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CHAPITRE 3
L'alimentation et l'agriculture mondiales Perspectives à l'horizon 2010

3.1 Introduction

Le chapitre 3 présente I'évolution probable de l'alimentation et de l'agriculture mondiales jusqu'en 2010, de manière plus ou moins détaillée selon les produits et les groupes de pays. Comme nous l'avons indiqué dans l'Avant-propos, nous chercherons ici à prévoir la tournure que pourraient prendre les événements et de donner une idée de l'avenir tel qu'il se présentera vraisemblablement et non tel qu'il devrait se présenter d'un point de vue normatif. C'est à partir de cette approche que nous concluons, par exemple, à la probabilité d'une persistance de la sous-alimentation. Les perspectives décrites ici ne constituent donc pas des objectifs d'une stratégie de la FAO.

Grandes lignes de la méthode utilisée pour les projections

Toutes les analyses et projections ont été effectuées pour un grand nombre de produits ou groupes de produits (52 produits végétaux et animaux pour analyser la demande de produits alimentaires, 32 pour calculer les bilans de l'offre et de la demande et 40 pour analyser la production) et pour pratiquement tous les pays (voir la liste des pays et des produits en annexe). Grâce au niveau de détail de l'analyse, on a pu tirer parti des connaissances spécialisées des différents experts qui ont contribué à l'étude concernant chaque pays et chaque produit considéré. En outre, on a obtenu des résultats sous une forme qui permet d'étudier les problèmes à des niveaux très divers, allant de la totalité du secteur agricole mondial ou des grandes régions à des produits particuliers; il est également possible de grouper les pays de plusieurs façons et d'étudier des groupes différents qui parfois se chevauchent. Ce niveau de détail étail aussi nécessaire en raison du caractère multidisciplinaire de l'étude, qui imposait des dialogues et consultations portant sur des unités qui aient du sens pour les experts, ainsi que par la nécessité de comptabiliser presque totalement l'utilisation des terres et de respecter les contraintes applicables. Une bonne partie du travail a consisté à établir une série de données cohérentes pour la période 1961–1990 et à la compléter par des données - qui n'étaient pas toujours aisément disponibles - pour la période de base, la moyenne triennale 1988/90. Cela vaut particulièrement pour les données sur les assolements et les stocks de terres aptes à l'agriculture existant dans chaque zone agro-écologique et dans chaque pays en développement.

On a commencé par projeter la demande au moyen de fonctions d'Engel et sur la base d'hypothèses exogènes concernant la croissance de la population et celle du PIB1. Ensuite, pour projeter la production, on a d'abord établi des objectifs provisoires pour chaque produit et chaque pays en se basant sur des règles simples concernant les taux d'autosuffisance et les échanges futurs. On a alors procédé par itération et ajusté les chiffres en consultant des spécialistes des différents pays et des différentes disciplines. particulièrement pour déterminer des valeurs réalistes pour l'utilisation des terres, les rendements et les échanges. Les cohérences comptables sont partout respectées au niveau des produits, des ressources en terres (pays en développement seulement), des pays et du monde. En outre, pour les céréales, les produits d'élevage et les oléagineux, on a utilisé un modèle à prix variables (le World Food Model de la FAO, FAO, 1993i) pour obtenir les valeurs de départ des itérations et pour suivre les incidences sur toutes les variables des modifications de certaines d'entre elles au cours des opérations successives de contrôle et d'ajustement. Le modèle consiste en modules nationaux et en rétroactions au niveau des marchés mondiaux qui génèrent un équilibrage par les prix au niveau des marchés nationaux et mondiaux.

Il faut souligner que les projections obtenues au moyen de modèles (qu'il s'agisse des fonctions de demande d'Engel ou du modèle à prix variables) ont été soumises à de nombreux ajustements itératifs effectués par des spécialistes des pays et de nombreuses disciplines, notamment au cours de la phase d'analyse des possibilités de croissance de la production et des échanges. Pour certains produits, on a également collaboré avec des sources extérieures à la FAO, par exemple l'Organisation internationale du sucre, l'Institut économique et social d'Amsterdam (pour le caoutchouc), le Comité consultatif international du coton, la Banque mondiale (pour le jute) et, pour les projections relatives aux pays développés, on a collaboré avec le Centre du développement agricole et rural de I'Université d'Iowa et avec l'Institut fur Agrarpolitik de I'Université de Bonn. Le résultat peut être décrit comme un ensemble de projections répondant aux critères de cohérence comptable et respectant dans une large mesure les contraintes ainsi que les vues exprimées par les spécialistes des différentes disciplines et des différents pays. On trouvera à l'annexe 2 une description et une évaluation de la méthodologie.

Il est clair d'après ce qui précède que les projections présentées ici ne sont nullement des extrapolations de tendance, que ce terme soit utilisé pour désigner le calcul de la valeur future d'une variable quelconque par simple application du taux de croissance historique à la valeur de l'année de base (tendance exponentielle) ou la méthode moins grossière consistant à utiliser le temps comme unique variable indépendante dans des fonctions non exponentielles (par exemple linéaire, semi-logarithmique, sigmoïde, etc.). En effet, premièrement, il est pratiquement impossible d'établir des projections de toutes les variables interdépendantes sur la base des fonctions de temps; deuxièmement, l'extrapolation d'un taux historique de croissance (qui peut être négatif, nul ou très élevé) aboutit souvent à des résultats absurdes. C'est pourquoi les termes tendance ou extrapolation ne s'appliquent pas aux projections présentées ici.

1. Le recours aux hypothèses exogénes sur l'économie générale pour analyser l'évolution éventuelle de l'alimentation et de l'agriculture ne convient pas tout à fait aux pays où l'agriculture occupe une place importante dans l'économie générale, ce qui est en fait le cas de nombreux pays en développement. D'ailleurs, les études sur le développement tendent à mettre de plus en plus I'accent sur la contribution de l'agriculture et du secteur rural au développement économique global de ces pays (voir chapitre 7). Il n'existe toutefois que bien peu d'estimations empiriques des interconnexions de la croissance agricole et économique dans un nombre assez important de pays. C'est ainsi que, dans la présente étude, comme dans bon nombre d'autres études sur l'agriculture, il a été tenu compte des influences de I'économie générale sur l'agriculture et non pas du contraire.

