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CHAPITRE 4 (contd.)

Tableau 4.14 - Consommation totale d'engrais dans les pays en développement (Chine non comprise)
 Consommation (millions de tonnes)Taux annuel de croissance (%)
1969/711979/811988/9020101970-801980-901988/90-2010
Pays en développement9.322.636.879.89.65.63.8
Afrique sub-saharienne0.40.91.23.36.22.84.8
Proche-Orient/1.33.55.613.110.64.84.1
Afrique du Nord       
Asie de l'Est1.94.17.013.87.76.23.3
(Chine non comprise)       
Asie du Sud2.97.314.732.810.37.93.9
Amérique latine/Caraïbes2.86.88.216.910.13.03.5

Dans beaucoup de pays utilisant des fumures abondantes, l'emploi intensif des engrais crée des problèmes écologiques. En Afrique sub-saharienne, c'est l'inverse, et rares sont les pays qui utilisent en moyenne plus de 20 kg/ha (FAO/IFA/IFDC, 1992). La faiblesse des apports d'engrais, alors que les jachères deviennent de plus en plus courtes, menace sérieusement la durabilité. Les cultures exportent les éléments fertilisants contenus dans le sol et ceux-ci doivent être remplacés par des résidus végétaux ou des engrais chimiques ou organiques. Le manque d'éléments fertilisants dans le sol limite les rendements potentiels dans beaucoup de pays en développement, surtout en Afrique sub-saharienne et en Amérique latine/Caraïbes (les contraintes liées au sol dans ces régions sont décrites plus haut). Smaling (1993) affirme que la teneur des sols en éléments fertilisants diminue dans presque tous les pays d'Afrique sub-saharienne. S'il n'est pas mis fin à cette tendance, les sols se dégraderont sérieusement et les rendements diminueront (voir Chapitre 11).

Dans certains pays en développement, les rendements restent décevants malgré des apports croissants d'engrais. La productivité des engrais est souvent très faible, soit que les calendriers et les méthodes d'application soient erronnés, soit que l'équilibre entre les principaux éléments fertilisants (azote, phosphate et potassium), les éléments secondaires et les micronutriments ne soit pas respecté. La toxicité des sols provoquée par la salinité, l'alcalinité, une forte acidité, le fer ou un excès de matière organique, réduit la productivité des engrais. L'expérience indique qu'à long terme, les apports d'engrais industriels doivent être complétés par des matières organiques. Il faudra gérer de façon de plus en plus fine les cultures et les éléments fertilisants au niveau de la parcelle, de l'exploitation et du village pour éviter que la carence d'un élément n'empêche les cultures de tirer parti de tous les autres. Les systèmes de nutrition intégrée des végétaux (voir Chapitre 12) privilégient une fumure intégrée faisant appel à toutes les sources possibles d'éléments fertilisants (engrais organiques, fixation biologique, engrais minéraux) pour améliorer la fertilité des sols dans les systèmes agricoles.

Protection phytosanitaire et pesticides

L'intensifisation de l'agriculture a rendu les cultures plus vulnérables aux ravageurs.13 Des pratiques agricoles telles que les récoltes multiples, le raccourcissement des jachères et la monoculture favorisent les attaques de ravageurs et réduisent les défenses naturelles. De plus, certaines des premières variétés modernes diffusées lors de la révolution verte étaient plus vulnérables aux ravageurs que les variétés traditionnelles. Toutefois, Byerlee (1994) affirme que les variétés les plus récentes sont souvent plus résistantes que les variétés traditionnelles.

Chacun sait que les ravageurs peuvent devenir résistants aux pesticides ce qui incite à utiliser des doses croissantes de ces derniers avec des effets de plus en plus décevants. Il faut donc constamment mettre au point de nouveaux pesticides. Des insectides mal choisis peuvent rompre l'équilibre entre les ravageurs et leurs ennemis naturels et être plus efficaces contre ces derniers que contre leur cible, détruisant ainsi les mécanismes naturels de défense. Les agriculteurs et les services de vulgarisation ont souvent l'impression que les pertes provoquées par les ravageurs sont plus importante qu'elle ne sont en réalité. C'est pourquoi, pour réduire les risques, les agriculteurs tendent à utiliser en grandes quantités des pesticides qui n'accroissent pas les rendements, ou très peu, et qui risquent de provoquer des attaques de ravageurs. Dans beaucoup de pays, l'abus des pesticides était - et est encore - encouragé par des subventions.

