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7. LE CADRE INTERNATIONAL DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE L'UTILISATION DES RESSOURCES HALIEUTIQUES

7.1 LA CONVENTION DES NATIONS UNIES SUR LE DROIT DE LA MER DE 1982

Le principal changement introduit par cette Convention de 1982 dans la stratégie d'utilisation des ressources marines provient de la reconnaissance explicite des droits exclusifs d'un Etat côtier sur les ressources de sa ZEE. En ce qui concerne la gestion des ressources biologiques de la mer dans les ZEE, les principales dispositions sont clairement expliquées dans la Partie V (voir Annexe IV) qui comprend également des dispositions sur les stocks chevauchants, les stocks de grands migrateurs, les mammifères marins et, les espèces anadromes et catadromes. Des extraits des dispositions les plus citées de la Partie VII de ce document, qui traite des ressources hauturières, sont également cités pour référence en Annexe IV ainsi que les dispositions de la Partie IX ayant trait aux mers fermées et semi-fermées. La liste des autres chapitres de la Convention de 1982 se rapportant au milieu marin et à la recherche peut être consultée dans le document complet (Nations Unies, 1983).

Vu sa nature exhaustive, un certain nombre de points de la Convention de 1982 demandent clairement à être élaborés plus avant. Le principal objectif de la Convention était d'offrir un cadre de gestion donnant aux Etats côtiers la responsabilité de la santé des ressources situées immédiatement au large de leurs côtes et la jouissance des bénéfices qu'ils peuvent en tirer. La question complexe des approches et des techniques de gestion à utiliser dans le cas des stocks partagés et des stocks chevauchants a été abordée, sans être approfondie, par la Convention de 1982.

7.1.1 Les stocks partagés

Bien que les stocks de poissons ne reconnaissent pas les frontières maritimes, on a supposé, sans plus de précision, que l'exploitation des stocks partagés serait le fait de deux ou plusieurs Etats, chacun dans sa propre ZEE. Dans ce cas, la Convention prévoit une structure de consultation mais n'entre pas dans les détails techniques sur un cadre de fonctionnement et un programme de travail possible pour un tel organisme consultatif. On n'a pas encore réussi à concilier dans la pratique les dispositions explicites ou implicites de la Convention et les facteurs techniques qui garantissent la conservation des ressources dans le cas de stocks partagés ou qui se déplacent entre deux ou plusieurs ZEE.

Plusieurs exemples de ces questions non résolues sont étudiés dans Gulland (1980) et Caddy (1982):

  1. Une ressource adulte peut être gérée indépendamment par deux juridictions séparées sans aucun contact. Cependant, les larves planctoniques peuvent dériver à partir d'une troisième juridiction située “en amont” des deux autres par rapport aux courants océaniques. Un certain nombre d'activités humaines qui s'exercent à proximité de la zone de ponte peuvent affecter la production dans les trois juridictions.

  2. Les poissons migrants le long d'un archipel seront pêchés tour à tour dans chaque juridiction de telle façon que les prises seront probablement conditionnées par les captures réalisées “en amont”. Les conséquences en termes de gestion ne seront pas les mêmes si l'espèce migre au travers de l'archipel, et se trouve simultanément dans plusieurs ZEE (Mahon, 1987).

  3. Un stock de poissons peut être plus facile à capturer quand les adultes reproducteurs s'assemblent pour la ponte dans une ZEE (1) et beaucoup plus difficile quand il est dispersé dans la ZEE (2) à la recherche de nourriture. La probabilité de surpêche, les besoins et les coûts de gestion, et la vulnérabilité à la pollution sont plus élevés dans la première juridiction. Il faut décider dans chaque cas si cela doit affecter les parts respectives d'une Prise totale autorisée (PTA).

  4. Une zone d'alevinage de crevettes peut être située dans un marais côtier d'une ZEE (1) mais les adultes être capturables surtout dans les eaux plus profondes de la ZEE (2). Si les flottilles nationales sont confinées dans leurs ZEE respectives, le rendement total, constitué en partie de juvéniles de la ZEE (1), sera très inférieur à son potentiel dans le cas oú toute l'exploitation se ferait dans la ZEE (2). Si l'accès à cette dernière est refusé en échange d'une interdiction de la pêche des juvéniles dans la première, l'Etat côtier (1) pourra (a) soit surexploiter les petites crevettes; (b) soit céder aux pressions et convertir les zones d'alevinage des crevettes en rizières par exemple. Les ruissellements de produits chimiques agricoles dans l'estuaire risquent alors d'affecter le stock dans les deux ZEE de manière désastreuse.

