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Jardins scolaires et éducation alimentaire en milieu andin¹

¹ Cet article n'aurait pu voir le jour sans le travail réalisé par l'ensemble de l'équipe ANDES, ses agronomes, médecins, personnel paramédical, enseignants, que les auteurs tiennent à remercier pour leur dynamisme, leurs réflexions et leurs capacités créatives. Nos remerciements vont aussi à la Fondation pour le progrès de l'homme qui a financé le programme ANDES.


School gardens in the rural Andes
Huertos escolares en el medio rural andino

M. Chauliac, T. Barros, A.-M. Masse-Raimbault et R. Yepez

Michel Chauliac et Anne-Marie Masse-Raimbault sont respectivement médecin nutritionniste et médecin de santé publique; ils travaillent auprès du Centre international de l'enfance (CIE) à Paris. Teodoro Barros et Rodrigo Yepez sont respectivement pédagogue et professeur de Science de base auprès de l'Institut Juan César García à Quito. Rodrigo Yepez est également le directeur de cet institut.

L'a apprentissage des règles et codes qui régissent l'alimentation d'une société débute dès le plus jeune âge (Chiva et Fisher, 1988), Apprendre à manger, à choisir ses aliments, s'inscrit dans un processus de socialisation qui se construit au sein de l'unité familiale, sous l'influence du groupe des pairs et dans un environnement physique et socioculturel spécifique. En grandissant, l'enfant acquiert une autonomie qui lui permet de participer directement à l'orientation de ses propres choix ainsi qu'à l'affirmation de son identité, Ce vécu de l'enfance - l'apprentissage réalisé alors - conditionne les comportements à l'âge adulte (Watier, 1993).

L'expérience présentée ici porte sur des écoles de villages des contreforts de la cordillère des Andes en Equateur, Elle s'inscrit dans le contexte du programme plus vaste, Alimentación, Nutrición y Desarrollo (ANDES), dont l'objectif est de renforcer la sécurité alimentaire des populations (Hardy, 1993), Ses options stratégiques reposent sur une analyse dynamique permanente de la situation des communautés et des familles ainsi que des interventions menées en pluridisciplinarité, et sur un dialogue-négociation entre la population et les professionnels de terrain et entre ces derniers et les responsables universitaires, et ce, afin d'encourager l'expression des besoins et une programmation décidée et acceptée par tous (Masse-Raimbault et Yepez, 1995).

Divers programmes recouvrant différents domaines, à savoir la santé, l'adduction d'eau, la production agricole et le stockage des produits alimentaires, se sont développés suivant un même processus (étude-action-évaluation) qui a toujours été précédé, accompagné et suivi d'une amélioration des connaissances et compétences de tous les acteurs, avec le souci de tout mettre en commun, tout en évitant de placer le savoir scientifique au-dessus du savoir-faire traditionnel.

ANDES et les écoliers

Une des idées-forces était que les écoliers participent aux activités de développement soit comme membres actifs soit comme moteurs. C'est ainsi qu'a été élaboré et testé le concept d'éducation ascendante, Les écoliers ont entrepris, au niveau de l'école, des actions en relation avec les actions vécues sur le terrain ou prévues dans le cadre du programme ANDES, mais en y apportant des améliorations, Ces actions ont eu pour objectif de sensibiliser les parents qui ont observé, commenté et progressivement mis en pratique les innovations en les interprétant en fonction de leurs contraintes.

L'intégration école-communauté et communauté-école, qui a été l'un des axes forts de ANDES, a permis de lutter contre la très forte tendance des parents a retirer précocement leurs enfants de l'école qui dispense une instruction trop éloignée des préoccupations des communautés rurales.

A la suite d'une analyse - effectuée avec la participation de la population - des aliments disponibles et de leur mode de consommation, il a été décidé, avec l'accord des familles, d'introduire des légumes et des fruits dans la consommation alimentaire afin de rompre avec le régime monotone composé essentiellement de maïs.