13. Le terme «ravageurs» est utilisé ici pour désigner tous les organismes qui s'attaquent aux cultures, aussi bien des animaux tels qu'insectes, acariens, nématodes que des agents pathogènes tels que champignons et bactéries ou les mauvaises herbes. Le terme «pesticides» désigne tous les produits chimiques de lutte contre les ravageurs. Par «ingrédients actifs», on entend les composants des pesticides qui ont une activité biologique.

L'utilisation des pesticides a beaucoup augmenté dans les pays en développement à la fin des années 60 et pendant les années 70, à mesure que l'agriculture se modernisait. Les types de produits et l'intensité d'utilisation varient toutefois beaucoup selon les systèmes agricoles et les cultures. En général, la demande de pesticides chimiques augmente avec la pénurie de terres et l'accès au marché (Pingali et Rola, 1994). Les méthodes classiques de protection des végétaux conservent toutefois beaucoup d'importance. Le travail du sol, à la charrue ou à la houe, la submersion des champs et le brûlis réduisent les populations de tous les types de ravageurs. Des mesures culturales telles que la rotation des cultures et l'enlèvement des résidus réduisent aussi les dégâts. Comme on l'a dit plus haut, l'intensification de l'agriculture accroît les risques parce que les cultures sont plus rapprochées dans l'espace et dans le temps. Le développement de l'agriculture commerciale accroît le coût d'opportunité de la main-d'œuvre, ce qui incite à avoir davantage recours aux herbicides. La consommation de pesticides varie beaucoup selon les cultures. Elle est considérable pour les cultures fruitières annuelles, les légumes, le coton et les céréales, et plus modérée pour les agrumes, les fruits tropicaux, le cacao, le café et le thé.

Au milieu des années 80, les pays en développement représentaient environ un cinquième de la consommation mondiale de pesticides. Pour les insecticides, leur part atteint 50 pour cent, mais elle n'est que de 20 pour cent pour les fongicides et de 10 pour cent pour les herbicides. L'Asie de l'Est (Chine comprise) absorbe 38 pour cent des pesticides consommés dans les pays en développement, l'Amérique latine 30 pour cent, le Proche-Orient/Afrique du Nord 15 pour cent, l'Asie du Sud 13 pour cent et l'Afrique sub-saharienne 4 pour cent seulement. Environ la moitié de ces pesticides sont des insecticides, les herbicides ne représentant qu'une faible proportion de la consommation totale. Dans les pays développés, c'est l'inverse qui est vrai. Cette différence s'explique par des facteurs écologiques et des facteurs économiques. Dans les tropiques humides, les générations de ravageurs se succèdent sans que le froid ou la sécheresse ne les décime. Dans ces conditions, les insectes peuvent provoquer des dégâts considérables et les cryptogames se développent rapidement. Les insectes sont aussi un grave fléau dans les zones semi-arides et l'on utilise beaucoup d'insecticides pour combattre les migrateurs tels que les acridiens alors que les maladies cryptogamiques sont généralement moins importantes. En revanche, le faible coût de la main-d'œuvre dans beaucoup de pays en développement fait que le désherbage manuel peut être moins coûteux que l'application d'herbicides.

En 1985, la consommation de pesticides des pays en développement était tombée à quelque 530 000 tonnes (ingrédients actifs) contre environ 620 000 en 1980. La consommation a recommencé à augmenter - d'environ 1 pour cent par an - c'est-à-dire à peu près au même rythme que dans les pays développés - pendant la deuxième moitié de la décennie. Mais depuis 1990, la consommation de pesticides diminue dans le monde entier. Son évolution future dépendra probablement de facteurs très nombreux: rentabilité (celle-ci dépendant à son tour du prix des pesticides et des produits agricoles, du coût des autres méthodes de protection des végétaux, du coût d'opportunité de la main-d'œuvre, etc.), souci de protéger l'environnement, danger pour la santé des opérateurs, efficacité des pesticides, résistance des cultures aux ravageurs, mise au point de solutions de rechange, etc. Pour les raisons indiquées ci-après, il semble raisonnable de prévoir que la consommation de pesticides dans les pays en développement continuera d'augmenter, mais moins vite que dans le passé. L'essentiel de la croissance se situera probablement en Asie du Sud et de l'Est ainsi qu'en Amérique latine.

