Les projets participatifs visent à constituer des organisations autodépendantes à ras de terre en milieu rural, en favorisant la constitution de groupes de ruraux pauvres et en incitant les organismes de prestations de services à diriger davantage de leurs ressources vers les pauvres, par le truchement de ces organisations.
L'expérience a montré que ce processus de renforcement des institutions exige en principe beaucoup de temps. Il suppose l'introduction d'un processus participatif d'apprentissage qui permet progressivement aux ruraux pauvres d'acquérir les capacités d'organisation, de résolution des problèmes en groupes et d'initiative collective qu'ils n'avaient pas auparavant.
Le PG a un rôle charnière dans la mise en mouvement et le renforcement de la dynamique de ce processus d'apprentissage, dans ses phases initiales. Mais il est par ailleurs tout aussi important de savoir reconnaître à quel moment un groupe est parvenu à l'autonomie, et n'a plus besoin d'un concours spécial du projet.
Indicateurs de l'autonomie du groupe
Le personnel de projet peut se fonder sur plusieurs indicateurs pour mesurer les progrès effectués par les groupes. On retiendra notamment:
Régularité des réunions de groupes et degré de participation des membres. Ces deux indicateurs témoignent clairement des bénéfices que les membres retirent du processus d'apprentissage. Lorsque la régularité des réunions et un bon taux de participation se maintiennent en l'absence du PG, le groupe est de toute évidence bien avancé sur la voie de l'autonomie.
Partage de la conduite du groupe et participation des membres au processus décisionnel collectif. Les groupes dans lesquels les responsabilités et l'initiative sont partagés, et dans lesquels on constate un degré élevé de participation à la prise de décisions ont tendance à apprendre plus rapidement et à élargir la répartition des initiatives davantage que ceux dans lesquels ces responsabilités sont le monopole d'une minorité. Ces derniers groupes ont tendance à être beaucoup plus vulnérables aux crises de direction et sont moins à même d'assurer leur autonomie dans la durée.
Croissance continue de l'épargne de groupe. La capacité du groupe d'accumuler de l'épargne est une mesure essentielle de la confiance et de la détermination financière des membres vis-à-vis des activités collectives. Elle est aussi un bon indicateur de la rentabilité de l'activité de groupe, et de la capacité financière de celui-ci à affronter le risque et l'adversité. Les groupes qui n'épargnent pas, ou très peu, ont une moindre probabilité de parvenir rapidement à l'autodépendance.
Taux élevés de remboursement des prêts. La capacité du groupe à rembourser les prêts dans les délais impartis est un autre indicateur de la discipline financière collective, ainsi que de la rentabilité de son activité génératrice de revenus.
Résolution de problèmes en groupe. La capacité du groupe de résoudre ses problèmes et de prendre des initiatives pour assurer son autodéveloppement en l'absence du PG indique le degré de confiance qu'ont ses membres en leurs propres capacités.
Liens directs avec les services de développement. L'autonomie d'un groupe est aussi fonction de sa capacité à entretenir lui-même des liens avec les services de développement gouvernementaux, ou des ONG, en l'absence du personnel de projet.
Suivi de l'évolution en direction de l'autonomie
Il importe d'enseigner au groupe comment suivre son évolution vers l'autonomie. Les systèmes de suivi permanent et d'évaluation continue du groupe devraient viser à suivre cette évolution au moyen d'un petit ensemble d'indicateurs simples de classement. Ces indicateurs pourront être élaborés à l'occasion de réunions de groupe, tous les membres essayant de chiffrer les progrès effectués par leur groupe au regard d'un petit nombre de variables permettant de juger de l'autonomie atteinte, par exemple la régularité des réunions, la participation à celles-ci, et la croissance de l'épargne, et en donnant des notes indiquant que les résultats sont bons, satisfaisants ou insuffisants.
Les PG peuvent aussi adopter un système de suivi de l'autonomie du groupe, par exemple à partir d'un examen du journal et des registres de celui-ci. A l'échelon du projet, ce suivi peut être assuré au moyen de réunions fréquentes des PG, qui examineront alors, groupe par groupe, les progrès accomplis, ainsi que grâce à des enquêtes périodiques sur échantillon effectuées auprès de groupes pris au hasard.
Une belle réussite en Sierra Leone
Trois ans après l'achèvement du projet PPP en Sierra Leone, les groupes de petits agriculteurs que celui-ci avait aidé à constituer (ci-dessous) participent activement à l'action de développement rural.
«La participation aux activités de groupes a continué de se développer à mesure que les personnes extérieures constatent les avantages du travail de groupe», rapporte un consultant de la FAO après s'être rendu dans la zone du projet. «Les villages PPP ont entrepris plusieurs projets de développement communautaire, réunissent des fonds pour construire des écoles, des ponts et des greniers à céréales.»
Ce visiteur a constaté que les groupes continuaient d'épargner et d'investir leur capital dans des projets de construction et de petites entreprises. Les groupes continuaient de tenir des registres.
Deux anciens PG avaient constitué des associations de travailleurs ruraux qui entretenaient des rapports réguliers avec des vulgarisateurs du service public et avec les chefs locaux pour discuter d'idées de projets et coordonner la livraison des intrants agricoles.
«L'examen de passage»
Le programme de promotion des petits agriculteurs au Népal établit des critères permettant de juger si les groupes participatifs ont progressé au point qu'ils n'ont plus besoin d'un concours spécial.
En 1988, le programme a décidé que les groupes de petits agriculteurs qui fonctionnaient depuis plus de 10 ans et qui étaient implantés à proximité d'organismes de développement pourraient être considérés comme ayant réussi l'«examen de passage». Au sein de ces groupes, les «lauréats» seraient les membres qui avaient accumulé des moyens de production, avaient un emploi non agricole stable, satisfaisaient aux besoins fondamentaux de leur famille par leur propre revenu net, et étaient réputés solvables.
Le programme a admis qu'il restait à résoudre quelques questions fondamentales, par exemple celle de savoir si l'on pouvait considérer que c'était des membres individuels ou des groupes tout entiers qui franchissaient le cap de l'autonomie.