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4.  FACTEURS INFLUANT SUR LES RAPPORTS ENTRE L'AQUACULTURE COTIERE ET L'ENVIRONNEMENT

79.  Les principaux facteurs qui affectent la compatibilité de l'aquaculture côtière avec l'environnement sont décrits ci-dessous. Il s'agit surtout ici des facteurs qui permettent l'application technique, la viabilité économique ainsi que l'acceptabilité sociale (Chong, 1990b). Il est indispensable de tenir compte de ces facteurs pour assurer le développement durable du secteur de l'aquaculture côtière ainsi que la réussite des projets aquacoles particuliers. Ces facteurs devraient être considérés non pas séparément mais ensemble car ils sont étroitement liés dans la plupart des cas.

Le site

80.  Il faut de l'espace, que ce soit sur terre ou sur eau. Les facteurs les plus importants liés au site sont énumérés au tableau 1 2 (Huguenin et Colt, 1989). Les propriétés de l'eau de mer qui définissent la plupart des qualités nécessaires de l'eau à utiliser en aquaculture sont données au tableau 1 3. Le site détermine la disponibilité d'eau. En effet, des volumes énormes d'eau de mer ou d'eau douce peuvent être nécessaires pour maintenir la qualité de l'eau. Les caractéristiques hydrographiques et topographiques du site sont très importantes, en particulier pour les fermes à terre ou en mer qui utilisent les mouvements naturels de l'eau (courants, marées) pour renouveler l'eau et évacuer les déchets. La durée de vie, les possibilités d'expansion et d'intensification et les effets écologiques de la ferme aquacole sont souvent déterminés par les caractéristiques du site sélectionné. Toutefois, les caractéristiques écologiques du site - diversité, structure, dynamique et relations des communautés benthiques et pélagiques - peuvent être très variées. Le niveau et l'ampleur des changements écologiques peuvent donc varier d'un site à l'autre.

Les espèces

81.  Les organismes élevés en aquaculture côtière sont sensiblement différents en ce qui concerne leurs caractéristiques biologiques, écologiques et physiologiques. La reproduction, les habitudes alimentaires, les besoins nutritionnels, le comportement, la croissance, les besoins en qualité de l'eau, la tolérance au stress, la sensibilité aux parasites et maladies déterminent la possibilité d'élever une espèce donnée. Les caractéristiques très spécifiques des organismes en élevage déterminent également le type, l'ampleur et la portée des implications écologiques. Les interactions biologiques entre les espèces élevées et les communautés “sauvages” peuvent être limitées aux abords immédiats du site ou affecter une zone plus vaste.

Les méthodes d'élevage

82.  Le choix des méthodes d'élevage dépend, jusqu'à un certain point, des espèces et du site sélectionné. La disponibilité en ressources et en intrants (terrain, eau, organismes d'ensemencement, fertilisants/aliments, énergie, main-d'oeuvre) détermine également la facilité ou la difficulté d'exploiter un site pour l'élevage extensif, semi-intensif ou intensif. Les facteurs principaux qui influent sur les rapports des fermes aquacoles avec l'environnement sont la conception et la construction des installations ainsi que l'efficacité des opérations de production.

Tableau 12: Facteurs biophysiques importants pour la sélection des sites (d'après Huguenin et Colt, 1989)

Environnement biologique

*  Productivité primaire: activité photosynthétique.

*  Ecologie locale: nombres de niveaux trophiques, espèces dominantes.

*  Populations sauvages des espèces désirées: adultes, sources de reproducteurs.

*  Présence et concentrations de prédateurs: terre, eau, air.

*  Maladies endémiques et parasites.

Facteurs liés au site

*  Caractéristiques du bassin versant: gradients des aires (hauteurs et distances), couverture du sol, ruissellement, activités d'amont.

*  Renouvellement d'eau souterraine: aquifères, profondeur de la nappe phréatique, qualité.

*  Marées: amplitude, coefficients, variations saisonnières et dues aux tempêtes, oscillations.

*  Vagues: amplitude, longueur des vagues, direction, variations saisonnières et dues aux tempêtes, fréquence des tempêtes.

*  Courants côtiers: ampleur, direction et variations saisonnières.

*  Infrastructures existantes et caractéristiques.

*  Accessibilité du site.

