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COMMUNICATION POUR LE DÉVELOPPEMENT: DE NOUVELLES PERSPECTIVES

Les leçons de l'expérience

La communication a fait la preuve de son utilité dans de nombreux programmes et projets de développement. L'expérience montre cependant que certaines conditions doivent: être réunies pour une bonne utilisation des méthodes et outils de communication.

Tout d'abord, l'approche doit être systématique. La communication est vraiment efficace lorsqu'elle se situe au cœur des stratégies qui permettent la définition des priorités du développement, la conception des programmes et projets, leur planification, leur mise en œuvre, leur évaluation, ainsi que l'amélioration de la formation à tous les niveaux.

Ensuite, les activités de communication doivent être programmes dans le cadre d'une stratégie globale qui prenne en compte la recherche, la définition d'objectifs clairs, l'identification des publics, la conception de messages adaptés, le choix des canaux de diffusion, le suivi et la rétroinformation. Les approches multimédias, qui utilisent de façon combinée différents canaux de communication qui se renforcent mutuellement, donnent les meilleurs résultats. A l'inverse, l'adjonction au dernier moment d'une pseudo «composante communication», qui se limite le plus souvent à une ligne budgétaire destinée à financer la promotion du projet ou à produire quelques auxiliaires audiovisuels, n'est ni efficace ni rentable.

Enfin, pour atteindre un seuil de rentabilité et s'inscrire dans une perspective durable, il faut, compte tenu du coût des équipements de communication, parvenir à une masse critique de personnel, d'équipements et d'activités.

Le matériel technique sera acheté après qu'on aura clairement défini les objectifs, identifié les besoins et le volume de production prévisible et analysé les capacités des infrastructures locales. Il est essentiel de veiller à ce qu'un service de maintenance soit disponible sur place et que les équipes de production aient été formées à l'utilisation du matériel.

L'expérience montre que le budget consacré à la communication représente en général 10 pour cent du budget total d'un programme de développement. Il peut toutefois ne représenter que 1 pour cent du budget s'il s'agit de très grands programmes et, par contre, dépasser les 10 pour cent s'il s'agit de petits programmes.

La communication au service du développement est un domaine spécialisé et si les compétences n'existent pas localement, il faudra s'adresser aux pays voisins, aux institutions internationales et aux programmes d1aide pour obtenir une assistance technique.

Comment intégrer la communication dans les politiques nationales de développement?

Le problème est d'abord politique. Il reside dans la décision de fonder les programmes de développement sur la prise en compte des besoins véritables de la population et sur sa participation à chacune des étapes du processus de développement.

Une fois que cette décision a été prise au plus haut niveau et qu'il a été admis que la communication est indispensable pour susciter et accompagner le processus de développement, il faut circonscrire le domaine d'action de la communication, identifier un cadre institutionnel adapté et s'assurer que des dispositifs opérationnels ont été mis en place pour une mise en œuvre efficace.

Une campagne multimédia au «royaume de la montagne»

L'approche multimédia, combinant plusieurs canaux et supports, améliore l'impact des campagnes de communication. Cela a clairement été démontré, en 1988, dans le royaume montagneux du Lesotho, en Afrique australe.

Des agents du service national de vulgarisation formés aux techniques de communication avaient étudié les besoins de la population du district de Mohale Hoek. L'enquête avait conclu, entre autres, que la priorité devait être accordée à l'amélioration des connaissances des cultivateurs en matière de variétés améliorées de semences, de techniques de culture du sorgho et de prévention des pertes après récolte.

On décida donc de lancer une campagne de communication, conçue de façon à pouvoir en mesurer précisément l'impact. Des enquêtes sur le niveau de connaissance de la population, ses habitudes d'écoute radiophonique et ses attitudes par rapport au problème posé ont été effectuées avant et après la campagne dans trois sortes de villages: les villages couverts par une campagne complète (visites d'agents de vulgarisation, programmes radio et utilisation d'autres moyens audiovisuels), les villages soumis seulement à une campagne radio et les villages témoins, non couverts par la campagne.

