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CHAPITRE 4 (contd.)

Tableau 4.6 - Superficies arables exploitées, comparaison des projections avec les données historiques (avant et après ajustement)
 1961/631969/711979/811989/911988/901988/90 chiffres ajustés120101961–701970–801980–91de 1988/90 (chiffres ajustés)1 à 2010
 en millions d'haen millions d'hataux de croissance (pourcentage par an)
Pays en développement couverts par l'étude5595956396716697578500.80.70.50.6
(Chine non comprise)           
Afrique sub-saharienne1161241331401402122550.90.70.50.9
Proche-Orient/Afrique du Nord868991939377800.50.10.30.2
Asie de l'Est (Chine non comprise)6368758282881031.01.11.00.8
Asie du Sud1911972022052041901950.40.30.10.1
Amérique latine/Caraïbes1041171381511501892171.51.70.90.6
Pour mémoire           
Pays en développement couverts par l'étude, non comprise l'Afrique sub-saharienne ni la Chine.4434715065315295455950.80.70.50.4
Pays en développement pour lesquels les chiffres ajustés sont proches des celles figurant dans les statistiques courantes24084284504654654494920.60.50.40.4
Chine1041021009695--3 -0.3-0.2-0.5 
Tous pays en développement4668702745773   0.60.60.4 
Pays développés666674672668   0.10.0-0.1 
Amérique du Nord224234236234   0.40.1-0.1 
Europe occidentale10810310098   -0.5-0.2-0.2 
Ex-ECP282275272269   -0.4-0.1-0.1 
Autres52616367   2.50.40.5 
Total mondial1335137614161441   0.40.30.2 

N.B.: Les données historiques sont les chiffres officiels complétés par des chiffres non officiels et des estimations de la FAO, tels qu'ils figurent dans les statistiques courantes de la FAO sur les terres arables et les terres sous cultures pérennes.

1 Ajusté aux fins de la présente étude, comme il est expliqué dans le texte.

2 Pays pour lesquels l'ajustement du chiffre de la superficie des terres en 1988/90 est inférieur à 20 pour cent.

3 Selon certaines sources, la superficie exploitée en Chine serait de 125 millions d'ha.

4 Y compris les petits pays non pris en compte dans la présente étude

Le tableau 4.6 donne une vue d'ensemble de l'utilisation des terres agricoles du monde, y compris la Chine, les pays en développement non pris en compte dans l'étude et les pays développés. On observe que les superficies exploitées dans les pays développés n'ont pratiquement pas varié et que les chiffres de l'utilisation des terres en Chine sont très incertains. En admettant que la superficie utilisée pour l'agriculture dans les pays développés (pour laquelle on n'a pas établi de projections) diminuera un peu, on peut postuler qu'à l'échelle mondiale l'expansion des terres agricoles sera modeste.

4.3 Superficie et rendement des grandes cultures

Le taux projeté de croissance de la production végétale est de 2,4 pour cent par an, contre 2,9 pour cent par an en 1970–90; les raisons de ce ralentissement sont exposées au Chapitre 3. L'accroissement des superficies récoltées et celui des rendements utilisés pour les projections des principales cultures figurent au tableau 4.7. Le tableau 4.8 donne le rôle respectif de l'accroissement des rendements et de celui des superficies ainsi que, dans ce dernier cas, celui de l'expansion des terres arables et celui qui résulte de l'accroissement des intensités de culture, c'est-à-dire des récoltes multiples et du racourcissement des jachères. On notera que ces rendements moyens (agrégats de toutes les cultures, pondérés en fonction des prix de 1979/81, toutes zones agroécologiques, tous pays) ne sont guère utiles pour comprendre les facteurs agronomiques qui sous-tendent les projections.

Toutefois les données et les projections des tableaux 4.7 et 4.8 donnent une idée du rôle de l'expansion des terres cultivées et des terres irriguées, de l'intensification de leur utilisation (intensité de culture) et de l'augmentation des rendements dans l'accroissement projeté de la production. En particulier, on pourra voir dans quelle mesure l'avenir ressemblera au passé, encore que, comme on l'a vu plus haut, les séries historiques ne fournissent pas toujours une base valable pour les comparaisons. Soulignons que les projections des superficies agricoles et des rendements ne sont en aucune façon des extrapolations des tendances historiques. Imaginons ce qu'aurait donné l'extrapolation des taux de croissance explosifs observés par exemple pour le soja et la canne à sucre dans un pays tel que le Brésil (respectivement 10,8 et 7,4 pour cent par an pendant la période 1970–90).

Les tendances générales qui se dégagent des projections sont les suivantes : Pour les principales cultures (par exemple céréales, soja), le taux d'accroissement annuel des rendements moyens sera probablement nettement inférieur à ce qu'il était depuis vingt ans: par exemple 1,6 pour cent contre 2,8 pour le blé, 1,5 pour cent contre 2,3 pour le riz etc. (tableau 4.7). L'expansion des superficies récoltées restera un facteur important de la croissance de la production végétale, mais à un moindre degré que l'augmentation des rendements. Parallèlement, l'accroissement des intensités de cultures, et surtout celui des superficies irriguées, joueront un rôle prédominant dans les pays pauvres en terres (Asie du Sud, Proche-Orient/Afrique du Nord). Enfin, comme il est indiqué plus haut, l'expansion des superficies irriguées ralentira probablement beaucoup.

Tableau 4.7 - Superficie et rendements des principales cultures: pays en développement (Chine non comprise)
 Production (P)Superficie récoltée (SR)Rendement (R)Taux annuel de croissance (%)
(millions de tonnes)(millions d'ha)(tonnes/ha)1970–901988/90–2010
1969/711988/901991/92120101969/711988/9020101969/711988/902010PSRRPSRR
Blé671321442055870771.21.92.73.80.92.82.10.51.6
Riz (paddy)177303309459951091201.92.83.83.00.82.32.00.51.5
Maïs701121171965463801.31.82.52.70.91.82.71.21.5
Orge162224351517191.11.31.81.80.81.02.30.61.8
Millet192221323532380.60.70.80.4-0.61.01.80.91.0
Sorgho283737623837500.71.01.21.70.31.52.51.41.1
Total des céréales3816316579952993313891.31.92.62.80.62.22.20.81.4
Manioc951531492231115188.310.112.22.41.31.11.80.90.9
Canne à sucre48688293913659151852.059.675.43.42.50.82.11.01.1
Légumineuses243032484652610.50.60.81.30.70.62.20.71.5
Soja3383779322331.01.72.411.89.42.13.61.91.7
Arachides141615301717210.81.01.40.4-0.40.93.01.21.7
Café4668911120.50.50.72.21.50.71.50.11.4
Coton-à-graines162122422219220.71.11.91.3-0.92.23.20.72.5

N.B.: Des différences considérables apparaissent dans certains cas entre le taux annuel de croissance de la période historique et le taux projeté. Il s'agit souvent de la poursuite d'une tendance qui avaitdéjà commencé pendant la période historique ou d'une modification attendue dans un pays qui a un poids considérable dans le total. Par exemple, le taux annuel de croissance de la productionde canne à sucre projeté pour les pays en développement, Brésil non compris, sera le même que pendant la période historique, soit 2,2 pour cent. De façon analogue, la superficie consacrée à laculture du soja au Brésil (égale aujourd'hui à plus de la moitié du total pour les pays en développement) a augmenté à raison de 21,2 pour cent par an pendant les années 70; ce taux decroissance est tombé à 3,5 pour cent pendant les années 80.

