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3. DEVELOPPEMENT DE L'AQUACULTURE EN CAGES ET EN ENCLOS

Des propositions pour l'orientation d'un développement de l'aquaculture sur le lac Itasy sont présentées ci-dessous. Un ingénieur halieute malgache, qui a commencé dès le mois d'août 1988 une étude technico-économique sur ce suject, approfondira les réflections et permettra d'obtenir les données nécessaires pour mettre au point les techniques à mettre en oeuvre dans la phase initiale de ce développement.

3.1 CHOIX TECHNIQUES

3.1.1 Choix d'espèces

Dans un premier temps on doit considérer les espèces déjà présentes dans le lac, parce que si elles s'épanouissent dans ce milieu c'est une garantie de leur adaptation aux conditions du lac et aussi parce que sans étude préalable il ne faudra pas prendre de risque en introduisant une nouvelle espèce dans l'écologie du lac. En fait, deux espèces promettantes, dont la croissance est intéressante, existent dans le lac et pourraient faire l'objet de premières études en aquaculture.

a) Tilapia nilotica

Cette espèce, devenue dominante dans le lac, présente plusieurs avantages:

Le Tilapia nilotica a pourtant le désavantage de ne pas être performant à des températures en dessous de 20°C: pas de croissance, pas de reproduction.

b) Cyprinus carpio (carpe commune, var. royale)

Cette espèce est très appréciée par les Malgaches, et présente les caractéristiques suivantes:

c) Une troisième espèce, Tilapia rendalli, présente dans le lac pourrait avoir un certain intérêt comme complément aux autres espèces. (Macro) Phytophage, elle pourrait être utile à basse densité d'empoissonnement dans le cas d'un développement excessif des algues sur les grillages, pour servir de poisson “nettoyeur”.

3.1.2 Choix des sites

Voir carte en annexe. Il est possible d'indiquer des zones du lac qui semblent être propres à l'installation de cages en enclos compte tenu des contraintes indiquées ci-dessus. Dans les mois à venir des observations supplémentaires seront effectuées au sujet des vents et des courants, notamment en saison d'orages, en novembre et décembre. Il faudra également étudier les sites susceptibles d'être aménagés de manière plus extensive, où (comme à l'exutoire du lac) des apports en aliments naturels (plancton) pourraient être importants. La “piscine” pourrait, elle aussi, être un site à considérer, avec le flux constant des eaux sortant du lac, mais une étude limnologique de ce petit plan d'eau sera nécessaire tenaut compte de certaines caractéristiques (profondeur-retournements au début de la saison des pluies).

Les premiers essais seront conduits dans le col du lac (enclos), la côte nord (cages et enclos), et la baie d'Ambatoboro (cages). La location précise des installations sera déterminée par les critères suivants:

Suite aux études limnologiques (par exemple variations de niveau) et sous réserve de conditions humaines favorables (proximité d'une communauté motivée), certains des petits lacs environnants pourraient être exploités au cours d'une deuxième phase.

3.1.3 Cages ou enclos

Des deux options (cages ou enclos) chacune présente des avantages et des inconvénients.

Les cages flottantes sont mobiles et ne seront pas gênées par les fluctuations du niveau du lac; généralement elles sont empoissonnées à des densités plus élevées et se prêtent à des techniques plus intensives. Situées au large dans les eaux plus profondes elles sont en sécurité, loin du passage des riverains. La flottaison représentant une partie importante de l'investissement, il serait souhaitable, dans le milieu paysan, de concevoir des cages sur supports fixes, enfoncées dans le fond (bambou disponible localement). Ceci est faisable étant donné que le lac est peu profond; ainsi on peut périodiquement ajuster la position des cages suivant le niveau du lac.