Le danger pour l'environnement et pour la santé humaine (du fait de l'exposition directe des usagers aux pesticides et des résidus contenus dans les produits alimentaires et l'eau potable) est bien documenté et suscite des préoccupations croissantes; d'où la multiplication des règlements nationaux et internationaux applicables à leur production, leur commerce et leur utilisation (pour les problèmes d'environnement liés à l'utilisation des pesticides, voir Chapitre 11). Ces problèmes ont entraîné une forte augmentation du coût du développement des nouveaux pesticides de sorte que le nombre de sociétés qui peuvent et veulent investir dans la recherche-développement a beaucoup diminué.

Des produits génériques plus anciens (pesticides non protégés par des brevets) dominent le marché des pays en développement car ils coûtent moins cher que les nouveaux. Cependant, les réglementations sévères, les interdictions et les restrictions imposées dans les pays développés finiront par réduire les approvisionnements dans les pays en développement, tandis que les nouveaux produits moins toxiques et moins dangereux pour l'environnement resteront peut-être trop coûteux pour de nombreuses applications.

La prise de conscience du danger des pesticides a amené à s'efforcer d'avoir moins recours aux moyens de lutte chimique et de développer d'autres techniques de lutte. La protection intégrée des cultures (voir Chapitre 12) qui repose sur le principe que les récoltes et leurs ennemis font partie au même titre de l'écosystème et qui associe les facteurs naturels propres à limiter les attaques de ravageurs à l'utilisation en dernier recours des pesticides est maintenant considérée comme la meilleure méthode. La recherche, tant publique que privée, sur les moyens de lutte biologique et l'utilisation des biotechnologies pour la protection des végétaux connaît un grand développement: mise au point de pesticides microbiologiques, production en masse d'ennemis naturels, création de plantes transgéniques résistantes aux ravageurs. On citera en particulier la production massive de mâles stériles de la mouche méditerranéenne des fruits pour éradiquer, ou du moins réduire, les populations de ce ravageur. On s'intéresse aussi beaucoup à d'autres mécanismes non chimiques telles que les pratiques culturales. Ces programmes portent fruit et ces techniques prendront de plus en plus d'importance dans la protection des végétaux, d'autant plus que l'utilisation des pesticides risque d'être de plus en plus contestée. Malheureusement, les méthodes de lutte biologique nécessite en général beaucoup d'informations et de connaissances et leur application exigent de grandes compétences de gestion.

Les méthodes de lutte contre les ravageurs changeront beaucoup dans les pays développés, mais les pesticides conserveront une grande importance. Dans beaucoup de pays, des programmes de réduction de l'utilisation des pesticides ont été mis en place ou sont à l'étude. Dans les pays en développement, il serait de même souhaitable de réduire l'utilisation des pesticides pour certaines cultures telles que le coton, les légumes et le riz. Mais, comme on l'a dit plus haut, l'utilisation des herbicides risque de s'accroître dans les pays où la main-d'œuvre devient rare et l'intensification pourrait rendre rentable l'utilisation des insecticides et des fongicides. D'un autre côtée, les produits bon marché non brevetés disparaîtront progressivement, ce qui rendra plus coûteuse l'utilisation des pesticides mais réduira leur danger. A long terme, on prévoit que les méthodes de lutte non chimiques prendront de plus en plus d'importance tant dans les pays développés que dans les pays en développement (Zadoks, 1992).

4.6 Production animale

Les projections de la production et de la consommation de produits animaux sont présentées et examinées au Chapitre 3 ainsi que leurs conséquences pour la demande de céréales et de protéines d'oléagineux pour l'alimentation animale. On trouvera cidessous une étude plus poussée de l'évolution probable des principaux paramètres et des autres facteurs qui sous-tendent les projections de la production. Tout d'abord, il est probable que la part de l'élevage porcin et de l'aviculture dans la production totale de viande continuera d'augmenter (tableau 4.15). Le taux de croissance diminuera toutefois un peu pour l'aviculture et probablement beaucoup pour l'élevage porcin parce qu'on prévoit un ralentissement en Asie de l'Est, où est concentrée 90 pour cent de la production de viande de porc. L'évolution probable en Chine jouera un rôle important dans ce ralentissement comme il est indiqué au Chapitre 3.

En ce qui concerne les grands paramètres de la production, l'accroissement du cheptel et des taux d'exploitation (pourcentage du troupeau abattu chaque année) a été jusqu'à présent dans les pays en développement le principal facteur de la croissance de la production de viande; il en restera de même à l'avenir. Il faut toutefois observer que les statistiques historiques du cheptel ne sont souvent pas assez fiables pour étudier l'évolution du secteur. Par exemple, des travaux récents indiquent que les chiffres existants sous-estiment probablement beaucoup les populations d'animaux domestiques, surtout de petits ruminants (Wint et Bourn, 1994, voir ci-après).