1 Chiffres révisés, connus en mai 1994, mais qui n'ont pas été utilisés dans le corps de l'étude.

Tableau 4.8 - Facteurs de croissance de la production végétale et des superficies récoltées, pays en développement (Chine non comprise)

(pourcentage)

 Production végétaleSuperficie récoltée
1970–901988/90–20101988/90–2010
rôle de l'accroissementrôle de l'accroissementrôle de l'accroissement
des rendementsdes superficies récoltéesdes rendementsdes superficies récoltéesdes superficies arablesde l'intensité de culture
Pays en développement693166346238
Afrique sub-saharienne534753476436
Proche-Orient/
Afrique du Nord732771293169
Asie de l'Est594161398218
Asie du Sud821882182278
Amérique/latine/Caraïbes524853476040

Superficies et rendements dans le secteur céréalier

Dans les pays en développement (Chine non comprise), le riz est la principale culture céréalière : le paddy représentait en 1988/90 48 pour cent de la production totale de céréales; venaient ensuite le blé (21 pour cent), le maïs (18 pour cent), le sorgho (6 pour cent) et enfin l'orge et le millet (moins de 4 pour cent chacun). La croissance de la production de blé et de riz devrait beaucoup ralentir pendant la période étudiée par comparaison avec les deux décennies antérieures. Pour les céréales secondaires, le taux de croissance se maintiendra sans doute, notamment à cause de la forte expansion de la demande de céréales fourragères.

L'essentiel (82 pour cent) de la production de blé des pays en développement (Chine non comprise) est imputable à l'Asie du Sud et au Proche-Orient/Afrique du Nord. La production de riz est concentrée en Asie du Sud et de l'Est (89 pour cent) et celle d'orge au Proche-Orient/Afrique du Nord. Ces régions sont pauvres en terres et plus que les autres tributaires de l'irrigation. Compte tenu de leurs besoins et de leur potentiel, elles devront compter essentiellement sur l'augmentation des rendements pour accroître la production de ces trois céréales. Le maïs et le sorgho sont principalement produits en Amérique latine et en Afrique sub-saharienne et la production de mil est partagée également entre l'Afrique sub-saharienne et l'Asie du Sud. Etant donné que les cultures de céréales secondaires (sauf l'orge) sont concentrées dans les deux régions d'agriculture pluviale riches en terres, il semble que l'expansion des superficies jouera un rôle relativement plus important dans l'accroissement de la production de ces céréales que ce ne sera le cas pour le blé et le riz.

Les données et projections du tableau 4.7 confirment cette indication. Par exemple, une croissance annuelle de 2,0 pour cent par an de la production de riz pourra être obtenue au moyen d'une expansion de 0,5 pour cent par an de la superficie récoltée (et bien plus faible encore des terres arables consacrées à la production de riz). Par contraste, l'augmentation de 2,5 pour cent par an de la production de sorgho correspondra à une augmentation de 1,4 pour cent par an de la superficie récoltée. C'est parce que la production de ces céréales secondaires est essentiellement pluviale (et, pour le millet et le sorgho, se situe en grande partie dans les deux classes de terres semi-arides) que l'amélioration des rendements jouera probablement un rôle moins important dans la croissance de la production que dans le cas du blé et du riz. Le tableau 4.9 indique pour chaque classe agro-écologique de terres les superficies et rendements utilisés pour établir les projections de la production de céréales.

Cette ventilation par zone agro-écologique donne des renseignements intéressants sur les facteurs de croissance des rendements moyens, car elle permet de distinguer les accroissements réels obtenus dans un environnement physique donné au moyen d'une amélioration de la fumure, des variétés, de la gestion, etc., des accroissements qui résultent d'un déplacement de la production vers des classes de terre plus productives. Par exemple, une partie de l'augmentation de une tonne/ha du rendement moyen de riz s'explique par la perspective d'une augmentation de la part des rizières irriguées dans les superficies rizicoles totales (de 43,5 pour cent en 1988/90 à 47,9 pour cent en 2010). Avec cette évolution, le rendement moyen peut augmenter sans aucune augmentation de rendement ni du riz pluvial ni du riz irrigué. Cependant, le facteur le plus important d'accroissement des rendements moyens sera l'augmentation obtenue dans chaque classe de terre. La mesure dans laquelle cet accroissement des rendements dans une zone agro-écologique donnée dépendra de la création par la recherche de nouvelles variétés permettant un décollage spectaculaire du taux de croissance des rendements ou de variétés contribuant à une évolution plus lente des rendements ou encore permettant de remplacer périodiquement celles dont le potentiel s'érode est une question d'importance primordiale pour déterminer les besoins et objectifs prioritaires de la recherche en vue de permettre une croissance soutenue de la production (voir à ce sujet les intéressants exposés de Byerlee, 1994 et Plucknett, 1994).

Les paramètres agro-écologiques utilisés pour classer les terres agricoles en catégories fournissent une certaine base pour s'attaquer à cette question. Leur utilité dépend de l'homogénéité des classes de terre ainsi obtenues du point de vue du potentiel de croissance des rendements. On pourra dire que ces classes sont homogènes si par exemple les terres pluviales de la classe sub-humide (AT3) présentent les mêmes caractéristiques physiques et biotiques (LPV, sol, topographie) dans les différents pays, par exemple en Argentine et au Mexique. Or le rendement du maïs dans cette classe de terre est de 3,5 tonnes/ha en Argentine contre 1,4 tonnes au Mexique. Si l'environnement physique est le même, il est raisonnable de penser que le rendement peut beaucoup augmenter au Mexique avec les variétés existantes. En tel cas, l'accroissement de la production de maïs dépendra moins de nouvelles percées de la recherche et plus d'un effort de recherche d'adaptation et de facteurs socio-économiques propres à permettre aux cultivateurs mexicains de tirer parti des variétés qui se sont révélées plus productives en Argentine.

Mais les critères agro-écologiques utilisés ici ne sont pas assez fins pour fonder des conclusions fermes de ce type. Par exemple, la classe «sub-humide» comprend des terres dans lesquelles a) la LPV varie de 180 à 270 jours, b) les caractéristiques pédologiques et topographiques vont de «très aptes» à « aptes », et c) le potentiel des terres «très aptes» varie de 80 à 100 pour cent du rendement maximum libre de contrainte et celui des terres «aptes» de 40 à 80 pour cent. La classe «sub-humide» englobe donc une vaste gamme d'environnements, à tel point que le rendement potentiel peut y varier de 40 à 100 pour cent du rendement maximum libre de contrainte. Dans ces conditions, si la majeure partie des terres « sub-humides » du pays X se classent au bas de la gamme des rendements potentiels, tandis que celles du pays Y sont proches des valeurs maximum, la possibilité dans le pays X d'accroître les rendements, essentiellement au moyen de politiques favorisant le transfert, l'adaptation et la diffusion des technologies et des variétés existantes utilisées dans le pays Y, serait très limitée. On notera que même les terres irriguées sont beaucoup moins homogènes que ne l'indiquerait l'affranchissement des contraintes liées à l'eau (LPV). En effet la qualité des terres irriguées est très différente selon qu'il s'agit de périmètres complètement équipés et sans risque de pénuries d'eau ou de périmètres incomplètement équipés sujets à des pénuries d'eau.