La stratégie de la campagne complète comportait plusieurs étapes. La première semaine, un nutritionniste a fait des démonstrations culinaires à base de sorgho en expliquant sa valeur nutritionnelle. On a distribué des dépliants et organisé des émissions radiophoniques sur le même sujet une fois par semaine. Des équipes de communication ont visité les villages el utilisé différents moyens audiovisuels (cassettes audio, diapositives, films fixes, etc.) comme base de discussion avec de petits groupes d'agriculteurs. Des affiches et des tracts ont été distribués durant ces séances et des démonstrations pratiques organisées chaque fois que cela était possible.

Au bout de 15 semaines, les résultats étaient impressionnants. Les connaissances de la population de la zone de campagne complète sur les variétés de semences sélectionnées, les méthodes de production du sorgho et la prévention des pertes après récolte s'étaient accrues de près de 130 pour cent par rapport au niveau de connaissance initial. Les connaissances du groupe n'ayant bénéficié que de la campagne radio avaient augmenté de 70 pour cent, ce qui représente un bon résultat. L'augmentation des connaissances au sein du groupe témoin était de l'ordre de 20 pour cent, probablement grâce aux informations transmises de bouche à oreille.

L'impact de l'approche multimédia a donc été presque deux fois plus élevé que celui de la seule radio.

 

Les lignes directrices exposées dans les paragraphes qui suivent se fondent sur l'expérience de terrain acquise par la FAO au cours des 20 dernières années dans le domaine de la communication pour le développement.

Une politique nationale de communication pour le développement devra être adoptée. Elle devra établir, par exemple, que la formulation de tout programme de développement concernant les communautés rurales sera précédée par une identification des besoins basée sur un mécanisme de communication interactif avec la population et un système de planification participative. Dans le cas des programmes de développement déjà existants, les activités de communication et les médias doivent être systématiquement mis à contribution pour promouvoir leurs objectifs et appuyer leurs plans de travail.

Dans tous les cas, la communication au service du développement devra être conçue comme un secteur transversal, au même titre que les activités d'information, d'éducation et de planification. Elle concernera tous les secteurs où la participation populaire est indispensable - agriculture, élevage, forêts, environnement, pêches, démographie, femmes, santé, nutrition, etc. Cette politique nationale devra enfin établir des mécanismes de concertation intersectorielle en matière de communication pour éviter que chaque département ministériel ne conduise ses activités de communication et de vulgarisation indépendamment des autres, ce qui est généralement source de gaspillage et de confusion.

Une nouvelle législation peut s'avérer nécessaire. Par exemple, la création d'un réseau de radios rurales incluant des stations du service public, des stations privées et des radios communautaires locales à caractére associatif appellera une nouvelle réglementation et un nouveau cadre juridique.

De même, les interrelations entre ministères, institutions et ONG et la définition de leurs attributions respectives en matière de communication pour le développement devront faire l'objet de dispositions juridiques et d'une réglementation spécifiques. Le ministère de l'information, par exemple, pourrait: être invité à consacrer plus de temps, sur les antennes de la radio et de la télévision nationales, à des programmes à caractère social et éducatif ou à la satisfaction des besoins spécifiques de la population rurale. De même, les chaffies privées de radio et de télévision pourraient devoir dédier, pour être autorisées à émettre, une certaine proportion de leur temps d'antenne à des programmes consacrés aux questions de développement. Dans certains pays, les organes de radio et de télévision, même s'ils appartiennent au secteur public, demandent aux différents ministères une contribution financière pour la production de programmes liés au développement, ce qui conduit à de nouveaux types de relations contractuelles au sein même des services de l'Etat. Pour générer des ressources financières nouvelles en faveur des activités de communication pour le développement, on peut également envisager un recours au parrainage des programmes par des sociétés privées.

Un cadre institutionnel approprié assurera la coordination des aspects logistiques et organisationnels des activités de communication pour le développement. Plusieurs solutions sont possibles. Certains grands programmes de développement constituent quelquefois leurs propres structures de communication, avec une capacité de production multimédia et des équipes de planificateurs, chercheurs, producteurs, encadreurs, chargées de l'animation et de l'exploitation des programmes de communication sur le terrain. Dans d'autres cas, une unité centrale de communication est mise en place au sein du ministère technique concerné, pour produire et exploiter des programmes de communication en collaboration avec les infrastructures de radio et de télévision du ministère de l'information.