3.2 Perspectives de la croissance démographique et de la croissance économique globale

Croissance démographique

Selon les projections, la population mondiale devrait passer de 5,3 milliards d'habitants en 1990 à 7,2 milliards en 2010, soit une augmentation de 1,9 milliard de personnes, ce qui représente 36 pour cent en 20 ans (tableau 3.1). Une telle augmentation est supérieure à celle des 20 dernières années en termes absolus (1,6 milliard) mais inférieure en pourcentage. Le taux de croissance de la population mondiale a atteint un plafond de presque 2,1 pour cent par an en 1965–70 avant de s'infléchir progressivement jusqu'à son niveau actuel de 1,7 pour cent par an. On prévoit de nouvelles baisses futures du taux de croissance de sorte que pendant les cinq dernières années couvertes par l'étude (2005-2010), la croissance démographique sera tombée à 1,3 pour cent par an, puis à 1.0 pour cent par an en 2020–25. Néanmoins, les augmentations annuelles en chiffres absolus resteront importantes et continueront de grandir. Elles sont actuellement plus fortes qu'elles ne l'ont jamais été, mais elles plafonneront bientôt à quelques 94 millions par an (voir figures 3.1, 3.2).

Du point de vue de l'alimentation et de la nutrition, c'est la croissance démographique des pays en développement et surtout des régions où la pauvreté et la sous-alimentation sont les plus répandues (Afrique subsaharienne et Asie du Sud) qui importe le plus. Les pays en développement suivent encore une trajectoire de croissance démographique rapide (2,0 pour cent par an) et contribueront pour plus de 90 pour cent à l'augmentation de la population mondiale jusqu'en 2010. Mais leur taux de croissance démographique baisse aussi, bien que lentement. La seule grande région à garder un taux de croissance démographique très élevé (plus de 3,0 pour cent par an) est l'Afrique subsaharienne, bien que dans cette région aussi, ce taux puisse atteindre son maximum au cours de la période de projection. Néanmoins, selon les estimations, la population de cette région passerait à environ 900 millions d'habitants d'ici l'an 2010, soit un taux de croissance moyen de 3,2 pour cent par an (projection revisée en 1994 à 834 millions et à 2,9 pour cent par an)2. Ce serait déjà un succès que de faire augmenter les disponibilités alimentaires au même rythme que la population et cela représenterait un tournant par rapport aux tendances passées mais, même dans ce cas, on ne ferait qu'éviter une nouvelle détérioration de niveaux nutritionnels déjà très insuffisants.

Hypothèses de croissance économique

Les taux de croissance économique globale utilisés dans la présente étude (tableau 3.1) sont tirés d'autres sources, principalement des travaux d'autres organisations internationales comme la Banque mondiale et nous n'avons établi nous mêmes de projections que lorsqu'il n'en existait aucune ailleurs. Nous avons déjà évoqué les problèmes que pose l'utilisation d'hypothèses exogènes concernant les perspectives de la croissance économique globale lorsqu'on évalue les perspectives de l'alimentation et de l'agriculture (note 1).

2. Les prévisions démographiques de l'ONU de 1992 (ONU, 1993b), qui n'ont pas été utilisées dans la présente étude, indiquent une augmentation de la population de l'Afrique subsaharienne inférieure à celle qui est prévue ici (874 millions au lieu de 915) et un taux de croissance annuelle de 3,0 pour cent au lieu de 3,2. Ces chiffres ne sont pas nécessairement optimistes puisque dans certains pays, ils traduisent un accroissement des taux de mortalité imputable à la pandémie de SIDA. En ce qui concerne les quinze pays d'Afrique subsaharienne pour lesquels les effets du SIDA ont été estimés, l'espérance de vie à la naissance pour 2000-2005 serait, selon les projections, de 51,2 ans contre 57,7 (sans SIDA) et la population totale pour l'année 2005 s'établirait à 297 millions (310 millions sans SIDA). Les projections concernant les autres règions sont aussi légèment différentes. Les dernières projections démographiques de I'ONU, effectuées en 1994, font état d'une nouvelle diminution de la population projetée de l'Afrique subsaharienne, aboutissant à 834 millions d'habitants en 2010 (soit un taux de croissance de 2,9% par an pour 1990-2010), avec, pour l'ensemble du monde, une population de 7 milliards d'habitants (ONU, 1994). Les projections démographiques fondées sur les Evaluations de I'ONU de 1990, 1992 et 1994 figurent à l'Annexe 3.

Figure 3.1

Figure 3.1 - Population 1950–20251)

Figure 3.2

Figure 3.2 - Taux d'accroissement de la population, 1950–20251)

1)Source: Evaluation démographique ONU de 1992 (ONU, 1993b), variante moyenne

Tableau 3.1 - Projections démographiques et hypothéses relatives à la croissance du PIB
 PopulationTaux de croissance du PIBDerniéres projections de base du PIB de la Banque mondiale1
1989201070–8080–9090–20002000-101989–2010TotalPar tête
TotalPar tête83–9394–200383–9394–2003
millionstaux annuel de croissance (pourcentage)pourcentage annuelpourcentage annuel
Monde entier5 2057 2091,91,81,71,4 2,923,2   
Ensemble des pays en développement3 9605 8352,22,12,01,7 3,825,2   
93 pays en développement3 9055 7582,22,12,01,75,33,4    
Afrique subsaharienne4739152,93,23,33,13,90,72,2 0,83,9-0,80,9
Proche-Orient/Afrique du Nord2974932,72,82,62,24,41,9 3,8-2,20,9
Asie de l'Est1 5982 0611,91,61,50,97,05,77,97,66,26,2
Asie du Sud1 1031 6682,32,42,21,85,13,05,25,33,03,4
Amérique latine et Caraïbes4336222,42,21,91,64,02,32,23,40,41,7
Pays développés1 2441 3730,80,70,50,42,62,1    
Europe de l'Est et ex-URSS3874350,90,80,60,50,540,0-1,02,7  
Europe de l'Ouest3994100,40,30,20,02,72,5    
Amérique du Nord2743111,00,90,60,52,21,62,72 32,73  
Autres1822141,41,00,90,74,23,4    

Note: Les données et projections démographiques proviennent de l'Evaluation démographique mondiale de l'ONU de 1990 (ONU, 1991). Les données par pays figurent dans l'annexe statistique, qui indiqueaussi les totaux régionaux tirés des Evaluations de l'ONU de 1992 et 1994 (ONU, 1993b, 1994).

