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2. CONDITIONS DE DEVELOPPEMENT DES ORGANISATIONS D'AUTO-ASSISTANCE AUTONOMES

En s'appuyant sur la grande expérience des coopératives et des organisations d'auto-assistance en général, il est possible de formuler les conditions fondamentales suivantes pour la création d'organisations d'auto-assistance autonomes.

Les problèmes existants qui ne peuvent être résolus individuellement sont perçus comme urgents par des personnes ou des groupes; ce qui permet d'identifier les besoins non satisfaits et par conséquent de formuler des objectifs communs. Cette contrainte effective (en général, sous forme d'obstacles qui empêchent de satisfaire les besoins élémentaires, une menace telle que la sécheresse où la désertification, ou la présence d'un ennemi commun, par exemple, des intermédiaires peu scrupuleux) est la cause qui entraîne le développement spontané d'une coopérative d'auto-assistance.

Les conditions fondamentales décrites présentent plusieurs aspects qui devraient être explicitement analysés:

Au delà de ces principes fondamentaux il existe de nombreux autres facteurs qui pourraient encourager ou entraver l'émergence d'une organisation d'auto-assistance. Le type et l'importance de leur impact dépend des cas. Ces facteurs peuvent être définis comme les conditions générales pour l'émergence d'organisations d'auto-assistance viables. Néanmoins, ces facteurs supplémentaires doivent être pris en compte. Les facteurs les plus importants seront analysés dans les paragraphes qui suivent.

Il est communément admis qu'un groupe d'auto-assistance devrait être homogène. Logiquement, plus un groupe est homogène, plus il existe en son sein des intérêts communs et par conséquent la nécessité et la motivation de créer des organisations d'auto-assistance sont plus grandes. Cet argument ne s'est pas révélé juste dans tous les cas. Des groupes hétérogènes peuvent également être avantageux dans certaines situations. Tant qu'il y a des intérêts communs, l'association de personnes et la combinaison des différentes ressources et conditions sociales peuvent permettre de satisfaire les intérêts et réaliser les objectifs et de cette manière créer une forte dynamique au sein du groupe. L'on peut citer en exemple l'émergence actuelle des coopératives d'épargne et de crédit dans les pays francophones due à la faillite du système bancaire agricole et aux conditions difficiles voir draconiennes d'accès aux crédits classiques pour les paysans et pour les travailleurs aux revenus modestes, cela entraîne une autre condition d'émergence des organisations d'auto-assistance, à savoir, l'existence des promoteurs. Dans le cas de l'histoire des coopératives européennes, ces promoteurs n'étaient en général pas membres du groupe concerné. Par exemple, Raiffeisen mais également d'autres (Owen, Schulze Delitzsch, Fourrier) appartenaient à une classe sociale élevée et pourtant ils étaient motivés par des idéaux humanitaires, réligieux ou socio-politiques. Dans les discussions récentes sur les coopératives d'auto-assistance, le rôle des promoteurs ou des entrepreneurs indépendants est devenu important. Cela signifie qu'il faut au moins une personne pour prendre des initiatives et qui représente le groupe. Il s'est avéré nécessaire que les membres de l'organisation d'auto-assistance s'identifient à cette personne. Il est essentiel pour le succès des travaux que cette personne soit sérieuse et ait un certain charisme (voir Chapitre 5.2). Le promoteur ou chef idéal est loyal et généreux. L'exemple des groupements naam au Burkina Faso illustre parfaitement ce cas de figure. Le principal promoteur de cette expérience était à la fois motivé par ses idéaux humanitaires et socio-politiques. Bien qu'issu du milieu, il appartenait à une classe sociale plus favorisée (fonctionnaire) mais possédait un charisme et une ascendance dans son environnement humain.

L'expérience acquise par les individus appartenant à une coopérative d'auto-assistance est un autre facteur qui peut influencer le développement des organisations d'auto-assistance. Le fait que les individus n'aient pas d'expérience ou que leur expérience ait des répercussions positives ou négatives, ne permet pas de conclure fermement qu'il existe un désir de création d'une organisation d'auto-assistance. Cependant, en général, une organisation d'auto-assistance dépendra de l'interaction entre l'expérience du promoteur, l'urgence des besoins réels et les perspectives de succès. L'existence d'expériences positives en ce qui concerne les activités d'auto-assistance peut encourager l'émergence d'organisations d'auto-assistance, mais les leçons tirées lors de tentatives infructueuses de création d'organisations d'auto-assistance peuvent également être très utiles.