Une cellule centrale de conception et de programmation en matière de communication pour le développement pourrait être mise en place au niveau du gouvernement. Cette cellule aurait pour fonction de traduire la politique et les objectifs nationaux de développement en termes de communication et de définir les activités prioritaires dans ce domaine. A ce titre, elle serait chargée de fournir aux ministères, institutions de développement, organisations du monde rural et autres protagonistes du développement des conseils et un soutien en matière de communication, s'agissant notamment de la planification, de la mise en œuvre et de l'évaluation de leurs activités dans ce domaine.

Le Mali définit sa politique nationale de communication pour le développement

Aprés los changements intervenus au Mali en 1991, les nouveaux dirigeants étalent déterminés à démocratiser non seulement les institutions nationales mais aussi l'ensemble du processus de développement en le liant plus directement aux besoins de la population.

L'approche «verticale» avait fait son temps, jugèrentils. Mais, concrétement, comment encourager la participation, le débat, les échanges de savoirs et quel système mettre en place pour coordonner les efforts entrepris à tous les niveaux?

Les dirigeants ont compris qu'une politique nationale de communication pour le développement était une solution au problème et qu'il était crucial de la définir. Une telle politique faciliterait la compréhension entre dirigeants et citoyens et permettrait à l'administration et à la société civile de s'informer mutuellement de leurs activités et de leurs préoccupations. Dans un pays comme le Mali, qui dépend entièrement de son agriculture et de son élevage, une politique de communication est indispensable pour obtenir la participation de la population rurale à l'identification et à la mise en œuvre des programmes prioritaires de développement.

Le Président du Mak demanda donc à la FAO et au PNUD une assistance pour la préparation et la conduite d'un atelier national, qui s'est tenu à Bamako en octobre 1993. Cet atelier a, pour la première fois en Afrique, défini une politique nationale de communication pour le développement, et des dispositions fondamentales ont été arrétées sur le rôle de la communication pour le développement, le cadre juridique et institutionnel, la formation, le rôle des médias et les choix technologiques.

L'atelier a recommandé l'instituer des unités de communication dans chaque ministère pour définir des stratégies sectorielles et mettre en œuvre les programmes de communication; l'instituer, au sein du Conseil supérieur de la communication, un comité de coordination intersectoriel pour gérer, au niveau national, les activités de communication pour le développement; l'introduire une filière de formation à la communication pour le développement à l'Université du Mali; de mettre sur pied un programme de recherche; de moderniser et de revaloriser les qualifications des spécialistes en communication employés dans les programmes de développement. L'atelier a insisté sur la nécessité d'inciter tous les partenaires à participer au processus de développement, y compris les institutions publiques, les ONG, les associations paysannes et les communautés rurales. L'atelier a également recommandé qu'une attention particulière soit accordée au développement de la radio rurale, à l'usage de la vidéo comme support de formation paysanne, aux moyens traditionneis de communication et à la presse rurale, et, enfin, que tous les programmes et projets de développement comportent une composante communication.

L'atelier avait ainsi repris à son compte une déclaration du Président du Mali qui soulignait l'importance de la communication pour promouvoir la participation du monde rural au processus démocratique, élément indispensable pour que la population prenne la responsabilité de son propre développement.

 

Cette cellule devrait par ailleurs veiller à ce que tous les partenaires du développement adoptent une approche coordonnée afin d'éviter que des messages contradictoires ne soient adressés à la population. Elle aurait également la responsabilité de la gestion de la rétroinformation et de l'analyse de l'impact des programmes de communication et informerait les décideurs des résultats obtenus et des difficultés rencontrées. Cette cellule devrait disposer d'un personnel restreint mais très hautement qualifié, et une mission intersectorielle de haut niveau devrait lui être confiée par les pouvoirs publics afin de lui donner l'autorité nécessaire pour l'accomplissement de ses tàches de coordination et de planification.