Dans beaucoup de pays, les systèmes d'élevage extensifs n'offrent que des possibilités limitées d'accroître le cheptel. On discerne en général une tendance à l'intensification des systèmes d'élevage très divers existants dans les pays en développement. Cette tendance se poursuivra et une grande partie de l'accroissement de la production de viande de porc, de viande de volaille, et dans une moindre mesure de produits laitiers, sera imputable à l'expansion ultérieure des élevages intensifs et semi-intensifs utilisant des aliments d'appoint. C'est pourquoi l'accroissement du rendement par animal (poids carcasse, lait, œufs) contribuera davantage que par le passé à la croissance de la production.

L'aptitude des systèmes d'élevage à s'adaptesr à l'évolution des marchés varie essentiellement en fonction des aspects biologiques du processus de production. L'aviculture industrielle qui se répand de plus en plus dans les pays en développement peut réagir plus vite parce que les cycles de reproduction sont courts, que la production se situe à proximité des marchés urbains et que des produits très divers dont l'offre est élastique peuvent être utilisés pour alimenter la volaille. Contrairement aux ruminants, la volaille peut utiliser toutes sortes d'aliments, avec un rendement très élevé. Mais les systèmes de production des pays en développement sont en général très tributaires de technologies et d'intrants importés. Les systèmes de production d'œufs, de viande de porc, et dans une moindre mesure, de produits laitiers tendent aussi à réagir assez vite à l'évolution du marché. Pour des raisons techniques, il n'est pas possible d'intensifier graduellement la production de volaille, de porc, ni dans la plupart des systèmes, de produits laitiers. C'est pourquoi au niveau de l'exploitation, la croissance tend à être discontinue.

Au contraire, la production de viande de ruminants et, dans certains cas, de produits laitiers, est en général beaucoup plus inélastique à cause des longs cycles de reproduction, du faible indice de transformation des aliments et de l'absence de spécialisation. Le passage des systèmes traditionnels à des méthodes plus intensives est donc plus lent et graduel. Les systèmes d'exploitation mixte sont en général moins sensibles à l'accroissement de la demande de produits tirés des ruminants parce que le bétail a aussi d'autres fonctions dans l'exploitation. La transformation progressive des systèmes d'exploitation traditionnels ne suffit généralement pas pour répondre à l'accroissement de la demande des consommateurs. D'où l'apparition dans la plupart des pays en développement de systèmes de production modernes plus intensifs qui approvisionneront une part croissante du marché.

Tableau 4.15 - Production de viande dans les pays en développement (Chine comprise)
 Production de viandeCheptel
millions de tonnestaux annuel de croissance(%)millions de têtestaux annuel de croissance (%)
1969/711988/901988/9011991/92120101970–901988/90–20101969/711988/9020101970–901988/90–2010
Pays en développementbovins et buffles12.118.619.220.532.32.22.7798100513691.31.5
ovins et caprins3.04.95.05.69.52.83.1869112915781.51.6
porcins9.728.328.633.564.06.14.02914868602.22.8
volaille3.712.913.316.736.97.05.125046469123185.43.1
total28.564.766.176.3142.74.63.8     
Afrique sub-sahariennebovins et buffles1.72.32.22.34.21.62.91291592001.21.1
ovins et caprins0.70.90.80.91.81.53.32032593441.41.4
porcins0.20.30.40.50.83.34.3611163.81.8
volaille0.30.90.80.92.25.04.633963010973.52.7
total2.94.44.24.69.02.23.5     
Proche-Orient/ Afrique du Nordbovins et buffles0.81.41.31.42.43.12.6373752-0.11.7
ovins et caprins1.01.41.51.52.72.23.02032403261.21.5
volaille0.41.61.81.94.68.15.120667711256.92.5
total2.24.44.64.99.74.13.8     
Asie de l'Est (Chine comprise)bovins et buffles0.92.33.23.66.44.75.01181533321.53.8
ovins et caprins0.31.11.11.32.07.43.01572203711.52.5
porcins7.324.624.829.557.27.04.12163887272.43.0
volaille1.65.15.27.117.36.36.01178333574156.13.9
total10.133.134.341.682.96.74.5     
Asie du Sudbovins et buffles1.82.63.13.44.52.22.62933354190.81.1
ovins et caprins0.51.11.21.42.34.03.51482473372.91.5
porcins0.20.40.40.40.62.92.6711142.81.1
volaille0.20.50.50.62.06.56.42355718575.02.0
total2.74.65.35.99.43.03.4     
Amérique latine/Caraïbesbovins et buffles6.910.09.49.714.81.91.92183193641.90.6
ovins et caprins0.50.40.40.40.7-0.62.71521531870.21.0
porcins1.93.03.03.15.32.32.863751030.81.5
volaille1.24.84.96.110.87.83.9546125618224.51.8
total10.518.217.719.431.63.02.7     

