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CHAPITRE II
LES BESOINS EN MATIÈRE DE COMMUNICATION POUR LE DÉVELOPPEMENT

Introduction

Tout être humain vit et se développe grâce à la communication; c'est pour cela que l'isolement dans lequel vit une grande partie de la population est une des contraintes majeures pour le développement. Les besoins de communication pour le développement s'articulent autour du sentiment d'être marginalisé, autour du besoin de sortir de l'isolement, d'être valorisé et pleinement intégré dans le développement du pays. La communication pour le développement est considérée comme une arme pour diminuer l'isolement, parce qu'elle permet la mise en relation des êtres humains.

Dans un pays à prédominance rurale, la communication pour le développement doit, en grande partie, provenir du monde rural et s'adresser au monde rural. Les ruraux aspirent à accéder à la communication sociale pour que l'on cesse de parler en leur nom; ils veulent transmettre leur expérience et s'intéressent à l'expérience des autres. La communication doit aussi devenir un lien entre ruraux et urbains pour rapprocher ces deux mondes trop séparés qui pourtant ne peuvent pas survivre l'un sans l'autre.

Les besoins de communication pour le développement s'articulent aussi autour du besoin d'échanger des informations sur les projets et entre les projets et les communautés villageoises, autour des axes de la recherche et de la vulgarisation agricoles; la communication devrait appuyer les chercheurs et les vulgarisateurs dans leur travail de diffusion des techniques et savoirs.

La communication devrait également contribuer à l'analyse de certains phénomènes qui influent sur la vie des ruraux, mais dont les causes, mécanismes et conséquences sont souvent ignorés par eux: la dégradation des ressources naturelles, les termes de l'échange, l'exode rural, etc.

I1 y a également une forte demande pour des informations sur la météo, sur les calendriers agricoles pour les différents produits, les marchés et les prix, etc.

Partout on se plaint de la séparation entre producteurs et consommateurs de la communication. Le manque de communication entre ces deux parties est perçu comme une des principales raisons du faible impact des quelques émissions de radio et télévision réalisées pour le monde rural.

Potentialités

I1 existe des moyens dans le pays qui, quoique insuffisants, peuvent être mieux exploités. Par exemple:

Facteurs limitants

I1 y a pourtant des projets à financements externes qui limitent leurs domaines d'intervention et ne facilitent pas la communication, bien qu'ayant les potentialités économiques pour le faire.

On ne tire pas pleinement bénéfice des connaissances et des techniques de documentation par manque de contact entre les différents intéressés.

Certains services et projets disposent de programmes et de matériel de communication sociale, comme le Service National d'Information, Education et Communication pour la Santé (SNIECS), mais ces potentialités ne sont pas pleinement exploitées par manque de contrepartie du Gouvernement.

Beaucoup de moyens de communication sont sous-utilisés par manque de protocoles d'accord bien définis entre les différents secteurs et services.

Nombre de possibilités d'améliorer la communication en milieu rural et dans les quartiers urbains ne sont pas matérialisées, par manque de stimulants et de motivations des cadres aux niveaux national, régional, sectoriel et local.

Ces facteurs limitants se retrouvent aussi au niveau des organes de communication sociale et de l'organisation des ressources matérielles, humaines et autres, notamment:

Radiodiffusion Nationale (RDN)

Télévision Expérimentale de la Guinée-Bissau (TVE GB)

Le programme de la TVE-GB n'intéresse qu'une couche limitée de la population.

L'introduction de la TV communautaire a été faite sans personnel qualifié pour la gestion et l'entretien des équipements.

Organisation

Le fonctionnement interne des services et projets souffre d'un manque de communication, ce qui se reflète négativement sur leur fonctionnement:

Ressources matérielles

Ressources humaines

Autres facteurs

Déficience du service des postes à l'intérieur du pays et entre le pays et l'extérieur.

Besoins au niveau régional

Les besoins en matière de communication sont multiples:

Besoins en communication sociale

L'isolement des villages et des régions est un grand problème pour le pays. Les routes sont mauvaises, surtout en hivernage où certaines régions sont difficilement accessibles. Les moyens de transport sont insuffisants et mal adaptés, le pays est déchiré par les bras de mer qui le pénètrent profondément; les quelques bacs sont en mauvais état; il y a un grand manque de transports maritimes et aériens entre les îles et le continent, etc. Une grande partie de la population se sent marginalisée et exclue du développement du pays, surtout à l'est, au sud et sur l'Archipel des Bijagos.