Les activités de recherche, de planification, de production et d'exploitation en matière de communication peuvent être envisagées selon des scénarios différents selon le contexte. Dans de nombreux pays, les principaux ministères disposent déjà d'unités de production multimédia, pour l'information ou la formation. Ces ministères peuvent souhaiter poursuivre ces activités de façon indépendante, tout en bénéficiant de l'appui et des conseils d'une cellule centrale de coordination en matière de communication pour le développement. On peut également envisager le regroupement de toutes les unités existant dans les différents ministères pour constituer une structure de production commune pouvant prendre la forme d'un établissement public. Ailleurs, les ministères peuvent décider de sous-traiter leurs activités de communication avec des organismes prives ou des ONG, comme cela se fait déjà souvent dans le secteur de la santé. Dans les petits pays à ressources limitées, on peut décider de mettre en place un service unique de communication qui couvrira tous les besoins du développement. Dans certains cas, enfin, les ONG peuvent se voir confier la charge de la communication pour le développement.

Dans tous les cas, il est capital que les services de communication bénéficient d'un statut qui leur confère une autonomie financière, au moins partielle, afin de permettre un certain niveau d'autofinancement. Cela devrait constituer une condition préalable à leur création. Toutefois, la nécessité pour ces services de générer des ressources et de les gérer de façon autonome ne doit pas aller à l'encontre de leur mission de service public, qui reste prioritaire, tout comme le caractére social de leurs activités.

Pour générer des ressources, les services de communication pourront développer une activité de prestations de services et proposer leurs compétences et leur potentiel technique et logistique à des partenaires extérieurs, en matière de recherche, d'analyse des besoins, de conception de stratégies multimédia, de production de matériels audiovisuels et de formation du personnel aux techniques de la communication. Leur clientéle serait constituée par les ministères, les institutions de développement, les ONG, les organismes d'assistance bi et multilatérale, et éventuellement les entreprises privees.

L'autonomie financière et un cadre institutionnel adapté sont des éléments essentiels pour la mise en place de ces services. Une structure de type parapublic pourrait convenir à de nombreux pays. Ce statut permet en effet de générer des revenus qui peuvent être utilisés pour couvrir les coûts opérationnels. Ce type de structure permet également de proposer des salaires plus attractifs à un personnel de communication qualifié, afin d'éviter les départs vers le secteur privé, d'encourager la créativité et de développer une culture d'entreprise. La mise sur pied d'institutions parapubliques de ce genre exige généralement que des dispositions juridiques spécifiques soient adoptées.

Des emprunts de développement ou d'investissement peuvent être contractés auprés d'institutions internationales ou, de banques commerciales pour financer le démarrage ou l'expansion de ces services de communication. En effet, une structure parapublique qui est capable de générer ses propres ressources dans le cadre d'une politique nationale peut légitimement se considérer comme un secteur rentable dans lequel on peut investir.

La formation d'un personnel spécialisé en communication pour le développement constitue partout une préoccupation majeure. Il s'agit de profils bien particuliers qui allient des connaissances et des capacités dans le domaine des sciences sociales aussi bien que dans celui de la production audiovisuelle ou de l'exploitation des médias. Ce profil de formation, tout à fait nouveau, doit être créé de toutes piéces dans la plupart des pays.

La pratique la plus courante consiste à donner à des sociologues ou à des personnes ayant une expérience du terrain une formation complémentaire en conimunication et à les familiariser avec le concept de développernent rural. Plus rarement, des spécialistes des médias reffivent une formation en développement leur permettant de mettre leurs compétences techniques au service du monde rural. Les responsables administratifs et les gestionnaires peuvent également recevoir une formation en communication, notamment dans le cas où ils auraient à superviser des activités dans ce domaine ou à négocier avec des organismes extérieurs spécialisés en communication.

Trente-quatre pays refusent la peste bovine

La stratégie de la Campagne panafricaine de lutte contre la peste bovino (PARC), virose mortelle pour les bovins et autres animaux, consiste à éradiquer le virus par la vaccination du bétail et d'autres mesures de prévention.

Les services nationaux de l'élevage, si motivés soientils, ne peuvent agir seuls face à 180 millions d'animaux, un continent immense, de nombreuses zones difficiles et un climat chaud qui détruit les vaccins en quelques heures s'ils no sont pas réfrigérés.