Tableau 4.9 - Production des principales céréales par classe de terres dans les pays en développement (Chine non comprise)1
 Toutes classes de terre2Semi-arides sèches (AT1)Semi-arides humides (AT2)Sub-humides(AT3) Humides (AT4 + AT5)Fluvisols e(AT6+AT7)t gleysols Irriguées
S3RPSRPSRPSRPSRPSRPSRP
Blé                     
1988/9069.71.9132.43.10.72.210.01.212.316.01.727.36.21.610.30.50.70.433.82.480.0
201077.12.7205.03.21.03.311.01.820.317.42.137.15.22.312.10.51.00.539.73.3131.7
Riz                     
(paddy)                     
1988/90109.22.8302.7      10.52.122.421.41.633.329.72.471.747.53.7175.3
2010120.53.8458.7      5.72.413.424.51.945.432.63.1101.957.75.2297.9
Maïs                     
1988/9062.61.8112.20.80.60.57.61.29.030.11.854.915.31.319.51.61.01.77.23.726.7
201079.62.5196.61.00.90.98.81.513.638.12.697.719.31.733.51.61.21.910.84.549.0
Orge                     
1988/9017.21.321.94.70.73.33.91.24.82.81.74.82.31.43.20.60.70.42.91.85.3
201019.41.835.55.21.15.74.21.97.93.32.47.72.91.95.40.81.00.83.12.68.0
Millet                     
1988/9031.90.721.710.20.43.99.80.66.46.30.95.82.90.51.50.90.80.81.71.93.3
201038.20.831.712.10.56.112.10.89.97.21.18.13.70.62.41.31.21.61.82.03.5
Sorgho                     
1988/9037.11.036.98.80.54.111.30.88.99.41.311.92.50.71.92.00.81.73.02.88.4
201049.71.261.811.70.66.914.51.014.212.71.721.54.30.93.92.81.13.13.83.312.3

1 On ne dispose pas dans les statistiques courantes de données complètes et comparables sur les superficies et les rendements par classe de terres au niveau des pays. Ces chiffres ont été rassembléspour la présente étude à partir de tous les renseignements disponibles (rapports des pays ou des projets, opinion des experts, etc.). Ils doivent être interprétés avec prudence.

2 Les classes de terres sont décrites à la Section 2 du présent chapitre.

3 S = superficie récoltée en millions d'ha; R = rendement en tonnes/ha; P = production en millions de tonnes.

Malgré ces réserves, l'utilisation des classes agro-écologiques et la ventilation du secteur céréalier entre les différentes céréales peut aider à déterminer la mesure dans laquelle la croissance future des rendements dépendra de nouvelles percées de la recherche. Cela fournit certainement une meilleure base qu'une simple comparaison des différences de rendement moyen entre pays ou à plus forte raison entre grands groupes de pays, tels que pays développés et pays en développement. Par exemple le rendement moyen de blé dans les pays de la région Proche-Orient/Afrique du Nord va de près de 5 tonnes/ha en Egypte et Arabie Saoudite (où toutes les emblavures sont irriguées) à 0,8–0,9 tonnes/ha en Algérie et en Irak (essentiellement en cultures pluviales et en milieu semi-aride). Il est évident que ces différences de rendement moyen n'éclairent en rien la question. Mais il est plus utile de savoir que le rendement du blé pluvial dans les terres classées comme «sub-humides» est le double en Turquie de ce qu'il est dans la plupart des autres pays de la région. Cet écart dans une même classe de terre est plus utile que les rendements moyens à l'échelle nationale pour déterminer les possibilités de rattraper la performance des pays à rendement élevé par un effort de modernisation (Plucknett, 1993, étudie la question sur la base d'une analyse des différences de rendement moyen entre les pays).

Ces considérations sont utiles pour étudier les facteurs qui ont inspiré les projections du rendement proposées dans la présente étude. Le principal de ces facteurs est la constation que la possibilité d'accroître brutalement les rendements maximum par l'introduction de nouvelles variétés est plus limitée que dans le passé (Ruttan, 1994). Pour l'accroissement des rendements moyens, il faudra donc compter beaucoup moins sur les pays où les rendements sont aujourd'hui élevés que sur les pays qui se situent au milieu et au bas de la gamme, et en particulier sur les plus grands d'entre eux. C'est pourquoi les projections font apparaître une réduction des écarts de rendement entre les pays pour chaque classe de terre. On trouvera au tableau 4.10 les rendements moyens et les écarts de rendement observés et projetés pour chaque classe de terre.

L'évolution prévue est-elle conforme à l'expérience passée ? On ne saurait répondre à cette question pour les différentes classes de terre faute de données historiques. Seuls sont connus les rendements moyens pour l'ensemble des classes de terre dans chaque pays. On constate que l'écart entre les pays où les rendements sont le plus élevés et ceux où ils sont le plus bas (moyenne simple du premier et du dernier décile des pays classés en fonction du rendement) s'est creusé entre 1969/71 et 1988/90 (tableau 4.10) parce que le rendement s'est accru plus vite dans les pays qui se classaient dans le premier décile en 1969/71 que dans ceux du dernier décile. Selon les projections du rendement moyen (toutes classes de terre) on peut au contraire s'attendre à ce que l'écart retrécisse à l'avenir parce que la possibilité d'accroître les rendements dans les pays qui se classaient en 1988/89 dans le premier décile est beaucoup plus limitée que ce n'était le cas il y a 20 ans.

Tableau 4.10 - Rendements céréaliers dans les différentes classes agro-écologiques et différences entre les pays, pays en développement (Chine non comprise)
Produit/Classe de terrePourcentage de la production provenant de la classe indiquée, 1988/90Rendements1(tonnes/ha)
Moyenne (pondérée)Ecart entre les pays2
88/90201069/7188/902010
Riz (paddy), toutes classes de terres1002.83.80.9 – 4.60.9 – 6.61.5 – 7.2
irriguées583.75.2 1.7 – 7.23.4 – 8.0
Fluvisols et Gleysols242.43.1 1.0 – 3.61.4 – 4.0
Blé, toutes classes de terres1001.92.70.5 – 2.70.8 – 5.11.2 – 6.4
irriguées602.43.3 1.1 – 5.41.9 – 6.7
pluviales, terres sub-humides211.72.1 0.9 – 2.91.2 – 4.1
Maïs, toutes classes de terres1001.82.50.6 – 3.10.6 – 4.91.1 – 6.0
irriguées243.84.6 1.6 – 7.92.2 – 8.4
pluviales, terres sub-humides491.82.6 0.6 – 3.71.2 – 4.1
pluviales, terres humides171.31.7 0.4 – 2.80.8 – 3.6
Millet, toutes classes de terres1000.70.80.4 – 1.30.3 – 1.40.6 – 1.7
pluviales, semi-arides sèches180.40.5 0.1 – 0.60.3 – 0.8
pluviales, sub-humides270.91.1 0.6 – 1.80.7 – 2.2
Sorgho, toutes classes de terres1001.01.20.3 – 2.80.4 – 3.40.6 – 3.7
pluviales, semi-arides sèches110.50.6 0.3 – 1.00.4 – 1.2
pluviales, sub-humides321.31.7 0.6 – 3.50.9 – 3.9

1 Seuls sont pris en compte les pays possédant au moins 50 000 ha de la culture considérée sur la classe de terre indiquée à ladate indiquée.