1 Banque Mondiale (1994a). Les régions ne sont pas toujours les mêmes que celles qui sont utilisées dans le présente étude.

2 1980–93.

3 Projections du PIB des pays OCDE.

4 Les taux de croissance du PIB pour 1989–2010 sont inférieurs à ceux de la Banque mondiale parce qu'ils comprennent les fortes baisses du PIB de 1990–94 estimeés à quelque 30%.Les taux de croissance de la Banque mondiale se rapportent à la région « pays en développment d'Europe et d'Asie centrale », qui comprend, outre les pays de l'Europe de l'Est et l'ex-URSS,la Turquie, la Grèce et le Portugal.

Dans les pays en développement, il est prévu que la croissance économique sera bien meilleure dans les années 90 que pendant la décennie de « crise » des années 80, pendant laquelle toutes les régions en développement sauf l'Asie ont vu baisser leur revenu par habitant. Au cours de la période de projection, l'Asie devrait maintenir un taux de croissance élevé et toutes les autres régions devraient passer à un degré ou un autre de taux négatifs de croissance du revenu par habitant à des taux positifs, bien que modestes. Mais ces régions n'ont pas la perspective de connaître une croissance semblable à celle qu'a connue l'Asie et surtout pas l'Afrique subsaharienne. Le taux de croissance économique de cette région pourrait doubler par rapport au marasme des années 80 mais, même dans ce cas, ses revenus par habitant resteraient très faibles et presque en stagnation sur la période de projection, compte tenu de son taux élevé de croissance démographique. Ce n'est certainement pas sur de telles bases qu'elle peut espérer enregistrer des améliorations sensibles de son alimentation et de son agriculture, comme le révèle en fait l'évaluation de ses perspectives présentée cidessous.

On suppose que les pays de l'OCDE poursuivront leur trajectoire de croissance des années 80 mais leur faible taux de croissance démographique leur permettra d'accroître honorablement leur revenu par habitant. Le taux de croissance des pays de l'OCDE est un paramètre important de l'évaluation que fait la Banque mondiale des perspectives de croissance des pays en développement (voir référence en bas du tableau 3.1). Il n'y aura pas de lien direct très serré avec l'agriculture des pays en développement car la demande de leurs produits agricoles traditionnels d'exportation que font les pays de l'OCDE a une faible élasticité aux revenus et aux prix même si ce lien pourrait être appréciable pour des produits comme les fruits et légumes. Toutefois les liens indirects pourraient être importants, au moins pour certaines régions, si la croissance des pays de l'OCDE stimule leurs exportations de produits manufacturés et contribue ainsi à relever les revenus et la demande agricole des pays en développement eux-mêmes.

Les incertitudes qui entourent les perspectives de redressement et de croissance à long terme des pays d'Europe à économie anciennement planifiée, notamment de l'ex-URSS, sont bien connues. Actuellement, leur PIB est vraisemblablement inférieur d'un tiers à celui de la période d'avant la réforme. L'hypothése de travail adoptée ici est que leur croissance pourrait, d'ici 2010, faire remonter leur revenu par habitant à son niveau de 1989. On peut s'attendre à ce que de telles perspectives de croissance, conjuguées aux réformes, aient une profonde influence sur leur propre alimentation et agriculture ainsi que sur les marchés alimentaires mondiaux. Ces effets sont examinés plus loin dans le présent chapitre. Il suffit de signaler ici que les marchés mondiaux des céréales pourraient être influencés par l'augmentation des disponibilités en provenance de l'Europe de l'Est et par la forte baisse des volumes que l'ancienne URSS aura besoin d'importer. Ces deux facteurs contribueront à la faiblesse persistante de ces marchés car ils compenseront en partie l'effet exercé par la croissance continue des besoins d'importations des pays en développement. Parallélement, il est peu probable que ces pays importent en grosses quantités les principaux produits agricoles traditionnels d'exportation des pays en développement même si leur consommation par habitant de ces produits (café, cacao, etc.) est encore trés faible et présente un potentiel considérable d'augmentation.

3.3 Agriculture: évolution prévue de la production et de la demande globales

Dans l'ensemble du monde

Pour l'ensemble de la planète, il est à prévoir que la croissance de la production globale (brute) continuera de ralentir, ce qui correspond aux tendances historiques à long terme puisque le taux de croissance est tombé de 3,0 pour cent dans les années 60 à 2,3 pour cent dans les années 70 et à 2,0 pour cent pendant la période 1980-92. La nouvelle décélération de la croissance de la production à partir de la moitié des années 80 a été évoquée au chapitre 2. Selon les prévisions, le taux de croissance ne sera plus que de 1,8 pour cent par an d'ici 2010. (tableau 3.2). Ce ralentissement progressif s'explique par toute une série de facteurs. Il ne faudrait pas en conclure que le monde dans son ensemble n'a plus la possibilité d'accroître sa production agricole, mais les contraintes auxquelles se heurte la production au niveau local contribuent à ce phénomène. Elles interviennent lorsque elles limitent la croissance économique de sorte que la demande potentielle ne peut s'exprimer sous forme de demande effective d'importations et induire la production à augmenter dans une autre partie du monde. Le déclin de la production céréalière des principaux pays exportateurs à partir de la moitié des années 80 en est témoin (voir chapitre 2).