Mettre en contact les uns avec les autres, promouvoir l'échange entre les villages, les secteurs, les régions et les provinces devrait être le rôle principal de la communication pour le développement. Pour cela, il faut créer, renforcer et institutionnaliser les espaces de communication au niveau horizontal, notamment;

pour le rapprochement des uns et des autres, pour une intégration régionale, pour un apprentissage et un enrichissement mutuels, pour l'encouragement et la facilitation des tâches de chacun.

Comme les voyages et les rencontres sont utiles pour que les paysans quittent pour un moment le cadre restreint de leur village et de leur champ (surtout en saison sèche), les voyages et rencontres à travers les ondes le sont de même. Les différents acteurs sociaux aspirent à accéder aux moyens de la communication sociale pour que l'on arrête de parler en leur nom. Ils veulent s'exprimer eux-mêmes sur leur vie, leur travail, leurs expériences, leurs problèmes et veulent présenter les solutions qu'ils ont trouvées aux autres villages ou groupements.

Dans un pays à prédominance rurale, la communication pour le développement doit, en grande partie, provenir du milieu rural et, médiatisée par les professionnels de la communication, s'adresser au monde rural.

La valorisation du savoir paysan est un autre besoin dans les provinces, et même dans la capitale où les gens ne sont pas indifférents au monde rural et se plaignent du manque d'informations provenant des provinces. Les ruraux veulent être présents dans les productions des médias de communication sociale pour sensibiliser les urbains au monde rural, et pour rapprocher ces deux mondes l'un de l'autre.

La culture nationale, somme des particularités des cultures des différentes ethnies, ne peut être valorisée et construite qu'à partir de la valorisation des provinces et de la multitude des valeurs et acquis culturels à travers le pays.

On souhaiterait avoir des monographies médiatisées sur des villages ou des groupements particulièrement intéressants, des monographies des différents secteurs - dont chacun a ses particularités - des régions, zones et provinces. Ces monographies devraient être coréalisées avec les spécialistes dans le domaine, à savoir ses habitants, paysannes et paysans, membres des ethnies de la région, parlant la même langue et partageant les mêmes secrets.

Les projets de développement dans les régions se déroulent souvent dans une situation d'isolement par rapport aux autres projets. L'échange d'informations entre les différents projets, sur leurs approches et méthodes, leurs problèmes et succès, médiatisés par les organes de la communication sociale, serait un enrichissement important pour les acteurs du développement et pourrait contribuer à une meilleure coordination entre eux. De plus, la capitalisation du savoir des projets par les médias serait une contribution à la recherche et à la vulgarisation.

I1 y a également un fort besoin d'information exprimé par les différents acteurs sociaux. La gamme des sujets s'étendrait sur un éventail d'informations utiles comme la météo (très importante pour les paysans), les prix des produits agricoles, la date prévue des récoltes dans les différentes provinces pour les différentes cultures, la situation des marchés, etc. Ces flux d'informations dynamiseraient la commercialisation des produits agricoles, et aideraient les paysans à mieux orienter leur travail.

Besoins en communication éducative

I1 existe également un besoin d'éducation et de formation en vue de mieux maîtriser les actions de développement. Ce besoin est fortement exprimé par les maîtres d'oeuvre du développement {les responsables et techniciens des projets, responsables des départements et délégations régionales des différents ministères), mais aussi par la population rurale et urbaine.

Dans le domaine de la communication éducative aussi, le principe du dialogue est fondamental. Les différents acteurs du développement demandent que les espaces de ce dialogue soient créés, renforcés ou opérationnalisés au niveau vertical et que cette communication soit interactive, notamment:

Ils demandent que, dans ce dialogue, les besoins et aspirations de la population soient identifiés et pris ei1 compte, que leurs valeurs culturelles soient reconnues et respectées, que leur savoir, leur professionnalisme et leur expérience soient valorisés, que leurs idées et stratégies soient échangées, afin que le développement corresponde à la réalité de ses bénéficiaires, soit le résultat de l'effort de tous et permette à chacun de s'y reconnaître.