2 Moyenne simple du dernier et du premier décile des pays classés par rendement décroissant (les premiers et derniers décilesne comprennent pas nécessairement les mêmes pays chaque année).

Cette tendance est illustrée au tableau 4.11 qui indique les rendements de blé et de riz dans des pays déterminés (les chiffres permettant des comparaisons analogues pour les autres céréales figurent dans l'Annexe statistique). Pour le blé, les rendements étaient presque deux fois plus élevés en 1988/90 qu'en 1969/71 dans les pays du premier décile, tandis que dans les pays du dernier décile, l'accroissement a été beaucoup moins marqué. Cette tendance est encore plus frappante pour le riz.

Toutefois, il ne faut pas croire qu'une partie importante de l'accroissement de la production globale des pays en développement tiendra au retrécissement de l'écart entre les pays (tel qu'il est mesuré ici, c'est-à-dire la différence entre les rendements moyens dans les pays du premier décile et du dernier décile). En effet, les pays des déciles extrêmes ne représentent qu'une part relativement faible de la production totale, même si l'on exclut de l'analyse, comme on l'a fait pour les tableaux 4.10 et 4.11, les pays où moins de 50 000 ha sont consacrés à la culture considérée ou, comme dans le tableau 4.10, moins de 50 000 ha de la classe de terre envisagée. En pratique la validité des projections de la production totale des pays en développement dépend principalement de celle des projections de la croissance du rendement dans les pays où est située la majeure partie des terres consacrées à la culture considérée.

Tableau 4.11 - Ecarts de rendements du blé et du riz dans les divers pays, pays en développement, Chine non comprise1

(tonnes/ha)

 BléRiz
 69/7188/90201069/7188/902010
Nombre de pays323334444750
Premier décileMexique2.92Zimbabwe5.73 Egypte5.27Egypte6.65 
Egypte2.74Egypte5.00 Corée (Rep)4.63Corée (Rep)6.41 
Corée (Rep)2.31Arabie S.4.65 Corée (RPD)4.25Corée (RPD)8.11 
     Pérou4.14Pérou5.16 
Moyenne2.65Moyenne5.126.37Moyenne4.57Moyenne6.587.25
Dernier décileAlgérie0.61Algérie0.68 Ghana1.00Liberie1.14 
Myanmar0.55Bolivie0.70 Tanzanie1.00Mozambique0.87 
Libye0.26Libye0.90 Guinée0.89Guinée0.83 
     Zaire0.76Zaire0.91 
Moyenne0.47Moyenne0.761.16Moyenne0.91Moyenne0.941.55
Principaux producteurs :
premier décile des pays classés par superficie récoltée
Turquie1.32Turquie2.02 Indonésie2.35Indonésie4.22 
          
          
Inde1.23Inde2.12 Thailande1.93Thailande2.00 
Pakistan1.11Pakistan1.81 Bangladesh1.68Bangladesh2.57 
     Inde1.67Inde2.63 
Moyenne1.22Moyenne1.982.84Moyenne1.91Moyenne2.864.20
Rendement du premier décile = 100100100100100100100
Dernier décile181518201421
Principaux producteurs463945424358
Moyenne simple, tous pays435357474553

1 Seuls sont pris en compte les pays où plus de 50 000 ha ont été cultivés en blé ou riz l'année indiquée. Les rendements moyens sont des moyennes simples, non pondéréesen fonction de la superficie cultivée dans chaque pays.

C'est pourquoi le tableau 4.11 indique les chiffres historiques et les projections concernant les pays possédant les plus grandes superficies de la culture considérée (premier décile des pays classés par superficie consacrée à la culture). On constate que a) dans ces pays, les rendements sont moins de la moitié de ceux obtenus dans les pays où ils sont le plus élevés ; b) pour le blé, la moyenne simple des rendements pourrait augmenter de 43 pour cent, contre 62 pour cent au cours des 20 dernières années ; c) pour le riz, les pourcentages correspondants sont de 47 et 50 pour cent ; d) malgré ces augmentations, les rendements moyens (moyenne simple) dans ces pays, dont les résultats ont un poids considérable dans le total, ne seront encore en 2010 qu'environ la moitié des rendements projetés pour les pays du premier décile. Ainsi, si l'on prévoit une réduction de l'écart, particulièrement pour le riz, elle sera due à ce que les possibilités d'accroître les rendements sont limitées dans les pays du décile supérieur et non à une accélération du progrès dans les pays gros producteurs où ils sont moyens.

Ce développement assez long a été jugé nécessaire pour donner au lecteur des bases suffisantes pour réfléchir aux possibiloités de compter sur un accroissement ultérieur des rendements pour assurer la croissance de la production. Cette question est examinée plus à fond dans la section suivante. On n'a pas cherché à rapporter ces projections des rendements à des propositions concrètes en matière de recherche agronomique (ampleur, modalités, priorités). Il est certain que l'accroissement futur des rendements, même au rythme plus modeste projeté pour l'avenir ne se produira pas si l'effort de recherche se relâche. Mais les effets de la recherche sur la production peuvent se manifester de différentes façons. On comptera moins sur des percées brutales des rendements maximums et davantage sur une recherche évolutive d'adaptation et d'entretien.

Evaluation des projections des superficies et des rendements

La méthode utilisée ici pour projeter les superficies récoltées et les rendements des différentes cultures est pour l'essentiel identique à celle qui avait été employée en 1985/86 pour les projections à l'horizon 2000 de la version de 1987 de la présente Etude (Alexandratos, 1989). A mi-parcours de la période 1982/84–2000 (la période de référence pour l'étude de 1987 était 1982/84), il est intéressant de comparer ces projections à l'évolution observée jusqu'en 1992, dernière année pour laquelle on ait des données définitives. Les comparaisons portant sur les principales cultures céréalières des pays en développement (non compris la Chine pour laquelle, comme dans la présente Etude, aucune projection des superficies et des rendements n'avait été effectuée) sont présentées graphiquement dans les figures 4.1 et 4.2. Les projections pèchent en général plutôt par excès pour ce qui de la superficie récoltée des trois céréales examinées; en ce qui concerne le rendement, elles sont vérifiées pour le maïs et pèchent plutôt par défaut pour le blé et le riz. Comme ces erreurs s'équilibrent, la production globale des trois céréales (blé, maïs, riz usiné) est exactement conforme à la projection, la moyenne des années 1990/92, 462 millions de tonnes, étant égale au chiffre obtenu pour 1991 par interpolation des projections de la superficie et du rendement de chacune des trois céréales pour la période 1982/84–2000. Il est impossible de faire une comparaison analogue pour les autres céréales secondaires (16 pour cent de la production céréalière totale des pays en développement, Chine non comprise) parce que les chiffres de l'année de référence 1982/84, qui avaient servi de base aux projections, ont été radicalement révisés par la suite, la superficie passant de 91,9 millions d'ha à 84,6 et le rendement de 860 kg/ha à 933.

