L'importance de l'upwelling sur le recrutement et l'abondance des stocks de sardinelles a été montrée dans de nombreuses publications (ORSTOM/FRU, 1976; Binet, 1983; Fréon, 1986; Cury et Roy, 1987).
Les implications pour la modélisation et l'aménagement ont été discutées par Gulland et Garcia (1984) et les modèles utilisés pour l'étude des relations pêche/climat peuvent être appréhendés en introduisant des indices d'upwelling dans les modèles globaux (Fréon, 1986; Cury et Roy, 1987).
10.1.1 Modèles globaux
Sardinella aurita
Binet (1983), Gulland et Garcia (1984) et Fréon (1986), montrent la limitation qu'il y a à utiliser un même modèle pour interpréter les fluctuations de prises ou de PUE sur toute la série historique (1966–1986). En effet, lors de l'effondrement du stock, celui-ci ne semble pas réagir aux fluctuations climatiques de la même façon qu'en phase d'abondance. Il aurait donc deux états, l'un de pauvre abondance, l'autre prospère pour lesquels les réactions aux fluctuations climatiques diffèrent. Il apparaît par conséquent difficile d'appréhender la dynamique de S. aurita à travers un modèle unique. Des travaux supplémentaires sont nécessaires, prévus dans le cadre du Programme Climat-Pêche de l'ORSTOM.
Sardinella maderensis
Pour cette espèce le problème semble plus facile à appréhender car elle n'a pas connu de phase d'extinction de son stock.
Le modèle utilisé pour analyser l'évolution des PUE en relation avec l'effort de pêche et les indices d'upwelling est de la forme:
PUEi = e-Ao f (B upwi + C upwi-1) + r
avec i = indice de l'année
i-1 = indice de l'annnée antérieure
Ao, B et C = constantes
r = résidu
Dans le cadre du groupe de travail le modèle a été utilisé pour analyser l'évolution des PUE de Sardinella maderensis des senneurs industriels au large de la Côte d'Ivoire. Les indices d'upwellings sont ceux mesurés au Ghana et l'effort de pêche retenu est celui mesuré en nombre de jours de recherche.
Les valeurs observées de PUE ainsi que les valeurs ajustées à l'aide de ce modèle sont présentées à la figure 27. On note une contribution significative des deux indices d'upwelling (année i et i-l) avec une importance forte de la valeur de l'indice d'upwelling de l'année i-l, ce qui semble indiquer un effet du climat sur le recrutement. L'effét de l'effort de pêche sur l'abondance est également important et explique en partie l'accroissement des PUE dans la période récente où l'effort de pêche a décru (depuis 1973).
Conclusion: Le modèle ainsi utilisé permet de simuler assez fidèlement les variations historiques du stock. Connaissant l'effort de pêche de l'année n+l et l'indice d'upwelling de l'année n on devrait déjà pouvoir effectuer des prédictions utilisables.
Remarque: L'idée d'utiliser les indices d'upwellings mesurés à Port-Bouët et de prendre en compte les captures des filets tournants de la pêche artisanale ivoirienne (qui s'est développée depuis 1982) et celles réalisées au Ghana, a été retenue. Un effort théorique a été calculé en divisant cette prise depuis 1982 par la PUE des senneurs abidjannais et un nouvel ajustement du modèle aux données observées réalisé mais les résultats obtenus ont été jugé peu satisfaisants.
10.1.2 Modèle analytique
Il n'a pas été possible de se livrer à quelque modèle analytique que ce soit sur l'une ou l'autre espèce. Ceci est principalement lié à l'absence de table complète de fréquences de taille pondérées et extrapolées dont on pourrait tirer des tables démographiques et des analyses de cohortes. Le faible taux d'échantillonnage des diverses pêcheries en cause interdit en effet cet exercice. A titre d'exemple, il a toutefois été fait pour les pêcheries artisanales ghanéennes de 1982 (annexe 4).
Le groupe exprime sa préoccupation devant cette carence qui ne fait que prolonger les situations antérieures regrettables. Des dispositions visant à disposer d'une telle table démographique pour les deux espèces dans un proche avenir doivent être prises. La capacité à prédire les bonnes années et les effondrements en dépend.