Les enclos sont fixes ce qui rend difficile leur construction dans le cas où les fluctuations du niveau sont importantes comme c'est le cas au lac Itasy. Cependant ils se prêtent à des techniques du type semi-intensif. Empoissonnés à des densités plus basses que les cages, la contribution des aliments naturels peut y être plus importante et il est même possible de les y faire croître avec des techniques du type “acadja” par exemple. Les aliments pulvérisants ou “moins complets” sont plus faciles à utiliser qu'en cages. Ils sont moins coûteux à construire que les cages, surtout sur les grandes superficies. Le milieu, comprenant le fond du lac, devrait être bien exploité par les carpes, espèce appréciée.

Les premières expériences sur le lac devraient examiner les deux possibilités afin d'identifier les méthodes les plus performantes dans les conditions du milieu.

3.1.4 Matériel de construction

Des investissements trop élevés représentent une contrainte sérieuse pour ce qui est de l'introduction de l'aquaculture et la recherche sur les matériaux, afin d'identifier des fournitures locales et bon marché, sera d'une grande importance.

Grillages pour cages/enclos: les matériaux classiques des élevages intensifs (filet tissé sans noeud type “chalut”, grillages en plastique rigide type “nortène, netlon”) ne sont pas disponibles localement pour le moment et devraient être importés par le projet. Bien que le consultant n'ait pu le confirmer, il semble que, sur les côtes malgaches, les chalutiers importent leur matériel de pêche, et que seulement de petites quantités de ce type de filet se trouvent sur le marché dans les villes portuaires (à prix élevé). De la même manière, le consultant n'a pas pu confirmer l'existence des machines à tisser de filets qui appartiendraient à la société VATSY de Antananarivo; malheureusement la totalité du personnel de la société était en congé. D'après la société FIMAPILA (importatrice de matériel de pêche) ces machines n'auraient pas fonctionné depuis plus de deux ans. La seule solution locale serait de faire tisser les filets par les pêcheurs eux-mêmes, avec du fil cablé (disponible sur le marché). Les pêcheurs sont très habiles dans le tissage de filets; il faudrait qu'ils soient disponibles pour ce travail (petite maille, grandes surfaces), l'investissement financier des éleveurs serait alors moins onéreux ou permettrait la création d'emplois, même si le coût final des filets n'était pas moins élevé.

En dernier recours on peut toujours utiliser du grillage en plastique rigide qui a l'avantage d'une durée de vie plus longue (5 ans pour le filet, 10 ans pour le grillage rigide).

Supports/cadres rigides: le bambou (moins cher) et le bois sont produits à Madagascar et formeront l'essentiel de ces structures. Le petit matériel (quincaillerie, etc.) sera acheté localement.

Flottaison: pour les cages elle sera assurée par des bidons en plastique de récupération (30 à 100 1) disponibles à Antsirabé et Antananarivo) ou des fûts vides de 200 litres.

Installation des enclos: les enclos pourraient être installés suivant la méthode “hydraulique” décrite par Hem (1982). Cette méthode assure une bonne sécurité des structures en enfonçant efficacement grillage et supports (voir figure 5).

3.1.5 Alevinage

Avant d'initier un développement de l'aquaculture il faut assurer un approvisionnement suffisant en alevins. Dans l'immédiat deux stations dans la zone du projet pourraient fournir des alevins, Miarinarivo et Kianjasoa. Si l'aquaculture se développe, la production des alevins dans de nouvelles infrastructures devrait être prévue à temps; celle-ci pourrait être en étang, mais des alternatives comme la reproduction de tilapia en cages, ou la récolte dans le lac de fingerlings par les pêcheurs, doivent être étudiées.

Carpe: Les techniques de reproduction de la carpe sont trés répandues à Madagascar, et il existe de nombreuses stations étatiques qui ont un programme de production d'alevins. Cependant la demande en alevins pour la rizipisciculture dépasse l'offre. Il est donc entendu qu'un programme de développement de l'aquaculture vise à augmenter la production d'alevins de carpe dans la zone du lac Itasy. Une politique se dessine dans le programme du gouvernement pour “privatiser” une partie de la production des alevins. Dans le cas de la région du lac Itasy, cette même politique doit être appliquée, tout en assurant une production accrue dans la station de Miarinarivo.