1 Chiffres révisés connus en mai 1994 mais non utilisés dans le corps de l'étude

Dans certains pays, il sera sans doute difficile, dans l'avenir prévisible, d'intensifier notablement l'élevage et donc d'en accroître la productivité. Par exemple dans la plupart des pays du Sahel, la pénurie de ressources fourragères et les importations nécessaires pour intensifier la production limiteront le progrès. La difficulté d'intensifer l'élevage accroît le risque de dégradation de l'environnement pour lequel le surpâturage est en effet une des plus graves menaces. On pense que dans beaucoup de pays, surtout les pays semi-arides, le cheptel dépasse déjà la capacité de charge des pâturages non améliorés. De graves obstacles institutionnels et économiques empêchent d'assurer un équilibre durable entre le cheptel et les ressources pastorales et fourragères. Ces problèmes seront difficiles à résoudre dans le court et le moyen terme et risquent au contraire de s'aggraver.

Wint et Bourn (1994) font d'intéressantes révélations sur l'évolution des systèmes d'élevage en Afrique. Sur la base d'études approfondies des populations animales du Mali, du Niger, du Nigeria, du Tchad et du Soudan, couvrant aussi bien l'élevage nomade que l'élevage sédentaire dans les zones arides, semi-arides, sub-humides et humides, les auteurs concluent que dans la plupart des cas, l'intensité des activités de production animale est étroitement corrélée à celle des activités humaines (mesurée par la densité démographique et la proportion des terres cultivées) plutôt qu'à la répartition des pâturages naturels, qui n'a qu'une faible influence. Cette constatation est valable aussi bien pour les élevages sédentaires que pour les élevages nomades. Cela semble indiquer que l'élevage dépend de moins en moins des parcours extensifs et que la production animale est de plus en plus liée aux sources plus sûres d'aliments pour le bétail qu'assure la proximité des établissements humains. On savait d'ailleurs que les animaux domestiques, ruminants ou non, étaient traditionnellement nourris à la fois par le pâturage, par les sous-produits agricoles et, dans une moindre mesure, par des cultures fourragères. Ce sont les ruminants qui dépendent le plus de ces ressources fourragères. La réduction des pâturages communaux sous l'effet de l'accroissement de la population, de l'expansion des terres arables et de la dégradation oblige à utiliser de plus en plus de résidus agricoles et de ressources fourragères marginales pour alimenter le bétail.

Les troupeaux des pays en développement continuent à être alimentés principalement par le pâturage et les fourrages, mais ces ressources augmentent beaucoup moins vite que la demande de produits animaux. On tend de plus en plus à les compléter par des aliments concentrés, principalement des céréales fourragères. La production de céréales augmente beaucoup plus vite que les pâturages et l'utilisation des céréales pour l'alimentation animale s'est beaucoup développée depuis 30 ans (voir Chapitre 3). L'intensification croissante de la production laitière, avicole et porcine les stimulera encore. La part des céréales dans l'alimentation animale augmentera encore à mesure que les ressources en pâturages s'appauvriront et les réformes institutionnelles nécessaires pour combattre le surpâturage et en réparer les conséquences prendront longtemps. L'amélioration des pâturages et des cultures fourragères sont encore des pratiques étrangères aux éleveurs tant nomades que sédentaires, sauf dans certaines parties de l'Afrique du Nord, du Proche-Orient et de la Chine. Dans certains pays, les cultures ne donneront pas suffisamment de sous-produits pour satisfaire les besoins en protéines ni même, dans certains cas, en énergie métabolisable de l'élevage. Une partie des déficits nutritionnels pourra être comblée au moyen d'aliments d'appoint, notamment urée et mélasse, mais le déficit de fourrage grossier devra essentiellement être compensé par l'utilisation de concentrés.