*  Histoire du site: utilisation et expériences précédentes.

Facteurs liés au sol

*  Type de sols, profils, caractéristiques du sous-sol.

*  Taux de percolation: coefficient de perméabilité hydraulique.

*  Topographie et distribution des types de sol.

*  Taille et forme des particules.

*  Angle d'éboulement; humide, sec.

*  Fertilité.

*  Population microbiologique.

-  Lessivage des toxines: pesticides, métaux lourds, autres produits chimiques.

Facteurs météorologiques

*  Vents: directions dominantes, vitesse, variations saisonnières, intensité et fréquence des tempêtes.

*  Lumière: énergie solaire annuelle totale, intensité, qualité, photopériode: cycle diurne.

*  Température de l'air et variations.

*  Humidité relative et variations.

*  Précipitations: quantité, répartition annuelle, maxima de tempêtes et fréquences.

Tableau 13: Propriété de l'eau de mer importantes pour la gestion de la qualité de l'eau en aquaculture (d'après Huguenin et Colt, 1989)

Paramètres physiques

*  Variations de température (journalières et saisonnières).

*  Variations de la salinité (en fonction des marées et de la saison).

*  Particules (solides)

-  composition (organique et inorganique)

-  taille

*  concentration

*  Couleur

-  Lumière

-  artificielle ou naturelle

-  énergie incidente totale annuelle

-  intensité de l'énergie radiante

-  qualité de la lumière

-  photopériode (cycles journaliers)

Paramètres chimiques

*  pH et alcalinité

*  Gaz

-  pression totale en gaz

-  oxygène

-  azote

-  dioxyde de carbone

-  hydrogène sulfuré

*  Eléments nutritifs

-  composés azotés

-  composés phosphorés

-  traces de métaux et composés

*  Composés organiques

-  biodégradables

-  non biodégradables

*  Composés toxiques

-  métaux lourds

-  biocides

Paramètres biologiques

*  Bactéries (types et concentrations)

*  Virus

*  Champignons

*  Autres

a)   Etude et construction

83.  Etant donné que des sites “idéaux” ne sont pas toujours disponibles pour l'aquaculture, c'est la capacité d'adapter la conception et les techniques qui détermine en grande partie la productivité et la compatibilité de la ferme aquacole avec l'environnement. La bonne conception technique et la bonne mise en place des installations d'élevage, le type et la quantité de matériaux utilisés, l'évacuation de la terre et de la végétation à enlever sont des facteurs importants pour l'écologie. L'établissement de systèmes pour le renouvellement de l'eau et pour l'élimination des déchets dans les fermes aquacoles basées à terre présente tout autant d'importance. En ce qui concerne le renouvellement de l'eau pour les élevages situés en mer, l'ancrage, la taille des filets et des mailles, la couverture du fond, la distance entre les poteaux, etc., doivent être étudiés en rapport avec la profondeur de l'eau, la pente du fond et l'exposition aux courants. Evidemment, la biomasse prévue de la ferme détermine le volume des déchets et les besoins en renouvellement d'eau. Malheureusement, les degrés variables de sensibilité de l'environnement à la dégradation sont souvent négligés lors de l'étude et de la planification d'une ferme.

b)   Fonctionnement

84.  La préparation et l'entretien des unités d'élevage, des installations techniques (écluses, pompes), de l'équipement (aérateurs, alimentateurs) et du matériel (filets de récolte, bateaux) sont essentiels. L'irrégularité des disponibilités de “semences” de bonne qualité pour le peuplement entraîne souvent une utilisation peu rationnelle des installations. A l'opposé, un surpeuplement (repeuplement élevé combiné à un renouvellement d'eau faible) peut aussi réduire la croissance et créer des problèmes de qualité de l'eau et de santé. Le mauvais fonctionnement de la ferme affecte souvent directement le niveau de stress et la qualité de l'eau et des sols. L'accroissement de la sensibilité aux maladies et aux parasites qui suit peut alors conduire à une utilisation excessive de produits prophylactiques. Les mêmes problèmes peuvent se poser à la suite d'une surutilisation de fertilisants et d'aliments. Le type (caractéristiques physico-chimiques) des fertilisants appliqués et des aliments distribués est également important. De plus, les méthodes d'alimentation, (en particulier la fréquence, l'horaire, la dispersion de l'aliment) et la taille des particules déterminent la quantité d'aliment consommé. Bref, la bonne gestion de la ferme, qui englobe le choix et l'utilisation rationnels des “intrants” ainsi qu'une bonne programmation des opérations d'élevage peuvent avoir une influence significative sur l'ampleur des effets écologiques et les coûts.