Au niveau des écoles, une démarche similaire a été entreprise en tenant compte du développement, des potentialités d'acquisitions cognitives et de savoir-faire des enfants, et un programme progressif respectant les valeurs culturelles des collectivités leur a été proposé (Cerqueira, 1991). Trois traits majeurs de cette culture ont été soulignés (Malo, 1988; Proaño, 1989):

· la forte relation entre l'homme et la nature; en effet, l'homme considère la terre comme sa mère, et l'amour de la terre fait partie du noyau central de la culture indigène;

· la prééminence du communautaire sur 'individualisme, Le travail communautaire tient une place majeure et s'exprime entre autres lors des mingas, travaux entrepris par tout le village pour une amélioration des conditions de vie;

· des conceptions religieuses et philosophiques qui favorisent le culte de Dieu et expliquent les rites ainsi que certaines fêtes intimement liées au triptyque Dieu-Communauté des hommes-Terre.

Activités à l'école

Dans un premier temps, les écoliers ont été intégrés à la découverte de leur propre consommation alimentaire, à la composition des aliments, à leur complémentarité ainsi qu'aux comportements alimentaires familiaux. Ils ont réalisé une étude de la représentation des aliments par la population: froid et chaud, léger et lourd, etc. Un matériel didactique, pictural et ludique a été élaboré en vue d'illustrer ces concepts et de permettre aux enfants de résoudre, en jouant, certains problèmes. Agronomes, médecins, infirmières, instituteurs, pédagogues et parents ont participé à l'élaboration de ce matériel utilisé par les instituteurs avec leurs élèves (Herdoiza et Barros, 1991).

Les enfants ont ensuite organisé une épicerie scolaire où ils ont commencé à jouer «à la marchande». Le rôle des instituteurs était celui d'apprendre aux écoliers à classer les aliments suivant leur valeur et leur origine, à formuler des régimes équilibrés, à apprendre à acheter et à comparer les prix en fonction des valeurs nutritionnelles; mais il s'agissait aussi d'initier les enfants aux mathématiques, a la géographie, à l'expression orale et corporelle, etc. Des activités culinaires ont également été organisées afin d'apprendre aux enfants à cuisiner, à consommer dans des conditions similaires à celles existant au sein de leurs familles, tout en respectant les notions élémentaires d'hygiène et d'association d'aliments.

Le programme présenté ici est celui des jardins scolaires, II illustre la méthodologie suivie et l'intégration des activités scolaires au sein du milieu de vie - avec ses réalités géographiques, socioculturelles et économiques - et au sein des programmes de développement entrepris par les communautés. Les écoliers ont également participé à des activités de production en particulier de légumes et d'élevage (cochon d'Inde, animal consommé dans toute la cordillère lors des fêtes familiales, religieuses ou villageoises). Grâce à ces activités des objectifs éducatifs ont été définis.

OBJECTIFS, SUJETS ET MÉTHODES

Le projet d'éducation alimentaire a 'école a démarré en octobre 1991, Son but était alors de rendre les enfants sensibles à la diversité des aliments disponibles dans leur milieu et à 'importance d'une consommation variée. Après une année d'intervention pédagogique, les conditions ont été réunies pour effectuer une évaluation formelle de l'impact de ces activités. Ces dernières ont alors été enrichies par le programme des jardins scolaires durant l'année scolaire 1992/93.

Objectifs du programme

Les objectifs généraux de l'intervention menée dans les écoles de cinq villages sont le produit d'une analyse du milieu réalisée en collaboration avec la population et les enfants de la zone, Ces objectifs peuvent se résumer ainsi:

· développer les connaissances des enfants en matière de culture des légumes et accroître leur intérêt pour une consommation alimentaire diversifiée;

· favoriser l'apprentissage par les enfants du processus de production de légumes appréciés dans les communautés et adaptés aux contraintes pédoclimatiques;

· fournir des occasions pour que les écoliers consomment les légumes cultivés durant le petit-déjeuner scolaire;

· encourager l'acquisition, moyennant la pratique de la production potagère, d'attitudes de coopération, de responsabilité, d'estime et de confiance en soi, de motivation et de valorisation du travail.

Afin de prendre acte du développement des compétences de l'enfant durant les six années que couvre la scolarité primaire, des objectifs spécifiques ont été élaborés pour chaque «cycle» couvrant une période de deux années; enfants de six à huit ans pour le premier cycle; enfants de huit à dix ans pour le deuxième cycle; et enfants de dix à douze-treize ans pour le troisième cycle.

