées. Le droit reconnaît ainsi que les ressources biologiques marines sont un don de la nature et ne doivent pas ître gaspillées par l'action égoïste d'une seule génération.

La convention pertinente du droit de la mer ne mentionne pas la base sur laquelle fixer les PTA. En principe, celles-ci sont déterminées par espèce à l'échelle nationale ou par zones spécifiques. Des plafonds par zone peuvent être appliqués, si nécessaire, à des stocks groupés, ou même à l'ensemble des ressources. Le problème est de déterminer non seulement ce qui doit être protégé mais aussi de délimiter chacune des zones (en raison par exemple de différences considérables d'abondance, en prenant en compte l'effort de pêche, etc…). Des problèmes spécifiques se posent en ce qui concerne la détermination des PTA pour les ressources instables; il faut tenir également compte des variations saisonnières de l'abondance et des caractéristiques de migration.

La convention ne s'exprime sur aucun des points ci-dessus. Toutefois, elle spécifie bien que des experts doivent être chargés de fixer les PTA; il faut recourir aux “meilleures preuves scientifiques disponibles”. Cette définition est assez large pour inclure les consultations avec des spécialistes des problèmes de commercialisation et de production (c'est-à-dire des experts non scientifiques), car ces derniers devraient également influer sur la fixation des PTA. Le dernier mot, bien sûr, doit appartenir aux halieutistes, l'intention du droit étant de préserver les ressources de la mer.

(2) Dans le but de tirer des revenus nets maximum de l'utilisation du capital hérité par le pays côtier, la convention presse ce dernier de favoriser l'objectif “d'exploitation optimale des ressources biologiques”.

Une fois encore, la convention ne définit pas cette exploitation optimale. Chaque pays côtier doit en décider lui-même. En principe, le pays est libre d'utiliser la totalité du capital (c'est-à-dire de pêcher le volume total de PTA) lui-même. Cependant, s'il pense “ne pas en avoir la capacité”, la convention stipule qu'il devra accorder à d'autres pays “l'accès aux excédents”, par des accords ou autres arrangements.

Tout comme le but des PTA est d'empêcher la surexploitation, on peut dire que l'exploitation optimale à pour objectif d'éviter la sous-utilisation du capital, en vertu du principe qu'aussi longtemps que le déficit vivrier mondial ne sera pas comblé, le seul objectif global acceptable pour le développement des pêches sera la maximisation de la production totale de protéines de poisson. (Cet objectif mondial a évidemment été choisi en toute connaissance du fait que pour un pays donné, les revenus, l'emploi et d'autres considérations peuvent parfois revêtir une plus grande importance que les aliments protéiques à base de poisson.)

Pour assurer son obligation d'exploitation optimale, le pays cêtier doit, en premier lieu, évaluer sa “capacité” à utiliser le nouveau capital à sa disposition. Il est parfois difficile de parvenir à une évaluation réaliste de cette capacité; elle peut être surévaluée, si le pays cherche à surpasser les autres pays de la communauté internationale en consacrant une partie excessive (leur coût d'opportunité pouvant être anormalement élevé) des ressources de développement à l'exploitation du capital. De même, un pays côtier moins ambitieux ou qui possède des intérêts plus importants dans d'autres secteurs peut hésiter à faire travailler son capital et préférer laisser à d'autres le soin de réaliser les investissements, en se contentant des revenus de la redevance versée par les pays auxquels il octroie l'accès aux ressources.

Aucun de ces deux cas ne permet une exploitation optimale. Le recours excessif aux facteurs de production fera stagner les revenus nets en deçà des possibilités offertes par une utilisation plus judicieuse des ressources de développement. Par ailleurs, laisser l'exploitation à d'autres peut provoquer l'entrée dans la zone de pêche de pays dont les activités seront probablement moins rémunératrices que celles du pays qui a autorisé l'accès, du fait de l'éloignement du port d'attache des premiers, et de la situation plus avantageuse du second.

Il n'existe pas de garantie que les excédents (c'est-à-dire le volume dépassant la capacité de pêche du pays) seront réellement exploités, même si l'on donne à ces excédents une publicité internationale. Les ressources en question peuvent simplement ne pas présenter un intérêt commercial suffisant pour les étrangers pour les amener à bénéficier des possibilités d'accès. Le manque d'intérêt peut s'attribuer à la faible valeur commerciale des ressources halieutiques ou à des conditons provisoires du marché peu favorables à l'accroissement de l'effort. En conséquence, les stipulations de la convention ne garantissent pas que les prises totales autorisées seront pêchées.

(3) Outre les décisions imposées par les stipulations de PTA et d'exploitation optimale en ce qui concerne le volume d'investissement et le versement des redevances par les pays autorisés à exploiter le capital, le pays côtier doit affronter d'autres problèmes liés indirectement aux dispositions du droit de la mer. L'accroissement considérable des ressources halieutiques à sa disposition occasionné par l'extension de sa juridiction influera probablement sur les activités qui existaient auparavant. Cette nouvelle richesse stimulera le secteur et fera découvrir de nouvelles possibilités. Toutefois, elle peut également avoir des conséquences négatives, lorsque par exemple l'expansion de la pêche industrielle et des activités des entreprises conjointes, autorisées à pêcher dans la nouvelle zone, contrecarre les plans de développement des pêches à petite échelle. Il est donc hautement probable qu'a un moment ou un autre le pays côtier procédera à une réévaluation nécessaire de ses objectifs et prendra des mesures afin d'ajuster les programmes à la nouvelle situation créée par l'extension des limites de pêche.

Dans la section suivante, nous tenterons d'examiner les considérations susceptibles d'affecter les décisions des pays côtiers de la région Afrique quant aux problèmes posés par l'éstablissement de leur ZEE. A titre récapitulatif, ces problèmes concernent:

  1. la conservation et l'aménagement des richesses des océans laissées aux pays par la communauté internationale dans le cadre du nouveau régime;
  2. les décisions d'investissement liées à l'exploitation des nouvelles richesses;
  3. le droit d'accès aux excédents et les compensations à en retirer auprès des autres pays; et
  4. l'ajustement des programmes sectoriels rendu nécessaire par la modification de la portée des activités.

Il va sans dire que la réaction de chaque pays face aux défis ci-dessus dépend des fins et des moyens identifiés dans son plan sectoriel.

Bien que les exemples ci-dessous reflètent partiellement la situation de certains pays en développement de la région, on a fait des hypothèses et introduit des problèmes, aux fins de démonstration uniquement.

Ces exemples ne visent pas à fournir des recommandations permettant de traiter des situations de planification spécifique, mais cherchent simplement à mettre en évidence un certain nombre de considérations générales à prendre en compte lors de la formulation des programmes dans des conditions données. On tentera d'identifier les changements d'objectifs et de stratégies provoqués par la création des ZEE.

5.2 Réactions par pays

5.2.1 Pays ‘A’

Au large des côtes du pays ‘A’, dans sa nouvelle ZEE, se trouvent les stocks les plus abondants et les plus prisés du monde. Le pays est modérément sédentarisé; il compte une population en prépondérance nomade, pour laquelle la pêche est une activité nouvelle. A l'exception de quelques groupes tribaux installés en quelques points de sa longue ligne de côte, il n'existe pas de tradition de pêche. Dernièrement, on a commencé à former des pêcheurs. Les fournitures, pièces détachées et autres ressources matérielles de développement doivent être importées.

Quelque vingt années auparavant, des intérêts étrangers ont créé un complexe de pêcheries assez important dans l'un des principaux ports du pays. Ce complexe s'est vite trouvé en difficulté économique, entre autres du fait de la répugnance des pêcheurs étrangers à débarquer les ressources à ce port, en faveur des sites de débarquement des grands ports de pêche bien établis des pays voisins. Quelques navires à grand rayon d'action pêchant dans les eaux du pays ‘A’ acheminaient même directement leurs prises à leur port d'attache à l'étranger.