Tableau 3.2 - Taux de croissance de la production agricole brute et de la demande intérieure (tous usages)

(en pourcentage annuel)

 ProductionDemande intérieure (tous usages)
TotalPar habitantTotalPar habitant
70–9088/90–201070–9088/90–201070–9088/90–201070–9088/90–2010
Monde entier2,31,80,50,22,31,80,50,2
93 pays en développement3,32,61,10,83,62,81,40,9
Afrique subsaharienne1,93,0-1,1-0,22,63,3-0,40,1
Proche-Orient/Afrique du Nord3,12,70,30,34,52,81,70,4
Asie de l'Est4,12,72,41,54,12,82,41,6
Asie du Sud3,12,60,70,63,12,80,80,8
Amérique latine et Caraïbes2,92,30,60,62,92,40,60,6
Pays développés1,40,70,60,21,20,50,50,0
Europe de l'Est1,20,40,4-0,11,40,20,6-0,4
+ ex-URSS
Autres pays développés
1,50,80,70,41,20,70,50,2
Pour mémoire        
Afrique subsaharienne
Prod. agric. non alimentaires
(essentiel. prod. exportables)
0,91,9      
Racines/tubercules2,32,8      
Autres produits alimentaires1,93,2      

Le ralentissement progressif de la croissance de la production mondiale correspond à un ralentissement parallèle de la croissance de la demande, qui résulte lui-même d'une baisse de l'accroissement démographique et de la saturation progressive de la consommation alimentaire par habitant de certaines parties de la population mondiale. Ainsi, dans la plupart des pays développés, la consommation par habitant a peu de marge pour continuer d'augmenter. Cela a un effet très marqué sur les possibilités de progression des totaux mondiaux du fait que les pays développés représentent une part importante de la consommation mondiale brute de produits agricoles (49 pour cent en 1988/90), bien qu'ils ne représentent qu'un pourcentage beaucoup plus faible (24 pour cent) de la population mondiale. En même temps, le potentiel considérable de croissance de la consommation qui existe dans la plupart des pays en développement ne s'exprime que graduellement sous forme de demande effective, pour des raisons bien connues tenant à la lente croissance de leurs revenus par habitant et, dans les pays dont la production se heurte à des limitations, à leur capacité limitée de financement des importations.

En conclusion, le ralentissement persistant de l'agriculture mondiale est l'aboutissement de facteurs à la fois positifs et négatifs portant sur l'évolution de l'alimentation et de l'agriculture mondiales. D'un côté on n'exploitera qu'en partie les possibilités qui existent de produire davantage pour accroître la ration alimentaire des personnes dont la consommation est faible, ce qui est regrettable. Par ailleurs, il est heureux que l'accroissement démographique mondial se ralentisse et que de plus en plus de gens aient une ration alimentaire satisfaisante; et bien entendu, moins on aura besoin d'accroître la production, moins les ressources et l'environnement seront soumis à des pressions supplémentaires. Il n'en est toutefois pas toujours ainsi. Dans les régions pauvres, une faible croissance de la production peut être associée à une dégradation plus grave des ressources qu'une croissance plus forte car elle contribue à perpétuer la pauvreté et déclenche le cercle vicieux pauvreté - dégradation des ressources - pauvreté, qui a été analysé au chapitre 2.

Les pays en développement

L'analyse des perspectives au niveau mondial que l'on vient de lire (croissance plus lente que pendant les 20 dernières années) s'applique aussi en grande partie aux pays en développement dans leur ensemble, bien qu'avec moins de force et avec d'importantes exceptions (voir tableau 3.2). Là encore, la progression graduelle vers des niveaux de consommation plus élevés dans certains pays et régions et la baisse globale du taux d'accroissement démographique freineront la croissance de la demande et de la production par rapport au passé. L'Asie de l'Est et dans une plus faible mesure le Proche-Orient/Afrique du Nord sont les régions les plus proches de ce schéma d'évolution, même si dans la dernière région une faible croissance des revenus et des disponibilités de moins en moins grandes de devises sont appelées à jouer un certain rôle. Au cours des 20 dernières années, la demande par habitant y a progressé plus vite que partout ailleurs bien qu'au Proche-Orient/Afrique du Nord, la croissance de la demande par habitant ait amorcé un net ralentissement dans les années 80. C'est en Asie de l'Est que la demande par habitant continuera de progresser le plus vite, bien qu'à un rythme moins rapide que par le passé, vu le taux élevé de croissance économique projeté pour cette région. L'Asie du Sud et l'Amérique latine devraient maintenir les taux de croissance moyens de la demande et de la production par habitant qu'elles ont connus au cours des 20 dernières années. L'Afrique subsaharienne est donc la seule région qui pourrait avoir un taux de croissance supérieur à celui du passé. Il s'agirait d'un progrès appréciable mais d'un progrès tout relatif puisqu'il reviendrait peut-être simplement à voir cesser la baisse de la production et la demande par habitant.

On ne peut toutefois apprécier ces perspectives pour l'agriculture mondiale sans regarder de plus près les perspectives des principaux produits. C'est à un tel examen que le reste du chapitre 3 est essentiellement consacré. Mais, on peut déjà se faire une idée de la manière dont les différents produits contribuent à déterminer les résultats agricoles mondiaux en regardant la partie inférieure du tableau 3.2. Le taux de croissance de la production projeté pour l'Afrique subsaharienne, qui est inférieur au taux de croissance projeté de la population, y est ventilé en trois secteurs de produits. Il apparaît clairement que lorsqu'on enlève le secteur des produits non alimentaires (café, cacao, tabac, caoutchouc, etc.) qui progresse lentement en raison des limitations des marchés d'exportation et le secteur des racines/tubercules, qui progresse moins vite que la population en raison de baisses à long terme de la consommation par habitant, le reste de l'agriculture (essentiellement les autres produits végétaux et animaux principalement destinés à la consommation intérieure) pourrait progresser de 3,2 pour cent par an. Un tel taux de croissance serait égal au taux d'accroissement démographique ou même supérieur si ce dernier était plus faible, comme l'indiquent les projections démographiques les plus récentes. Il s'agit d'une évaluation plutôt optimiste, compte tenu de la tendance historique à une baisse des taux de croissance et à une chute de la production par habitant. Et de toutes façons, ce résultat ne ferait qu'empêcher une nouvelle détérioration de la situation.