Il est implicite dans les exemples précédents que les Etats côtiers dans les ZEE desquels sont situés des secteurs particulièrement fragiles ont la responsabilité spéciale d'éviter la surpêche et la dégradation de l'environnement et qu'ils bénéficient souvent de conditions de pêche particulièrement favorables. Dans une certaine mesure, cette situation ressemble à celle qui a conduit à la rédaction et à l'adoption de l'Article 66 de la Convention qui concerne les stocks anadromes. La propriété des habitats indispensables à la santé des ressources marines, ou les soins dont ils font l'objet, comporte une responsabilité similaire de gestion. Cependant, dans le cadre des accords internationaux existants, cette responsabilité additionnelle n'entraîne pas nécessairement le droit à une part plus importante de la production totale du stock.

Il faudrait définir dans la pratique comment appliquer les dispositions de la Convention sur le partage des responsabilités en vue de minimiser les impacts environnementaux sur les ressources qui n'appartiennent pas exclusivement à un seul pays. Dans les deux cas, les coûts des réductions de la pollution peuvent ne pas être répartis équitablement mais il faut en tenir compte au cours des discussions concernant l'utilisation et le partage de la ressource en question.

En fait, la question de la fixation de la prise totale autorisée et des excédents a été traitée différemment par de nombreux pays. La Convention ne spécifie pas de régime d'allocation de PTA et elle n'envisage pas non plus de système particulier de partage de la surveillance alors que les deux processus sont essentiels à la mise en oeuvre d'un plan d'aménagement. Une des premières interprétations a été la suivante: “la prise autorisée est un gâteau d'une certaine taille qui est coupé en parts. L'Etat côtier prend la part qu'il veut, en fonction de sa capacité et les autres parts (l'excédent) sont théoriquement disponibles pour d'autres Etats”. Tous les Etats n'acceptent pas pleinement cette interprétation étant donné que la capture de l'excédent affecte le taux de capture et donc, la rentabilité de la flotte nationale, et peut également avoir un impact sur les perspectives d'exportation.

Comme nous l'avons déjà fait remarquer, la stabilité du stock sera vraisemblablement affectée par cet accord de partage surtout si la prise totale autorisée, excédent compris, est calculée en fonction du RMS. Ainsi, de nombreux Etats ont suivi le critère présenté dans l'Article 61(2) qui stipule que l'Etat côtier “compte tenu des données scientifiques les plus fiables dont il dispose, prend des mesures appropriées de conservation et de gestion pour éviter que le maintien des ressources biologiques de sa ZEE ne soit compromis par une surexploitation”. Cette approche ne requiert pas explicitement l'adhésion au principe du RMS et, en fait, l'Article 61(3) stipule que “Ces mesures visent aussi à maintenir ou rétablir les stocks des espèces exploitées à des niveaux qui assurent le rendement constant maximum” mais précise qu'il faut tenir compte des facteurs écologiques et socio-économiques y compris les besoins des communautés côtières et les “besoins particuliers” des pays en développement.

Toutes ces considérations permettent de justifier des niveaux de pêche inférieurs à ceux correspondant au RMS et, incidemment, entraînent rarement la déclaration d'excédent. Comme indiqué plus haut, la logique biologique de ces niveaux d'exploitation plus bas semble être justifiée par les résultats des expériences de gestion ayant utilisé le RMS dans le passé (Caddy et Mahon, 1995).

La Convention fait allusion aux espèces anadromes et catadromes (Articles 66 et 67) et aux mesures nécessaires pour préserver les écosystèmes rares et fragiles ainsi que l'habitat des ressources (Article 194), pour éviter les pollutions en provenance du continent (Article 207) et établir en commun des règles, normes, usages et procédures pour contrôler les rejets de substances toxiques, nuisibles ou nocives, par voie aquatique ou atmosphérique, en provenance des navires, de l'exploitation minière des fonds marins et de l'immersion des déchets. Toutefois, il reste à mettre au point des dispositions particulières pour la conservation des estuaires. Il n'y a donc à l'heure actuelle aucune convention internationale qui spécifie que les montants “habituels” (saisonniers) d'écoulements d'eau douce, contenant des niveaux “habituels” d'éléments nutritifs, de vase et d'autres substances qui doivent être contrôlés si on veut préserver la santé d'un estuaire, de sa faune et de ses autres ressources.

