En ce qui concerne la théorie et la pratique en matière de promotion de l'auto-assistance, il est intéressant de noter que les principaux concepts tels qu'auto-assistance, organisations d'auto-assistance (OAA), promotion d'auto-assistance sont soit pas définis, définis de manière ambiguë, soit même utilisés dans des sens contradictoires.
Tout d'abord, il faut faire une différence entre l'initiative personnelle et l'auto-assistance au sein d'un groupe. L'initiative personnelle étant l'effort déployé par un individu pour atteindre ses objectifs, doit être considérée comme la motivation la plus forte dans le cadre de n'importe quelle activité économique.
L'auto-assistance au sein d'un groupe entre en jeu lorsque les efforts déployés par un individu ne lui permettent pas d'atteindre les objectifs fixés.
Les organisations d'auto-assistance sont des organisations au sein desquelles se regroupent des individus sur la base d'un intérêt commun et qui joignent leurs efforts en vue d'améliorer leur condition de vie.
Selon cette définition au sens large, les organisations d'auto-assistance se caractérisent par:
un groupe d'individus,
l'intention de s'entraider (motivation d'auto-assistance), et
l'apport d'avantages aux membres.
Münkner (Münkner 1990:3) donne une définition plus concrète des organisations d'auto-assistance: les organisations d'auto-assistance sont des formes institutionnalisées de coopératives d'auto-assistance, avec ou sans cellule de fonctionnement, pour une période limitée, qui se distinguent des autres organisations (économiques) par les critères suivants:
les propriétaires et les utilisateurs de l'organisation coopérative sont les mêmes,
le but de l'organisation commune est de promouvoir les intérêts (économiques) de ses membres (promotion des membres).
La classification des organisations d'auto-assistance peut se faire selon plusieurs critères:
L'origine: les organisations d'auto-assistance sont des organisations autochtones, nationales créées par la base et au sein du groupe, ou par des promoteurs extérieurs.
Les objectifs: les organisations d'auto-assistance peuvent souhaiter atteindre des objectifs non économiques qui peuvent être des objectifs d'ordre politique, sociale, culturel, réligieux, mais avant tout, elles cherchent à atteindre des objectifs économiques. Les organisations d'auto-assistance ayant des objectifs économiques prédominants peuvent fonctionner avec ou sans cellule formelle.
Le dernier critère de différentiation des organisations d'auto-assistance est le degré de formalisation. Les critères permettant de faire une différence entre les organisations formelles et informelles se situent au niveau de l'inscription au registre légal (de commerce, coopératif, associatif) ou au niveau du caractère formel de l'organisation.
En conséquence, on peut distinguer:
des organisations d'auto-assistance formelles au sens juridique du terme, et
des organisations d'auto-assistance formelles au sens structurel du terme.
Entre ces deux extrêmes constitués, d'une part, par les groupes informels qui fonctionnent de manière spontanée ou qui sont des groupes inactifs entre les différentes phases d'activités, et d'autre part, par les organisations formelles, officiellement déclarées au sens juridique et restrictif, il y a plusieurs étapes intermédiaires.
Une société coopérative agréée et enregistrée représente un cas typique d'organisation d'auto-assistance formelle au sens juridique du terme. D'autres organisations d'auto-assistance reconnues appartiennent également à ce type d'organisations formelles (exemples: les sociétés, les pré-coopératives agréées, et les associations constituées).
Les organisations d'auto-assistance formelles au sens structurel du terme sont toutes des organisations:
qui ont une série de règles organisationnelles fixes valables pour tous les membres actuels et futurs de l'organisation (des règles et coutumes en général non écrits qui sont respectés en raison du contrôle social au sein du groupe ou des règles écrites se fondant sur une législation générale dont le respect est assuré par les structures publiques), et
dans lesquelles les règles sont obligatoires pour les membres de l'organisation et, au sein desquelles les infractions sont punies.