Ces services ont besoin du soutien actif des propriétaires de bétail pour signaler la maladie, amener leurs animaux à la vaccination, les soumettre à d'autres traitements et éventuellement participer aux frais de la campagne, dont le montant s'est élevé à 64 millions de dollars durant les cinq premières années. La PARC, après le financement initial assuré par la Communauté européenne, envisage cette opération de recouvrement des coûts comme une étape vers l'autonomie financière des services de lélevage, qui est un autre objectif clé de la campagne.

A l'époque du lancement de la PARC, en 1986, les organisateurs n'avaient pas jugé utile de prévoir un volet communication. Puis, en 1988, conscient de la nécessité d'une participation active des éleveurs, le Bureau interafricain pour les ressources animales de l'Organisation de l'unité africaine (OUA/IBAR), coordinateur de la PARC, a progressivement introduit une composante de communication pour appuyer la campagne. Considérée au début avec méfiance par les vétérinaires les plus anciens, la communication est aujourd'hui totalement adoptée, et financée pratiquement par tous les projets nationaux de la PARC à hauteur de 5 à 7 pour cent de leur budget, en puisant souvent dans des fonds de réserve ou en faisant appel à des fonds publics.

La PARC fournit aux campagnes nationales un modéle de stratégie de communication: intensification du dialogue avec les éleveurs, pochette de matériel d'information et consignes pour l'adaptation de cette pochette au contexto de chaque pays, formation du personnel aux techniques de la communication, conseils pour renforcer le programme par une action de plaidoyer en direction des décideurs institutionnels.

Les tournées dans les communautés, le logo coloré de la PARC, les autocollants, les timbres-poste, les affiches, les dépliants, les tableaux à feufiles mohiles, les brochures, les banderoles, les programmes de radio et les spots télévisuels ont captivé l'attention du public et permis une prise de conscience du problème à travers tout le continent, et même au-delà. Les planificateurs nationaux ont, qùant à eux, pris l'habitude de consulter les éleveurs pour les associer systématiquement à la lutte contre la peste bovino et à la résolution des autres problèmes les concernant.

L'effort de communication de la PARC et la dissémination de la campagne a créé un effet de «bouche à oreille» qui, en se multipliant à l'infini, finira par éliminer la peste bovino.

 

 

«Les projets ont plus de chances de réussite si leur conception et leur exécution sappuient sur la participation de la population. Une étude de 30 projets de la Banque mondiale conduits dans les années 70 a fait apparaître un taux de rentabilité moyen de 18 pour cent pour les projets qui étaient jugés culturellement appropriés et un taux de 9 pour cent seulement pour ceux qui ne comportaient pas de mécanismes d'adaptation sociale et culturelle. Une étude plus précise de 52 projets de PUSAID a mis de même en évidence une forte corrélation entre démarche participative et réussite, surtout quand la participation se met en œuvre à travers des organisations créées et gérées par les bénéficiaires eux-mêmes. »Rapport sur le développement dans le monde 1992, Banque mondiale

 

En général, il est préférable d'organiser la formation du personnel national en communication pour le développement dans le pays lui-même, car cela permet de mieux prendre en compte ses besoins spécifiques et d'adapter la formation aux installations et équipements existants. Toutefois, l'introduction de techniques de production très spécialisées ou la nécessité d'assurer une formation universitaire de haut niveau peuvent parfois justifier des études à l'étranger.

Il peut s'avérer nécessaire d'arréter, au niveau national, un mandat précis pour les activités de communication pour le développement, afin que ce secteur soit légitimé et que les activités qui en découlent fassent l'objet d'une définition et d'une orientation officielles et reconnues par tous. Il serait, par exemple, très utile de préciser comment, avec quel mandat et dans quelles limites les médias et techniques de communication devront être utilisés pour assurer la mobilisation de la population pour la planification et la mise en ccuvre d'un développement durable. Cela permettrait de mieux exploiter les interfaces entre la communication au service du développement et l'information publique et d'éviter toute confusion avec ce qui reléve de la publicité ou de la propagande politique.

