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Comportement des espèces végétales

Espèces des forêts denses

En général, les espèces constituant la forêt dense liée au climat équatorial supportent très mal le feu. Celles des régions tropicales sont à peine plus résistantes. Les grands arbres échappent souvent à la destruction rapide en gardant vivantes leurs branches supérieures hors d'atteinte des flammes. Quant à leur pied, il est peu enherbé à cause du couvert épais et, s'il est en contact direct avec le feu, il n'en subit que de légères blessures qui cicatrisent en formant une loupe protégée par un épaississement de l'écorce.

Par contre, les jeunes semis sont irrémédiablement perdus s'ils sont brûlés. C'est donc le manque de régénération qui fera disparaître le massif climacique si le feu l'attaque régulièrement.

Toutefois, le seul fait pour ces arbres isolés d'être soumis brusquement à des conditions ambiantes inhabituelles provoque une perte de vigueur. A Lubumbashi, des comptages de cernes ont montré une très nette diminution de l'accroissement annuel des grands arbres, en l'occurence Erythrophleum suaveolens, dès que fut détruite l'ambiance initiale, quel que soit l'âge atteint par les sujets. Dans le cas étudié, tous dénotaient d'une diminution sensible de la largeur des cernes depuis une quarantaine d'années.

Parmi les espèces composant la forêt climax tropicale, ce sont les espèces locales qui supportent le mieux le feu surtout si elles sont issues de la flore régionale. Au Shaba supérieur, c'est le cas de Brachystegia spiciformis var. schmitzii qui est de formation probablement récente et est étroitement apparenté à des espèces très largement représentées dans la forêt claire telles que B. spiciformis var. Iatifoliolata et var. mpalensis. Citons également, toujours pour le Haut-Shaba, Entandrophragma delevoyi, Sersalicia djalonensis, Manilkara obovata, ces deux derniers se rencontrant dans les formations similaires du nord de l'équateur. Plus sensibles sont les essences communes à la forêt équatoriale comme Treculia africana, Erythrina excelsa, Parinari excelsa subsp. holstii, Garcinia polyantha, etc.

En Côte d'lvoire les études réalisées en forêt classée semi-decidue de Téné par J.C. Bertault ont permis de constater en 1985, deux ans après le passage du feu, que près du tiers des arbres d'avenir, notamment les plus petits diamètres, avaient été tués. Du fait de la différence de réaction des essences forestières vis-àvis du feu la structure floristique de la forêt avait connu une certaine modification. L'Aboudikro (Entandrophragma cylindricum) et le Difou (Morus mesozygia) par exemple se sont montrés moins sensibles au feu que la moyenne des espèces alors que le Pouo (Strombosia glaucescens) ou l'Eho (Ricinodendron africanum) se sont avérés très sensibles.

Des espèces héliophiles envahissantes comme l'Eupatorium et le Solanum se sont implantées dans les zones brûlées. Cette souille importante caractérise bien la dégradation du couvert forestier (Bernard Mallet, 1987).

La disparition de la forêt dense sèche s'accompagne, tout naturellement, de celle de la faune qui lui est liée: petits rongeurs frugivores et arboricoles, petites antilopes, Cephalophus sylvicultor et Philantomba guevei, etc.

Espèces de forêts claires et de savanes

Les espèces typiques de ces formations ont une écorce épaisse et des bourgeons résistants qui les protègent aussi bien du feu que de la sécheresse et, parfois, du froid. Dans leur milieu naturel régulièrement parcouru par le feu, leur tronc est propre et porte une couronne relevée aux rameaux souvent dressés. Et pourtant, isolés dans des jardins et protégés du feu, beaucoup acquièrent rapidement un port pleureur aux longues branches pendant jusqu'au sol: Raphia bequaertii, Diplorhynchus, Combrectum, etc.

Les arbres, les plus exposés, tels ceux coiffant les termitières, se protègent en formant une cime globuleuse, bien fermée, que les flammes contournent sans la pénétrer.

Dans le Sud-Shaba, les hautes termitières mesurent aisément 8 m de hauteur et 12 m de diamètre à la base. Elles portent une végétation particulière pour autant qu'elles ne soient pas fossiles et fort érodées. Certains auteurs ont décrit cette végétation comme typiquement xérophytique à cause de son aspect et parce que le volumineux cône de terre émergeant du sol ne pouvait qu'étre fortement drainé donc très sec. Or l'analyse phyto-sociologique montre clairement qu'elle est plus mésophile que celle du plateau environnant. En effet, aussi longtemps que les termitières sont colonisées, les termites y apportent de l'eau inlassablement dans les chambres d'élevage des pupes et des champignons dont elles sont nourries. L'allure xérique de la flore vivace est, en réalité, une réaction au feu et le groupement qui les habite doit être considéré comme pyro-mésophile.

