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Chapitre 6
La biotechnologie et la nutrition monogastrique

6.1 Introduction

La plupart des pays en développement éprouvent des difficultés à offrir suffisamment de nourriture (denrées alimentaires de base) à leur population. Dans la majorité des pays du tiers monde, la production vivrière augmente généralement moins vite que l'expansion démographique. En moyenne, les importations de produits alimentaires des pays en développement s'accroissent de 10% par an et ce rythme se maintiendra vraisemblablement dans un proche avenir. S'il est exact qu'en principe les ruminants ne concurrencent pas les êtres humains pour l'alimentation, par contre il n'existe dans les pays en développement que fort peu de systèmes de production de volailles et de porcs économiques et de grande envergure qui n'aient pas pour base des concentrés d'origine céréalière ou des cultures telles que les pommes de terre et d'autres plantes-racines occupant des terrains qui pourraient être utilisés pour la production vivrière nécessaire à l'homme. Cela dit, l'utilisation récente de la canne à sucre comme source d'aliment (le jus) pour les porcs a pour grand avantage la production élevée de biomasse à l'hectare et la possibilité de constituer le fondement même d'un système intégré d'exploitation agricole (voir Preston, 1990).

On n'a pas assez insisté sur la mise au point de systèmes de production de porcs et de volailles basés sur des sous-produits agro-industriels. On peut citer toutefois comme exception les systèmes à base de mélasse et d'eaux grasses destinés aux porcs qui ont connu un certain développement à Cuba (Figueroa, 1989).

Les sous-produits riches en sucre comme la mélasse, le résidu de l'huile de palme et les pulpes de fruits et de légumes conviennent bien à l'alimentation des animaux monogastriques. Les obstacles qui s'opposent à leur production sont la faible teneur en protéines et, dans certains cas, un taux élevé de fibres constituées de glucides inassimilables par l'intestin.

Grâce à la fermentation dans le caecum les porcs sont capables d'assimiler certains aliments fibreux, éventuellement jusqu'à 30% de leur apport digestible. Il semble souhaitable qu'à l'avenir la production porcine utilise au moins une certaine proportion de polymères glucidiques fibreux. La production de porcs nourris en liberté, les animaux obtenant alors une proportion non négligeable de leur nourriture dans les pâturages, représente un bon départ qui a été imposé aux producteurs en Europe par le coût élevé de l'alimentation céréalière dans les systèmes intensifs d'engraissement.

Si l'écosystème microbien dans le caecum du porc est bien développé, la ration de base riche en sucre et à faible teneur en fibres s'associe fort bien avec les protéines végétales telles que la farine de graines de coton, qui sont fibreuses.

6.2 Domaines possibles de recherche en biotechnologie pour l'alimentation des porcs

6.2.1 Comment surmonter les problèmes d'assimilation quand l'alimentation protéique de complément est riche en fibres

L'emploi des résidus protéiques d'oléagineux pour l'alimentation des porcs et de la volaille est généralement limité par les composants fibreux et, dans certains cas, par la présence de composés végétaux secondaires qui peuvent être toxiques ou simplement abaisser la production (par exemple le gossypol dans la farine de graines de coton). Pour surmonter l'obstacle que constitue l'excès de fibres, il peut s'avérer possible de mettre au point un traitement préalable pour protéger les protéines puis de trouver un moyen de réduire les fibres (par exemple en cultivant sur les produits alimentaires des champignons comme les basidiomycètes pour réduire les fibres et accroître les protéines) ou d'élaborer des méthodes pour hydrolyser la cellulose en oses avant de nourrir les animaux.

Peut-être serait-il également possible de soumettre les produits alimentaires à un traitement chimique pour hydrolyser les fibres en monoglucides (par exemple avec de la vapeur sous pression et du dioxyde de soufre).

Une autre filière de recherche qui mérite d'être explorée serait la délignification avec des coprins, par exemple, et un traitement des résidus fibreux de récoltes à la vapeur sous pression pour produire des oses à incorporer dans la ration des porcs.

Un groupe de chercheurs au moins au Royaume-Uni cherche à introduire des gènes de cellulase provenant de Clostridium dans des embryons de porcs afin d'obtenir des animaux capables de mieux digérer la cellulose. Si elle est exprimée, cette enzyme sera contrôlée par une séquence de promotion codant seulement dans le pancréas (cette méthode est décrite ci-après plus en détail pour fournir un exemple a) des possibilités, b) des problèmes et c) des besoins en matière de recherche fondamentale avant toute application pratique (Hazelwood et Gilbert, 1989)).

6.2.2 Possibilité de modifier la fonction digestive par la création d'animaux issus d'une mutation génique

Chez les porcs, la fermentation se produit dans l'intestin postérieur, si bien que ces animaux ont sensiblement la même capacité que l'homme de digérer les polyosides structurels des végétaux (Engelhardt et al., 1985).