Au début de l'année scolaire, les instituteurs ont bénéficié d'une formation dans le domaine des techniques agricoles et des méthodes pédagogiques actives; cette formation a mis l'accent sur l'importance du développement global de l'enfant dans ses dimensions du savoir, du savoir-faire et du savoir-être, ainsi que sur la prise en compte des interrogations et des compétences des enfants.

Plan d'évaluation

La méthode d'évaluation a été développée de façon à tenir compte du savoir acquis par les enfants durant l'année scolaire 1991/92. Des écoles témoins ont été choisies dans une zone se trouvant à moins de 20 km de distance, écologiquement semblable mais située sur un versant de montagne accessible seulement par un sentier muletier. Tous les enfants des classes expérimentales (E) ont été évalués. Un nombre équivalent d'enfants d'écoles témoins (T) a été tiré au sort pour chaque cycle.

Divers outils ont été développés afin d'évaluer les connaissances, attitudes et compétences des enfants en tenant compte de leur âge et des objectifs pédagogiques élaborés pour les différents cycles d'étude (figure 1).

Connaissances

Un questionnaire noté sur 20 a été conçu, et pour le premier cycle, compte tenu du manque de maîtrise de la lecture par les enfants, ce questionnaire a été complété lors d'entretiens individuels, En ce qui concerne les deuxième et troisième cycles, le questionnaire a été rempli par chaque enfant.

Les questions, à choix multiples, portaient sur l'intérêt du jardin scolaire, l'importance des aliments qui y poussent, les diverses étapes de culture, les goûts des enfants et leurs désirs de plantation et de consommation, II a en outre été demandé aux enfants de dessiner un jardin potager.

Un plan d'évaluation a été élaboré (figure 1) et à la rentrée scolaire, en octobre 1992:

· les enfants de première année des écoles E et T ont été comparés a l'aide du questionnaire de premier cycle;

· les enfants de deuxième et troisième année des écoles E et T ont été comparés a l'aide du questionnaire de premier cycle;

· les enfants de quatrième et cinquième année des écoles E et T ont été comparés à 'aide du questionnaire de deuxième cycle;

· les enfants de troisième année des écoles E ont de plus répondu au questionnaire de deuxième cycle et ceux de cinquième et sixième année au questionnaire de troisième cycle.

En fin d'année scolaire, en mai 1993;

· les enfants des écoles E ont passé le test conçu pour leur cycle d'études afin d'évaluer leur progression sur l'année;

· les enfants de première année des écoles E et T ont passé le test de premier cycle afin de comparer leurs évolutions respectives.

Plan d'évaluation Evaluation plan Plan de evaluación

Compétences

Dans le domaine du développement des compétences pratiques des enfants (et compte dûment tenu du cycle agricole de cette zone), une première mise en culture a été réalisée en décembre 1992, Après évaluation individuelle, des démonstrations ont été réalisées par l'enseignant selon les principes d'une pédagogie active. En mars 1993, l'ensemble des opérations allant de la préparation du terrain à la récolte a été renouvelé et évalué individuellement a partir d'une fiche d'observation. Celle-ci, élaborée par le superviseur pédagogique et l'agronome du projet, comprenait pour chaque phase (préparation du terrain, semis, soins durant la croissance et récolte), des critères spécifiques pour chaque cycle d'études, permettant d'estimer la compétence selon trois niveaux: acquise, en voie d'acquisition, non acquise.

Savoir-être

Afin d'évaluer le savoir-être des enfants, une fiche d'évaluation portant sur leurs attitudes dans la réalisation du travail agricole pratique a été élaborée et remplie par observation individuelle lors du cycle cultural mis en œuvre en mars 1993, Cette fiche portait sur six aspects de la personnalité, chaque aspect étant observé (selon trois à quatre critères) durant les diverses phases de préparation du sol: semis, soins durant la croissance et récolte.