Malgré l'application de nombreux articles de la Convention de 1982, les flottilles de pêche ont beaucoup grandi entre 1980 et 1989. Bien que certaines pêcheries soient encore rentables, les coûts d'acquisition et d'entretien d'un bateau de pêche dépassent largement, en moyenne, les revenus tirés de la pêche (FAO, 1992e). A l'heure actuelle, ce surinvestissement menace gravement la durabilité des ressources halieutiques (FAO, 1993g).

7.2 PRINCIPAUX EVENEMENTS INTERNATIONAUX DEPUIS LA NEGOCIATION DE LA CONVENTION DE 1982

Il serait présomptueux de vouloir analyser ici les étapes majeures qui, depuis la négociation de la Convention de 1982, ont jalonné au niveau international la route vers une approche rationnelle de la gestion des ressources biologiques de la mer. Nous avons estimé cependant qu'il serait utile de mettre à la disposition des lecteurs quelques extraits des accords internationaux pertinents dans ce domaine, qui pourront être consultés en même temps que la revue bibliographique exhaustive fournie dans ce document. Bien que les extraits présentés dans les Annexes IV et VII ne doivent pas être lus sans tenir compte des textes complets, ces derniers, en raison de leur volume, sont rarement disponibles et il peut être utile d'avoir sous une forme accessible quelques-unes des questions-clés relatives à la conservation et à la gestion des ressources marines.

7.3 LA CONFERENCE DES NATIONS UNIES SUR L'ENVIRONNEMENT ET LE DEVELOPPEMENT ET LE PROGRAMME ACTION 21

Cette Conférence, tenue à Rio de Janeiro en juin 1992, a adopté un programme d'action dont les principes directeurs sont exposés dans la Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement, dont on trouvera quelques extraits à l'Annexe VI. L'application de ces principes dans un projet de programme de travail, accompagnée de justifications techniques, fait l'objet d'Action 21 (CNUED, 1992) dont une brève description est donnée dans ce sous-chapitre avec référence à quelques-uns des extraits-clés de l'Annexe VII. La Conférence a également adopté deux Conventions, l'une sur la biodiversité et l'autre sur les changements climatiques globaux. Toutes deux ont été proposées à la signature au cours de la Conférence.

En ce qui concerne les pêches, le Chapitre 17 d'Action 21 est le plus pertinent. Il est intitulé Protection des océans et de toutes les mers - y compris les mers fermées et semiferméeset des zones côtières et protection, utilisation rationnelle et mise en valeur de leurs ressources biologiques (CNUED, 1992). Quelques autres chapitres concernent également les pêches mais le lecteur consultera le document cité pour plus de détails.

Le chapitre 17 contient sept programmes d'action qui sont résumés dans le document FAO (1993f). Du point de vue de la Conférence, les principes les plus pertinents pour le domaine des pêches établis sont également résumés dans le même document. Ces programmes d'action et leurs principaux objectifs sont les suivants:

  1. Gestion intégrée et développement durable des zones côtières, y compris des ZEE. Le principal objectif de ce programme est de promouvoir le concept de gestion intégrée de la zone côtière relevant de la juridiction nationale des Etats côtiers.

  2. Protection du milieu marin.

    Le principal objectif de ce programme est de prévenir, réduire et contrôler les dégradations du milieu marin, dues à des sources maritimes ou terrestres, de façon à maintenir et améliorer les capacités biotiques et productives. (En ce sens, il suit de très près la Convention de 1982 et tient compte des politiques, priorités et ressources des Etats côtiers).

  3. Exploitation durable et conservation des ressources biologiques marines en haute mer.

    L'objectif de ce programme est de mettre en oeuvre l'engagement des Etats à conserver et utiliser les ressources hauturières sur une base durable et d'aider les pays en développement dans ce sens. Cependant, étant donné l'éches des discussions de Rio en vue d'un consensus sur certaines questions liées à la conservation et à la gestion des ressources en haute mer, il a été, entre autres, demandé aux Etats de convoquer une conférence intergouvernementale sur les stocks chevauchants et les poissons grands migrateurs, sous les auspices de l'ONU.

  4. Exploitation durable et conservation des ressources biologiques marines relevant de la juridiction nationale.

    Les principaux objectifs de ce programme sont la restauration des ressources à des niveaux qui permettraient une récolte au niveau du rendement maximum soutenable, la protection des espèces menacées et la prise en compte des intérêts des communautés locales et des pêcheries artisanales.