10.1.3 Conclusion sur l'état des stocks de sardinella
Sardinella aurita
L'état actuel d'exploitation du stock de S. aurita n'est pas connu avec précision, mais on note les éléments suivants:
fortes captures récentes en 1983, 1985, 1986. L'anné 1985 constitue même un record historique;
bons indices d'upwelling consécutifs de 1979 à 1986;
mauvais indices préalables d'upwelling en 1987 dont la climatologie se compare à celle de 1968 d'où une probabilité élevée d'un mauvais recrutement en 1987. Ceci devant être vérifié au plus vite;
captures élevées sur la classe d'âge 0+ en 1986 par la pêche artisanale ghanéenne et nette diminution en 1987 de l'abondance de la classe 1986 qui paraît avoir été décimée par la pêche artisanale à la senne tournante et transformée en farine dès 1986 (selon des indications fournies par M. Koranteng);
captures surtout sur la classe d'âge 2+ en 1987 en Côte d'Ivoire (pas d'apparition de la classe 1986) ce qui tendrait à confirmer que la classe 1986 a été décimée.
Sur ces éléments, le groupe s'est livré à un travail de prospective qui est détaillé à l'annexe 5 et il apparaît que les captures 1988 seront vraisemblablement faibles et qu'il existe un risque non-négligeable d'effondrement du stock de S. aurita en 1988.
Sardinella maderensis
L'état du (ou des) stock (s) n'est pas facile à appréhender. Si l'on admet que la ZEE ivoirienne correspond assez bien à un stock, le modèle prédicatif global, fonction des indices d'upwelling et de l'effort total de Côte d'Ivoire, indique un niveau d'abondance (PUE) élévé (figure 27).
Pour les autres zones de pêche, en particulier la ZEE ghanéenne, il n'y a pas de conclusion actuellement disponible.
Les captures d'anchois dans la zone considérée sont surtout effectuées par la pêcherie artisanale ghanéenne (sennes tournantes et sennes de plage) à l'est du Cap Trois Pointes (tableau 5). Les captures de cette pêcherie sur la période 1972–1986 fluctuent autour de deux tendances principales, croissance de 1972 à 1981 puis décroissance.
On note la prépondérance des captures d'anchois dans la pêcherie artisanale ghanéenne comparées aux S. aurita et S. maderensis. La saison de pêche traditionnelle va de septembre à décembre juste après la saison des sardinelles. Les lieux de pêche se trouvent surtout vers le Cap St Paul (est du Ghana). On note également que les thoniers canneurs qui s'approvisionnent en appât sur le même stock au voisinage de Tema, semblent capturer plus facilement les anchois de septembre à décembre (annexe 6).
Le groupe de travail a disposé de deux types de PUE provenant des pêches artisanales ghanéennes, l'un des sennes de plage, l'autre des Poli/Ali, pour 1972–1986 (figure 28). Ces deux PUE montrent des fluctuations modérées sans tendance évidente. Après discussion il apparaît que ces PUE sont dépendantes du succès des pêches de sardinelles, et donc de l'intérêt économique de la pêche des anchois comparée celle des sardinelles. Ce semble être le cas en particulier en 1981. Il y aurait donc transfert d'effort vers l'anchois quand la pêche à la sardinelle est défavorable. Ce transfert compliquerait sérieusement l'analyse comparée des variations d'abondance des différentes espèces pélagiques.
Les tailles pêchées au Ghana sont généralement de 5 à 10 cm bien que l'on ne dispose pas d'échantillonnages de taille régulière. Au Togo, la gamme de taille capturée par les filets Watsa (senne tournante coulissante) s'étend de 3 à 11 cm avec une taille moyenne mensuelle relativement constante tout au long de l'année aux environs de 6 cm (Faggianelli, 1984).
Il est donc difficile de conclure actuellement sur l'état actuel du ou des stock(s) d'anchois liés à l'upwelling ivoiroghanéen. Si l'on considère l'importance réelle des débarquements, et la valeur économique qui en découle, il apparaît que l'on doit faire beaucoup plus d'études sur cette espèce en relation avec les autres petits pélagiques de l'upwelling.
Les quantités pêchées apparaissent relativement faibles par rapport aux autres espèces, excepté en 1986.
En Côte d'Ivoire, le stock a complètement disparu de 1973 à 1982 et est suivi à partir de 1983 d'un constant recouvrement.
Au Ghana, la très grosse quantité de 13 000 t débarquée en 1986 provient uniquement de la pêche artisanale. Cependant les individus capturés à ce moment avaient la même taille que ceux de S. aurita, c'est-à-dire 9–10 cm. Il semble donc qu'il s'agisse d'un pic de recrutement. Il apparaît pourtant qu'il n'y a pas eu de captures importantes de maquereaux en 1987, où est donc passé ce recrutement?
Sachant que S. japonicus vit 5–6 ans, ces observations sont étonnantes et ne permettent pas d'expliquer la dynamique de cette espèce. Les données doivent être collectées à beaucoup plus long terme pour pouvoir tirer des conclusions. Il est donc crucial d'effectuer des mensurations de fréquence de taille du maquereau dès qu'il réapparaît dans la pêcherie.