Cette communication éducative comprendrait des thèmes techniques qui tiennent compte des efforts de développement par les communautés rurales et urbaines et les appuient par des actions d'éducation sanitaire et nutritionnelle, d'éducation environnementale et de vulgarisation agricole, etc. Elle doit se baser sur l'analyse des phénomènes qui influent sur la vie des ruraux; par exemple la protection des ressources naturelles: au lieu de blâmer le paysan qui est à l'origine des feux de brousse et des défrichages et de lancer des appels contre les feux de brousse, il faut analyser le problème de façon plus approfondie en tenant compte de l'ensemble des facteurs qui déterminent ce phénomène. D'autres thèmes proposés: les termes d'échange entre produits agricoles et produits industriels, la relation entre commerçants et paysans et la commercialisation des produits agricoles, les causes et effets de l'exode rural, les initiatives pour diminuer l'exode, les associations de base dans les villages, les conditions de leur émergence, leurs activités, leur mode d'organisation, la politique d'importation des produits agricoles et la difficulté de commercialisation des produits nationaux, etc.

Un autre volet de la communication éducative est l'appui à la vulgarisation agricole (introduction de nouvelles variétés, protection phytosanitaire, culture attelée, calendrier des cultures, transformation des produits agricoles, stockage, etc.), l'éducation nutritionnelle, l'éducation sanitaire, l'éducation vétérinaire, etc. Ces réalisations devraient se baser sur des témoignages d'expériences vécues et être suivies par des spécialistes de chacun des secteurs concernés.

La stratégie de communication doit également tenir compte du fait qu'il existe des réseaux d'animateurs de base, pris en charge par les différents groupements et associations de base, qui font un important travail de communication au sein de ces communautés, et chercher à définir un cadre d'appui (notamment dans le domaine de formation à la communication) pour renforcer leur impact pour le développement.

Besoins en communication institutionnelle

Les différents acteurs sociaux revendiquent également le principe du dialogue dans le domaine de la communication institutionnelle; ils demandent que les décisions prises à tous les niveaux soient le fruit d'un dialogue permanent dans des structures décentralisées et entre tous les acteurs concernés, notamment:

Besoins en planification participative de communication

Un autre besoin fortement exprimé concerne l'interaction entre les utilisateurs de la communication (abandonnons les notions passives de "public", "bénéficiaires", "cibles") et les organes de communication sociale. Le manque d'interaction entre les professionnels et les utilisateurs de la communication et l'absence d'une programmation participative sont perçus comme raisons principales du faible impact des médias pour le développement. Par manque de communication et manque de connaissance des besoins et réalités des différents acteurs de développement, leurs émissions ne répondent pas aux aspirations de la grande majorité de la population.

Pour changer cette situation, il serait souhaitable de créer des structures légères au niveau régional, à travers lesquelles les délégués des communautés rurales et des différents organismes de développement pourraient solliciter l'appui des organes de communication sociale et des départements ministériels ou non-gouvernementaux de communication éducative. Les thèmes de ces appuis en communication seraient ainsi définis à partir des villages, des associations et groupements, des ONG qui travaillent dans les villages, des projets de développement en milieu rural et des départements des ministères. Des "Conseils de promotion et planification de la communication pour le développement" devraient se constituer au niveau des secteurs administratifs, des provinces et au niveau national, trois niveaux où ils formeront des comités de coordination intersectorielle. Ces comités seraient chargés d'orienter les professionnels de la communication pour le développement et d'assurer le suivi et l'évaluation de la communication.

Besoins au niveau national

Suivant le plan d'action établi, il est nécessaire que cette coordination ait un caractère intersectoriel et opérationnel en même temps.

De nombreux autres besoins ont été identifiés, notamment:

Au niveau de la population urbaine

Au niveau des services et projets

Au niveau du commerce et du marché

Recommandations

Après une analyse approfondie des besoins, potentialités et facteurs limitants en matière de communication pour le développement, les conclusions et recommandations suivantes peuvent être exprimées:

Considérant que le développement est lié à une modification des mentalités et comportements d'une grande partie des acteurs du développement, la communication doit avoir une place importante; cette communication doit présenter un caractère clair et systématique et utiliser aussi bien les médias que les supports de communication de proximité pour faciliter la participation.

Les objectifs à atteindre sont les suivants:

Suite à ces considérations, et prenant en compte le rôle important de la communication sociale pour la diffusion de l'information sur les divers aspects de la vie de la société bissau-guinéenne, le séminaire recommande:

Considérant la nécessité d'organisation, de concertation et de coordination, en vue de l'harmonisation des programmes de développement à travers le dialogue et une bonne circulation de l'information, le séminaire recommande:

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