  5. Examen des incertitudes fondamentales concernant la gestion du milieu marin et les changements climatiques.

    Les principaux objectifs de ce programme sont d'améliorer la capacité des Etats côtiers à faire face aux conséquences des changements climatiques, d'améliorer la capacité d'en prévoir les conditions et les effets dans les zones côtières, pour ce qui a trait aux changements de la température de l'eau, du niveau des mers, des apports fluviaux, de la concentration d'ozone dans l'atmosphère, etc., et de promouvoir les recherches pertinentes.

  6. Renforcement de la coopération et de la coordination internationales, notamment au niveau régional.

    Les principaux objectifs de ce programme sont de mieux intégrer les activités sectorielles, de favoriser un échange d'information efficace et l'examen, au niveau intergouvernemental, des questions d'environnement et de développement et, de promouvoir des mécanismes opérationnels de coordination entre les éléments pertinents du système des Nations Unies et des organismes de développement international.

  7. Développement durable des petites zones insulaires. A cause de la très grande superficie des ZEE relativement à leur surface émergée, les petites zones insulaires dépendent énormément de leurs ressources marines donc du développement durable de celles-ci. En conséquence, l'objectif primordial de ce programme est d'assister les petits Etats insulaires à mettre en valeur leurs ressources halieutiques sur cette base en veillant en particulier au développement socio-économique afférent et au maintien de la biodiversité.

En ce qui concerne les pêches, les besoins identifiés par la Conférence de Rio et figurant dans le programme Action 21 avaient été prévus par la Conférence mondiale de la FAO sur l'aménagement et le développement des pêches (FAO, 1984, 1986b). En effet, le Département des pêches de la FAO a déjé abordé un grand nombre des recommandations pertinentes de la CNUED et la plupart ont été étudiées dans le présent document.

Les nombreuses suggestions adressées à l'Organisation, exposées dans FAO (1993g), ont également été approuvées au cours de la vingtième session du Comité des pêches de la FAO (Rome, mars 1993). Ces suggestions et d'autres ont été présentées dans les sections 2.1.5, 2.2.5, 2.3.4, 2.4.4, 2.5.3, 2.6.1, pour les domaines écologiques précis étudiés dans le présent document et, dans la section 7.6, pour les questions générales concernant le développement durable des pêches.

L'Annexe VII donne le texte des troisième et quatrième programmes ci-dessus, surtout à titre d'exemples du style et de l'approche pratique adoptée par le Programme Action 21.

7.4 ROLE DES ORGANISATIONS INTERNATIONALES

Pendant des siècles, la pêche a été réglementée de diverses façons et l'augmentation de la mobilité des flottilles a rendu nécessaire la collaboration internationale afin d'essayer de garantir la durabilité des rendements des stocks partagés. Il est très préoccupant que de nombreuses ressources et certaines régions ne fassent partie ni des ZEE, ni du mandat ou des zones géographiques couvertes par les commissions régionales.

Plusieurs organisations internationales s'occupent des activités humaines en milieu marin

clés - dont les acronymes sont donnés à l'Annexe II - sont mentionnés de façon plus détaillée à l'Annexe III. Un des rôles de la FAO en ce qui concerne les ressources halieutiques est d'assurer le fonctionnement d'un certain nombre de commissions des pêches, surtout dans les régions en développement. L'Annexe III donne, sous la rubrique FAO, de brèves descriptions des principales commissions des pêches de la FAO. L'un des rôles d'une organisation internationale est de servir de tribune pour parvenir à des accords internationaux sur des questions intéressant ses pays membres. La FAO a rempli ce rôle en participant à l'organisation de la Conférence internationale sur la pêche responsable de Cancún, Mexique, du 6 au 9 mai 1992. Cette manifestation a débouché sur la Déclaration de Cancún et donné naissance au concept de “pêche responsable” que les pays membres de la FAO sont en train de préciser au cours de leurs discussions sur un Code de conduite pour une pêche responsable. La Déclaration de Cancún a pris en compte, non seulement les dispositions de la Convention de 1982 et de la Conférence mondiale de la FAO sur l'aménagement et le développement des pêches de 1984, mais également les résultats des délibérations de la CNUED. Des extraits de la Déclaration de Cancún sont donnés à l'Annexe V.

7.5 EFFICACITE DES COMMISSIONS ET DES CONVENTIONS RELATIVES AUX PECHES

La gestion de certaines ressources-clés des océans mondiaux est confiée à des organismes de gestion des pêches dont le rôle est particulièrement important quand ces stocks sont partagés ou chevauchants. Certaines ressources gérées par ces commissions, comme les thons et les baleines, peuvent être capturées en haute mer, ce qui pose des problèmes majeurs de suivi et de contrôle. L'Assemblée générale des Nations Unies a récemment exprimé son inquiétude sur certaines questions concernant la pêche en haute mer et il est clair que la nature essentiellement régionale et spécifique de la plupart des commissions des pêches entraîne un manque de cohésion quand il s'agit d'aborder les problèmes inter-et intra-océaniques.