c)   Niveau de production

85.  On peut s'attendre à ce que de petites fermes ayant un faible rendement aient individuellement peu ou pas d'effets sur l'écosystème environnant. Cependant, les niveaux de production ont été accrus par l'expansion (augmentation des surfaces d'élevage) et par l'intensification du fonctionnement et l'apport d'intrants. Ces deux facteurs - expansion et intensification - peuvent potentiellement augmenter les effets négatifs sur l'environnement.

Compétences

86.  Dans certains cas, les éleveurs n'ont pas les compétences pratiques, techniques et administratives voulues pour exploiter correctement leur ferme. Ils importent parfois de la main-d'oeuvre spécialisée. Une main-d'oeuvre compétente est un facteur important pour la productivité de la ferme.

Niveau technologique

87.  La technologie aquacole actuelle est, dans de nombreux cas, loin d'être complètement mise au point et a besoin de fortes améliorations afin d'en assurer la fiabilité, l'efficacité et l'application aisée. L'utilisation de technologies appropriées et adaptables peut améliorer l'impact des fermes aquacoles sur l'environnement.

Accès aux moyens financiers et au crédit

88.  Souvent, les petites fermes n'ont pas les ressources financières voulues pour améliorer leur efficacité et leur productivité au moyen de technologies appropriées, dont une bonne qualité de “semences”, de fertilisants/aliments et d'équipement. De plus, les petits investisseurs qui ont de grandes difficultés à obtenir des crédits, ont peu de possibilités de choisir et de mettre en valeur les sites les meilleurs.

Viabilité économique

89.  La viabilité économique à long terme est souvent réduite par l'accroissement des coûts des ressources et des intrants disponibles dans la zone où la ferme est située. Il devient alors toujours plus difficile pour l'éleveur d'utiliser au mieux les intrants, d'améliorer la qualité des produits, d'abaisser les coûts de production, et de diminuer les effets négatifs sur l'environnement. Les coûts commerciaux (y compris les coûts de transport des produits) peuvent être considérables. Les fluctuations des prix des produits aquacoles semblent compromettre particulièrement la rentabilité des élevages extensifs (faibles intrants, faible productivité) et des élevages intensifs ayant des coûts d'investissement et de production élevés. Les faillites et les abandons de fermes aquacoles provoqués fréquemment par des problèmes économiques et financiers peuvent inspirer un certain scepticisme quant à l'acceptabilité sociale et la compatibilité avec l'environnement de l'aquaculture côtière.

Statut juridique

90.  Les éleveurs et les investisseurs doivent souvent faire face à une situation juridique incertaine en ce qui concerne l'utilisation des ressources en terre et en eaux nécessaires. Diverses autorités ont souvent une juridiction soit directe soit indirecte sur l'utilisation des terres et des eaux pour l'aquaculture, ce qui crée de la confusion et impose de multiples démarches bureaucratiques aux éleveurs. Les types de régimes d'occupation, comme les baux à court ou long termes pour la surface de la terre ou de l'eau, peuvent influer sur le développement et la durée de service des fermes d'élevage. Les incertitudes concernant l'attribution des ressources en terres ou en eaux du domaine public conduisent souvent à des conflits sociaux avec d'autres utilisateurs. La législation concernant l'environnement, quand elle existe, ne couvre souvent pas les besoins et les caractéristiques spécifiques de nombreuses activités aquacoles côtières.

Coordination

91.  La coordination du développement aquacole côtier, étayé par de bonnes bases d'information et une planification correcte, est inexistante dans de nombreux pays. Bien que le développement de l'aquaculture puisse être prévu en priorité dans les plans de développement nationaux, l'assistance technique au secteur et l'application de règlements d'appui manquent souvent faute de ressources financières. L'insuffisance de la coopération entre les autorités gouvernementales chargées de la planification du développement des différentes activités côtières (agriculture, pêches, développement urbain et industriel, assainissement, etc.) peut fortement entraver le développement en général ainsi que la protection de l'environnement.


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