Beaucoup d'auteurs craignent que les pays en développement ne puissent pas accroître leurs ressources céréalières suffisamment pour assurer la croissance de leur élevage. Par exemple selon Nordblom et Shomo (1993), les pays de la région Proche-Orient/Afrique du Nord auront du mal à compenser leur déficit fourrager par des importations de céréales, faute de devises. La production animale est déjà assez intensive dans cette région, à en juger par l'utilisation d'aliments concentrés, et on prévoit une évolution analogue dans d'autres régions même si l'utilisation de céréales par unité de production animale y restera beaucoup moins considérable. Les projections relatives aux céréales qui sous-tendent les projections du secteur de l'élevage sont présentées au Chapitre 3. Elles reposent sur le postulat que dans la région Proche-Orient/Afrique du Nord, la croissance de la consommation de céréales fourragères par unité de production animale ralentira grâce à une amélioration de la productivié de l'élevage.

Rares sont les pays en développement possédant une industrie de la viande et un secteur laitier suffisamment développés pour pouvoir approvisionner régulièrement et dans de bonnes conditions d'hygiène leurs populations urbaines en plein essor. Dans les pays en développement, plus de 90 pour cent du cheptel appartient à de petits éleveurs ruraux mal reliés aux marchés urbains. Les infrastructures et les institutions sont à bien des égards incapables de faire face à la demande actuelle et future de produits animaux. Premièrement, la croissance de la population a aggravé les problèmes techniques et infrastructurels à résoudre pour satisfaire la demande solvable, ce qui se traduit parfois par des différences de prix entre ville et campagne. Deuxièmement, la pollution qui est produite principalement par les élevages industriels et les industries de transformation des produits animaux (en particulier les abattoirs) devient de plus en plus grave faute d'équipement suffisant et de réglementations adéquates et sérieusement appliquées. Enfin, pour des raisons techniques et institutionnelles, les normes d'innocuité des aliments laissent à désirer, ce qui crée un danger constant et de plus en plus grave pour la santé humaine.

Diversité zoogénétique

Le nombre d'espèces animales utilisées pour produire de la viande, du lait, des peaux, des fibres, de l'énergie, etc. est limité; mais ces espèces ont été sélectionnées pour donner des produits spécifiques dans toute une gamme d'environnements de sorte qu'un grand nombre de races différentes, ayant chacune son patrimoine génétique particulier, ont vu le jour. C'est dans la diversité génétique que possèdent ces nombreuses races que se trouve la clé de l'accroissement futur de la productivé et de la durabilité de l'élevage.

Les races indigènes sélectionnées pour être productives dans leur environnement spécifique possèdent souvent des caractères qui ne sont pas immédiatement apparents, tels que l'aptitude à résister à des conditions extrêmes locales qui ne se produisent pas nécessairement tous les ans. On a souvent introduit des races améliorées qui sont plus productives dans d'autres conditions; les croisements ainsi obtenus peuvent être supérieurs aux races pures indigènes. Mais les croisements ultérieurs avec ces races améliorées peuvent entraîner une baisse de productivité due à divers facteurs tels que baisse de fécondité, réduction du taux de survie, moindre résistance aux maladies, incapacité de digérer des aliments comportant une proportion élevée de fourrage grossier.

Le croisement peut être une stratégie três efficace car il permet d'exploiter la vigeur de l'hybride. Mais pour certaines espèces, notamment celles qui ont un faible taux de reproduction tels que les chevaux, les bovins, les buffles, et certains ovins et caprins, il est difficile de mettre en place des systèmes durables de croisement. Ces difficultés pratiques tiennent à la logistique compliquée et à la difficulté de renouveler le troupeau.

Toutefois les nouvelles technologies telles que le clonage des embryons, associé à d'autres techniques modernes telles que l'insémination artificielle, la fécondation in vitro, le sexage du sperme ou des embryons, etc. permettront peut-être de tirer meilleur parti de l'hétérosis. Par exemple, en continuant à produire pour la laiterie des génisses issues de croisement de première génération (F1), on exploite au maximum les avantages à la fois des gènes indigènes et des gènes exotiques. L'utilisation de ces animaux de génération F1 est courante pour les espèces ayant un taux de fécondité élevé (porcins, volaille, certains ovins).