Les mécanismes proposés par la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer pour la gestion des ressources biologiques marines assignent un rôle-clé aux commissions régionales des pêches, surtout en ce qui concerne les stocks chevauchants ou ceux qui se déplacent, soit entre deux ou plusieurs ZEE, soit entre les ZEE et les eaux internationales.

On peut se demander dans quelle mesure ces commissions des pêches peuvent, telles qu'elles sont organisées, remplir leur mandat. Le premier point concerne leur couverture. Comme nous l'avons déjà expliqué, il existe des commissions dont le principal mandat est limité à une espèce ou un petit groupe d'espèces. Ces commissions spécifiques jouent un rôle capital dans la conservation d'espèces qui sont souvent des prédateurs supérieurs particulièrement vulnérables à l'exploitation humaine.

Savini (1991) et Marashi (1993) donnent plus de détails sur les commissions des pêches mais dans le court résumé qui suit, nous aborderons d'abord les commissions qui s'occupent des ressources halieutiques en général, habituellement dans une région océanique donnée. A l'heure actuelle, la couverture géographique par ces commissions “généralistes” est relativement complète. Les principales exceptions sont la zone statistique FAO 18 (Arctique), l'ouest de la zone 61 (Pacifique Nord-Ouest), la zone 77 (Pacifique Centre-Est), la zone 41 (Atlantique SudOuest - autrefois couverte par la CARPAS, inactive depuis de nombreuses années) et la zone 47 (Atlantique Sud-Est, autrefois couverte par la CIPASE, maintenant dissoute). Il existe d'autres lacunes évidentes: la zone 71 (Pacifique Centre-Ouest; le Sud de la mer de Chine est cependant pris en compte par un comité de la CIPP, organisme dont les limites géographiques ne sont pas spécifiées), la partie sud de la zone 81 (Pacifique Sud-Ouest) et la mer Noire (autrefois partiellement couverte par la Commission des pêches de la mer Noire - maintenant inactive - et par le CGPM, les deux organismes n'ayant pas l'adhésion de tous les Etats riverains). Des commissions ou des organismes consultatifs ont été proposés ou nouvellement créés (par ex., la PICES, créée pour le Nord Pacifique sur le modèle du CIEM) et, la redéfinition et l'extension du rôle de commissions existantes (par ex. la Commission indo-pacifique des pêches) sont en cours de discussion. Des regroupements multinationaux comme l'Union européenne (UE) pour la mer du Nord et les zones adjacentes, l'Organisme des pêches du Forum (FFA) pour le Pacifique Sud, le Centre de développement des pêches de l'Asie du Sud-Est (SEAFDEC), le Secrétariat de la Communauté des Caraïbes (CARICOM) et l'Organisation des Etats des Caraïbes Orientales (OECO), remplissent efficacement certaines des fonctions dévolues aux commissions des pêches, dans les zones comprises dans les ZEE de leurs Etats membres.

Malgré ce qui vient d'être dit, l'efficacité réelle de nombreuses commissions des pêches est loin d'être satisfaisante pour les raisons suivantes:

  1. Certains de ces organismes sont relativement inactifs, d'autres n'ont qu'un rôle consultatif mais sans pouvoir législatif ou exécutif pour gérer les ressources (la CIEM par ex.) ou bien ils n'ont pas été capables d'utiliser leurs pouvoirs de réglementation pour la gestion des stocks transfrontaliers. Certains, comme l'INPFC et l'OPANO ont des pouvoirs de réglementation mais sur une partie seulement de la région relevant de leur convention et ils ne gèrent qu'une fraction des espèces placées sous leur juridiction.

  2. Certaines commissions se préoccupent surtout des ressources côtières et du plateau continental et ne s'intéressent pas aux ressources hauturières qui relèvent pourtant de leur mandat et de leur compétence.

  3. Généralement, les commissions des pêches fonctionnent par consensus entre parties contractantes ou pays membres, elles n'ont ni contrôle sur la pêche par des non-membres2 ni capacité indépendante pour détecter ou punir les violations ou les rapports inexacts des Etats membres. Il est souvent difficile de parvenir à un consensus sur certaines mesures de gestion. Bien qu'elles ne soient pas nombreuses à avoir les pouvoirs suffisants en ce qui concerne les questions fondamentales de conservation, plusieurs ont réussi à exercer des pressions économiques pour atteindre certains objectifs de conservation.