Un autre élément qui a toujours été considéré comme une condition pour l'émergence d'une action coopérative d'auto-assistance est l'existence de conditions-cadres favorables. L'importance de ce facteur dépend de la situation et de la composition du groupe.

Il est tout à fait évident, par exemple, que dans un état où sévit la dictature et la repression et où les réunions de plusieurs personnes sont interdites, l'émergence d'une action coopérative sera entravée. Par ailleurs, des conditions défavorables sont souvent la cause de besoins vivement ressentis et entraînent l'émergence des organisations d'auto-assistance. En particulier, les personnes ou groupes qui font l'objet de discrimination auront tendance à s'organiser et à travailler comme groupe de pression ayant comme objectif l'amélioration des conditions-cadres difficiles.

Il existe certainement plusieurs autres facteurs qui peuvent susciter l'émergence des organisations d'auto-assistance. Etant donné que l'on ne peut prévoir leur impact qui, en général, dépend plutôt des cas individuels et de la combinaison de personnes, des intérêts, des facteurs extérieurs, etc.., il est impossible de présenter un inventaire exhaustif et de déduire des stratégies d'actions claires. En raison de ces différents facteurs qui entrent en ligne de compte, l'on recherche des personnes capables de déceler les éléments locaux nécessaires pour l'organisation effective des structures d'auto-assistance.

Un résumé systématique des facteurs clés pour le développement des organisations d'auto-assistance est présenté ci-après.

Facteur Clé 1: Promptitude à adhérer à une structure d'auto-assistance

La disponibilité à engager ses propres ressources dans des activités coopératives dépend en particulier:

Facteur Clé 2: Capacité d'auto-assistance

Pour l'organisation des activités collectives, il faut des responsables capables et acceptés sur le plan social. Ces responsables doivent être capables d'identifier dans quelle mesure un groupe donné peut tirer des avantages à travers la coopération. Outre l'identification des avantages et bénéfices éventuels, les responsables doivent pouvoir gérer la formation et les activités de formation d'une organisation d'auto-assistance.

Par ailleurs, pour l'initiation et le développement d'une organisation d'auto-assistance, les membres doivent intégrer leurs propres ressources aux activités de l'organisation. Les ressources des membres peuvent être: les capitaux, la main-d'oeuvre, les moyens de production, ou des compétences adéquates.

La possibilité de création d'une structure d'auto-assistance dépend dans une large mesure du type et du volume des ressources disponibles.

Facteur Clé 3: Liberté d'entreprendre une action d'auto-assistance

Outre la bonne volonté et l'aptitude de s'intégrer dans les coopératives d'auto-assistance, les chances d'émergence et de développement d'organisations d'auto-assistance sont influencées par des conditions relevant du cadre politique, économique et juridique.

Le climat politique permettant une participation active des citoyens et en particulier le droit d'association et la liberté d'expression (groupes de pression, syndicats, constitutions démocratiques, organisations faîtières) sont au nombre des conditions politiques indispensables. Le processus de démocratisation en Afrique de l'Ouest (multipartisme et diversité syndicale) a favorisé dans certains cas une plus grande participation active des adhérents à leurs organisations et dans d'autres cas, ce nouveau climat politique a favorisé l'éclatement d'anciennes structures coopératives non homogènes affiliées à des partis uniques; en de nouvelles organisations d'auto-promotion plus conformes aux besoins, aux réalités et aux affinités de leurs membres.

D'importantes conditions économiques déterminent les mécanismes, les règles de la concurrence et les chances d'accès aux marchés des organisations d'auto-assistance. L'existence d'une base juridique adéquate concernant la formation et le fonctionnement des organisations d'auto-assistance et la protection juridique des membres de telles organisations (responsabilité limitée) sont d'importantes conditions relevant du cadre juridique.

Les conditions dévaforables ne sont pas nécessairement des obstacles pour les coopératives d'auto-assistance; dans certains cas elles peuvent même être des catalyseurs pour leur développement.

Les programmes d'ajustements structurels, les désengagements de l'Etat en Afrique de l'Ouest et la non préparation des coopératives à ces nouvelles situations, créent à priori des conditions défavorables. Elles ne sauraient toutefois constituer des obstacles dans la mesure où: les marchés se libéralisent progressivement et que les coopérateurs prennent de plus en plus conscience de ne compter que sur eux-mêmes et de mieux s'aguérir pour affronter les nouveaux défits économiques et politiques.


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