Les pays développés

Les remarques faites précédemment sur les perspectives mondiales de la production et de la demande s'appliquent en grande partie aux pays développés. Dans les pays de l'OCDE, le potentiel de croissance de la consommation par habitant est limité. Les politiques de remplacement des importations adoptées dans le passé par certains grands pays et les possibilités d'exportation qu'offrait l'augmentation des déficits alimentaires nets des pays en développement et de l'ex-URSS avaient contribué à alléger les contraintes tenant à la demande et à permettre une croissance modérée de la production. Les avantages offerts par ces deux facteurs et notamment par les programmes d'aide publique au remplacement des importations avaient été pratiquement épuisés au milieu des années 80. Les possibilités de remplacement des importations sont désormais très limitées pour la plupart des produits. En outre, les réformes en cours ne sont pas de nature à favoriser une augmentation des exportations subventionnées de ce groupe de pays. En parallèle, les importations nettes de produits agricoles des pays en développement en provenance des pays de l'OCDE ne progresseront sans doute que lentement. En outre, une partie de l'expansion des marchés d'exportation sera sans doute compensée par des réductions des besoins nets d'importations de l'ex-URSS et par une certaine augmentation des exportations venant d'Europe de l'Est. Il est donc probable que la croissance de la production agricole de l'ensemble des pays de l'OCDE ne dépassera pas le taux annuel de 0,8 pour cent obtenu dans les années 80, taux qui était lui-même inférieur aux 2,0 pour cent des années 70.

On a déjà souligné les incertitudes concernant les perspectives des pays en transition de l'Europe de l'Est et de l'ex-URSS. Leur production agricole a subi une baisse brutale pendant les premières années des réformes, la production brute globale en 1992 étant inférieure d'environ 15 pour cent à la moyenne des trois années 1988 à 1990. La reprise qui suivra sera sans doute lente et pourrait aboutir au cours de la période 1988/90–2010 à une croissance de la production dont le taux représenterait la moitié seulement de celui des 20 dernières années (tableau 3.2). Il est probable que la forte réduction de la consommation par habitant qui a marqué les premières années des réformes s'inverse mais aussi que la consommation future ne dépasse pas les niveaux d'avant la réforme. La composition des produits consommés pourrait changer et l'utilisation par personne de l'ensemble des produits agricoles pourrait être inférieure par suite d'une réduction des pertes et d'une diminution de la quantité de céréales nécessaire à la production d'une unité de bétail. Ainsi, les baisses de production et d'utilisation totale ne refléteront pas toutes une détérioration du bien-être alimentaire de la population (voir The Economist, 18 juin 1994).

3.4 Perspectives de l'alimentation et de la nutrition

Le tableau 3.3 résume pour les grands groupes des produits les implications qu'ont les prévisions de la demande et de la production décrites ci-dessus pour l'évolution des disponibilités alimentaires par habitant. Le tableau 3.4 résume les effets qu'elles pourraient avoir sur le pourcentage de sous-alimentés. En gros, on peut s'attendre à ce que l'augmentation des disponibilités alimentaires se poursuive dans la plupart des pays en développement. En particulier, la ration alimentaire moyenne des 2 milliards d'habitants qui peupleront l'Asie de l'Est pourrait être légèrement supérieure à 3 000 calories par jour. Cette région se rapprochera donc des niveaux relativement élevés du Proche- Orient/Afrique du Nord, la région Amérique latine/Caraïbes n'étant pas loin derriére. Dans ces trois régions, mais pas dans tous les pays qui s'y trouvent, le pourcentage de sous-alimentés pourrait, d'ici à 2010, tomber au niveau assez bas de 4 à 6 pour cent de la population totale. Cette évolution possible sera facilitée par une réduction probable de l'inégalité d'accès aux ressources vivrières; comme le notait le chapitre 2 (par. 2.23, note de bas de page), la répartition devrait en effet s'améliorer à mesure que la ration alimentaire moyenne se rapprochera de 3 000 calories et plus. Cette hypothèse est incorporée aux projections de la sous-alimentation figurant au tableau 3.4.

L'Asie du Sud devrait aussi faire des progrès appréciables mais les conditions initiales y sont telles que, d'ici 2010, la ration alimentaire n'atteindra encore qu'un niveau faible à moyen (2 450 calories par jour). La sous-alimentation risque donc d'y rester répandue, surtout pour ce qui est du nombre absolu de personnes sousalimentées. Il est possible que le pourcentage de la population souffrant de sousalimentation chronique tombe à 12 pour cent d'ici 2010, ce qui représente un progrès certes appréciable mais néanmoins insuffisant.

En ce qui concerne l'Afrique subsaharienne, l'analyse présentée dans les sections précédentes sur la population, la croissance économique et les agrégats agricoles annoncent déjà les conclusions que l'on trouve au tableau 3.4, à savoir que la ration alimentaire par habitant a peu de chances de progresser. La sous-alimentation restera sans doute beaucoup trop répandue et touchera encore, en 2010, près du tiers de la population (300 millions de personnes). En fait, cette région succédera à l'Asie du Sud comme celle qui aura le plus grand nombre d'habitants souffrant de sous-alimentation chronique, bien que sa population ne soit d'ici là que la moitié de celle de l'Asie du Sud.