Un autre élément essentiel réside dans la formation d'un réseau d'agents de terrain, notamment des vulgarisateurs, pour qulils puissent, en utilisant les techniques et les outils de communication de proximité, prolonger et compléter l'action des médias par un dialogue dynamique avec la population. Les agents de terrain devront également être formés aux techniques de recueil dlinformation auprés des communautés rurales afin de faire circuler les informations utiles aux responsables de programmes de développement et décideurs institutionnels. Ces activités de liaison donneront à ces agents des responsabilités nouvelles et conforteront leur statut et leurs motivations professionnelles.

La communication pour améliorer les systèmes dInformation et de formation agricoles

Chacun sait que la liaison opérationnelle entre la recherche, la vulgarisation et les agriculteurs est très difficile à établir. Les nouvelles techniques agricoles mises au point par les chercheurs et diffusées par la vulgarisation n'ont pas toujours tenu compte de la situation et des problèmes réels des paysans. Les agriculteurs ont souvent constaté que les techniques qu'on leur proposait ne correspondaient ni à leurs besoins ni à leurs capacités. La stratégie dite du «transfert de technologie», n'a donc obtenu que de maigres résultats.

Aujourd'hui, les pays en développement souffrent d'une grave crise économique et le poids de la dette fait que les coûts de la recherche et des services de vulgarisation sont de plus en plus difficiles à supporter. On cherche actuellement à mettre au point de nouveaux systèmes de diffusion de l'information et des connaissances agricoles qui seraient techniquement efficaces, financièrement rentables et directement en prise avec les besoins de la population. Ici encore, la communication a un rôle important à jouer.

Un bon système d'information et de formation agricoles doit pouvoir mettre en rapport les besoins, les connaissances et le savoir-faire technique des trois groupes intéressés: les agriculteurs, les vulgarisateurs et les chercheurs. Des paquets technologiques appropriés pourraient être développés, diffusés et sans doute rapidement adoptés par les paysans s'ils sont associés à leur élaboration. Un autre résultat de ce processus participatif est que les scientifiques pourraient accorder la priorité aux problèmes techniques que les agriculteurs n'ont pas su résoudre seuls. Le principe de base d'un tel système est d'instituer un partenariat sur un pied d'égalité entre les trois groupes, agriculteurs, vulparisateurs et chercheurs, de façon à parvenir à une communication interactive et à un véritable partage des savoirs et savoirfaire. Quelle que soit la forme que revêt ce système, sa crédibilité et son efficacité reposeront sur une utilisation adéquate des méthodes, techniques et outils de communication.

Une aproche basée sur la demande paysanne

En Thaliande, un projet pilote de «vulgarisation participative» a incité les agriculteurs à faire connaître leur point de vue et à participer aux choix technologiques pour la mise en œuvre du programme national de culture du bié. Bien que cette culture soit relativement nouvelle et mal connue des paysans, leur concours a été jugé indispensable pour l'adapter aux conditions locales.

Les vulgarisateurs ont introduit les nouvelles pratiques culturales à l'aide de champs expérimentaux, de projections de diapositives et de visites intervillageoises et ils ont demandé aux agriculteurs de faire des observations et d'apporter toutes les modifications qu'ils jugeraient nécessaires. L'une des plus importantes a consisté à préférer l'ensemencement à la volée à l'ensemencement en ligne, en raison notamment de contraintes de temps et de main-d'œuvre. Mais le milieu physique a également influencé les choix: lensemencement en ligne a eu la préférence si les sois étaient sableux et si l'agriculteur disposait d'une charrue à main pour creuser un silion et recouvrir en même temps les semences déposées dans le silion adjacent.

Des réunions ont été organisées dans de nombreux villages pour présenter les innovations des agriculteurs les plus actifs, ce qui encourageait les autres à les adopter plus rapidement.

Naturellement, les modifications proposées n'ont pas toutes débouché sur un accroissement de production, mais l'innovation procéde par tâtonnements. L'échange d'informations, qui permet aux agriculteurs de comparer leurs expériences, et le fait d'être tenus au courant de technologies alternatives les ont encouragés à expérimenter. La leçon à tirer de cette expérience est que les agriculteurs doivent participer activement au choix et à l'évaluation des nouvelles technologies et être encouragés à communiquer entre eux pour échanger les résultats de leurs expériences.