L'objectif principal du pays ‘A’ dans le secteur des pêches est de maximiser les rentrées de l'Etat. De l'avis général, le secteur est le plus à même de produire les fonds nécessaires au renforcement d'autres branches de l'économie. Bien que les recettes des pêches seraient partiellement réinvesties dans le développement du secteur,la plus grande partie serait consacrée à la construction de l'infrastructure générale inexistante jusque-là. Les objectifs secondaires du développement des pêches sont la création d'emplois et de revenus dans la pêche ainsi que la transformation du poisson et le développement du marché intérieur du poisson.

La stratégie adoptée jusque-là par le pays pour atteindre son objectif principal a visé à maintenir les approvisonnements en poisson pour le complexe existant. Le but à long terme était d'acquérir le plein contrôle des activités de transformation et d'exportation du poisson,pour garantir que la totalité des recettes tirées des ressources pêchées au large des côtes reviendront au pays. Une partie des recettes attendues devait servir à soutenir des programmes destinés aux pêcheurs et aux marchés nationaux.

Maintenir les approvisionnements des pêcheries aurait pu se faire, en principe, par l'expansion des opérations de pêche du pays, jusque-là peu importantes. Toutefois, le manque de ressources de développement et d'expérience excluait une telle démarche. Par ailleurs,au cours de la dernière décennie environ,les ressources de la côte du pays ‘A’ se sont dégradées, largement en conséquence du manque de contrôle de l'effort des flottilles à grand rayon d'action, dans une mesure telle que des investissements supplémentaires dans la pêche semblaient peu prometteurs. Lorsque le pays a acquis la juridiction sur la zone étendue, il a décidé, plutôt que d'insister sur la construction d'une flottile nationale, de conclure des accords avec d'autres gouvernements et des sociétés privées dans le cadre desquels le droit de pêche était accordé en échange d'une redevance. Lorsque les accords ne sont finalement pas parvenus à atteindre l'objectif souhaité d'accroissement des approvisionnements des usines de traitement ,le gouvernement a changé de politique et conclu des arrangements en entreprise conjointe avec des intérêts étrangers.

Après avoir conduit cette politique pendant quelque temps, le Gouvernement décida de demander conseil aux experts de la planification sur celle-ci et de répondre notamment aux questions suivantes:

  1. comment aménager et développer les nouvelles richesses halieutiques du pays de la manière la plus efficace pour atteindre les objectifs fondamentaux du secteur;
  2. comment parvenir à une base rationnelle de partage des activités de développement entre le pays lui-même et les pays étrangers (notamment, tout d'abord, ceux opérant traditionnellement au large de ses côtes);
  3. quels instruments et programmes utiliser pour mettre en oeuvre les stratégies choisies à cette fin; et
  4. comment harmoniser les divers programmes du plan sectoriel entre eux, en reflétant l'ordre de priorité assigné par le pays à chaque objectif.

La mission d'experts venue dans le pays à cet effet à conclu que, devant l'état alarmant des ressources halieutiques, la priorité devait être accordée à l'évaluation des prises autorisées et à la réduction de l'effort de pêche jusqu'à ce qu'il s'harmonise aux plafonds de capture. Pour certaines espèces pélagiques, qui étaient pêchées en même temps et présentaient les mêmes caractéristiques commerciales, ils pensèrent fixer un plafond commun, alors que pour les céphalopodes et les espèces démersales, des volumes distincts de PTA devaient être établis. La réduction de l'effort de pêche due à la réglementation, pensaient également les experts, devrait avoir non seulement l'incidence souhaitée sur la reprise des ressources mais aussi permettre d'éliminer certaines des opérations le moins efficance et/ou de favoriser une redistribution de la proportion respective des intérêts nationaux et étrangers dans les pêches. A plus long terme, la politique gouvernementale pourrait réduire la participation des intérêts étrangers en ne délivrant pas - ou en ne renouvelant pas - les permis, et en octroyant de nouveaux permis à ses seuls ressortissants. A plus court terme, un besoin d'aménagement de base était d'inclure dans les accords d'entreprise conjointe des plafonds pour le nombre de navires de pêche.

De l'avis des experts, permettre au pays de prendre en charge tous les aspects du développement des pêches était impossible à court terme. Les ressources de développement, y compris la main-d'oeuvre, les facteurs d'aménagement et les intrants matériels, étaient encore insuffisantes pour soutenir un développement accéléré à plus grande échelle. Canaliser les rares ressources de développement au profit d'usines de traitement fondamentalement non rentables reviendrait à un gaspillage. De même, il ne fallait pas obliger les entreprises conjointes à approvisionner des usines à coût élevé destinées à faire concurrence aux marchés internationaux. Si ces entreprises avaient dû approvisionner les usines à des prix de faveur, elles n'auraient pas été en mesure d'offrir leurs services dans d'autres domaines, comme elles s'y engagaient dans les accords passés.

Dans le cadre de l'exploitation optimale stipulée par le nouveau droit de la mer, un renforcement plus progressif des activités nationales semblait plus approprié, à mesure de l'acquisition par le pays des ressources et de l'expérience nécessaires au développement. Hâter ce rythme en employant des équipages étrangers, en achetant du matériel grâce à des prêts onéreux, etc… ne serait pas rentable et constituerait une base instable pour la nouvelle industrie.

L'expertise disponible peut aussi représenter un facteur décisif lors du choix entre plusieurs instruments possibles de mise en oeuvre des stratégies. Une politique en faveur des accords d'entreprise conjointe, par exemple, n'a les effets voulus que si le pays côtier en développement possède les connaissances en aménagement nécessaires à la rédaction et l'application d'accords précis et parfaitement étudiés, qui ne se prêtent pasà des interprétations ambiguës. L'extension de la juridiction nationale a évidemment, en principe du moins, grandement amélioré la position de force du pays dans les négociations ou les mesures d'exécution vis-à-vis des entreprises conjointes, facteur à ne pas oublier lorsqu'on envisage de recourir à cet instrument de développement.

Les perspectives ouvertes au pays ‘A’ par l'extension de la juridiction nationale comprenaient la possibilité de diversifier son économie grâce à l'accroissement important des revenus tirés des redevances versées en échange des droits de pêche. En ce qui concerne les responsabilités, on pensait que l'expansion de la pêche industrielle par les entreprises conjointes et la nouvelle flottille nationale aurait inévitablement des conséquences néfastes sur le développement de la pêche à petite échelle. Dans le pays ‘A’, les petites pêcheries revêtaient un caractère local et n'étaient que de modeste envergure. Des programmes pour aider ce segment de l'industrie et le protéger des opérations industrielles devaient cependant démarrer sans tarder, de l'avis des experts, non seulement pour des considérations sociales mais aussi parce que la pêche à petite échelle fournissait des candidats à la formation en pêche industrielle. Du fait du nombre relativement peu important de personnes concernées, de tels programmes n'auraient exigé qu'un prélèvement mineur sur les recettes, et, en dernier lieu, auraient été largement rentables en termes de coûts/avantages sociaux.

Une réorientation des autres instruments de développement en faveur d'une insistance plus grande sur l'octroi des droits d'accès en échange d'une redevance nécessitait un renforcement de la capacitédu pays à contrôler les flottilles étrangères. Il fallait un personnel qualifié et incorruptible pour négocier et superviser les accords, et des fonds supplémentaires devaient être alloués aux activités de surveillance.

5.2.2 Pays ‘B’

Le pays ‘B’ offre de très larges débouchés pour le poisson, qui constitue la principale source de protéine animale dans le régime alimentaire de la population. Par le passé, les déficits d'approvisionnement étaient comblés par le débarquement de poisson étranger à bon marché par les flottilles de pêche à grand rayon d'action, des importations de poisson séché en provenance de pays à monnaie forte, et la production des navires affrétés par le pays ‘B’.