  4. De nombreuses commissions ne bénéficient pas d'un support financier suffisant, parfois parce qu'elles ne sont pas en mesure d'exiger le versement rapide des cotisations des Etats membres. En conséquence, elles ne possèdent pas de Secrétariat efficace disposant du personnel voulu. Pour cette raison et souvent à cause du faible niveau d'engagement des Etats membres, elles n'ont pas accès aux données de base nécessaires pour identifier correctement les besoins en termes de conservation.

Manifestement, il faudrait réviser et mettre à jour régulièrement la couverture géographique et spécifique des organismes de gestion, passer en revue leurs pouvoirs et leur financement et, dans la mesure du possible, corriger les anomalies détectées. Les commissions doivent également définir leur futurs domaines de collaboration dans le but d'éviter les doubles emplois, de partager les statistiques et informations sur les pêches et de transférer savoir-faire et technologies.

Le développement durable du milieu marin exige d'établir dès aujourd'hui, aux niveaux international, régional, national et local, un équilibre entre les besoins des différents secteurs qui en partagent l'utilisation. Cependant, la durabilité requiert l'établissement de priorités qui tiennent compte du fait que certaines activités ont sur d'autres des effets irréversibles. Les organisations internationales mentionnées à l'Annexe III ont mis en place un certain nombre de comités mixtes afin d'agir dans ce sens, notamment dans le domaine des pollutions marines couvertes par le GESAMP (voir la liste bibliographique).

2 Les navires des Etats de pavillon qui ne sont pas membres d'une commission ou signataires d'un accord n'en sont pas moins tenus de respecter les mesures adoptées par les Etats membres sur la base de leur devoir général de conservation des ressources de la haute mer tel que défini par les articles 117 à 119 de la Convention de 1982

Des conventions, concernant surtout la protection du milieu marin, existent déjà pour plusieurs mers semi-fermées:

  1. Méditerranée : Convention de Barcelone pour la protection de la mer Méditerranée contre la pollution, 1976 (avec des protocoles sur le pétrole et les substances nuisibles, l'immersion des déchets, les pollutions en provenance du continent et les zones spécialement protégées).

  2. Golfe Persique: Convention régionale de Koweit pour la coopération en matière de protection du milieu marin contre la pollution, 1978 (avec des protocoles relatifs à la coopération dans la lutte contre les marées noires et autres substances nocives).

  3. Mer Rouge et golfe d'Aden: Convention de Jeddah pour la conservation de l'environnement de la mer Rouge et du golfe d'Aden, 1982, avec des protocoles similaires à la précédente.

  4. Caraïbes: Convention de Carthagène pour la protection et la mise en valeur du milieu marin dans les Grandes Caraïbes, comprenant également un protocole pour la lutte contre les marées noires.

  5. Mer Baltique: Convention d'Helsinki pour la protection de l'environnement marin de la mer Baltique, 1974.

  6. Mer du Nord: Convention d'Oslo pour la prévention de la pollution marine par les rejets en mer, 1972 (couvre aussi l'Atlantique Nord-Est) et l'Accord de Bonn sur la coopération en matière de pollution pétrolière en mer du Nord, 1969 et 1983.

    Il est intéressant de noter que la plupart des autres mers semi-fermées ne sont pas spécifiquement couvertes par des protocoles internationaux dûment enregistrés, bien que des accords bilatéraux sur l'environnement et la pêche puissent exister comme c'est le cas entre le Venezuela et Trinidad et Tobago pour l'accès au golfe de Paria et, entre l'Argentine et l'Uruguay pour la pêche au merlu dans la zone commune au large du Rio de La Plata.

Le Programme des mers régionales du PNUE est conçu pour traiter des problèmes écologiques des mers semi-fermées. Seules deux des huit conventions sur les mers régionales ont été complétées par des protocoles sur la prévention et la lutte contre les pollutions d'origine continentale. Il est impératif d'étendre ce processus à toutes les mers semi-fermées.