Figure 4.1

Figure 4.1 - Rendement et production: comparaison de l'évolution observée jusqu'en 1992 et les projections faites en 1985–86 1), pays en développement, Chine non comprise

1) Projections 1982–84–2000, d'après Alexandratos (1989), Tableau 4-1

Figure 4.2

Figure 4.2 - Superficies récoltées : comparaison de l'évolution observée jusqu'en 1992 et les projections faites en 1985–86 1), pays en développement, Chine non comprise

1) Projections 1982/84–2000 d'après Alexandratos (1989), Tableau 4.1

4.4 Recherche agronomique et variétés modernes

La mise au point et la diffusion de cultivars améliorés ont été les principaux facteurs d'accroissement des rendements et de la production à l'époque récente et le resteront probablement pendant les vingt années à venir, sous réserve des considérations exposées ci-dessus. Les recherches sur les cultivars améliorés peuvent avoir trois types d'objectif (FAO/Secrétariat du CCT, 1993): accroissement des rendements maximums, réduction de l'écart entre les rendements moyens au champ et les rendements maximum et maintien de la productivé. Comme on l'a vu dans la section précédente, le rendement moyen est actuellement, dans la plupart des pays et pour la plupart des classes de terre, très inférieur au rendement potentiel et, dans la plupart des cas, cela vaut aussi pour les projections à l'horizon 2010. Après les progrès spectaculaires des rendements maximums observés pendant les années 50 et 60, la recherche a continué à produire de petits accroissements annuels dont l'effet cumulé est dans bien des cas plusieurs fois supérieur à celui des percées initiales (Byerlee, 1994; Duvick, 1994). Sauf peut-être dans le cas du riz (encadré 4.1 - cf p.168), on s'attend à ce que les percées permettant des progressions brutales des rendements maximum de céréales soient plus rares que dans le passé. Mais le progrès régulier se poursuivra grâce aux recherches visant à adapter des variétés à haut rendement existantes aux conditions locales, en surmontant les contraintes locales, par exemple en produisant des variétés tolérant mieux les stress biotiques (maladies, insectes, mauvaises herbes) ou abiotiques (toxicité des sols, température, eau).

Les semences produites par le secteur structuré (recherche agronomique publique et secteur privé) sont appelées variétés modernes ou, souvent, semences « à haut rendement » ou encore « améliorées ». Ce matériel génétique a été à la base de la révolution verte. Les variétés traditionnelles, « locales » ou « paysannes », sont en général indigènes mais peuvent aussi inclure du matériel exotique. Entre les variétés modernes et les variétés traditionnelles, il existe toute une gamme de variétés intermédiaires comportant des améliorations plus ou moins poussées. La part des variétés modernes dans la consommation totale de semences augmente rapidement (voir ci-après). Les variétés traditionnelles restent toutefois importantes à cause de leurs caractéristiques particulières et comme source de diversité génétique. Elles réussissent parfois mieux dans certains endroits, surtout dans des environnements marginaux. La sélection à la ferme a abouti à de substantielles améliorations de leur rendement. La disparition de variétés et de gènes a dans certains cas été accéléré par la généralisation des méthodes modernes de phytogénétique; plusieurs spécialistes craignent que cela ne menace la durabilité à long terme de l'agriculture. Certains auteurs soutiennent au contraire que la mise au point et la diffusion des variétés modernes, avaient moins d'incidences sur la diversité génétique qu'on ne l'avait cru et que, après la révolution verte, elles avaient même contribué à l'enrichir (Byerlee, 1994). Ils affirment que souvent, en particulier dans les zones agro-écologiques les plus productives, la diversité génétique était limitée avant la révolution verte parce que les agriculteurs n'utilisaient qu'un faible nombre de variétés qui par la suite ont été remplacés par le même nombre de variétés modernes. Vers la fin de la révolution verte et par la suite, le nombre de variétés créées a beaucoup augmenté, de même que la diversité génétique, grâce aux efforts faits pour obtenir des variétés présentant les caractères souhaités.

Les premières variétés modernes n'étaient souvent pas résistantes à beaucoup de maladies et d'insectes. La recherche s'est depuis attaquée en priorité à ce problème et les variétés les plus récentes sont résistantes à de nombreux ennemis. On pense qu'elles sont supérieures aussi bien aux variétés traditionnelles qu'aux premières variétés modernes et que la recherche a beaucoup amélioré la stabilité des rendements (Byerlee, 1994). Comme il est indiqué dans la section consacrée à la protection des végétaux, on prévoit que cette tendance se maintiendra. Pour cela, il est essentiel que la recherche d'entretien renouvelle sans cesse la résistance face à l'apparition de nouveaux biotypes de ravageurs. Bien sûr, des conditions et des politiques économiques propres à inciter les agriculteurs à remplacer périodiquement les variétés qu'ils utilisent par celles auxquelles ont été incorporées de nouvelles sources de résistance sont tout aussi importantes.

Au cours des dernières décennies, des variétés modernes de céréales ont rapidement remplacé les variétés traditionnelles (tableau 4.12). Mais dans diverses situations, par exemple dans les environnements agro-écologiques défavorables, le progrès a été moins rapide. Malgré l'adaptation de variétés modernes à certains de ces environnements, et en particulier la création de variétés tolérant les sols défavorables, l'utilisation des variétés modernes reste plutôt rare dans les zones sujettes à de fréquents déficits d'humidité ou, dans le cas du riz, dans celles où la maîtrise de l'eau n'est pas bonne (FAO/Secrétariat du CCT, 1993). A l'avenir, on ne peut guère compter sur les nouvelles techniques génétiques pour améliorer le rendement potentiel dans ces environnements étant donné la faible rentabilité de la recherche dans ce domaine. De même, les variétés modernes n'ont guère eu de succès dans les zones manquant d'infrastructure et d'accès au marché. Ces contraintes sont particulièrement marquées pour le maïs hybride (en Afrique sub-saharienne et dans les cultures de coteau d'Amérique latine et d'Asie) dont la diffusion nécessite un système efficace de production et de commercialisation des semences.

Tableau 4.12 - Part des variétés modernes dans les cultures de riz, blé et maïs des pays en développement
 Riz2Blé2Maïs
 19701983199119701977198319901990
Tous pays en développement3059742014115917057
Afrique sub-saharienne415na522325243
Asie occidentale/Afrique du Nord011na518314253
Asie (Chine non comprise)1248674269798845
Chine7795100nanana7090
Amérique latine428581124688246

1 Chine non comprise.

2 Non compris les variétés à haute tige disponibles depuis 1965. L'inclusion de ces variétés augmenterait la superficieconsacrée aux variétés modernes, en particulier au riz en Amérique latine.