Tableau 3.3 - Disponibilités alimentaires par habitant destinées à la consommation humaine directe

kg

Produit69/7188/90201069/7188/902010
Monde entierPays en développement
Céréales146.3164.6167145.3170.5173
Céréales (tous usages)(305)(331)(325)(190)(235)(254)
Racines/tubercules82.365.76580.363.164
Légumes secs7.66.379.37.48
Sucre (équivalent brut)22.122.72414.418.020
Huile végétales6.710.1134.78.211
Viande26.031.93710.516.425
Lait74.675.37227.435.942
Tous aliments (cal/jour)2430.02700.028602120.02470.02730
 Afrique subsaharienneProche-Orient/Afrique du Nord
Céréales115.3114.3121183.3212.9210
Céréales (tous usages)(140)(133)(140)(295)(376)(386)
Racines/tubercules209.2208.019716.131.230
Légumes secs11.99.6106.37.88
Sucre (équivalent brut)7.58.21020.529.431
Huile végétales7.57.887.513.015
Viande10.59.51013.018.423
Lait28.127.62654.059.467
Tous aliments (cal/jour)2140.02100.021702380.03010.03120
 Asie de l'EstAsie du Sud
Céréales151.0200.5206148.0155.8163
Céréales (tous usages)(192)(272)(319)(167)(177)(181)
Racines/tubercules94.554.95016.718.417
Légumes secs4.83.1314.311.312
Sucre (équivalent brut)5.29.31320.321.824
Huile végétales3.26.9114.67.210
Viande8.620.3403.84.26
Lait3.56.8936.853.563
Tous aliments (cal/jour)2020.02600.030402040.02220.02450
 Amérique latine et CaraibesPays développés
Céréales118.8128.9139148.6146.3141
Céréales (tous usages)(224)(260)(296)(583)1(637)1(633)1
Racines/tubercules101.270.36787.073.970
Légumes secs14.210.8113.62.93
Sucre (équivalent brut)39.343.34340.637.537
Huile végétales6.912.31611.616.219
Viande33.339.44963.380.587
Lait83.392.096188.4199.1198
Tous aliments (cal/jour)2500.02690.029503200.03400.03470
 Europe de l'Est et ex-URSSAutres pays développés
Céréales195.9171.5169127.5135.0128
Céréales (tous usages)(686)1(828)1(720)1(538)(550)(590)
Racines/tubercules121.693.28971.465.361
Légumes secs3.82.323.53.23
Sucre (équivalent brut)40.346.24540.733.534
Huile végétales7.310.81213.418.722
Viande49.971.67069.284.694
Lait189.0178.9176188.1208.1208
Tous aliments (cal/jour)3310.03380.033803140.03410.03510

1 Données et projections avant la conversion des données de la production céréaliére de l'ex-URSS de poids brut (aprèsrécolte) en poids net. Chiffres en poids net pour l'Europe de l'Est et l'ex-URSS: 69/71 652 kg; 88/90 790 kg; 2010 693 kg.

Tableau 3.4 - Disponibilités alimentaires par habitant destinées à la consommation humaine directe (ration calorique) et évolution possible de l'incidence de la sous-alimentation chronique
 Ration alimentaire par habitant (cal/jours)Sous-alimentation chronique
  Pourcentage de la populationNombre de personnes (millions)
 69/7188/90201069/7188/90201069/7188/902010
Monde entier2 4302 7002 860      
93 pays en développement2 1202 4702 730362011941781637
Afrique subsaharienne2 1402 1002 17035373294175296
Proche-Orient/Afrique du Nord2 3803 0103 1202486422429
Asie de l'Est2 0202 6003 0404416450625877
Asie du Sud2 0402 2202 450342412245265195
Amérique latine et Caraibes2 5002 6902 95019136545940
Pays développés3 2003 4003 470      
Europe de l'Est + ex-URSS3 3103 3803 380      
Autres pays développés3 1403 4103 510      

Les événements pourraient prendre une tournure différente si l'Afrique subsaharienne trouvait le moyen de se sortir de sa stagnation économique quasi permanente et si son agriculture progressait encore plus que la présente étude ne le juge probable. L'évaluation de l'agriculture présentée ici indique que la croissance de certains produits pourrait être plus forte que prévu, ce qui est important si l'on cherche des mesures à prendre pour remédier à la dégradation de la situation nutritionnelle en Afrique subsaharienne. Mais il ne faudrait pas aller jusqu'à supposer que ces possibilités pourront se concrétiser dans une conjoncture de quasi-stagnation des revenus par habitant qui freine la demande interne effective alors que la demande des principaux produits agricoles d'exportation sera également déprimée. Ces conditions ne sont guère propices à l'adoption d'incitations visant à stimuler l'introduction de technologies faisables ni à la réalisation d'investissements de mise en valeur des ressources qui permettraient à ce potentiel productif de s'exprimer. Et la stagnation économique continuera de limiter les ressources que le secteur public sera en mesure d'investir dans l'agriculture pour améliorer ses résultats (infrastructure, recherche, vulgarisation, éducation, etc.). Comme on l'a signalé, il est possible que les résultats de l'alimentation et de l'agriculture soient plus favorables si les nombreuses réformes en cours d'exécution et le climat extérieur, y compris les flux de ressources, permettaient un développement économique de la région plus rapide que ne l'indiquent les projections faites par d'autres organisations internationales (voir tableau 3.1).

3.5 Les pays en développement: perspectives des grands groupes de produits

Perspectives différentes pour différents secteurs de produits

Comme on l'a noté, l'évolution prévue du secteur agricole dans son ensemble reflète les perspectives de croissance différentes des principaux secteurs de produits. Celles-ci sont récapitulées dans le tableau 3.5, puis analysées dans les sections suivantes.

Les céréales dans les pays en développement

- Perspectives générales

La tendance à la baisse des taux de croissance de la production céréalière devrait se poursuivre (tableau 3.6). En dépit de cette baisse, la croissance de la production devrait continuer de dépasser celle de la population à l'avenir. La production par habitant continuerait à progresser mais plus lentement qu'autrefois. Ainsi, alors que la production par habitant a augmenté de 30 kg depuis 20 ans, elle pourrait ne progresser que de 12 kg au cours des 20 prochaines années.