Les eaux du pays ‘B’ n'étant pas spécialement riches, il a relativement peu bénéficié de l'extension de sa juridiction. Toutefois, à l'époque de la proclamation de sa ZEE, il a ordonné un examen des objectifs et des procédures de planification, afin de rationaliser les politiques existantes. Les principales conclusions de cette étude étaient les suivantes:

  1. dans l'avenir immédiat, la poursuite des importations de poisson, peut-être même en quantité croissante du fait de la rapide augmentation du taux démographique du pays et des limites quant au développement des pêcheries nationales, était considérée nécessaire;
  2. on prenait la décision de réviser la politique d'importation afin de parvenir à une réduction des ponctions considérables sur les réserves de devises;
  3. les importations de poisson séché en provenance de pays à monnaie forte devaient être remplacées par des importations de produits séchés de pays en développement de la région Afrique ayant traditionnellement des excédents à commercialiser;
  4. les accords avec ces pays devaient comprendre, chaque fois que possible, des dispositions concernant la livraison de biens et services par le pays ‘B’ en échange des importations de poisson séché;
  5. les opérations d'affrètement onéreuses devaient être stoppées;
  6. les débarquements de poisson surgelé (produit à partir des captures réalisées au large d'autres pays de la région aux eaux plus poissonneuses que le pays ‘B’) devaient être progressivement réduits et, en temps voulu, cesser complètement. Le caractère irrégulier et imprévisible de ces débarquements avait souvent été accusé de perturber le marché. De plus, les faibles prix généralement pratiqués pour ces livraisons avaient une incidence négative sur les efforts déployés pour tirer parti des possibilités de développement des pêches nationales;
  7. on devait s'efforcer d'utiliser les matériaux nationaux, le pays ayant fait des progrès considérables dans la construction navale et les activités connexes, rendant ainsi inutile la dépendance vis-à-vis des sources étrangères pour les pièces détachées;
  8. avant que la capacité nationale de pêche n'atteigne les limites de PTA, aucune demande étrangère d'accès aux excédents n'était prévue. La non-exploitation, pendant quelques années, d'une partie du potentiel de capture, s'avérerait moins onéreuse à long terme qu'une expansion non rentable;
  9. à mesure de l'expansion de la flottille de pêche nationale, les possibilités d'exploitation commerciale d'espèces ne présentant pas d'intérêt pour les flottilles à grand rayon d'action en l'absence d'une demande sur leurs marchés devaient être étudiées:
  10. en préparant des produits d'un intérêt particulier pour les marchés nationaux, on pourrait créer de nouvelles disponibilités vivrières considérables;
  11. des programmes devaient être conçus pour accroître la productivité des pêches à petite échelle;
  12. on recommandait l'expansion de la pisciculture et des pêches intérieures;
  13. l'instauration de contrôles sur les importations et la suppression des livraisons de surglés par les navires à grand rayon d'action permettraent de rationaliser les réseaux et les activités de distribution et de commercialisation, les économies ainsi réalisées pouvant servir au renforcement et à l'expansion des débouchés du poisson.

5.2.3 Pays ‘C’

Le pays ‘C’ possède des ressources assez importantes de stocks pélagiques au large de ses côtes, qui jusque-là ont été exploitées uniquement à des fins de traitement, la totalité ou presque des quantités de farine et d'huile étant destinée aux marchés d'exportation é6trangers des pays développés et à économie planifiée. Le pays possède également des pêcheries de crevettes d'une grande valeur qui, traditionnellement, ont apporté des recettes en devises stratégiques.

L'évaluation des politiques sectorielles après l'extension de la juridiction a amené des recommandations visant à:

  1. réformer le système d'aménagement des ressources tant pour les pêcheries d'espèces pélagiques que de crevettes;
  2. mettre au point des produits peu coûteux destinés à la consommation humaine à partir des espèces pélagiques, et réorienter l'exploitation de la production de farine de poisson pour l'exportation vers la distribution de produits de consommation humaine sur les marchés nationaux; et
  3. instituer des mesures de protection des intérêts des pêcheries à petite échelle le long de certaines zones de la côte pour éviter l'intervention d'autres flottilles.

Les changements d'orientation proposés étaient justifiés de la manière suivante:

  1. les recettes globales tirées des ressources halieutiques brutes enregistraient un déclin depuis quelque temps, en conséquence du caractère “instable” des ressources, mis en évidence par une abondance moindre, et de la surexploitation dont la faute était rejetée sur le manque de contrôle efficace de l'accès aux pêches;
  2. une grande partie des bénéfices tirés des ressources halieutiques brutes allait aux intérêts étrangers qui contrôlaient les débouchés avantageux des marchés extérieurs, avaient réalisé des bénéfices (en monnaie forte) sur la vente de matériel pour les installations en mer et à tree au pays ‘C’, et étaient payés (enmonnaie forte) pour l'expertise qu'ils fournissaient aux intérêts nationaux;
  3. la consommation de poisson qui était relativement forte dans les zones côtières était très faible dans les zones plus éloignées, à carence en protéines;
  4. les pêcheries à petite échelle réparties le long de la ligne de côte constituaient la seule source de revenu pour les petits armateurs. Ceux-ci étaient menacés par la pêche industrielle qui gênait leurs activités et perturbait souvent les marchés locaux. La restructuration et la réorientation des flottilles de pêche industrielle, de l'avis général, finirait par réduire la pression sur les pêcheries à peite échelle. En attendant, l'adoption de mesures provisoires visant à protéger les intérêts des petites pêcheries semblait indiquée.

Le pays ‘C’ décida de résoudre les problèmes jumelés de la meance d'un équisement des resources halieuties brutes et d'ue participation nationale limitée aux bénéfices, en interdisant aux étrangers de pêcher dans sa ZEE. Les conditions d'octroi et de renouvellement des permis aux ressortissants du pays devinrent également beaucoup plus sévères, la politique devant être examinée après la fixation des plafonds de PTA.

Des expériences dans la production de poisson séché, sous la forme préférée par les consommateurs des marchés nationaux, à partir de la farine de poisson, avaient eu des résultats prometteurs, et une distribution massive semblait possible. Des programmes de formulation, de distribution, d'amélioration du marché et d'éducation du consommateur furent prévus pour contribuer à réaliser l'objectif d'expansion des marchés nationaux pour le poisson, avec une insistance pariculière sur les zones situées à l'intérieur des terres ayant des problèmes nutritionnels.

L'aménagement des pêcheries de crevettes devait être révisé afin de réduire la surexploitation et de regagner, par un respect approprié des critères d'hygiène et de qualité, la grande réputation d'autrefois des produits nationaux à base de crevete sur les marchés d'exportation.

Les programmes envisagés pour soutenir les petites pêcheries comprenaient diverses mesures concernant, entre autres, la fourniture aux marchés locaux de bateaux et d'engins de pêche améliorés à des prix de faveur et une meilleure surveillance des flottilles de type industriel, afin de minimiser les interférences avec les activités à petite échelle.

5.2.4 Pays ‘D’

Le pays ‘D’ a une économie diversifiée, qui comprend un secteur des pêches qui, jusque-là, n'a revêtu une importance qu'en tant que source de devises du fait des exportations. Le plan national en cours a déterminé les objectifs suivants comme étant les plus importants pour le développement sectoriel:

  1. accroitre la contribution des pêches à la solution des problems nutritionnels;
  2. améliorer la balance des paiements;
  3. créer des emplois et améliorer la situation sociale des marins-pêcheurs.

A la suite de l'extension des zones de pêche, le pays ‘D’ a acquis le contrôle de ressources assez importantes de stocks pélagiques qui, jusque-la, étaient exploitées par des flottilles étrangères,un nombre croissant de navires nationaux de type industriel et des entreprises conjointes à participation nationale et étrangère.