Source: Byerlee (1994).

Souvent, le meilleur rendement des variétés modernes est plus que compensé par la meilleure qualité des variétés traditionnelles, par exemple le riz basmati en Asie ou le maïs vitreux dans l'Afrique australe. La lenteur de la diffusion des variétés modernes et le fait que ceux qui les ont adoptées retournent parfois aux variétés traditionnelles tiennent en partie à la qualité de ces dernières. Mais les généticiens réussissent peu à peu à conférer des qualités recherchées aux variétés modernes, ce qui facilite leur diffusion. C'est ainsi qu'une variété moderne de riz basmati de grande qualité a été adopté presque partout au Pakistan dans les trois ans qui ont suivi sa mise sur le marché au milieu des années 80. Un autre facteur qui a freiné l'adoption des variétés modernes dans les zones marginales est le rendement élevé en paille et la valeur fourragère des variétés traditionnelles. C'est ainsi que la lenteur avec laquelle les variétés modernes de sorgho sont adoptées en Inde dans les zones arides est souvent expliquée par la valeur fourragère des variétés traditionnelles.

Enfin, dans certaines zones, les variétés traditionnelles ont encore un rendement supérieur à celui des variétés modernes. Il s'agit souvent de zones où la recherche d'adaptation est insuffisante, comme par exemple dans les savanes de l'Est et du Sud de l'Afrique où le régime des pluies est en général bimodal et où la sécheresse constitue un grave problème. Il n'y a pas beaucoup de matériel adapté à ces zones sujettes à la sécheresse (Oram et Hojjati, 1994). Toutefois, dans certaines situations, les agriculteurs peuvent adopter une variété moderne malgré son rendement inférieur si elle présente d'autres avantages.

Le potentiel génétique de beaucoup de cultures vivrières de base (autres que le blé, le riz et le maïs) n'a pas beaucoup augmenté dans les pays en développement. Le secteur semencier structuré ne s'est guère interessé aux besions des petits agriculteurs et des environnements marginaux. Il est souvent difficile et coûteux de satisfaire ces besoins. C'est pourquoi les gouvernements et les organismes de développement s'intéressent de plus en plus à l'approvisionnement décentralisé de semences. Depuis une dizaine d'années, les obtenteurs nationaux et internationaux s'intéressent davantage à l'amélioration génétique de plantes qui n'ont guère été touchées par la révolution verte, les plantes dites « négligées ». Ce déplacement d'intérêt tient à ce que l'on a compris à quel point ces cultures vivrières de base sont importantes pour la sécurité alimentaire de beaucoup de pays en développement, particulièrement dans les zones marginales. Les efforts visant à accroître les rendements de ces cultures « négligées » (notamment sorgho, mil, légumineuses, racines et tubercules) ont échoué en partie à cause de l'environnement défavorable (tant du point de vue socio-économique que du point de vue physique) dans lequel ces cultures sont le plus souvent produites. Des variétés améliorées adaptées à certains environnements, en général ceux où il y a suffisamment d'eau, ont été créées récemment. Mais quand la pluviosité est faible et irrégulière, l'utilisation de ces semences comporte un risque élevé ce qui freine souvent leur adoption, notamment quand leur potentiel ne se réalise qu'en présence d'autres intrants. La stabilisation des rendements est souvent un objectif plus important que l'accroissement du rendement potentiel.

Les grandes cultures vivrières

Riz: Comme on l'a vu plus haut, dans plusieurs pays en développement le rendement de riz obtenu par les producteurs est encore relativement faible. Le tableau 4.12 montre que l'adoption des variétés modernes n'est pas encore générale. Celles qui ont été mises au point jusqu'à présent conviennent surtout aux meilleures rizières irriguées et aux basfonds. L'adoption des variétés modernes dépend pour beauoup de la maîtrise de l'eau. Ainsi, aux Philippines et en Indonésie, où l'environnement est généralement favorable, les taux d'adoption sont parmi les plus élevés d'Asie tandis qu'ils sont plus faibles en Inde où une proportion plus élevée des zones pluviales sont sujettes à la sécheresse, aux inondations ou les deux. Dans certains pays, y compris les principaux exportateurs, le rendement supérieur des variétés modernes est plus que compensé par le prix plus élevé que peuvent rapporter les variétés traditionnelles telles que le riz basmati, plus recherché par les consommateurs. L'obtention récente de variétés de riz parfumés à plus haut rendement pourra donc avoir un effet considérable sur la production rizicole en Asie du Sud. Au Pakistan et en Thaïlande, l'utilisation des variétés modernes est relativement limitée; même dans les zones irriguées, leur utilisation n'est pas générale parce que la qualité de celles qui sont actuellement disponibles laisse à désirer. Des variétés mi-naines de riz basmati viennent seulement d'être mises sur le marché au Pakistan et en Inde.

L'écart entre le rendement du riz irrigué et celui du riz pluvial s'est creusé et augmentera probablement encore (tableau 4.10). On s'attend à un certain progrès du rendement potentiel dans les environnements marginaux, mais c'est l'adaptation de variétés hybrides et mi-naines à haut rendement aux conditions locales dans les environnements non marginaux qui aura le plus d'effet sur la production. Les variétés hybrides permettront d'accoître encore les rendements en Asie de l'Est et on en introduit également en Inde, au Viet Nam et aux Philippines. On pense que les riz hybrides se substitueront aux variétés à haut rendement actuellement cultivées au lieu de s'y ajouter. Leur adoption dans d'autres zones pourrait avoir des effets considérables sur la production avant 2010 (encadré 4.1)

Encadré 4.1

Riz hybride

Les variétés hybrides ont fait faire un bond en avant au rendement du riz en Chine; la technologie des semences de riz hybride progresse dans d'autres grands pays rizicoles tels que l'Inde, l'Indonésie et le Vietnam. Les variétés hybrides ont été proposées aux agriculteurs chinois au milieu des années 70; leur adoption s'est accélérée pendant les années 80. En 1992/93, elles étaient cultivées sur 19 millions d'ha en Chine (65 pour cent de la superficie récoltée de riz), 10 000 ha en République démocratique populaire de Corée et 20 000 au Vietnam. On prévoit qu'en Inde la superficie cultivée en riz hybride passera de 10 000 ha en 1993 à plus 500 000 en 1996.

Dans les rizières irriguées, les hybrides rendent généralement une tonne/ha (de paddy) de plus que les variétés modernes mi-naines à haut rendement, avec un apport d'intrants égal ou parfois même inférieur. Le surcroît de rendement atteint 1,5 à 2,5 tonne/ha pour beaucoup d'hybrides indiens et vietnamiens. Il semble que le sucroît de rendement du à l'hétérosis soit relativement plus grand dans les zones à faible productivité. Après avoir donné trois fois de suite des rendements plus élevés qu'aucune autre variété précoce dans des essais nationaux et atteint dans la ferme de l'IRRI le rendement record de 10,7 tonnes/ha, l'hybride IR64616H doit faire l'objet d'une évaluation à la ferme aux Philippines.