En ce qui concerne les pêcheries, une forte proportion de l'expérience et de la maind'oeuvrespécialisée dans le domaine de la gestion des ressources halieutiques et de l'environnement est localisée autour des ces mers “communes”. A titre d'exemples, la mer du Nord et la mer d'Irlande, la Baltique, la mer du Japon, la Méditerranée et la mer Noire font toutes l'objet d'études menées par des équipes de chercheurs expérimentés. Comme le notent Smith et Vallega (1990), ces ressources humaines devront transmettre leur expérience à des groupes équivents qui devraient être mis en place pour les autres mers fermées et semi-fermées.

Des déficiences majeures existent entre les organismes concernés par la protection de l'environnement au niveau de la coordination des activités. Des organismes statutaires qui seraient chargés de concilier la protection du milieu marin et de la ressource n'ont pas encore été créés et ce hiatus persistant est également visible dans le manque d'échanges fructueux entre les recherches sur les ressources halieutiques et les études du milieu marin.

Une meilleure intégration des organisations concernées par la conservation de l'environnement et des commissions régionales des pêches renforcerait les efforts visant à réduire les effets des activités humaines sur l'environnement de façon à garantir une base de ressources saine.

Des propositions spécifiques ont été faites au Chapitre 2 pour des domaines écologiques particuliers. La section ci-après est une synthèse des éléments communs d'intérêt général pour le développement durable des ressources biologiques de la mer. Comme au Chapitre 2, la mesure proposée est présentée en caractères gras avec un texte complémentaire en italiques.

7.5.1 Mesures proposées

7.5.1.1 Accroître les capacités nationales

  1. Un contrôle global des pouvoirs publics sur les ressources marines placées sous juridiction nationale est un premier pas vers une gestion correcte. Le gouvernement doit prendre l'initiative de fixer des normes nationales, de soutenir la recherche nécessaire pour l'évaluation des ressources, d'encourager la collaboration internationale et de promouvoir l'éducation dans le domaine des affaires maritimes. Simultanément, la délégation de certains droits et responsabilités, sous certaines conditions, à des communautés ou des organisations locales, ou même, à des particuliers, semble être la clé du développement durable du milieu marin.

  2. La compilation en temps utile de statistiques fiables sur tous les aspects de l'utilisation des ressources halieutiques est nécessaire, de même que l'incorporation des outils statistiques dans les systèmes de gestion et de contrôle aux niveaux national et local. La fourniture d'informations exactes sur les prélèvements effectués dans le milieu marin doit être une condition préalable à l'autorisation d'exploiter les ressources halieutiques.

  3. l'application par les gouvernements de mesures de gestion des pêches doit intervenir si possible avant les premiers signes de surpêche. Les pêcheries marines ne sont pas autoréguléeset l'existence ou non d'un marché pour les produits de la mer ne garantit pas une bonne gestion des ressources halieutiques. L'offre et la demande s'établissent maintenant à un niveau global et des précautions doivent être prises localement pour assurer un approvisionnement continu des marchés.

  4. Une réglementation préemptive, mise en route dans les premiers stades de développement de la pêche et accompagnée d'un examen périodique des données sur les ressources, doit prendre en compte les enseignements tirés de pêcheries similaires étant donné qu'il n'est pas prudent d'attendre que des données complètes sur les ressources soient disponibles. La sous-évuation de la ressource risque d'entraîner une perte de revenu pendant quelques années, alors qu'une estimation trop optimiste - ou l'absence d'évaluation - peut mener à terme à un effondrement durable, sinon définitif, du stock concerné, imposant des mesures de restauration coûteuses et socialement impopulaires.

  5. L'encouragement du libre-échange et des économies de marché est essentiel pour le développement mais requiert de la part des pouvoirs publics afin de protéger les ressources naturelles. En l'absence de contrôle des mesures de sécurité de l'accès aux ressources, les pressions du marché conduisent généralement à une augmentation de l'effort de pêche au-delà des niveaux optimaux d'utilisation économique de la ressource et compromettent la stabilité biologique des communautés biologiques associées.

  6. Le pourcentage de poisson directement utilisable pour l'alimentation humaine doit augmenter en évitant le gaspillage et en améliorant les techniques de capture, de manipulation et de transport. Dans la mesure du possible, les captures destinées à la consommation humaine directe doivent prendre le pas sur les autres utilisations. Il faut par exemple trouver des substituts à l'utilisation des protéines de poisson pour la fabrication d'aliments pour animaux.

  7. La compréhension de l'importance du poisson dans l'alimentation humaine et la mise en place de systèmes de garantie de qualité et d'inspection du poisson sont essentiels, de même que des moyens permettant de mesurer la contamination des produits de la mer en cas de pollution.