Le développment de la flottille nationale n'est pas allé sans sacrifices,les coûts de matière première et d'expertise, y compris pour l'embauche des équipages-clés,ayant été payés en monnaie forte. L'inadaptation des installations à terre à assurer les activités de traitement et d'exportation expliquait partiellement le manque de compétitivité des principaux produits d'exportation du pays ‘D’. Les activités en entreprise conjoinate n'avaient pas rempli tous les espoirs forgés lors de leur création, les partenaires nationaux manquant du savoir-faire technique et commercial nécessaire à une participation efficace à l'aménagement,et les garanties de léEtat séétant révélés incapables de couvrir les risques de faillte.

L'exploitation des ressources étant considérée encore en deçà (bien que de peu) du volume estimé de PTA,la tâche principale des planificateurs,apprès institution de la ZEE,avait été de décider comment parvenir à un équillbre optimal entre l'effort de pêche étranger et national. A cet effet, ils devaient comparer les avantages financiers immédiatement retirables des redevances versées par les étrangers en échange du droit de pêche aux avantages à long terme que pourrait retirer l'économie du pays d'un développement à plus grande échelle de l'effort national.

On étudia quatre possibilités de retirer de plus grands avantages de l'exploitation des pêcheries:

  1. poursuite d'une politique de construction subventionnée et illimitée de la flottille nationale;
  2. arrêt de l'expansion de la flottille nationale et pas de réduction de la flottille étrangère,mais redistribution de l'effort pour améliorer les bénéfices économiques tirés des pêches;
  3. réduction de l'effort de pêche de la flottille tant nationale qu'étrangère,afin d'atteindre une exploitation optimale;
  4. réduction de la êche étrangère,accompagnée d'une expansion de la pêche nationale jusqu'à un niveau grantissant des revenus nets maximum pour le pays.

On pensait que la dernière option était la seule qui permettrait au pays de retirer des avantages à long terme de l'exploitation de ses ressources halieutiques, à condition que le développement futur de la flottille nationale soit soumis à un contrôle permanent. Des efforts de promotion de l'expansion de la flottille de pêche nationale, et une restructuration des activités en mer et sur terre étaient envisagés afin de garantir que l'industrie resterait compétitive sur les marchés internationaux et d'ouvrir de nouveaux débouchés intérieurs aux produits halieutiques.

Les stratégies envisagées ci-dessus, à condition d'être mises en oeuvre avec toute l'attention voulue aux caractéristiques géographiques et démographiques, devaient également contribuer à atteindre le troisième objectif principal du plan sectoriel, à savoir la création d'emplois et l'amélioration de la situation sociale des petits pêcheurs.

5.2.5 Pays ‘E’

Une sécheresse persistante pendant plusieurs années et la famine massive en découlant ont créé une situation d'urgence qui a empêché la mise en oeuvre de plans pour les pêches. A court terme, l'achat de disponibilités vivrières doit avoir la priorité absolue. Les denrées achetées avec les recettes d'exportation non agricoles complètent les livraisons d'aide à grande échelle, mais le déficit vivrier subsiste, et des milliers de personnes meurent chaque jour.

Bien que les eaux au large du pays ‘E’ ne soient pas très poissonneuses, celui-ci veut convertir aussi rapidement que possible toute richesse que le nouveau droit de la mer a placée sous son contrôle en disponibilités vivrières.

A l'origine, des plans avaient été concus pour développer progressivement les activités de pêche nationales et contrôler sévèrement les flottilles étrangères autorisées à pêcher dans les eaux sous la juridiction du pays. Le rythme de croissance de la pêche nationale était - et resterait à court terme - lent, du fait du manque d'expérience en pêche industrielle et de la pénurie de navires. Pour le pays ‘E’, le seul moyen d'atteindre son objectif immédiat était de relâcher le contrôle exercé sur les flottilles étrangères tout en obligeant celles-ci à débarquer une partie de leurs captures dans les ports nationaux. Pour inciter les intérêts étrangers à opérer dans la ZEE du pays, des concessions spéciales devaient être intégrées aux accords bilatéraux et aux contrats d'entreprise conjointe. Toutefois, l'ensemble de ces dispositions ne concernaient que le court terme, dans la mesure où à long terme le pays espérait pouvoir changer d'orientation et encourager une fois de plus le développement de la pêche nationale.

Inviter les pêcheurs étrangers et lever les restrictions sur l'effort de pêche comportent des risques pour les ressources, même si la politique n'est appliquée que pour un nombre limité d'années. Toutefois, le pays ‘E’ pense que dans les circonstances actuelles il n'a guère le choix. La menace qu'il fait peser sur une partie de ses ressources matérielles est justifiée par la nécessité impérieuse de sauver des vies humaines.

5.2.6 Pays ‘F’

Le pays ‘F’ possède une pêcherie maritime de taille relativement modeste, les prises étant réalisées par de petits pêcheurs avec des embarcations pour la plupart dépourvues de moteur. La pêche intérieure dans les lacs, les barrages, les réservoirs, les marais et les fleuves fournit le gros de la production halieutique du pays, qui est destinée presque exclusivement au marché national.

D'après les estimations, les captures halieutiques maritimes pourraient être en principe accrues de 50 pour cent, mais le manque d'installations et d'équipement rend improbable qu'une expansion de cette importance puisse être obtenue dans un futur proche. La nature des ressources maritimes est telle que ces dernières sont peu susceptibles d'attirer des partenaires étrangers en entreprise conjointe.

On pensait que l'extension des limites de pêches aux 200 milles nautiques pourrait permettre le lancement d'une pêcherie de thon et d'autres espèces pélagiques prisées, qui auraient pu être exploitées dans le cadre d'accords en entreprise conjointe et auraient apporté des recettes en devises.

5.3 Choix des instruments pour atteindre les objectifs du droit de la mer

Ces dernières années, les instruments à la disposition des pays côtiers en développement pour se conformer à l'esprit du droit de la mer et tirer parti des possibilités offertes par celui-ci ont été examinés par des groupes d'experts. Nous reproduisons ci-dessous une version condensée de leurs conclusions.

5.3.1 Instruments d'aménagement (FAO, 1983)

En l'absence d'aménagement, les ressources risquent d'être menacées, la quantité et la stabilité des approvisionnements de poisson réduites et les pays pourraient ne pas profiter des avantages économiques et sociaux que peuvent offrir une industrie et des communautés de pêcheurs bien organisées. Mais le coût de toute mesure d'aménagement, quelle que soit la forme d'interventuion gouvernementale, tend à augmenter avec l'importance et la complexité de l'intervention. Il faut done que s'établisse un équilibre entre les coûts et les avantages de toute mesure d'aménagement proposée. Cet équilibre variera avec le degré de développement du pays et de la pêcherie concernée. Il peut même se faire que les conditions - faible dimension de la pêcherie, difficulté d'intervention, etc… - justifient la décision du Gouvernement de ne pas chercher à réglementer l'effort de pêche.

Les objectifs de l'aménagement des pêches peuvent se classer en trois groupes: maintien des ressources, performance économique et équité (ou besoins sociaux). Ils pourraient servir de critères d'évaluation des résultats des différents plans d'aménagement, mais il faudrait en outre tenir compte des coûts des opérations (coûts de la recherche, de l'administration et de la mise en vigueur des règlements). Autrement dit, le coût nécessaire pour atteindre l'ensemble des objectifs (coûts/avantages) fait partie intégrante du processus itératif de définition et d'affinement des objectifs. Certes, la quantification des avantages est parfois difficile, mais elle est indispensable à ceux qui doivent prendre des décisions sur l'ampleur, les méthodes et la complexité de la réglementation.

Le responsable de l'aménagement dispose de nombreux moyens - contingents de captures, interdiction de la pêche dans certaines zones, limitation des engins, etc… Dans la plupart des cas, il faudra en employer plusieurs simultanément.

Il importe que les mesures d'aménagement soient souples. Le responsable doit être en mesure de modifier rapidement la réglementation sur la base de nouvelles informations, par exemple d'interdire la pêche pendant une certaine période dans une zone où la proportion de juvéniles est particulèrement élevée. Le cadre juridique et administratif du système d'aménagement devrait être tel qu'il permette cette souplesse.