Les progrès de la technologie semencière ont permis une réduction spectaculaire du prix des semences de riz hybride en Chine. Le rendement des riz hybrides, qui ne dépassait pas 1 à 1,5 tonne/ha dans les années 70, atteignait 2,3 tonne/ha dans les années 80 et 4,5 tonne en 1991/92 (avec un maximum de 6,35 tonne/ha). En raison du prix élevé des semences, les variétés hybrides n'étaient rentables pendant les années 80 que pour les cultures repiquées et dans les meilleures rizières irriguées et de bas-fonds. Grâce à la baisse des prix, on estime qu'elles seraient rentables sur 70 millions d'hectares dans le monde (sur 145 millions d'hectares de superficies rizicoles récoltées). Si le coût des semences d'hybrides diminue encore, comme on s'y attend, elles pourront devenir rentables même en semis directs (qui exigent dix fois plus de semences que les cultures repiquées).

Des programmes d'hybridation sont en cours en Colombie, au Brésil et au Guyana. En Indonésie et au Vietnam, on étudie les moyens de produire du riz hybride avec moins de main-d'oeuvre grâce à l'obtention récente de la stérilité génétique mâle photoet thermo-sensible. La technologie des semences de riz hybride pourra à l'avenir être fondée sur l'apomixie et la reproduction asexuée, ce qui exigera un apport de la recherche en amont (génie génétique et fusion protoplastique) en Chine et dans les pays dévelopés. Avec les hybrides apomictiques, les riziculteurs peuvent resemer le riz qu'ils récoltent pendant de nombreuses générations tandis qu'avec les hybrides classiques, ils devaient renouveler les semences pour chaque campagne.

Blé: les variétés mi-naines de blé, très sensibles aux engrais, ont été des facteurs essentiels de la révolution verte; on estime qu'elles sont aujourd'hui utilisées pour environ 70 pour cent des emblavures dans les pays en développement (tableau 4.12). Dans les zones irriguées, la proportion approche de 100 pour cent. Leur diffusion a été plus lente dans les zones pluviales mais elle a été facilité par l'obtention pendant les années 70 de variétés résistantes aux principales maladies cryptogamiques. Environ la moitié des cultures de variétés mi-naines dans les pays en développement sont maintenant pluviales mais l'utilisation de ces variétés est généralement corrélée avec l'humidité: elle concerne environ 60 pour cent des emblavures dans les zones bien arrosées mais 20 pour cent seulement dans les zones plus arides.

La possibilité d'accroître encore les rendements maximums semble limitée; aucune variété hybride n'est en vue. Après un décollage intial, les rendements ont continué à progresser de façon plus modeste mais néanmoins notable. Depuis la mise sur le marché, en 1960, des variétés mi-naines, les phytogénéticiens ont réussi à améliorer les rendements à un rythme moyen de 0,7 pour cent par an sur le long terme. Actuellement, l'effort porte surtout sur l'entretien: il s'agit de maintenir la résistance des plantes cultivées face à l'evolution des insectes et des agents pathogènes.

Maïs: les maïs hybrides sont cultivés depuis au moins trois décennies dans les pays en développement et l'on ne prévoit dans le court terme aucune percée qui permette d'accroître les rendements maximum de cette culture. Les variétés à pollinisation libre sont moins coûteuses à mettre au point. On s'y intéressait davantage pendant les années 70, mais en raison de l'amélioration du matériel génétique des hybrides tropicaux, les hybrides sont redevenus prioritaires dans les programmes nationaux de sélection. Si l'utilisation des variétés modernes ne s'est pas généralisée, c'est en partie parce qu'on n'a pas mis au point de variétés améliorées répondant aux besoins de groupes particuliers d'agriculteurs. Il reste nécessaire d'adaptesr les variétés améliorées et les hybrides aux conditions locales. On peut espérer arriver prochainement à réduire la vulnérabilité à la sécheresse pendant le stade crucial de la formation des soies, ce qui aurait une importance considérable dans une bonne partie des tropiques semi-arides.

Les variétés modernes de maïs ont été adoptées principalement dans les environnements favorables et par les agriculteurs commerciaux. Généralement, la progression s'est faite par étapes, des variétés locales aux variétés améliorées à pollinisation libre, puis aux hybrides. C'est dans le sud de l'Amérique latine et en Asie de l'Est que l'adoption de variétés modernes (avec un matériel génétique provenant principalement des Etats-Unis et convenant aux climats tempérés) a été le plus rapide. Ces variétés sont aussi très répandues en Afrique orientale et australe. C'est en Afrique occidentale et dans les pays andins, où le maïs est cultivé dans des environnements peu fertiles, principalement par des paysans pauvres et pour l'autoconsommation, qu'elles sont le moins utilisées. Le taux d'adoption est intermédiaire au Mexique et dans la plupart des pays d'Asie du Sud.

Même si le maïs a bénéficié de la révolution verte, l'accroissement du rendement est géographiquement très inégal dans les pays en développement, ce qui illustre bien la difficulté d'accroître les rendements des cultures dites « négligées ». Alors que le blé et le riz sont cultivés dans des conditions agro-climatiques relativement homogènes qui permettent de diffuser facilement les nouvelles technologies, l'inverse est vrai pour le maïs : dans le monde en développement, une bonne partie des cultures de maïs sont produites dans des environnements marginaux caractérisés par des pluies irrégulières ou une faible fertilité des sols. La production et la distribution des semences d'hybrides exigent du personnel et des infrastructures spécialisés qui manquent souvent dans les pays en développement.

Les progrès récents de la phytogénétique promettent toutefois de fournir les moyens techniques nécessaires pour mieux adapter les variétés modernes de maïs à l'extraordinaire diversité des environnements où cette plante peut être cultivée (Byerlee et López-Pereira, 1994). On citera par exemple les travaux effectués par le CIMMYT dans les hautes terres du Mexique pour obtenir des caractères convenant aux zones d'altitude d'Asie et d'Afrique (Oram et Hojjati, 1994) ainsi que la création de cultivars adaptés à une agriculture plus intensive dans laquelle du maïs repiqué ou non succède au riz pendant la saison sèche. On a aussi mis au point des cultivars résistant à de nombreuses espèces d'insectes. D'une façon générale, les connaissances techniques nécessaires pour résoudre les problèmes de l'adaptation des variétés de maïs existent déjà ou seront prochainement mises au point.

Sorgho et Millet. Les sorghos hybrides sont très utilisés en Asie du Sud et en Amérique latine. Leur rendement peut être élevé aussi en Afrique. Il peut dépasser de 50 pour cent celui des variétés témoin, mais la production de semences en est encore au stade expérimental. Il existe des cultivars améliorés à haut rendement mais apparemment leurs qualitiés ne s'expriment pas dans les environnements défavorables. L'opinion générale est que les variétés à haut rendement exigent plus d'humidité et de fertilité. C'est pourquoi les sélectionneurs cherchent plutôt à stabiliser qu'à accroître les rendements. Des variétés résistantes à l'herbe parasitaire striga, qui est un fléau en Afrique, ont récemment été mises en circulation et il existe maintenant des lignées tolérant l'acidité et la toxicité par l'aluminium, qui posent des problèmes graves dans certains sols d'Amérique latine et d'Afrique. Grâce à l'identification des mécanismes de tolérance à la sécheresse, on obtient des millets améliorés et certaines nouvelles variétés moins vulnérables au mildiou des céréales qui ravage le mil perlé.