Tilapia: Des stocks de géniteurs de Tilapia nilotica sont en cours de constitution dans différentes stations, dans le but d'initier la reproduction de cette espèce.

L'alevinage de tilapia dans les stations existantes est possible sans que cela diminue l'effort de production des alevins de carpe, dont une grande quantité est nécessaire pour la rizipisciculture. Pour ce faire, un calendrier typique est proposé (tableau 5). La saison de reproduction de la carpe est relativement courte, allant de fin septembre à la mi-décembre. Les géniteurs de tilapia seront mis en pose à partir de décembre au fur et à mesure que les étangs seront libérés par les alevins de carpe livrés aux paysans. La production des alevins de tilapia continuerait pendant les mois chauds de décembre à mai; de juin à août, pendant la saison froide, les alevins et fingerlings produits seront mis en stockage à la sation ou chez l'éleveur. En septembre au moment de la hausse de la température, ils seront empoissonnés dans les structures d'élevage.

Si chacune des deux stations dans la zone du lac Itasy peut consacrer environ 60 ares de surface à l'alevinage de tilapia pendant 4–6 mois (ce qui réserve largement assez de temps pour le stockage de géniteurs de carpe, et la préparation de prégéniteurs) on peut estimer la capacité maximale de production à 100 000 alevins. En réalité pendant les premiers deux ans d'opération on peut escompter environ 50 000 alevins/an par station dont 50% de taille sexable.

3.1.6 Empoissonnement/intensité d'élevage

Les taux d'empoissonnement des cages/enclos dépendent de plusieurs critères et feront l'objet d'une recherche:

Dans un premier temps les élevages pourraient être semi-intensifs en enclos (5 à 10/m2) et intensifs en cages (50 à 100/m3). Les carpes et tilapias seront élevés en monoculture en cages et en polyculture en enclos. Les tilapias seront sexés et les mâles retenus pour grossissement.

3.1.7 Alimentation du poisson

Comme dans tout élevage intensif, la nutrition des poissons est l'un des facteurs les plus importants. Compte tenu de la variété restreinte des ingrédients locaux employés dans un aliment, et de l'absence totale à Madagascar d'une industrie de préparation d'aliments de bétail, des solutions simples, locales et peu chères doivent être prévues.

Formulation: il existe deux sous-produits agricoles produits autour du lac Itasy qui pourraient servir pour l'élevage de poisson - les issues de riz (son et produits de polissage), et tourteaux d'arachide (d'un procédé artisanal d'extraction incomplète). Ces ingrédients pourraient servir de base pour deux types d'aliment:

Aliment binaire:50% issues de riz (prix moyen = FMG 50/kg)
50% tourteaux d'arachide (prix moyen = FMG 200/kg)
dosant environ 25% protéine, 15% MG en estimant que le taux de MG des tourteaux est deux fois plus élevé qu'après une extraction mécanique habituelle
Prix de revient estimé des ingrédients = FMG 125/kg
Prix de revient estimé chez l'éleveur = FMG 150/kg
Taux de conversion thēorique: 3,5
Aliment plus complet:45% issues de riz
20% tourteaux d'arachide
20% tourteaux de soja (prix rendu Miara = FMG 275/kg)
10% poisson sec (prix rendu Miara = FMG 600/kg)
5% farine de sang (prix moyen = FMG 250/kg)
dosant environ 30% protéine
Prix de revient estimé des ingrédients = FMG 190/kg
Prix de revient estimé chez l'éleveur = FMG 250/kg
Taux de conversion théorique: 2,5

La préparation des aliments de bétail est prévue par le projet dans une installation à mettre en place à Ampefy, ville équipée de courant en permanence. La préparation de l'aliment de poisson sera facilement incluse.

Conditionnement: Ceci est trés important pour l'efficacité de l'ingestion de l'aliment par le poisson. Il existe trois possibilités:

L'idéal serait un aliment sous forme de granulés homogènes, de dimension standard, qui restent assez longtemps intacts en contact avec l'eau. Cette préparation est coûteuse et exige un procédé particulier.