L'établissement des spectres biologiques montre une très large dominance des phanérophytes dans les peuplements forestiers fermés. Aux environs de Lubumbashi, la forêt climacique présente un spectre brut de 96,3 pour cent pour les phanérophytes et 3,7 pour cent pour les géophytes. Grâce à quelques stations importantes d'Orthoclada africana et Bromuliola gossweileri, graminées généralement plus rares, les spectres pondérés passent respectivement à quelque 80 et 20 pour cent. A proximité, la forêt claire, sur sol sec de plateau, à Brachystegia spiciformls var. Iatifoliolata et Monotes katangensis le spectre pondéré est de 33,9 pour cent de phanérophytes, 20,5 pour cent de géophytes, 6,6 pour cent de chaméphytes, 35,9 pour cent d'hémicryptophytes et 3,1 pour cent de thérophytes. Sur sol plus frais, la forêt claire mésophile à Combretum spp. et Annona senegalensis se compose de 62,2 pour cent de phanérophytes, 19,6 pour cent de géophytes, 8,4 pour cent de chaméphytes, 9,6 pour cent d'hémicryptophytes et 0,1 pour cent de thérophytes. Une telle répartition montre bien la nécessité de se protéger des rigueurs de la saison sèche et, par là même, une bonne adaptation au feu. On peut souvent comparer les effets de l'incendie à ceux d'une grande sécheresse agissant en un temps très court.

La même évolution des formes biologiques est signalée par Adjonohoun (1964) en Côte d'lvoire centrale. Trente ans après l'abandon des cultures, une savane boisée très pauvre soumise aux trois traitements (protection absolue, brûlage précoce et brûlage tardif), présente des spectres très différents:

  Phanér. Géoph. Chamép. Hémicr. Thérop.
Protection absolue 94 % 1 % 0 3 % 2 %
Brûlage hâtif 67 % 3 % 27 % 11 % 17 %
Brûlage tardif 62% 4% 37% 13% 18%

Les parcelles protégées présentent un étage supérieur de microphanérophytes non jointif et un sous-bois herbacé discontinu. Après brûlage hâtif, le tapis herbacé est clair sur plateau, à dense avec de nombreux ligneux sur les pentes. Enfin, le brûlage tardif laisse une savane densément cespiteuse avec quelques ligneux.

Dans le sous-bois, au Shaba, la protection absolue contre l'incendie transforme bien des chaméphytes en nanophanérophytes: Fadogia et d'autres rubiacées, Kotschya, Humularia, Lannea, Gnidia, Vernonia, etc. La violence du feu a l'effet contraire sur d'autres Lannea, Parinari pumila, Ochna, Syzygium, Oldfieldia, etc.

La floraison de nombreuses espèces basses est fortement influencée par le passage du feu qui, non seulement, la favorise mais aussi la déclenche. Les savanes plus ou moins steppiques des hauts plateaux shabiens connaissent deux grandes périodes végétatives. En saison des pluies, une strate herbacée haute et dense, riche en graminées et cypéracées, réalise une savane incontestable. Dès que le feu l'a parcourue, en saison sèche, elle fait place à une végétation courte et clairsemée, faite de géophytes et chaméphytes principalement, à floraison riche et variée. Ceux qui n'ont vu que cet aspect en font une steppe. Une piste agissant comme pare-feu peut provoquer un décalage de floraison de plusieurs semaines entre la partie touchée et la partie épargnée après incendie de savane. Les stations qui ont échappé au feu et gardent leur végétation estivale desséchée sur pied, fleurissent peu. Il en est de même des tapis de Cryptosepalum maraviense des forêts claires dégradées, sur sol pauvre.

Il est également bien connu que les graines de plusieurs espèces de savane ne germent bien qu'une fois leur tégument dur fissuré par l'action du feu, technique parfois utilisée en pépinière. Citons divers Dichrostachys et Acacia.