Le Schéma No 1 à la page suivante présente une classification générale des différents types d'organisations d'auto-assistance.
| 1. | Quelques OAP autochtones trad | 2. | Quelques OAP hybrides | 3 | Quelques OAP “Modernes” |
| - | Soissoiga (Burkina Faso) | - | Esusu (Nigéria) | - | GVC (C.I.) |
| - | Tabanga (Cap Vert) | - | Naam (Burkina Faso) | - | GV (Burk.F., Bénin) |
| - | Nnoboa (Ghana) | - | Ton (Mali) | - | Ton (Mali |
| - | Coopérative (partout) | ||||
| - | Kagnalène (Sénégale) | - | Mutuelles (partout) | ||
| - | Associations de développement (partout) |
Pour la politique et la pratique de la promotion des organisations d'auto-assistance, une classification fonctionnelle de celles-ci est plus importante qu'une différentiation par critère.
En se fondant sur l'interprétation des documents et les analyses théoriques d'un grand nombre d'études de cas, l'on peut distinguer deux types d'organisations d'auto-assistance:
organisations d'auto-assistance autochtones pour la promotion des intérêts de leurs membres, et
organisations pour l'acquisition et la distribution de l'aide extérieure (organisations de bénéficiaires).
Schéma No 1: Classification des organisations d'auto-assistance
(Source: Kirsch, Armbruster, Kochendörfer-Lucius, 1983)
Schéma No 2: Classification des OAP* en Afrique de I'Ouest
* OAP: Organisation d'auto-promotion
Note: OAP est équivalent à l'OAA dans notre dialectique. Toutefois, une petite nuance est à relever quant à l'utilisation des mots assistance ou promotion. Promotion traduit mieux l'idée de processus de développement continu par rapport à assistance qui contient une connotation de ponctuel, d'aide extérieure.
| Légend: | relations prépondérantes | |
| .. | relations non prépondérantes |
Les organisations d'auto-assistance autonomes ayant pour objectif la promotion des intérêts socio-économiques de leurs membres sont essentielles dans la mobilisation des ressources locales des populations démunies en milieu rural en vue de l'amélioration de leurs conditions de vie socio-économiques.
Les organisations d'auto-assistance au sens premier du terme ont quelques traits caractéristiques:
Un groupe dont les membres ont en commun un ou plusieurs objectifs, en particulier l'amélioration de leurs conditions de vie socio-économiques.
Une cellule d'exploitation qui appartient aux membres et est gérée par eux-mêmes; outre sa forme, ses activités et sa taille concrètes, cette cellule d'exploitation doit être considérée comme une structure permettant d'utiliser les ressources communes pour produire ou obtenir des biens et des services pour les membres (en leur double qualité de propriétaires des ressources et d'utilisateurs de ces biens ou services) en utilisant ces ressources de façon rationnelle.
La tâche générale de la cellule commune d'exploitation est de promouvoir les membres par l'offre directe des biens et services aux familles ou entreprises des membres.
Ce type d'organisation d'auto-assistance correspond à la structure des coopératives; par conséquent, la définition ci-dessus mentionnée concernant les organisations d'auto-assistance autonomes peut également s'appliquer aux coopératives agréées et enrégistrées se fondant sur l'entraide des membres.
Cependant, dans la pratique, de nombreuses organisations fonctionnant sous le nom de coopératives ne sont ni autonomes ni gérées par les membres.
La production des avantages probants et matériels pour le compte des membres est importante dans la création et la survie des organisations d'auto-assistance autonomes. Ces avantages peuvent être le résultat de la mise en place de plusieurs stratégies telles que création, accès à des ressources et à des marchés, augmentation de la productivité par des économies d'échelle, etc. (voir Chapitre 3).
La participation à la production doit se traduire par un apport des membres. Par conséquent, les organisations d'auto-assistance se caractérisent par le principe de la double identité: les propriétaires de l'organisation d'auto-assistance sont également les bénéficiaires des services et avantages produits ou obtenus.