Tableau 3.5 - Place des grands groupes de produits dans la production agricole brute totale, 93 pays en développement
Groupe de produitsPourcentage de la valeur totale de la production brute 1988/90Taux de croissance de la production*
  61–7070–8080–9070–9088/90–2010
Céréales304,13,02,83,12,0
Autres produits vivriers de base (racines/tubercules, plantains, légumineuses)92,51,51,61,31,7
Autres produits vivriers273,13,53,73,72,8
Produits de l'élevage273,93,84,64,33,4
Produits non vivriers (boissons, matières premières)72,71,33,12,62,2
Total1003,53,03,43,32,6

* On obtient les taux de croissance pour la période historique en prenant en considération toutes les données annuelles(estimation statistique sur la base des fonctions exponentielles selon la pratique normale). Il est donc possible que le taux decroissance sur 20 ans soit supérieur ou inférieur aux taux de croissance des deux périodes de 10 ans ou à leur moyenne.

Ce ralentissement est attribuable à divers facteurs dont certains sont négatifs et d'autres positifs. Du côté positif, la demande par habitant de céréales devant servir directement à l'alimentation est déjà relativement élevée dans certains pays et la consommation évolue en faveur d'autres produits alimentaires. C'est le cas du riz dans certains pays d'Asie de l'Est. Du côté négatif, dans d'autres pays où la consommation par habitant est encore faible, celle-ci pourrait ne pas progresser beaucoup par suite de la conjugaison d'une faible croissance des revenus et de contraintes à l'augmentation de la production et, éventuellement, des importations.

Tableau 3.6 - Ensemble des céréales, 93 pays en développement (y compris le riz sous sa forme usinée) 1
A. Ensemble des 93 pays
AnnéeMillions de tonnesPourcentage d'autosuffisanceKg/habitantPourcentage annuel de croissance de la production
ProductionConsommationImportations nettes2ProductionConsommation 
Tous usagesAlimentation directeAutres usages 
61/6335035716 (18)981651691313860–704,0
69/7148049217 (20)981861901454570–803,1
79/8165070959 (67)922012201625880–902,8
88/9084591880 (90)922162351706588/90–20102,1
201013141462148 (162)9022825417381  

B. Par région
 DemandeProductionSolde net2Pourcentage d'autosuffisanceTaux de croissance annuelle
Alim. humaineAlimentation animaleDemande totalePériodeDemandeProduction
Par habitant
(kg)
Total
(millions de tonnes)
Afrique subsaharienne          
1969/711153113736-397,461–902,61,9
1979/811134024841-885,570–902,92,1
1988/901145426354-886,480–903,23,4
20101211104128109-1985,588/90–20103,43,4
Proche-Orient/Afrique du Nord          
1969/7118333105446-6 (-7)86,961–904,02,4
1979/8120347198058-23 (-24)72,670–904,32,4
1988/90213633211273-38 (-39)65,480–903,92,9
201021010364190119-71 (-72)62,788/90–20102,62,3
Asie de l'Est (Chine comprise)          
1969/7115117321220216-6 (-9)98,261–904,14,0
1979/8118125249334316-19 (-25)94,570–903,73,6
1988/9020132074435419-20 (-27)96,280–902,73,1
2010206424176657635-22 (-35)96,788/90–20102,02,0
Asie du Sud          
1969/711481061119116-597,361–902,83,0
1979/811531362154148-196,070–902,73,0
1988/901561722196200-5102,080–902,83,0
20101632714302292-1096,388/90-20102,11,8
Amérique latine et Caraïbes          
1969/7111933226366+3104,961–903,62,9
1979/8112846389487-892,970–903,22,4
1988/90129564511399-1087,680–901,80,8
20101398779184159-25 (-26)86,588/90–20102,42,3

1 Pour la comparaison des projections avec celles des pays développés et avec les totaux mondiaux, voir tableau 3.17.

2 Les chiffres entre parenthèses représentent les importations nettes de l'ensemble des pays en développement, y compris ceux qui ne font pas partie du groupe de 93 pays, dont certains sont d'importants importateurs mais de petitsproducteurs Pour ce qui est des importations et des exportations des pays en développement, voir le texte.

En parallèle, la croissance de la consommation par habitant destinée à tous usages (+19 kg) dépassera probablement celle de la production par habitant (+12 kg) l'écart devant être comblé par une augmentation des importations nettes (tableau 3.6). Ces volumes supplémentaires ne serviront pas seulement à l'alimentation humaine mais aussi à l'alimentation animale, ce qui traduit la croissance persistante de la production et de la consommation de produits de l'élevage (voir ci-dessous).

En conséquence de cette évolution possible de la production et de la consommation, les besoins nets d'importations céréalières des pays en développement continueront d'augmenter, bien que lentement, à un rythme se rapprochant davantage de celui des années 80 que de l'envolée des années 70. Ainsi, les importations nettes de céréales pourraient passer de 90 millions de tonnes en 1988/90 à quelque 160 millions de tonnes3 en 2010 et le ratio global d'autosuffisance céréalière pourrait légèrement baisser à 90 pour cent d'ici 2010 (tableau 3.6). Environ la moitié de l'augmentation totale enregistrée par les 93 pays serait attribuable au Proche-Orient/Afrique du Nord et le solde principalement à l'Amérique latine/Caraïbes et à l'Afrique subsaharienne et seul un faible pourcentage à l'Asie du Sud et à l'Asie de l'Est, à supposer que la Chine (continentale) reste un petit importateur net.

La perspective que les besoins d'importations nettes de céréales de l'Afrique subsaharienne puissent plus que doubler pour atteindre près de 20 millions de tonnes pourrait être jugée préoccupante compte tenu de la situation difficile de la balance des paiements de la région et de sa forte dépendance à l'égard de l'aide alimentaire. Cette projection laisse à penser que l'aide alimentaire devra continuer à jouer un rôle, peut-être même un rôle accru, à l'avenir. Toutefois, les importations nettes de cette région ne représentent et ne représenteront probablement encore qu'une faible part du déficit céréalier total des pays en développement. Elles sont aussi totalement insuffisantes pour répondre à ses besoins du fait que même si sa production augmentait de 3,4 pour cent par an (comme le projette cette étude), ce taux serait encore absolument inadéquat pour permettre aux très faibles niveaux de consommation de faire des progrès plus que marginaux. S'il y a lieu de s'inquiéter de voir au moins doubler les importations nettes de céréales de la région au cours des 20 prochaines années, le souci primordial devrait être de définir une issue plus favorable pour la région, reposant sur une croissance plus forte de l'agriculture (mais pas nécessairement des céréales), des exportations et des revenus globaux, qui entraînerait une augmentation de la demande en dépit de la forte probabilité que les importations nettes de produits alimentaires seraient encore plus élevées4.