Pour produire aujourd'hui et à l'avenir des animaux bien adaptés aux divers environnements, il faut conserver un maximum de diversité dans chaque espèce domestique. On pourra alors utiliser les diverses lignées selon les besoins pour adapter le cheptel aux modifications des conditions de production qui accompagnent inévitablement le développement. Il est essentiel de maintenir la diversité pour exploiter pleinement tous les moyens génétiques de maximiser la productivité de l'élevage. Or des programmes de sélection bien conçus sont le moyen le plus efficace de conserver la diversité génétique des animaux domestiques.

Santé animale

La production de viande, de lait et d'œufs souffre encore beaucoup des ravageurs et des maladies. Selon certaines estimations, au moins 5 pour cent des bovins, 10 pour cent des ovins et des caprins et 15 pour cent des porcins meurent chaque annéee de maladies. Aux pertes directes s'ajoutent les pertes indirectes: faible taux de reproduction, ralentissement de la croissance, faible productivité. D'ici l'an 2010, l'accroissement de la production devrait être imputable en majeure partie à l'accroissement du cheptel, mais l'amélioration de la productivité jouera aussi un rôle. Une meilleure conduite de l'élevage, des mesures vétérinaires de lutte contre les grandes épizooties et contre les divers vecteurs de maladies tels que les tiques et la mouche tsétsé et la prévention seront d'importants facteurs d'amélioration de la productivité des animaux et des troupeaux.

Les grandes maladies infectieuses des animaux sont celles qui ont une importance economique considérable ou qui menacent la santé publique (telles que la rage ou la brucellose) ou encore les maladies d'introduction récente qui menacent le secteur de l'élevage (telles que la peste porcine africaine introduite en Amérique latine pendant les années 80). L'éradication des maladies dans les pays en développement a été une entreprise très ardue, mais les succès sont notables. On a réussi à éradiquer la peste porcine africaine de Cuba, du Brésil et de la République Dominicaine, et la babésiose de vastes parties de l'Argentine et du Mexique. La péripneumonie contagieuse des bovins a été éliminée de République Centrafricaine. La fièvre aphteuse a disparu des pays d'Amérique centrale et du Chili, mais elle est encore présente dans d'autres pays d'Amérique latine.

Il existe un grand nombre de maladies chroniques dont les effets sont plus insidieux que ceux des grandes maladies infectieuses. On les néglige trop souvent et on sousestime leur importance. Bien que moins visibles, elles ont beaucoup d'impact économique en raison de leurs effets sur la production ou la reproduction. On peut citer les helminthioses, la pneumonie enzootique des porcins, la mastite des vaches laitières et les maladies respiratoires chroniques de la volaille. Les méthodes intensives d'élevage facilitent l'hygiène et la prophylaxie, mais l'accroissement de la concentration des animaux et des stress peut accroître le risque de maladies. Le développement des systèmes de production intensifs modifie par ailleurs le spectre des maladies. Chez les bovins par exemple, la peste bovine et la péripneumonie reculent tandis que la brucellose, la leptospirose et la mastite deviennent plus importantes. Chez la volaille, la maladie de Newcastle a été remplacée dans les avicultures intensives par des maladies respiratoires chroniques, la maladie de Marek et la maladie de Gumboro.

En Afrique, les laboratoires existants et prévus devraient produire suffisamment des principaux vaccins pour satisfaire les besoins, ce qui permettra de beaucoup améliorer la santé animale. Pour la campagne panafricaine de lutte contre la peste bovine, il faudra environ 100 millions de doses par an, et la protection du cheptel bovin contre la péripneumonie demandera environ 60 millions de doses par an. La maladie qui crée les obstacles les plus sérieux à l'élevage en Afrique reste toutefois la trypanosomiase; c'est pratiquement la seule qui, en l'absence de mesures préventives, interdise complètement l'élevage de bovins, même s'il existe des lignées qui ont acquis une certaine résistance.14 Beaucoup de zones sub-humides infestées par la mouche tsétsé mais possédant un bon potentiel agricole pourraient être exploitées plus efficacement dans des régimes d'agriculture mixte utilisant des animaux de trait. On a récemment mis au point de nouvelles techniques de lutte contre la mouche tsétsé qui n'exigent pas une forte technicité et qui, contrairement aux autres méthodes, ne nécessitent pas d'applications massives d'insecticides. Cependant dans beaucoup de parties de l'Afrique sub-saharienne, l'amélioration des races bovines et de la production laitière continuera d'être entravée si l'on ne s'efforce pas de maîtriser la trypanosomiase. Par ailleurs comme dans d'autres régions en développement, l'expansion probable de l'élevage intensif des porcins et de la volaille y nécessitera des mesures régulières de lutte contre des maladies telles que l'encéphalite aviaire et la bronchite infectieuse.