Le Schéma 3 illustre les caractéristiques de ce type d'organisations d'auto-assistance et le principe de la double identité.
| CARACTERISTIQUES | PRINCIPE D'IDENTITE | |
| Entraide des membres dans un groupe | Les membres sont en même temps: | |
| Cellule d'exploitation axée sur les membres | - | Propriétaires/adhérents et |
| Promotion des membres par les biens/services | - | Clients/fournisseurs |
| (Source: Traduit de: Marburg Consult, 1989:40) | ||
Le principe de la double identité doit être interprété au sens large car en pratique les déviations qui consistaient à avoir des transactions avec des non membres ou la présence de membres sympathisants/promoteurs sont choses communes et peuvent être utilisés pour accomplir la tâche principale à savoir, la promotion des membres.
La participation des membres porte non seulement sur les ressources matérielles et/ou financières (apport) mais également sur le rôle actif dans le processus de prise de décision. Les objectifs des organisations d'auto-assistance sont fixés par les membres. En outre, les activités sont programmées, contrôlées et évaluées par eux-mêmes. Si les membres ne sont pas activement et effectivement impliqués dans les prises de décision et le contrôle interne de leur organisation, les objectifs de l'organisation risquent de ne pas correspondre à ceux des membres ou de la majorité de ceux-ci (voir Chapitre 4 et 5.3).
Contrairement aux organisations d'auto-assistance autonomes pour la promotion des intérêts socio-économique de leurs membres, les organisations pour la distribution de l'aide extérieure (organisations des bénéficiaires) ne se fondent pas sur les propres ressources des membres mais tentent d'obtenir un soutien extérieur pour la promotion de ceux-ci. Pour un nouveau membre ou pour un adhérent (potentiel), la motivation de former une telle organisation d'auto-assistance ou d'y adhérer repose sur l'espoir de bénéficier de la distribution des ressources extérieures.
Ce type d'organisation de bénéficiaires est très utile pour la promotion des structures d'auto-assistance. Du point de vue des bailleurs de fonds, les organisations sont des moyens appropriés pour canaliser les différents biens et services (exemples: crédits, fournitures d'équipement, assistance technique ou structurelle) aux groupes cibles correspondants. L'existence de telles organisations “d'auto-assistance” facilite cette tâche car:
ces institutions locales constituent un lien entre l'organisme d'appuis et les groupes-cibles et permet un flux rapide d'informations sur les intérêts et objectifs entre ceux-ci, et
les coûts de transaction peuvent être réduits.
Toutefois, la survie de ces organisations de bénéficiaires dépend surtout de l'appui extérieur. La portée de leur action est limitée tout d'abord à la réalisation des projets/programmes planifiés par l'agence extérieure d'appui et par conséquent, directement tributaire des conditions fixées par les bailleurs de fonds.
Dans le cadre de la promotion de structures d'auto-assistance, les organisations de bénéficiaires doivent pouvoir clairement se distinguer des organisations d'auto-assistance autonomes destinées à la promotion des intérêts socio-économiques des membres. Les deux types d'organisations d'auto-assistance:
sont soumis à différentes conditions et règles de développement,
exigent différents concepts de promotion,
sont confrontés à différents problèmes, et
nécessitent différents critères d'évaluation.
La différence principale entre les deux types d'organisations peut clairement se déterminer par un test (fictif) de survie qui consiste à retirer l'appui extérieur.
Du point de vue de la gestion rationnelle du programme ou du projet, le transfert de l'aide extérieure directement aux individus ou aux familles semble être la manière la plus facile et la plus efficace de promouvoir les pauvres en milieu rural.
Toutefois, il s'est avéré difficile d'atteindre les démunis en milieu rural et promouvoir des efforts d'auto-assistance significatifs et durables car, en général, les ressources extérieures sont utilisées par les membres influents des organisations d'auto-assistance pour leurs propres comptes.
En outre, dans le passé l'on pensait qu'avec le temps, les organisations de bénéficiaires pourraient se transformer en organisations d'auto-assistance autonomes. En réalité, cette transformation n'a pas eu lieu. En conséquence, créer des organisations de bénéficiaires même de manière transitoire ne peut pas être considéré comme une stratégie judicieuse pour la réussite et le développement durable de ces organisations d'auto-assistance.
La combinaison des deux types d'organisations d'auto-assistance serait possible mais constitue une tâche complexe en matière de politique de développement des structures d'auto-assistance, la marge entre le succès et l'échec n'est pas très grande.