3 Il s'agit des importations nettes de l'ensemble des pays en développement, après déduction des exportations nettes projetées des pays en développement exportateurs représentant quelque 30 millions de tonnes (contre 17 millions de tonnes en 1988/90 et 14 millions de tonnes en 1969/71). Les importations nettes des pays en développement importateurs seraient, selon les projections, de l'ordre de 190 millions de tonnes d'ici 2010 (contre 106 millions de tonnes en 1988/90 et 34 millions de tonnes en 1969/71).

4. On se préoccupe beaucoup des déficits alimentaires naissants de l'«Afrique». En pratique, c'est surtout aux pays d'Afrique du Nord (Maroc, Algérie, Tunisie, Libye, Egypte) plutôt qu'aux pays d'Afrique subsaharienne qu'il faut imputer l'augmentation des importations nettes de céréales. Ainsi en 1988/90, les importations nettes de l'Afrique de Nord se sont chiffrées à 19,4 millions de tonnes (contre 2,7 millions de tonnes en 1969/71) et celles de l'Afrique subsaharienne à 8,1 millions de tonnes (2,7 millions de tonnes en 1969/71). Il faut noter que les besoins projetés d'importation n'ont rien à voir avec la notion de « déficit alimentare » de l'Afrique, terme souvent utilisé dans un sens normatif et notamment compris comme désignant la différence entre la production intérieure et les besoins totaux de consommation, compte tenu d'un objectif normatif de consommation par habitant.

Perspectives de production de céréales individuelles

Le ralentissement projeté de la production totale de céréales des pays en développement est en grande partie imputable à l'évolution prévue du blé et du riz alors que la croissance de la production de céréales secondaires pourrait être un peu plus rapide qu'autrefois, mais pas assez rapide pour compenser le ralentissement de croissance du blé et du riz. Cela tient principalement à ce que le plus gros de leurs récoltes de blé et de riz provient des deux régions d'Asie et du Proche-Orient-Afrique du Nord, qui manquent de terres (voir Chapitre 4). En outre, tout porte à croire que la demande de blé et de riz augmentera moins vite que celle des céréales secondaires destinées à l'alimentation animale.

Il s'ensuit que la possibilité d'accroître la production de blé et de riz en augmentant la surface cultivée est beaucoup plus limitée que pour les céréales secondaires qui constituent une part plus importante de la production céréalière dans les régions moins pauvres en terres que sont l'Amérique latine et l'Afrique subsaharienne. La croissance de la production de riz et de blé dans les pays en développement dépendra donc plus que dans le passé de la croissance des rendements. Dans ce contexte, il est peu probable que les énormes progrès des rendements de ces deux céréales, qui ont caractérisé les beaux jours de la révolution verte, se répètent au même rythme à l'avenir. On prévoit un ralentissement de la croissance des rendements du blé comme du riz; le taux annuel moyen de croissance passerait de 2,8 pour cent au cours des 20 dernières années à 1,6 pour cent au cours des 20 prochaines années pour le blé et de 2,3 à 1,5 pour cent pour le riz. Les raisons de cette évolution sont expliquées de manière plus détaillée au chapitre 4 où cette question est analysée du point de vue des zones agro-écologiques, allant de semi-arides à totalement irriguées. On trouvera un résumé des principaux paramètres de la production céréalière dans les pays en développement, à l'exclusion de la Chine5, au tableau 3.7 (ci-contre). Des données plus détaillées ainsi que des projections pour chaque céréale dans le contexte mondial figurent en annexe au présent chapitre.

Utilisation des céréales dans l'alimentation humaine et animale

Actuellement les pays en développement consomment au total 930 millions de tonnes de céréales (riz compris sous sa forme usinée) dont 90 millions de tonnes viennent d'importations nettes en provenance de pays développés (données pour 1988/90). La consommation alimentaire directe absorbe quelque 670 millions de tonnes (72 pour cent du total, mais avec de larges écarts régionaux, allant par exemple de 88 pour cent en Asie du Sud à 56 pour cent au Proche-Orient/Afrique du Nord. L'alimentation animale représente quelque 160 millions de tonnes (17 pour cent du total, là encore avec de gros écarts entre régions) et les 100 millions de tonnes restants servent de semences et à des usages industriels non alimentaires ou représentent des pertes (entre la moisson et la vente au détail).

5. La Chine n'est pas comprise dans cette analyse des perspectives de production par grande zone agroécologique parce qu'on ne dispose pas de données utiles, par exemple sur la ventilation de la production agricole actuelle ni sur les réserves de terre par zone. En outre, il semble bien que les données sur la Chine sous-estiment les superficies et surestiment les rendements (China Statistical Yearbook, 1990, p.315). En 1988/90, la Chine (continentale) a produit 313 millions de tonnes de céréales, soit le double de la production des années 1969/71. Cette étude part de l'hypothèse que la production progressera moins vite à l'avenir et que, en 2010, elle sera supérieure de 50 pour cent à son niveau de 1988/90. Les céréales comprennent le blé, les céréales secondaires et le riz usiné. Si les rendements sont effectivement surestimés dans les statistiques officielles, les possibilités de croissance de la production par augmentation des rendements s'en trouvent accrues (Johnson, D. Gale, 1994a). C'est une des raisons pour lesquelles, contrairement aux autres études, la présente étude ne projette pas d'importations considérables de céréales pour la Chine.


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