Dans le passé, des méthodes indirectes telles que l'interdiction de pêche dans certaines zones et le contrôle du maillage ont été souvent les premières à être appliquées. Dans certaines circonstances, spécialement lorsqu'elles peuvent assurer la protection du poisson jusqu'à ce qu'il ait frayé au moins une fois, elles peuvent suffire à garantir une protection adéquate des ressources. Des mesures supplémentaires sont parfois nécessaires pour des raisons économiques ou sociales, bien que certaines mesures indirectes (fermeture des ceintures côtières, maillage des chaluts, etc…) puissent aussi aider. Dans d'autres circonstances (pêcheries monospécifiques au chalut) les réglementations du maillage ou l'interdiction de certaines zones peuvent contribuer considérablement à améliorer l'aménagement. Dans certaines pêcheries, ces mesures ne seront pas aussi utiles mais lorsqu'elles sont applicables elles sont généralement comprises et acceptées par les pêcheurs; elles sont donc utiles et relativement faciles à appliquer.

Les pêcheries multinationales posent des problèmes particuliers. Des méthodes indirectes, comme la réglementation du maillage, peuvent être appliquées à tous les participants, mais l'adoption de mesures directes exige une décision sur l'attribution à chaque pays. Cette dernière devrait se faire, a-t-on estimé, en termes de captures, par exemple d'attribution de parts de PTA. Toutefois, les pays peuvent encore choisir entre de nombreuses méthodes (contingents de capture, limitation de l'effort) pour garantir que leurs captures restent en deçà des quantités qui leur ont été attribuées.

Le contrôle au moyen des limites de captures (PTA) a été l'objet d'une attention particulière, due partiellement à son importance historique dans les pêcheries internationales. A quelques exceptions près (espèces très variables à cycle biologique court), les PTA peuvent en principe résoudre le problème de conservation d'une espèce donnée. Toutefois, les flottilles de pêche peuvent encore avoir une capacité excédant de loin celle qui est nécessaire à un rendement équilibré. Les pressions politiques et sociales qui en résultent peuvent menacer les objectifs de conservation. Pour l'application des PTA il est indispensable de disposer de bonnes statistiques et ceci limite leur valeur dans les pays en développement. Faire respecter et assurer la surveillance scientifique régulière nécessaire peut être coûteux. En outre, leur intérêt peut être limité dans les pêcheries multi-spécifiques.

Les difficultés économiques et sociales peuvent être moindres si les PTA nationales (ou les parts des PTA multinationales) sont attribuées à des groupes de pêcheurs du pays, bien que d'importants problèmes de contrôle subsistent. Cette allocation peut être considérée comme une forme de droit de propriété.

Un contrôle direct du nombre de navires de pêche par la limitation de l'accès aux ressources ou des permis semble constituer le meilleur moyen de résoudre les prblèmes de surcapacité. En principe, cete approche devrait également résoudre les problèmes de conservation. A long terme toutefois, l'incidence effective sur le stock peut atteindre des niveaux excessifs en raison de l'accroissement de la dimension et de l'efficacité de chaque navire. Ce résultat est également indésirable sur le plan économique en raison des fortes dépenses en capital en jeu. La limitation des permis devrait toujours comprendre des contrôles sur la capacité effective de pêche du navire autorisé (sur le tonnage ou la puissance par exemple). Même ainsi quelques améliorations technologiques seront généralement intervenues. Pour résoudre ce problème, les responsibles de l'aménagement doivent à long terme être en mesure de réduire le nombre de navires autorés (ou leur tonnage global). Pour certains stocks, comme les espèces pélagiques en bancs, une menace plus grave à court ou à moyen terme pourrait être la capacité de la flottille de se concentrer sur les bancs survivants d'une ressource en voie de disparition.

La limitation des permis ou de l'accès peut être plus facile et entraîner moins de perturbations dans une pêcherie qui est encore en développement que dans une pêcherie qui connaît déjà des problémes de surcapacité ou de surexploitation. Il est difficile d'obtenir une réduction immédiate de l'intensité de pêche graâce à ces mesures et l'effet immédiat de leur introduction, ou de la menace de leur introduction, peut en fait accroître l'effort de pêche. Toutefois, adoptée suffisamment tôt, elles peuvent arrêter l'expansion et si l'on n'y prend pas garde, aisément dépasser les limites fixées. On peut aussi faire des objections pratiques aux mesures prises de bonne heure; par exemple, les gouvernements n'aiment pas dépenser de l'argent pour résoudre des problèmes qui ne se poseront pas avant quelques années. Le plus grand intérêt de la limitation des permis, du moins dans les pêcheries développées, est probablement une mesure de complément des contingents de captures.

Les mesures financières - soutien, notamment subventions, taxes directes ou structure des taxes (taux d'amortissement), peuvent constituer des instruments stratégiques utiles pour guider les décisions (des pêcheurs, des sociétés de pêche ou des investisseurs) dans la direction voulue. Elles peuvent être mal utilisées - les soutiens financiers sont généralement poursuivis trop longtemps. En outre, elles sont lentes à produire leurs effets, et n'ont donc aucune valeur comme “arme tactique”; enfin, elles ne sont bien souvent pas utilisées lorsque l'aménagement est le plus nécessaire. Peu de politiciens augmenteront les taxes sur une industrie dans une mauvaise passe, même si cette situation est due à la capacité excédentaire. Les subventions sont à éviter autant que possible. Lorsque certaines formes de soutien financier peuvent être utiles - par exemple pour encourager la pêche d'un stock sous-exploité - elles ne doivent être accordées que pour une période strictement limitée. Les taxes seraient plus utiles dans les phases finales d'un bon aménagement pour orienter les profits “excessifs” et devraient essentiellement servir à couvrir les dépenses d'aménagement.

Les droits de propriété peuvent prendre plusieurs formes - contingents individuels de captures, droits d'usage territorial, etc… Ils présentent un certain nombre d'avantages. Lorsque les pêcheurs considèrent les stocks de poisson comme leur propriété, ils adoptent une attitude plus positive envers les mesures de conservation et d'aménagement, dont la mise en vigueur est généralement plus facile et moins coûteuse. Le produit peut souvent être débarqué dans de meilleures conditions et au cours d'une campagne plus longue, au grand bénéfice du consommateur. On estime que l'octroi des droits de propriété, quelle que soit leur forme, est l'une des mesures d'aménagement les plus prometteuses, spécialement dans les pays en développement comptant une forte population de pêcheurs artisanaux.

5.3.2 Participation étrangère (d'après Christy, 1986)

Les dispositions du droit de la mer relatives à l'accès aux excédents obligent l'Etat côtier à accorder aux Etats étrangers le droit de pêcher le volume de PTA qu'il ne peut exploiter lui-même. Le problème qui se pose aux Etats côtiers est de choisir la forme, ou les formes, de participation étrangère qui les avantage le plus. Fondamentalement, trois options sont possibles: permis autorisant l'accès des flottilles étrangères, entreprises conjointes ou contrôle exclusif, avec toutefois l'assistance d'experts techniques et de responsables de l'aménagement étrangers. Ces options ne s'excluent pas mutuellement, mais le poids accordé à chacune d'elles dépendra principalement du contexte social et économique et des objectifs de développement de chaque pays.

5.3.2.1 Dispositions d'accès

On a identifié quatre types fondamentaux d'accords conclus à la suite de l'extension de la juridiction des Etats côtiers (Carroz et Savini, 1978). Premièrement, les arrangements établissant l'abandon progressif des opérations des flottilles de pêche étrangère dans un laps de temps favorable à l'expansion de la pêche locale; deuxièmement, les accords garantissant des droits de pêche réciproques aux navires de l'une ou l'autre partie dans leur zone de juridiction respective; troisièmement, les accords établissant le droit de pêche des flottiles étrangères contre le versement d'une redevance ou d'autres avantages économiques; quatrièmement, les accords cadre pour la création d'entreprises conjointes. Ce quatrième type d'accord, bien qu'il revête une importance croissante dans de nombreuses parties du monde, est d'application limitée dans certaines zones et notamment pour les petits Etats insulaires, qui se caractérisent par une absence d'entreprises privées pouvant faire office de partenaires locaux dans de véritables entreprises conjointes.