 

Pour que l'information circule efficacement entre les trois groupes, il faut que le dialogue soit équilibré. Les opinions des paysans doivent avoir le même poids que celles des experts ou des chercheurs. Le macanisme à mettre en place doit être hasé sur la satisfaction de la demande et des besoins des agriculteurs en leur donnant la possibilité d'être réellement à l'origine de la recherche agricole et de recevoir les services de vulgarisation dont ils ont besoin et qu'ils ont demandés.

Cependant, il est souvent nécessaire d'apporter un appui aux agriculteurs pour qu'ils parviennent à identifier et analyser leurs problèmes, se mettre d'accord entre eux et acquérir suffisamment de confiance en eux-mêmes pour exprimer leurs idées devant des experts. La communication peut y contribuer, et les vulgarisateurs sont tout désignés pour le faire; pour cela, ils devront se transformer en agents de développement, capables d'utiliser efficacement les techniques et outils de communication en milieu paysan. Au lieu de se contenter de diffuser des thèmes techniques, ils devront apprendre à susciter le dialogue entre agriculteurs, à les aider à identifier leurs besoins, à prendre des décisions et à les mettre en œuvre.

Des réseaux d'information dessinés par les paysans

Après quatre heures de dessin et de discussions, un groupe d'agriculteurs philippins traduit sous forme de graphique son réseau de communication en matière d'agriculture. Cette représentation fait apparaître que les informations les plus utiles leur sont fournies par:

  • les paysans du village voisin qui ont partagé avec eux des semences améliorées de riz;
  • l'agent de vulgarisation qui les a aidés à organiser leur coopérative;
  • le fournisseur de pesticides qui les a encourages à utiliser ces produits;
  • le commerçant qui leur a procuré de l'urée en ville;
  • l'intermédiare qui leur a fourni les semences améliorées de chou;.
  • Les paysans qui s'est rendu à l'université pour s'informer sur une nouvelle maladie.

Tous ces partenaires ont été «représentés » sur le graphique, et des flèches montrent leurs relations réciproques. Le tableau indiquait par ailleurs à quel niveau se situait chacun d'entre eux (village, commune, région), de quelles informations il disposait et à qui il les délivrait.

Ainsi fut bâti, à la suite d'un diagnostic rapitle entrepris avec un petit groupe d'agriculteurs, le schéma du «système de communication et d'information des agriculteurs». Ce schéma s'est avéré un précieux instrument de dialogue avec les différents groupes constituant les communautés rurales pour identifier leurs besoins en matière d'information, connaître les interlocuteurs susceptibles d'y apporter des réponses, situer les sources d'information disponibles, répertorier les modes d'accès pour les agriculteurs.

Cet outil de communication peut appuyer une démarche de planification locale, en partant des besoins d'information exprimés par les communautés de base elles-mêmes, en les faisant connaître aux chercheurs et en recherchant les canaux les plus appropriés pour les

 

Ces mêmes agents de développement auront également la charge de transmettre aux chercheurs les informations provenant du monde agricole et, inversement, de diffuser les résultats de la recherche auprès des agriculteurs. La réorientation et la formation du personnel de vulgarisation est donc une tâche fondamentale.

Enfin, une telle démarche, si elle veut être réellement au service des agriculteurs, doit prendre en compte un élément fondamental: les spécialistes de l'agriculture ne pourront développer des technologies appropriées que s'ils ont une parfaite connaissance de la situation sur le terrain, s'ils savent apprécier la valeur du savoir paysan et s'ils comprennent les motivations profondes du monde rural. Les outils de communication interactive sont à même d'aider les chercheurs à obtenir des informations directes sur les facteurs socioéconomiques et humains qui conditionnent le développement du monde rural.

La communication pour le développement: un défi pour les planificateurs

La mise en œuvre d'un programme de communication au service du développement implique une démarche progressive et prudente, car il s'agit, pour les pouvoirs publics, d'engager un dialogue authentique avec la population rurale; un tel processus n'est pas toujours compatible avec les impératifs administratifs ou financiers que connaissent les gouvernements pour l'exécution de projets ou de programmes de développement.