Autrement on peut se servir d'aliments en poudre; ces derniers ont l'avantage de pouvoir être préparés par l'éleveur à un coût minime. Cependant, il est nécessaire de les distribuer de manière efficace pour éviter au maximum les pertes à travers les mailles.

Un conditionnement intermédiaire est possible en préparant des morceaux en suivant un procédé artisanal. Les ingrédients sont préparés à l'état humide et passés par un hachoir à viande manuel; les “spaghetti” d'aliment sont séchés au soleil et si nécessaire cassés avant distribution aux poissons.

Distribution: les poissons seront nourris deux fois par jour. La ration journalière sera de l'ordre de 2% à 4% de la biomasse, mais dans le cas du lac Itasy, cette ration variera selon les saisons. La ration sera à moduler en fonction de l'appétit des poissons.

La distribution se fera de manière à éviter les pertes à travers les mailles. Dans le cas des aliments en poudre, l'utilisation des “mangeoires” est nécessaire. La mangeaoire est fabriquée avec du matériel (filet en couches multiples, tissu ouvert, conteneur rigide percé) qui permet de libérer progressivement l'aliment dans la cage, avec un système actionné de préférence par les poissons eux-mêmes.

3.1.8 Calendrier/durée d'élevage (voir tableau 5)

La plupart des activités d'élevage se feront pendant les mois les plus chauds (septembre à mai). Dans le cas des carpes, surtout en enclos, on pourrait continuer l'élevage pendant la saison froide mais avec un taux de croissance réduit.

Deux calendriers alternatifs sont proposés pour les enclos. Le premier (option I) correspond à la saison chaude et doit donc tenir compte du niveau d'eau le plus haut et le plus bas; dans ce cas, la construction d'un mur de grillage d'environ 3,75 m serait nécessaire. La deuxième option (II) est plus économique; l'élevage se fera de mars à décembre, donc pendant la saison froide mais en évitant les hautes eaux de février. Dans ce cas le grillage fera environ 2,75 m (quasiment 30% moins cher). La vidange s'effectue en décembre avant les hautes eaux pour éviter des problèmes de capture, et coïncide avec la saison de fermeture de la pêche ce qui est favorable à la commercialisation.

3.1.9 Commercialisation

Le poisson est une denrée appréciée par le consommateur malgache, et constitue un élément régulier de son régime alimentaire avec un taux de consommation national de 5,8 kg par habitant en 1985. Le poisson, notamment le poisson d'eau douce, se trouve sur tous les marchés, en milieu rural et en milieu urbain. Le principal marché est celui d'Antananarivo, situé à 130 km du projet, où est commercialisée une grande partie des produits de la pêche du lac Itasy. Les circuits de commercialisation existants sont ceux adaptés à l'activité de la pêcheachat du poisson chez les pêcheurs par des collecteurs (souvent sur l'eau), transport aux marchés à travers un ou deux intermédiaires avant la vente au détail aux consommateurs.

Les prix pratiqués sont variables et pour de plus amples renseignements des informations pourraient être obtenues par le projet MAG/85/014. Les prix signalés pour les grands tilapias en 1985 par Matthes sont les suivants:

A l'heure actuelle les prix ne semblent pas avoir augmenté de plus de 20–30% depuis 1985, mais les prix varient d'étal à étal, de marché. Il semble que la qualité agisse sur le prix de vente au consommateur; au marché central d'Antananarivo le poisson vendu vivant commande une prime de 20 à 30% (parfois plus) sur le prix pratiqué pour le poisson transporté sur glace des lacs lointains (jusqu'à FMG 3 000/kg).

En ce qui concerne l'aquaculture, il serait raisonnable de viser un prix de vente de l'ordre de FMG 1 500/kg. Ce prix suppose un débouché qui élimine le collecteur sur le lac, mettant directement le poisson chez les revendeurs sur les marchés. Il serait important de commercialiser un produit d'excellente qualité pour concurrencer favourablement le produit de la pêche.


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