Les résultats quantitatifs ont été analysés à l'aide du logiciel SPSS. Des tests du Chi carré et t de Student ont été utilisés, après vérification des conditions de validité des tests, Un risque d'erreur de cinq pour cent a été consenti.

RÉSULTATS

Sur les cinq écoles de la zone, 54 enfants étaient en premier cycle (27 en première année et 27 en deuxième année);

50 en deuxième cycle (34 en troisième année et 16 en quatrième année); et 28 en troisième cycle (19 en cinquième année et neuf en sixième année).

Connaissances

Le tableau 1 présente les résultats obtenus par les 27 enfants des classes de première année E et T en début et en fin d'année scolaire.

Le tableau 2 montre les résultats des tests de premier et deuxième cycle passés en début d'année scolaire par les enfants qui, l'année précédente, étaient en premier ou deuxième cycle, dans les classes E et T.

Ces résultats indiquent que:

· il n'existe pas de différence entre les enfants des écoles E et T, entrant pour la première fois dans le système scolaire;

· il existe une différence significative en début d'année scolaire entre les enfants des écoles E et T qui se trouvaient l'année précédente dans les deux premiers cycles. Ceux des écoles E avaient bénéficié l'année précédente d'un programme pédagogique axé sur le savoir;

· il existe une différence significative en fin d'année scolaire entre les enfants de première année des deux types d'écoles, différence favorable aux classes des écoles E;

· les enfants de première année des écoles E ont nettement amélioré leur savoir durant l'année scolaire tandis que ceux des écoles T n'ont pas progressé.

TABLEAU 1

Connaissances des enfants de première année

Knowledge of first-year children

Conocimientos de los niños de primer año


Ecole expérimentale n=27

Ecole témoin n=27

P

Septembre 1992

5,8±2,7

4,7±2,6

NS

Mai 1993

15,8±2,2

6,0±3,3

<10-3

P

<10-6

NS


Les résultats obtenus sont présentés en tant que moyenne ± écart type sur 20.

TABLEAU 2

Résultats aux tests de premier et deuxième cycle passés en début d'année scolaire

Results of first- and second-cycle tests taken at the beginning of the school year

Resultados de las pruebas de primer y segundo ciclos que tuvieron lugar al comienzo del año escolar

Ecole

Ecole expérimentale

Ecole témoin

P

Premier cycle (année scolaire 1991/92)

11,5±3,11

4,6±2

<10-6

Deuxième cycle (année scolaire 1991/92)

12,4±3,0

6,7±3,5

<10-6

Les résultats obtenus lors des tests sont présentés en tant que moyenne ± écart type sur 20.

Ces résultats permettent de tirer les conclusions suivantes:

· il n'existe pas de différence initiale entre les enfants entrant à l'école;

· le programme mené durant l'année scolaire 1991/92 a permis aux enfants des écoles E de progresser davantage que ceux des écoles T.

Les résultats aux tests de connaissance des enfants des écoles E, pour les trois cycles, en début et en fin d'année scolaire 1992/93, font l'objet de la figure 2.

Quel que soit le cycle, la progression des enfants est nette (p<10-8), Dans chaque cycle la dispersion des valeurs tend à diminuer entre le début et la fin de l'année scolaire; cela révèle un impact pédagogique qui a bénéficié à tous les enfants sans exception et a permis de limiter les écarts initiaux.

Enfin, les enfants ayant terminé leur classe de premier et de deuxième cycles durant l'année scolaire 1992/93 ont une moyenne supérieure à ceux ayant terminé cette classe durant l'année 1991/92 (p<10-66). Il n'est toutefois pas possible de savoir si cette amélioration est liée à l'adjonction au programme de l'activité jardins scolaires ou si ce phénomène est dû à une déperdition de connaissances durant les trois mois de vacances.

Compétences pratiques

Les résultats de l'évaluation des compétences pratiques mises en œuvre par les enfants des différents cycles, avant et après l'intervention, dans les diverses phases de la culture des légumes, sont présentés au tableau 3.