  8. Le soutien des pouvoirs publics est nécessaire au fonctionnement d'instituts à même d'entreprendre des recherches pertinentes et de fournir les informations nécessaires au développement durable et à la gestion des ressources biologiques de la mer.

  9. Une diffusion plus large des technologies requises pour améliorer notre compréhension du milieu marin constitue une priorité, particulièrement en direction des instituts des pays en développement. Ces technologies comprennent la télédétection, la modélisation informatique, la création de bases de données et les techniques d'analyse des données et des images. Il est également nécessaire de mettre en commun au niveau régional les équipements coûteux comme les navires de recherche et les systèmes de télédétection. Le transfert des compétences est facilité par la formation, la mise en réseau, les échanges de personnel entre les instituts des pays développés et en développement et par de fréquents séjours à bord des bateaux de recherche. Tous ces mécanismes doivent être encouragés et promus par les agences internationales d'aide au développement.

  10. Les Systèmes d'information géographique pour la quantification et l'évaluation des ressources halieutiques et des pêcheries, leur environnement et les communautés côtières participant à leur exploitation durable, sont nécessaires pour contribuer au processus de décision, non seulement en ce qui concerne les ressources exclusivement nationales mais aussi pour les ressources partagées et hauturières.

  11. L'utilisation plus large de nouvelles technologies comme la télédétection, la modélisation et les SIG pour tous les écosystèmes marins et les stocks exploités, permettrait de mieux prévoir les effets des changements naturels et des interventions de l'homme sur l'environnement.

  12. Il faut encourager la recherche fondamentale appliquée et orientée vers la gestion en insistant sur les ressources marines et l'environnement.

  13. Il faut favoriser la diffusion de l'information sur la nécessité de préserver le milieu marin, avec la participation de tous les groupes concernés et à tous les niveaux requis, et promouvoir l'élaboration d'une législation destinée à protéger les ressources renouvelables au profit des générations présentes et futures.

  14. Les questions touchant au milieu marin doivent être incorporées dans les programmes scolaires et universitaires, et il faut favoriser la prise de conscience de ces problèmes, surtout dans les communautés côtières.

7.5.1.2 Les stocks chevauchants

  1. L'harmonisation des politiques et des législations des Etats exploitant des ressources communes devrait conduire, là où c'est possible, à des règles, des normes et des procédures communes pour prévenir la pollution. La législation concernant la gestion de l'environnement et des ressources pourrait par exemple contenir des clauses traitant du financement de ces mesures et des recherches qu'elles supposent.

  2. Un cadre commun de réglementation des stocks exploités - ou du moins des approches compatibles - est nécessaire en ce qui concerne l'immatriculation et le marquage des bateaux, les carnets de bord pour les rapports obligatoires sur les captures, les maillages et autres spécifications des engins, les procédures de contrôle et de surveillance. Ces mesures devraient contribuer à la rentabilité et favoriser la confiance mutuelle entre les parties concernées.

7.5.1.3 Les Organisations internationales

  1. Toutes les organisations internationales concernées par le domaine marin doivent intensifier leurs efforts en vue de promouvoir une coopération efficace entre elles et leurs Etats membres pour tout ce qui a trait au développement durable de la haute mer, de ses ressources et de son environnement.

  2. Il faut améliorer les mécanismes de coordination et de circulation de l'information entre les organisations et les ministères concernés et intégrer la planification stratégique dans le processus de décision visant l'utilisation des ressources renouvelables.

  3. Des programmes interdisciplinaires de formation supérieure dans le domaine marin seront nécessaires, en particulier sur l'intégration de la gestion de l'environnement et des ressources au niveau de l'écosystème. Les avantages financiers accordés aux experts nationaux devraient être en rapport avec les coûts de formation et comparables à ceux offerts par le secteur privé pour des emplois similaires.

  4. Le renforcement des compétences nationales passe également par la fourniture de matériel didactique, de logiciels spécialisés et de services consultatifs, et la mise en place de centres régionaux d'excellence, en particulier pour les petits Etats insulaires dont les ressources humaines sont limitées.

  5. Des lignes directrices doivent être développées pour appliquer la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer au suivi et à la protection des milieux fragiles ou spéciaux particulièrement importants pour la production halieutique.

  6. Il faut aider à la mise en place de législations nationales dans les domaines visés par les conventions internationales pertinentes comme le transfert d'organismes marins vivants et la promotion de la pêche responsable.

  7. Il faut promouvoir les approches régionales, comme la recherche coopérative et les séminaires, pour identifier les stocks partagés ou chevauchants et mesurer leur diversité génétique.


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