La conclusion d'accords intergouvernementaux ne constitue pas une condition préalable à l'octroi de permis à la pêcher étrangère. Les permis peuvent être accordés directement à chaque navire sur la base de la législation nationale, sans accord cadre. Toutefois, la conclusion d'accords cadre concernant l'accès avec les gouvernements ou les organismes semi-officiels représentant les intérêts étrangers opérant en eaux lointaines s'est généralisée à la suite de la juridiction étendue, pour les raisons suivantes. Tout d'abord, ils accordent une forme de reconnaissance officielle aux revendications de l'Etat côtier quant à sa juridiction. Deuxièmement, dans le même ordre d'idée, ils permettent à l'Etat côtier d'obliger l'Etat du pavillon à se conformer aux contrôles, non seulement en ce qui concerne les navires autorisés mais aussi ceux qui ne le sont pas. Troisièmement, toujours dans le même esprit, un réseau harmonieux d'accords bilatéraux peut constituer une base essentielle à la coopération régionale pour la surveillance et l'application. Quatrièmement, ils permettent de mettre en pratique la notion de répartition des excédents au titre de la convention cadre, notion qui en appelle essentiellement aux obligations entre Etats. Cinquièmement, ils offrent la possibilité d'apporter à l'Etat des avantages autres que des paiements comptants, par exemple dans le domaine de'la recherche, de la formation et du développement de l'infrastructure de base dans l'Etat côtier. Bien que la plupart des arrangements puissent se fonder sur des accords bilatéraux, toute étude des conditions d'accès doit inclure une analyse de la législation nationale, qui reste la base légale de la plupart des dispositions de contrôle précises.

Les conditions d'accès pouvant être posées par l'Etat côtier sont énumérées à l'article 62 du droit de la mer. Elles comprennent l'octroi de permis, le paiement d'une redevance, les mesures de conservation, la collecte des statistiques nécessaires, le débarquement des captures, les entreprises conjointes et autres formes de coopération, et les mesures d'exécution. Des tableaux décrivant les conditions d'accès des flottilles étrangères adoptées en pratique par des Etats, dans la mesure où elles sont connues, figurent dans le document “Coastal state requirements for foreign fishing” (Moore, 1985).

  1. Durée des accords. En général, les accords relatifs à l'octroi de permis, contrairement aux accords réciproques de pêche ou aux accords cadre d'entreprise conjointe, tendent au court terme. En l'absence de négociations en vue d'arrangements à plus long terme, ces accords sont sujets à redéfinition, en ce qui concerne pas exemple la répartition des contingents et les droits annuels. L'accord conclu entre l'Australie et le Japon en 1979 et 1980, et celui conclu entre la Nouvelle-Zélande et le Japon en 1979 en constituent des exemples.
  2. Attribution des contingents de captures. Les limitations concernent presque invariablement le volume de pêche autorisé dans le cadre des accords d'accès, mais la manière de les déterminer peut varier. Dans les Etats côtiers qui possèdent des moyens de contrôle plus sophistiqués et efficaces, la répartition peut s'exprimer en termes de volume de capture autorisé. Bien que cette méthode, en principe du moins, permette de mieux contrôler l'aménagement des ressources, elle a, à moins d'une surveillance stricte, des effets secondaires imprévus et négatifs; notamment, elle peut inciter à sous-estimer le nombre de captures. Dans d'autres accords, les limitations peuvent être exprimées en termes du nombre et de la taille des navires autorisés, subject ou non à un contingent global de captures ou à une interdiction de pêche certains jours.
  3. Paiement de droits. Les méthodes de fixation des droits varient également considérablement. En général, les pays qui disposent de méthodes sophistiquées de surveillance et de contrôle, tels les Etats-Unis, tendent à exprimer les droits en termes de pourcentage direct des prises totales réelles. Les considérations quant aux risques, déjà mentionnés pour les contingents, d'inciter à sous-évaluer les prises sont également valables pour cette méthode. Les pays disposant de méthodes de surveillance et de contrôle moins élaborées peuvent trouver plus facile de déterminer les droits en fonction d'un pourcentage des prises autorisées estimées, ou d'après une estimation de la capacité de pêche des navires autorisés. Cette dernière méthode peut comprendre des droits déterminés à partir du nombre de navires autorisés, de la grandeur des navires, de leur classe, de leur tonneau de jauge brute ou nette.

    Dans certains cas, les droits de pêche peuvent s'exprimer partiellement ou totalement autrement qu'en numéraire. En Guinée, par exemple, un pourcentage des captures doit être versé en nature, alors qu'au titre de précédents accords négociés par la Mauritanie, les armateurs étrangers devaient construire des installations d'infrastructure en tant que paiement partiel des droits. En dernier lieu, la méthode choisie dépendra non seulement du degré de sophistication des mécanismes de surveillance et de contrôle des Etats côtiers, mais aussi de leurs objectifs de développement et de leur poids lors des négociations.

    Au regard de la diversité des méthodes de calcul et d'expression des droits d'accès, il n'est guère aisé de comparer les niveaux de ces derniers.

  4. Collecte des statistiques. La plupart des accords prévoient l'établissement de rapports sur les statistiques de capture et d'effort de pêche. Quelquefois, des exigences détaillées en ce sens sont inscrites dans les accords d'accès. Le plus souvent, elles sont spécifiées dans les réglementations des pêches ou les conditions d'octroi des permis.
  5. Protection des pêcheries locales. Un nombre croissant d'accords prévoit la protection des pêcheries locales, soit en réservant les bandes côtières ou les eaux pélagiques aux flottilles locales, soit en réservant à ces dernières certaines espèces.
  6. Contrôle de l'application de la réglementation. De nombreux accords comprennent actuellement des dispositions rendant l'Etat du pavillon spécifiquement responsable de l'application des règlements fixés aux termes de l'accord par les navires battant son pavillon (voir par exemple l'accord entre les Iles Marshal et le Japon en 1981 et entre la Nouvelle-Zélande et le Japon en 1978). Certaines dispositions trouvées dans les accords et des législations nationales présentent également un intérêt particulier: nécessité de maintenir des agents locaux et des représentants nationaux, placement de caution pour garantir le respect des obligations prises dans le cadre de l'arrangement ou du permis, dispositions relatives aux observateurs, à l'entrée des navires, à leur départ et à l'établissement de rapports.

Possibilités de coopération régionale

Les dispositions d'accès dans des zones telles l'Afrique de l'Ouest, le Pacifique Sud et, dans une moindre mesure, les Caraïbes, offrent de multiples et importantes possibilités de coopération régionale. La coopération régionale et la coordination des approches peuvent être souhaitables tant pour améliorer la position de force de chaque Etat lors des négociations avec le nombre limité de pays étrangers pêchant dans ces zones que pour éviter l'éventuel effect divergent d'une approche non coordonée de l'effort des flottilles étrangères sur des stocks partagés ou associés. Les domaines de coopération possibles comprennent:

  1. l'échange d'information sur les conditions d'accès;
  2. l'harmonisation des conditions d'accès, et
  3. la surveillance et l'application.

5.3.2.2 Entreprises conjointes

Une deuxième option ouverte à l'Etat cêtre est de promouvoir la création d'entreprises conjointes avec des partenaires étrangers, afin d'obtenir le capital, les compétences et les débouchés commerciaux nécessaires au développement des pêcheries locales.