Avant l'application du programme pédagogique, selon les types d'opérations évaluées, au niveau de compétence fixé comme objectif pédagogique, entre un quart et la moitié des enfants maîtrisaient la technique en premier cycle, En deuxième cycle, les étapes de soins durant la croissance et la récolte ont été réalisées de façon satisfaisante par plus de la moitié des enfants tandis qu'ils n'étaient que 18 et 22 pour cent à posséder les capacités nécessaires en matière de semis et préparation du terrain, Les enfants de troisième cycle avaient une meilleure compétence pour les étapes relatives à la préparation du terrain et à la récolte que pour celles concernant le semis et les soins durant la croissance.

Quel que soit le cycle, et pour toutes les étapes de la culture, les compétences sont nettement supérieures en fin d'année scolaire qu'en début d'année scolaire. En ce qui concerne la préparation du terrain, dans tous les cas (hormis en premier cycle) plus des deux tiers, voire des trois quarts des enfants avaient acquis, en fin d'année scolaire, la compétence requise.

Savoir-être

Les divers critères servant à évaluer le savoir-être des enfants ont été mesurés par les enseignants, uniquement en fin d'année scolaire, S'agissant de manifestations externes d'un comportement général vis-à-vis de soi-même et des autres, la subjectivité de l'observateur influence l'estimation, L'évaluation a été réalisée durant les travaux liés à la pratique du jardin scolaire et n'était donc pas reproductible dans les écoles T. Qui plus est, l'enseignant connaît bien chaque enfant, et ne peut donc mettre de côté l'ensemble des attitudes manifestées durant le temps scolaire. Les résultats sont très positifs pour l'estime de soi, la confiance en sol et la valorisation du travail, quel que soit le cycle (tableau 4).

Evolution des connaissances des enfants des trois cycles durant l'année Knowledge acquired by the children in the three cycles during the year Cambios en los conocimientos de los niños en los tres ciclos durante el año

TABLEAU 3

Compétences pratiques manifestées lors des diverses étapes de culture, avant et après l'intervention, selon le cycle d'études (%)

Assessment of children's practical cultivation skills before and after intervention, according to school cycle (%)

Capacidades prácticas manifestadas durante las diferentes etapas del cultivo antes y después de la intervención, según el ciclo de estudios (%)


Préparation du terrain

Semis

Soins

Récolte

Cycle

Compétence

Avant

Après

Avant

Après

Avant

Après

Avant

Après

Premier

Insatisfaisante

18,5

0

22,2

0

14,8

0

5,6

0


Moyenne

53,7

59,3

48,1

22,2

51,9

24,1

44,4

14,8


Satisfaisante

27,8

40,7

29,6

77,8

33,3

75,9

50

85,2

Deuxième

Insatisfaisante

26,0

0

12

0

18

0

10

0


Moyenne

52

26

70

28

30

22

28

16


Satisfaisante

22

74

18

72

52

78

62

84

Troisième

Insatisfaisante

17,9

3,6

21,4

7,1

25

3,6

7,1

0


Moyenne

35,7

28,5

71,4

21,4

64,3

17,9

39,3

0


Satisfaisante

46,4

67,9

7,2

71,5

10,7

78,5

53,6

100

L'observation externe de l'évolution de l'attitude générale des enfants confirme largement l'impression des enseignants selon laquelle, de repliés sur eux-mêmes, les enfants en fin d'année scolaire parlaient avec fierté et assurance de leur travail et de leurs réalisations. Dans le contexte andin, cette évolution est particulièrement intéressante, car ce type de manifestation est plutôt rare.

TABLEAU 4

Evaluation du savoir-être des enfants des différents cycles en fin d'année scolaire (%)

Evaluation of children's personal attitudes at the end of the school year, according to school cycle (%)

Evaluación de los conocimientos de los niños de diversos ciclos al término del año escolar (%)


1er cycle

2e cycle

3e cycle

1

2

3

1

2

3

1

2

3

Responsabilité

65

25

10

53

28

19

60

25

15

Estime de soi

80

11

9

80

15

5

64

32

4

Coopération

61

25

14

51

35

14

63

19

18

Confiance en soi

72

20

8

77

15

8

88

10

2

Motivation

77

18

5

52

36

12

55

30

15

Valorisation

90

8

2

75

17

8

73

17

10

1= satisfaisant; 2 = moyen; 3 = insatisfaisant.