Le même problème se pose au niveau des organismes internationaux de développement. Sont-ils vraiment capables d'aller au-delà de leurs méthodes routinières de planification, généralement fondées sur l'analyse de données techniques ou de consultations souvent limitées à des fonctionnaires et, dans le meilleur des cas, sur de rapides missions d'identification des besoins du monde rural? Les organismes de développement peuvent-ils faire preuve de plus d'imagination et de souplesse et accepter le défi d'une programmation faite sur le terrain, en lien étroit avec les communautés de base, même si cet exercice doit conduire à bouleverser les habitudes, à faire surgir des objectifs et des contraintes imprévos et à modifier les échéances?

Les changements socioéconomiques en profondeur demandent du temps; dès lors, les planificateurs doivent se demander comment ce facteur peut être pris en compte dans les procédures de financement, de planification, de mise en œuvre, de suivi et d'évaluation des programmes de développement.

La communication, en mettant l'accent sur les facteurs humains, peut, notamment en période de grandes mutations socioéconomiques comme celle que nous connaissons, ouvrir des voies jusqu'ici inexplorées dans le domaine du développement.

Exploiter toutes les potentialités de la communication pour les mettre au service du développement, voilà le défi auquel nous sommes confrontés pour construire notre avenir.

LES SERVICES DE LA FAO

Assistance technique en matière de communication

La FAO peut fournir aux gouvernements divers types d'assistance dans le domaine de la communication pour le développement.

Conseils pour la définition et la mise en œuvre d'une politique de communication pour le développement, pour susciter et encourager la participation de la population aux programmes de développement et pour améliorer l'efficacité des outils de formation. La communication est encore trop souvent assimilée à de la publicité ou à de la propagande. Il est important pour les décideurs et les planificateurs de bien identifier le rôle et les fonctions spécifiques de la communication pour atteindre les objectifs du développement.

Evaluation des besoins et des priorités en matière de communication au niveau national afin de les intagrer dans la planification et la formulation de projets ou de programmes de développement.

Assistance pour la formulation de projets de communication au service des programmes de développement. Ces projets peuvent poursuivre des objectifs très diversifiés: intégration de la communication au plus haut niveau de la planification du développement, mise en place d'une stratégie de communication exploitant une combinaison de différents médias, comme la radio, la vidéo, la communication interpersonnelle ou les moyens traditionnels de communication; appui à la mise en œuvre de programmes spécifiques dans différents secteurs du développement: production agricole protection de l'environnement, élevage, population, nutrition, etc.

Appui technique et opérationnel pour la mise en œuvre de projets de communication, s'agissant notamment de recrutement d'experts ou de consultants, de conseils en matière d'équipements de communication, de gestion des achats de matériels, de formation du personnel aux différents aspects de la communication pour le développement, de suivi et d'évaluation.

«La coopération ... vise à ... assurer aux peuples des pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique une meilleure information pour les aider à maîtriser leur développement, à travers la mise en œuvre de projets économiques, sociaux et culturels utilisant largement les techniques de communication et prenant en compte les systèmes traditionnels de communication.»

Convention de Lomé IV entre les pays d'Afrique,
des Caraïbes et du Pacifique et la Communauté européenne, Article 149

 

«Des campagnes devraient être lancées pour renforcer la sensibilisation des opinions publiques sur la nécessité d'une agriculture et d'un développement rural durables.»

Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement (CNUED), Adoption des accords sur l'environnement et le développement, Action 21, Rio de Janeiro

«Plus que les ressources naturelles, plus que la main-d'oeuvre à bon marché, plus que le capital financier, la connaissance devient le facteur dé de la production.»

Bulletin de recherche sur la politique de la Banque mondiale, avril/mai 1992

 


A propos de cette brochure

Cette brochure a été rédigée par Colin Fraser et Jonathan Villet. Elle reflète non seulement l'expérience et les recherches des auters, mais aussi, dans une large mesure, celles de la Sous-Division de la Communication, Division de l'information, FAO.

Le Chef de cette sous-division, Silvia Balit, le personnel permanent à Rome et les experts sur le terrain ont largement contribué à enrichir son contenu. Les photos sont de G.Bizzarri, F. Botts, G. Coldevin, C. Errath, R. Faidutti, F. Mcdougall, P. Nivan, R. Ramirez, M. I. Roque, the Rural Communication Center (Dominique), J. Sultan, I. Velez, J. Villet et A. Wolstad.

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