La régénération des espèces ligneuses de forêt claire et de savane est généralement assurée par le rejet des souches et de drageonnement. C'est ainsi que, lorsque les souches des arbres coupés de défrichements agricoles sont protégées, les branches étant incinérées à distance, le peuplement se reconstitue de manière semblable à ce qu'il était à l'origine. Cependant la multiplication par semis n'est nullement exceptionnelle. Plusieurs auteurs constatent la destruction, par le feu, d'une partie parfois importante des jeunes plantules des constituants habituels de la futaie tels que Brachystegia et Julhernardia. Bien souvent ce n'est qu'une fausse impression. Semées en pépinières et donc protégées du feu, ces mêmes semences germent parfaitement mais la tigelle dépérit en fin de saison sèche et disparaît tout comme pour les plantules rabattues par l'incendie, en forêt. Comme ces dernières, elles rejettent au retour de la saison des pluies pour voir la nouvelle tige se nécroser une fois encore. Le même phénomène se répète durant 3 à 5 ans, le phénomène durant plus longtemps en milieu naturel jusqu'à ce que la jeune tige soit suffisamment forte et se maintienne, résistant au feu ou à l'aridité du climat. Elle donne naissance à un nouvel arbre issu d'une jeune plantule qui s'est d'abord transformée en rejet de souche.

D'après Aubréville (1950) I'hétéromorphisme de nombreuses espèces forestières soudano-guinéennes résulte du traumatisme des feux de brousse. Des espèces ou variétés nouvelles ne sont souvent que des formes anormales des espèces types, causées par ces feux. Dans les savanes boisées constamment ravagées par les incendies peu d'arbres arrivent à acquérir leur port spécifique. Le passage du feu a pour effet en général, de provoquer une repousse de rameaux en pleine saison sèche avant la reprise normale de la végétation. Le cycle végétatif perturbé, ces rejets ont des feuilles souvent assez différentes des feuilles normales et des rameaux anormalement fleuris. Par leur répétition régulièrement annuelle; leur généralisation à toute l'Afrique tropicale sèche, les feux rendent ainsi malaisé le travail des botanistes qui dans leur comparaison entre espèces peuvent être trompés par la multiplicité des formes individuelles. Et comme le soutient Lechevalier il est possible que, par leurs effets accumulés, ces feux soient responsables de la modification des caractères morphologiques secondaires des espèces et qu'ils soient aussi responsables de certaines formes biologiques.

Outre ces comportements du feu, les diverses essences ligneuses lui opposent une résistance plus ou mois grande. Il se crée donc une certaine sélection selon la violence habituelle et la fréquence de l'incendie comme il s'en est opéré une, en zone d'élevage soudanaise et sahélienne par l'élimination des espèces les plus appétées par le bétail. Ainsi les savanes périguinéennes à la strate herbacée haute et dense capable d'alimenter les incendies violents, ne comportent que les espèces les plus résistantes: Annona arenaria, Sarcacephalus esculentus, Acacia div. sp. Greuvia mollis, Albizzia adianthifolia, A. Versicolor, Terminalia torulosa, Hymenocardia acida, Sterculia quinqueloba, etc.

Les expérimentations relatives aux effets (sur la végétation dégradée coupée à blanc-etoc) de la protection complète et des feux de brousse allumés chaque année au début et à la fin de la saison sèche dans le Nord du Ghana à la limite des savanes soudanaise et guinéenne, ont permis au bout de 11 années (1949-1960) de déterminer la réaction et l'adaptation de certaines essences forestières (une période plus longue aurait permis de dégager des conclusions plus valables).

Ainsi l'Acacia dadgeoni, l'Acacia gourmoensis et le Piliostigma thonningii sont fortement résistants aux feux alors que l'Acacia seyal et l'Entada sudanica paraissent très résistants.

Le Butyrospernum parkii (Vitellaria paradoxe) résiste modérément alors que le Sterculia Setigera est très sensible aux feux tardifs.

Le Sterculia setigera est même sensible aux feux précoces pendant que le Combretum glutinosum y résiste modérément.

Des observations au Mali et au Faso ont permis de classer le Khaya senegalensis parmi les essences sensibles aux feux puisqu'il ne réapparaît que dans les parcelles soumises à une longue période de protection totale, dès que les herbes commencent à s'éclaircir.

Parmi toute une série d'espèces testées en zone nord-soudanaise et sahélienne, les plus sensibles au feu seraient Detarium microcarpum qui rejette cependant vigoureusement, Bridelia ferruginea et Isoberlinia doka dont la réponse est également satisfaisante. Sont moyennement sensibles Burkea africana, Parinari curatellifolia, Daniellia oliveri dont les repousses sont plus lentes et moins vigoureuses que celles des Terminalia, T. Iaxiflora faisant preuve d'une meilleure reprise que T. avicennioides. La résistance au feu parait la plus grande chez Hymenocardia acida, Vitellaria paradoxa, Gardenia, Combretum. Les dégâts qui leur sont causés étant minimes, il est normal que le passage du feu ne déclenche pas, chez eux, le développement de rejets nombreux et vigoureux.