Théoriquement, les porcs (et d'autres animaux monogastriques) disposeraient de plus d'énergie s'ils pouvaient digérer la cellulose et l'hémicellulose dans l'intestin grêle, les sucres étant absorbés. En outre, les glucides complexes des céréales (par exemple les bêta-glucanes de l'orge) et les protéines fibreuses (par exemple la farine de graines de coton) seraient utilisés plus efficacement. Dans ce dernier cas, il serait possible d'incorporer dans le régime alimentaire une proportion beaucoup plus forte de protéines provenant de ces sources, lesquelles se substitueraient à des farines protéiques moins fibreuses et plus coûteuses telles que la farine de poisson ou de viande.

L'aptitude à digérer la cellulose et l'hémicellulose par les enzymes intestinales n'est présente dans aucun animal. Il est probable qu'aux premiers stades de l'évolution cette aptitude n'était pas avantageuse.

Cependant, s'il était possible d'incorporer dans le génome d'un animal un gène codé pour la cellulase ou l'hémicellulase microbienne et exprimé dans le pancréas, cela permettrait peut-être à ces enzymes d'être produites et sécrétées conjointement avec les autres sécrétions pancréatiques. Hazelwood et Gilbert (1989) procèdent à des essais à ce sujet en introduisant dans l'embryon du premier stade de la souris (et ils laissent entendre qu'ils vont faire de même chez le porc) le gène cel E de Clostridium thermocellum qui est codé pour une endogluconase thermostable hydrolysant le xylane.

L'expression de ce gène chez des souris “transgéniques” sera commandée par la région de stimulation de l'élastase I qui est située (chez les rats) “en amont” du gène de l'élastase et qui limite la synthèse de cette enzyme digestive aux cellules exocrines de stimulation dans le pancréas des souris issues d'une mutation génique.

La modification de la sécrétion d'enzymes digestives chez le porc de manière à inclure la cellulase et l'hémicellulase nécessitera une expression spécifiquement tissulaire du gène cel E et la sécrétion de l'endogluconase active dans la lumière intestinale. C'est pourquoi on a mis au point une intégration de gènes comportant la stimulation de l'élastase et le codage du gène cel E.

La création de porcs “transgéniques” n'en est encore qu'au stade théorique et il n'est pas douteux qu'il faudra dans cette optique en revenir aux travaux de recherche fondamentale; il est certain que l'expression excessive ou insuffisante des gènes transférés posera un sérieux problème.

La cellulase ne décomposera probablement les fibres que lentement chez le porc, de sorte que la capacité de l'intestin constituera un obstacle majeur même lorsqu'on aura réussi à produire des porcs issus d'une mutation génique.

6.2.3 Hormones de croissance porcines (PSt.)

Il est hors de doute que l'injection en quantités strictement contrôlées d'hormones de croissance porcines chez des porcs nourris de concentrés céréaliers augmente leur taux de croissance et l'efficacité de la croissance, et réduit le dépôt de graisse. On ignore quelle place occupent les hormones de croissance porcines dans la production de ces animaux dans les pays en développement. Etant donné que dans ces pays les unités de production sont de taille modeste, que le coût des injections serait vraisemblablement élevé et que les petits élevages sont basés sur un système de consommation des détritus, il est peu probable qu'on utiliserait ces hormones de croissance porcines. A titre exceptionnel, des élevages de porcs nourris de céréales et destinés aux catégories à haut revenu et aux touristes seraient peut-être à envisager.

6.2.4 Porcs “transgéniques” - Hormones de croissance porcines

Il est certain que la technique de production des porcs “transgéniques” a été mise au point. L'expression excessive ou insuffisante des gènes pose encore des problèmes. L'expression excessive entraîne une faiblesse dans les jambes et réduit la capacité de reproduction, tandis qu'une expression insuffisante n'apporte aucun avantage. La nutrition des porcs avec expression du gène de croissance n'a pas été suffisamment étudiée, l'accent étant mis habituellement sur la production d'animaux par mutation génique. Il semble qu'on n'ait pas tenu compte de la nécessité d'élaborer pour les porcs des systèmes spéciaux d'alimentation et d'exploitation.

Quand ces techniques sont appliquées dans des laboratoires de pays développés, l'absence de maladie est une condition sine qua non. Il est concevable qu'outre un type d'alimentation spécial il faille aussi respecter des conditions particulières en ce qui concerne la prévention des maladies et des parasitoses. Les maladies et les parasitoses ont souvent un effet plus marqué sur les porcs et d'autres animaux doués d'un potentiel de croissance élevé.

Les problèmes que pose l'incorporation d'hormones de croissance chez les porcs par mutation génique ont été parfaitement récapitulés dans une communication de Wilmut et al. (1988):

“Les porcs auxquels avait été incorporée l'hormone de croissance humaine ne se développaient pas plus rapidement que les autres, mais ils avaient moins de graisse sur le dos, ce qui pourrait être utile pour les éleveurs. Malheureusement, ces porcs issus d'une mutation génique souffraient d'un certain nombre d'anomalies, notamment de l'arthrite, un manque de coordination des pattes postérieures, une vulnérabilité au stress, l'absence d'oestrus chez les jeunes truies et un manque de libido chez les verrats. Il faudra donc reprendre les recherches pour trouver une nouvelle conception du gène qui permettra d'éviter ces problèmes.”


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