Racines et Tubercules. L'intérêt des racines et tubercules tient à ce qu'elles peuvent fournir des quantités importantes d'énergie alimentaire et que leur production reste stable dans des conditions qui peuvent être fatales pour d'autres cultures. Elles acceptent toutes sortes de conditions défavorables: sols acides, fluctuations de l'humidité du sol, forte pluviosité et terres marginales infertiles. Les rendements peuvent être accrus de façon spectaculaire même avec les cultivars traditionnels par une amélioration de la gestion des sols et des pratiques culturales. L'introduction d'un seul intrant, engrais par exemple, peut les faire doubler ou tripler, Toutefois ces cultures sont rarement fumées bien qu'il ait été prouvé que des doses modérées d'éléments fertilisants accroissent la production. Si les rendements n'augmentent pas et diminuent même parfois dans les pays en développement, cela tient non seulement au manque de cultivars améliorés et aux mauvaises pratiques culturales, mais aussi à une dégénérescence rapide due aux maladies, et particulier aux maladies virales. L'utilisation de matériel de reproduction sain permet d'accroître considérablement les rendements.

On pense qu'il existe de vastes possibilités de produire des variétés améliorées; jusqu'ici, le patrimoine génétique de ces plantes est sous-exploité. Depuis 20 ans, on a produit des cultivars à haut rendement de manioc, de patate douce et de pomme de terre résistants aux principaux agents pathogènes et insectes. Il est relativement facile de produire du matériel de reproduction de ces variétés présentant une résistance stable. Certaines autres plantes racines et tubercules (ignames, aéroides, plantains et bananes à cuire) restent toutefois vulnérables aux insectes et aux maladies. La transmission et la multiplication des agents pathogènes dans le matériel de multiplication végétative est peut-être le principal obstacle à l'accroissement de la production des aliments de base amylacés. Pour diffuser des plants sains, il faut des pépinières et des systèmes de distribution efficaces qui ne sont pas toujours faciles à mettre en place. Il est peut-être plus praticable de mettre au point des cultivars présentant une résistance intrinsèque aux maladies et aux insectes et que les agriculteurs pourraient multiplier facilement avec les méthodes traditionnelles. Les graines, par opposition au matériel de reproduction végétative, ne transmettent généralement pas les virus et les agents pathogènes et peuvent être utilisées quand on attache moins d'importance aux critères qualitatifs, et en particulier à l'homogénéité des tailles et des formes.

4.5 Engrais et protection phytosanitaire

Engrais

Classiquement, la réponse aux engrais (accroissement en kg du rendement par kg d'élément fertilisant) dans les pays sans graves déficits d'eau où les rendements sont faibles ou moyens va de 8 à 12 kg pour les céréales, 4 à 8 pour les oléagineux et 30 à 50 pour les racines et tubercules (FAO, 1989c). Cette forte productivité physique ne suffit pas toujours à rentabiliser la fumure quand le coût des engrais est élevé, le prix des produits faibles et l'accès au marché limité. Les pays en développement importent environ le tiers des engrais qu'ils utilisent et la pénurie de devises influe sur les coûts et la disponibilité. En outre, les défaillances des systèmes de distribution et de l'infrastructure accroissent le coût des engrais et compliquent l'approvisionnement.

Selon des estimations de l'utilisation d'engrais par culture (FAO/IFA/IFDC, 1992), environ 60 pour cent des apports totaux d'engrais dans les pays en développement (Chine non comprise) vont aux céréales, et tout d'abord le riz, qui compte pour un tiers dans la consommation totale, et le blé, qui compte pour un sixième. Cette part de la céréaliculture dans la consommation d'engrais correspond à sa part dans la superficie récoltée (55 pour cent); mais certaines céréales secondaires, en particulier le sorgho et le mil, reçoivent peu d'engrais. La part des cultures non alimentaires et des fruits et légumes dans la consommation totale d'engrais est plus importante que leur part de la superficie récoltée. La canne à sucre et le coton consomment aussi beaucoup d'engrais (respectivement 9 et 4 pour cent du total). Les racines et tubercules, et surtout les légumineuses à grains en reçoivent très peu par rapport à leur part dans la superficie récoltée.

Le tableau 4.13 indique la consommation actuelle et projetée d'engrais dans les différentes régions en développement. Les projections ont été établies en multipliant les projections des superficies récoltées décrites ci-dessus par des coefficients de fumure propres à chaque culture, modulés en fonction de la classe de terre et du rendement (voir Annexe méthodologique). C'est au Proche-Orient/Afrique du Nord que la consommation d'engrais est et restera la plus forte. En 2010, il est probable que dans cette région (ainsi qu'à un moindre degrè en Asie), la consommation d'engrais par hectare cultivé dépassera la consommation moyenne actuelle des pays développés, tout en restant nettement inférieure à la consommation actuelle dans la CE. A l'autre extrême, en Afrique sub-saharienne, la consommation d'engrais restera très faible et probablement pas suffisante pour assurer la durabilité de l'agriculture (voir ci-après), même si elle double pour atteindre 21 kg/ha.

D'après les projections, la tendance à long terme au ralentissement de l'accroissement de la consommation d'engrais dans les pays en développement se maintiendra (tableau 4.14). Cela tient en partie à ce que la consommation est déjà assez élevé, particulièrement en Asie et au Proche-Orient/Afrique du Nord, où les doses d'engrais semblent approcher du maximum dans certains pays et pour certaines cultures. De plus, la croissance de la production agricole ralentira. C'est seulement en Afrique subsaharienne que l'on peut prévoir une forte accélération de la croissance de la consommation d'engrais car la consommation à l'hectare est actuellement très faible et il est nécessaire d'accélérer la croissance de la production. Quoi qu'il en soit, la croissance de la consomation d'engrais dans les pays en développement restera plus rapide que dans les pays développés de sorte que la part des premiers dans la consommation mondiale, qui est passée de 20 pour en 1970 à 32 pour cent en 1980 et 43 pour cent en 1990, continuera d'augmenter.

Tableau 4.13 - Apport d'engrais par hectare récolté dans les pays en développement (Chine non comprise)
 Kg d'engrais 1 par hectare récoltéTaux de croissance annuel(%)
1988/9020101988/90-2010
Pays en développement (Chine non comprise)621102.8
Afrique sub-saharienne11213.3
Proche-Orient/Afrique du Nord891753.3
Asie de l'Est (Chine non comprise)791282.3
Asie du Sud691383.4
Amérique latine/Caraïbes711172.4

1 Engrais manufacturés, en kg d'éléments fertilisants (N, P2O5, K2O).


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