En savane, Lophira lanceolata se transforme de petit arbre en une simple souche ligneuse émettant des rosettes de feuilles après passage du feu (Schnell, 1971).

Ce sont toutefois les strates basses qui sont le plus touchées par le feu. Les géophytes rhizomateux et bulbeux sont parfaitement adaptés puisque leurs organes vivaces sont profondément enfouis dans le sol où l'échauffement dû à l'incendie ne se fait pratiquement plus sentir. Quant aux graminées qui constituent souvent la plus grande part de la biomasse et du combustible et sont les plus intéressantes pour l'élevage, elles développent souvent des souches cespiteuses en savane et forêt claire. Leur régénération est également assurée principalement par voie végétative, les bourgeons de remplacement étant enfouis et protégés au sein du feutrage des bases de chaumes et feuilles formant coussinet au-dessus du sol. Ici encore il y a lieu de bien distinguer entre les feux hâtif et tardif. Le premier consume la partie supérieure de la touffe et laisse intacte cette véritable brosse que constitue la souche. Un thermomètre introduit au niveau des bourgeons est à peine influencé par les flammes qui dévorent les éléments immédiatement supérieurs. Mais au fur et à mesure que s'avance la saison sèche, la base des touffes se dessèche et devient combustible au point qu'un feu tardif et activé par un vent léger s'y attarde à la façon d'un feu d'humus. Il peut tuer les bourgeons en attente et entraver gravement la repousse de la souche. C'est ainsi que disparaissent progressivement les espèces cespiteuses laissant la place à d'autres mieux adaptées, annuelles ou rtizomateuses (Imperata cylindrica), dans un peuplement régulièrement soumis aux incendies de fin de saison.

D'autres graminées de haute taille comme certains Hyparrhenia forment des chaumes épais dont les noeuds de la base, gros et rapprochés, portent les bourgeons de survie, souvent cachés par les bases foliaires et fines ramifications. Leur protection contre le feu est surtout assurée par la turgescence de la partie inférieure du chaume qui les porte. Dans une station de telles graminées, le feu circule normalement au niveau des inflorescences et des feuilles supérieures et médianes et descend le long des chaumes en consumant quelques brindilles et extrémités de feuilles basses. Il faut attendre la fin de la saison sèche pour que la tige perde toute humidité et puisse brûler jusqu'à sa base. Seulement alors les bourgeons sont atteints et la plante disparaît sauf si quelques graines ont échappé à l'incendie, ce qui est aléatoire en cas de feu tardif et violent.

Tableau 1. Températures atteintes lors des incendies

Niveau de relevé de la température Végétation soumise au feu Températures enregistrées Observations
1. au Sénégal par A. Pitot et H. Masson      
- 2 cm surface du sol - accroissements 3 à 4° (30/37° à 36/42° et 46°) accroissements lents et durables (prés d'une heure)
- au ras du sol graminées 100°; 110°; 140° accroissemeni trés rapide mais bref pendant 1 à 2 mn au sol = 30° avant expérience)
0,50 au-dessus du sol " 500°  
2. au Mali par H. Masson savane herbeuse 40-60 cm de haut    
à la surface du sol 1 105° à 213° élévation en 1 ou 3 mn

suivant présence ou non du vent

  herbes 1 m de haut   refroidissement très lent
à la surface du sol " 120 à 715° élévation pendant 6 mn environ
quelques mm au-dessus

du sol

" 715° élévation en moins d'une minute redescend progressivement en 10 minutes jusqu'à
  herbes 1,50 m de haut   température ambiante
- 2 cm surface du sol au niveau du sol "

"

écart de 14,4° 850°  
      6 mn après incendie, T= 125°
quelques mm au-dessus du sol " 700° 10 mn " "

T=850°

Relevés faits par Monnier (1981). Temp. ambiante 31°C, vent 7-8 m/s heure 10 h 30.

savane à Imperata cylindrica

- 2 cm surface du sol au niveau du sol élevation de 3,8°C

100°-300° d 75°

20 cm au-dessus du sol 350°
80 cm au-dessus du sol 600°
1,50 m au-dessus du sol 350°
2 00 m au-dessus du sol 280° - 300°
3 00 m au-dessus du sol 200°
4,00 m au-dessus du sol 120°
  75°- 100°

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