Cette option est très attrayante, car elle offre la perspective d'un développement rapide des pêcheries locales, d'un transfert de la technologie ainsi qu'une possibilité de parvenir à l'autosuffisance. S'il est vrai que l'entreprise conjointe peut permettre un développement rapide des pêcheries locales, elle comporte également un important facteur de risque.

L'une des premières décisions à prendre par un gouvernement souhaitant promouvoir l'entreprise conjointe dans les pêches concerne son implication, en tant que gouvernement, comme partenaire de l'entreprise. Dans de nombreux petits Etats insulaires de la région, où le secteur privé des pêches est insuffisant ou même inexistant, le gouvernement n'a pas d'autre choix que de participer à cette entreprise. Dans ce cas, les difficultés et les risques présentés par l'entreprise conjointe semblent augmenter.

Quels sont donc ces difficultés et ces risques? Premièrement, ils peuvent se caractériser par une divergence inhérente des objectifs, notamment lorsque le gouvernement est associé à l'entreprise. Le partenaire étranger, d'une part, sera motivé par les avantages à tirer de ses activités à un moment ou un autre, et/ou par la perspective intéressante d'accéder aux ressources. Le gouvernement, d'autre part, peut être déchiré entre son intérêet à maintenir une entreprise fructueuse et son intérêt primordial qui est, en tant que gouvernement, de développer l'industrie locale, de favoriser le transfert rapide ds la technologie et des compétences d'aménagement, ainsi que d'aménager les ressources à l'avantage de tous. Ces divergences naturelles d'objectifs, chacun valable, peuvent engendrer des tensions et éventuellement des conflits au sein de l'entreprise conjointe, ainsi qu'un grand nombre de pays en ont fait l'expérience. Les difficultés provoquées par les divergences d'objectifs peuvent être exacerbées par des différences culturelles, morales et linguistiques. Une confiance mutuelle constitue peut-être le facteur le plus important de succès ou d'échec de toute entreprise conjointe, et une telle confiance s'avère d'autant plus difficile è établir en l'absence d'un héritage commun, de valeurs commune et de la compréhension qui en découle.

Le risque de manipulation financière inhérent à tout arrangement de ce genre représente une autre difficulté pour les entreprises conjointes internationales. Les sociétés transnationales, qui sont les partenaires naturels des entreprises conjointes internationales, du fait des capitaux, des compétences et des débouchés commerciaux qu'elles offrent, considèrent généralement leurs activités comme un tout, et retirent habituellement les avantages de ces opérations verticales ou horizontales au moment le plus propice. Dans le cas des entreprises conjointes, qui impliquent par définition un partage des bénéfices, la société transnationale tend inévitablement à tirer profit de membres à part entière de la corporation, par le biais de techniques telles les transactions avec des sociétés affiliées ou le transfert interne des prix. Des prêts peuvent être obtenus auprès d'organismes bancaires associés à des taux d'intérêt, par exemple, ou les biens et services sont fournis, à des prix gonflés, par des filiales de la société transnationale, ou les produits sont vendus à des filiales à des prix inférieurs au cours du marché. Face au besoin constant de surveiller ces tendances, le gouvernement susceptible de s'assoicer doit s'entourer de précautions.

Lorsque le gouvernement d'accueil n'evisage pas de s'associer à part égale dans l'entreprise conjointe, il doit quand même formuler sa propre politique en ce qui concerne le rôle que l'entreprise conjointe doit jouer dans les pêches, les domaines dans lesquels l'entreprise conjointe doit exercer ses activités et les conditions de son acceptation.

L'expérience tirée des entreprises conjointes est mitigée. Là où elles ont réussi, elles ont considérablement contribué au développement des pêches du pays d'accueil. Mais elles ont néanmoins exigé un effort important du partenaire local et du gouvernement d'accueil pour surveiller les activités de l'entreprise conjointe. Une coopération régionale peut être souhaitable pour diffuser des informations sur les conditions de l'entreprise conjointe, les problèmes posés par leur opération, ainsi que pour fournir des informations sur les prix du marché et les coûts des services et équipements nécessaires à la surveillance adéquate des activités de l'entreprise conjointe.

5.3.2.3 Contrôle exclusif

La troisième option principale pour un Etat côtier est de se concentrer sur le développement de ses pêcheries locales en cherchant les capitaux et les compétences nécessaires auprès de l'aide multilatérale et bilatérale. Lorsque le secteur privé ne suffit pas à donner l'impulsion nécessaire au développement, beaucoup de pays ont recours à la créeation de sociétées publiques chargées de mener les investissements dans de nouveaux domines des pêches, ou d'assurer les approvisionnements de poisson sur les marchés locaux ou aux usines de traitement. Dans tous les cas se pose le problème de trouver des experts techniques et en aménagement par le biais de contrats ou du recrutement de responsables de l'aménagement qualifiés.

Un nombre croissant de sociétés publiques a été créé pour mener à bien des activités commerciales, à la suite de l'extension de la juridiction nationale. Généralement, l'expérience des sociétés publiques dans les pêches ne s'est pas avérée un succès. Bien qu'il ne soit pas toujours aisé d'identifier les raisons principales d'échec, les quelques facteurs suivants sont caractéristiques:

  1. Manque d'expérience de l'encadrement commercial. Très souvent, les cadres supérieurs des sociétés publiques sont choisis parmi les fonctionnaires plutôt que parmi ceux ayant une experience commerciale directe, et notamment une expérience de la gestion des flottilles et autres secteurs des pêches. Les responsibles de l'aménagement peuvent venir de l'extérieur. Mais s'ils viennent d'une société transnationale de pêche, ils sont très chers, et ne seront probablement pas très motivés, à moins de participer aux bénéfices ou même au capital. Les experts en aménagement engagés à l'extérieur des sociétés renommées peuvent être efficaces, mais ils représenteront toujours un certain pari, et ils manqueront des services d'information technique et de soutien à la commercialisation offerts par une société établie. En ce qui concerne l'expertise en aménagement de la flottille, l'affrètement de navires à court terme peut s'avérer utile.
  2. Manque de clarté des objectifs. Quelquefois, ceux qui créent la société publique et nomment ses cadres supérieurs n'expriment pas clairement les objectifs de la société et les critères d'évaluation de leur réalisation. Notamment, même si une société publique est créée dans le but principal de parvenir à un succès commercial, par exemple, afin de stimuler les investissements du secteur privé dans un nouveau domaine, on observe très souvent une tendance à ajouter d'autres objectifs presque au hasard, et même quelquefois des objectifs contradictoires, tels le développement socio-économique des pêcheries à petite échelle, ou la promotion et la réglementation de la commercialisation. Sans aucun doute, les meilleures chances de succès reviennent aux sociétés publiques ayant des objectifs clairs et bien définis, et qui n'essayent pas de concilier société commerciale et développement des pêches.
  3. Manque de souplesse des procédures et personnel. L'une des tendances des sociétés publiques consiste à recruter le personnel presque exclusivement dans les rangs des fonctionnaires, et d'appliquer les grilles de salaires et les règlements en vigueur dans le secteur public. Dans un exemple particulier, l'équipage des navires contrôlés publique pouvait uniquement percevoir un faible salaire fixe de fonctionnaire, sans possibilité d'être intéressé aux captures. De fait, aucune forme d'intéressement ou de primes d'augmentation des captures ne pouvait exister sous ce régime. Des procédures tout aussi inflexibles peuvent s'appliquer au fonctionnement de la société, notamment aux achats, ventes et autres déboursements, ce qui rend impossible une commercialisation rapide et efficace.
  4. Fonds de roulement. L'absence d'un fonds de roulement adéquat semble affecter presque universellement les sociétés publiques opérant dans le secteur des pêches des pays en développement. Bien que les usines de traitement, les navires et autres installations et équipements soient parfois transférés à la société publique à sa création, cette opération s'accompagne rarement du fonds de roulement nécessaire. Le paiement des produits achetés à l'étranger étant généralement différé, ceci peut entraîner, et entraîne souvent, de graves problèmes de flux de trésorerie.
  5. Structure de la société. Bien que nombre de sociétés publiques soient créées en vertu de statuts distincts, un “contexte juridique” plus commercial est souvent établi en mettant la société sous la législation des sociétés locales normales, bien que les parts soient entière propriété du gouvernement. L'avantage est de soumettre la société aux règles commerciales normales en ce qui concerne la responsabilité et les risques de faillite.