Contrairement à l'Afrique, l'Amérique latine est exempte de maladies telles que la péripneumonie contagieuse, la peste bovine et la peste des petits ruminants. Toutefois la fièvre aphteuse reste un fléau redoutable. Après l'éradication de la lucilie bouchère du Nouveau Monde des Etats-Unis et du Mexique ainsi que d'Afrique du Nord, on s'efforce maintenant de la faire disparaître des Caraïbes et de l'Amérique Centrale.

L'Asie est également exemple des principales maladies infectieuses des bovins et des buffles. Un programme de lutte contre la peste bovine est réalisé au Proche-Orient et un autre est en préparation pour l'Asie du Sud. Pour l'un comme pour l'autre, les besoins de vaccins sont considérables. On se préoccupe particulièrement de maîtriser la fièvre aphteuse et la brucellose au Proche-Orient. La préparation de plans d'intervention d'urgence contre les épizooties est devenue une activité importante dans la région. Dans beaucoup de pays d'Asie, en particulier les Philippines, la Thaïlande, l'Indonésie et le Bangladesh, l'aviculture joue un rôle très important et la lutte contre la maladie de Newcastle est essentielle, en particulier au niveau des villages.

14. En Afrique de l'Ouest, certaines lignées de bovins, d'ovins et de caprins sont devenues tolérantes à la trypanosomiase grâce à la sélection naturelle. D'après les données limitées communiquées par le Centre international de l'élevage pour l'Afrique, lorsque la densité de tsétsé est faible, la productivité des bovins trypanotolérants est comparable à celle des races élevées dans les zones exemptes de trypanosomiase; avec une densité moyenne, l'indice de productivité diminue d'un quart, et avec une densité forte, de moitié. Rien ne permet de penser que les ovins et caprins trypanotolérants aient une productivité inférieure à celle des autres ovins et caprins élevés en Afrique.

Dans les pays où il existe des élevages porcins intensifs, la peste porcine classique est une des principales menaces qui pèse sur la production et le commerce des porcs et des produits dérivés. Le diagnostic nécessite des examens de laboratoire complexes et du personnel qualifié et des équipements sont nécessaires pour la lutte et l'éventuelle éradication de la maladie. La peste porcine africaine aurait des effets catastrophiques sur les vastes populations porcines d'Asie; une surveillance rigoureuse est nécessaire pour éviter qu'elle ne pénètre dans la région.

On s'attend à ce que nouveaux vaccins de bonne qualité et peu coûteux contre la plupart des maladies bactériennes et virales soient mis au point dans un avenir proche. Quoiqu'il en soit, l'échec de certaines campagnes internationales d'éradication (par exemple contre la peste bovine) n'a pas été dû au manque de vaccins appropriés mais à l'insuffisance des structures vétérinaires. Une des conditions essentielles à l'amélioration de la santé animale est l'accroissement des investissements pour développer les moyens de diagnostic et former du personnel vétérinaire.

ANNEXE

CARTES DE CLASSES DE TERRES DOMINANTES

Légende

Terres en prédominance productives
AT 2Semi-arides humidesLPV 120–179 jours> 50% de la superficie en terres TA + A
AT 3SubhumidesLPV 180–269 jours> 50% de la superficie en terres TA + A
AT 4HumidesLPV 270–365 jours> 50% de la superficie en terres TA + A
AT 6Fluvisols et gleysolsTerres naturellement inondées (TNI)> 50% de la superficie en terres TA + A
Terres en prédominance marginalement productives
AT 1Semi-arides sèchesLPV 75–119 jours> 50% de la superficie en terres TA + A + MA
AT 5Semi-arides humides, subhumides et humidesLPV 120–365 jours> 50% de la superficie en terres MA
AT 7Fluvisols et gleysolsTerres naturellement inondées (TNI)> 50% de la superficie en terres MA
Terres en prédominance stériles
Terres partiellement aptesLPV 75–365 jours ou TNI20 à 50% de la superficie en terres TA + A + MA
Terres essentiellement inaptesLPV 75–365 jours ou TNI0 à 20% de la superficie en terres TA + A + MA
Terres inaptes n.d.
Eaux, glaciers n.d.

AFRIQUE

PROCHE-ORIENT

ASIE DU SUD

ASIE DU SUD-EST

AMÉRIQUE CENTRALE

AMÉRIQUE DU SUD


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