Lorsqu'on opte pour une politique de stimulation de la croissance du secteur privé des pêches de préférence au développement du secteur public, on a de plus en plus recours à la création d'autorités du développement des pêches. Bien qu'elles soient semblables du point de vue juridique et organisationnel aux sociétés commerciales publiques, les autorités de développement constituent un type différent d'organisation de par leur nature et leurs objectifs. La tâche des autorités du développement est de stimuler le secteur privé par la mise en place et le financement de projects de pointe ou autres plutôt que de participer pleinement aux activités commerciales de celui-ci. En ce sens, l'autorité du développement appartient pour moitié à la véritable administration des pêches, d'une part, sa tâche étant de formuler la politique globale en matière de pêche ainsi que d'aménager et de réglementer le secteur, et, d'autre part, aux sociétés commerciales publiques. La structure juridique et organisationnelle nécessaire à l'autorité du développement doit refléter cette situation, l'autorité ayant la souplesse administrative et financière appropriée mais le contrôle de la politique restant aux mains du gouvernement. Une souplesse administrative et financière moindre est évidemment nécessaire pour les opérations commerciales à part entière.

5.3.2.4 Choisir entre les différentes options

Les options ci-dessus étant posées, comment choisir entre elles? Elles ne s'excluent mutuellement en aucune manière. Dans de nombreux cas, mais pas dans tous, la politique nationale choisie combinera les trois approches. Mais l'on peut examiner chaque option objectivement et indiquer ses avantages respectifs.

  1. Le contrôle exclusif, avec le recours à une assistance financière et technique extérieure, présente le net avantage de confèrer au pays côtier le plein contrôle de son propre développement et de ses ressources, et prèsente moins de risques de perturbation qu'en présence de partenaries étrangers; en ce sens, sera plus maître de la sitation. D'un autre côté, cette approche comporte bien quelques inconvénients. Premièrement, le développement des pêches locales est un processus lent et comlexe. Il peut être accéléré par des mécanismes d'incitation correctement conçus et appliqués dans une économle de marché dotée d'un secteur privé adéquat. Mais la vitesse du développement dépendra de la compétence et de l'expérience du secteur privé.

    Si celui-ci est inexistant, une solution de remplacement consiste à créer une société publique pour mener à bien la promotion des pêches commerciales, lancer les investissements et approvisionner en poisson les marchés locaux et les usines de traitement. Toutefois, on reste confronté au problème des compétences techniques et d'aménagement nécessaires. Celles-ci se trouvent difficilement, et dans le cas d'aménagement extérieur, la situation peut présenter les mêmes difficultés qu'une entreprise conjointe. Dans tous les cas, pour être réellement efficace, l'encadrement doit être entièrement dévoué à la société, ce qui imlique habituellement de l'intéresser aux bénéfices ou au capital.

  2. L'octroi de licences d'accès commerciales a d'un côté l'avantage de fournir un revenu stable et connu qui s'ajoute à l'opération (c'est-a-dire qu'il n'est pas sujet à manipulation financière par une prise de profits cachée) et n'est pas soumis à un risque commercial. Il s'agit d'une redevance versée directement à l'Etat côtier, qui peut être utilisée pour le développement ou pour tout autre but, à la discrétion du gouvernement. Les arrangements d'accès commercial présentent en outre l'avantage de pouvoir être mis en place rapidement, de pouvoir être renégociés relativement facilement et fréquement, et même annulés si nécessarie. Ils permettent aussi, à condition que les procédures d'établissement de rapport sur les captures soient mises en vigueur, d'apporter des informations essentielles quant aux resources disponibles pour le développement des pêches, par le biais du seul test valable - la pêche commerciale. Des dispositions en faveur du développement local peuvent être intégrées aux arrangements d'accès commercial, relatives à la formation et au transfert de technologie, à l'emploi d'équipages locaux sur les navires autorisés, ainsi qua'au débarquement local et au traitement des captures, afin de stimuler l'expansion des usines de traitment locales ou les disponibilités en protéines sur les marchés locaux.

D'un autre côté, les licences commerciales présentent l'inconvénient de ne pas entraîner directement le développement des pêches nationales, lorsque tel est l'objectif principal du Gouvernement de l'Etat côtier, et, dans ce sens, elles peuvent être considérées surtout comme des mesures provisoires ou complémentaires. Dépendre de manière exclusive de tels arrangements peut à long terme s'avérer décevant.

La troisième option - la création d'entreprises conjointes - peut permettre de parvenir rapidement au développement des pêcheries locales et de l'industrie de transformation, et garantir les compétences techniques et d'aménagement ainsi que le transfert de technologie nécessaire. Elle peut aussi donner au pays d'accueil un plus grand contrôle du développement de ses ressources naturelles et des industries nationales qui en dépendent. De tels avantages sont considérables et essentiels. Mais, ainsi qu'il a été remarqué plus haut, les risques sont tout aussi importants, et même plus, que ceux impliqués lors de l'octroi simple de permis. En bref, recourir aux entreprises conjointes pour développer les pêches constitue un enjeu considérable, mais les récompenses potentielles sont également importantes. Mais si un Etat côtier tient á miser sur ce type d'entreprise, il doit évaluer de manière réaliste les chances de succès. Bien qu'il soit malaisé d'identifier les facteurs susceptibles de contribuer au succès d'une entreprise conjointe, la liste suivante est donnée a titre indicatif:

  1. Comme pour toute soclété commerciale potentiellement réussie, il faut disposer de ressources et de marchés viables.
  2. Le partenaire étranger doit posséder l'expérience, les qualifications techniques et d'aménagement nécessaires dans le domaine concernée par l'entreprise conjointe et il faut une source de financement appropriée lorsqu'elle manque au pays d'accueil.
  3. Il doit exister un minimum de confiance mutuelle entre les parties, ou au moins la base d'une telle confiance. Cela signife en partie que le gouvernement d'acueil doit avoir une idée claire de ses propres objectifs et de ce qu'il attend de l'entreprise conjointe, et qu'il lui faut évaluer les objectifs légitimes et les intérêts de l'investisseur.
  4. Du point de vue du gouvernement d'accueil, notamment lorsqu'une politique d'entreprise conjointe est envisagée dans le secteur privé pour fomenter le développement national, le partenaire local doit être un véritable associé, capable d'absorber les compéences d'aménagement et la technologies et de prendre une part de plus en plus active à l'entreprise conjointe. Celle-ci doit refléter une véritable association, les deux parties partageant les risques et les bénéfices et cherchant à developper leur entreprise comme une unité indépendante, et non servir de façade àun détournement des réglements sur la pêche étrangère.
  5. Le pays d'accueil doit posséder l'infrastructure et les services nécessaires aux activités de l'entreprise conjointe, en termes d'installations portuaires, de puissance, de ré seaux de transport, etc….
  6. Le partenaire local et le gouvernement d'accueil doivent disposer des mécanismes de contrôles sophistiqués nécessaires à la surveillance des activités du partenaire étranger, pour superviser par exemple les prix des produits sur le marché, celui des équipements et des services, ainsi que pour garantir que les accords passés par le partenaire étranger sont équitables. Les problèmes de l'entreprise conjointe ne disparaissent pas une fois les négociations réussies: ils dépendent plus de l'aménagement et du développement adéquats des activités de l'entreprise conjointe, et de la surveillance et du contrôle de ces activités. Si tant le partenaire local que le gouvernement ne sont en mesure d'assurer ces fonctions, la création de l'entreprise conjointe doit être considérée avec prudence.

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