Par contre, les enseignants ont remarqué que coopération, motivation et sens des responsabilités ont été moins apparents. L'exigence vis-à-vis de ces aspects du développement est certainement grande pour ces instituteurs issus de ces communautés où ces qualités sont particulièrement mises en avant.

CONCLUSION

Les goûts et les comportements alimentaires s'acquièrent dès l'enfance et influencent l'alimentation de l'adulte. Dans une perspective à moyen et long termes, la période de l'enfance est donc particulièrement sensible pour toute activité d'éducation alimentaire et nutritionnelle (Dupin, 1989).

L'enfant trouve au sein du milieu familial l'essentiel de son alimentation, La politique de production agricole et de gestion de 'environnement, le commerce et l'industrie déterminent les disponibilités alimentaires aux niveaux local, régional et national; les ressources techniques et matérielles familiales, le milieu culturel et les réseaux de relations sociales définissent le cadre où sont gérés les désirs et les contraintes de consommation au sein des unités domestiques, Cependant, l'enfant en grandissant développe son autonomie et sa personnalité et l'exprime au travers de ses choix et de ses comportements alimentaires.

Lieu d'éducation, l'école favorise la découverte de la diversité et l'ouverture sur le monde. Elle participe, dans un contexte spécifique, au développement de l'être humain dans ses multiples composantes cognitives, affectives, sociales et comportementales. Confronté à une expérimentation concrète, l'enfant apprend a se situer par rapport aux autres, à lui-même et a son environnement culturel, L'enfant dépend de sa famille pour son alimentation. Aussi, si l'école a un rôle majeur à jouer dans l'apprentissage et l'évolution des comportements alimentaires, celui-ci ne peut être conçu qu'en harmonie avec le milieu, en complémentarité et non en opposition ou en décalage par rapport aux pratiques familiales. Toute planification pédagogique passe par une étape fondamentale qui est la définition des objectifs pédagogiques. Comme pour tout programme d'éducation nutritionnelle, les objectifs assignés aux programmes scolaires et leurs orientations pédagogiques doivent donc être fondés sur une analyse du milieu de vie des enfants (Andrien, 1994; Shmitt, 1989) et être progressifs afin de correspondre à l'évolution des capacités d'apprentissage des enfants.

Par l'étendue des thèmes d'apprentissages scolaires qu'elle permet (lecture, écriture, géographie, mathématiques, etc.) et l'intérêt qu'elle exerce sur l'enfant par son caractère pratique, quotidien et sa dimension de plaisir et de partage, l'alimentation représente un support particulièrement riche d'une pédagogie axée sur le développement global de l'enfant (D'Agostino, Chauliac et Masse-Raimbault,1987).

L'école doit aussi être un lieu ouvert sur l'environnement physique, social et culturel, La communauté et les familles doivent participer à la vie scolaire afin de favoriser et de comprendre le développement de leurs enfants. Les parents peuvent alors accepter les compétences nouvelles acquises par l'enfant. La possibilité de mener des expérimentations agricoles en milieu scolaire peut intéresser des familles qui ne peuvent en assumer le risque sur leur exploitation. Cette réflexion souligne l'importance d'insérer un programme d'éducation alimentaire et nutritionnelle des enfants dans le système scolaire au sein d'un programme communautaire plus vaste, Une perspective d'éducation ascendante est alors ouverte par laquelle les enfants participent directement au processus de développement communautaire. Dans ces conditions, cette école active, ouverte, à l'écoute du milieu contribue à part entière a l'évolution de la société, non seulement pour le futur mais aussi pour le présent.

Dans le cadre d'un projet visant a améliorer les conditions d'alimentation de la population, les professionnels ont été les initiateurs d'une démarche dont les communautés dans leur ensemble étaient aussi les acteurs, Acteurs dans un premier temps d'une analyse de leurs conditions de vie, permettant de soulever les problèmes prioritaires et d'envisager avec l'aide des professionnels les moyens de les résoudre, puis, acteurs des réalisations, les familles ont pris confiance en leur capacité d'agir sur l'amélioration de leur vie quotidienne, Dans le cadre de cette approche communautaire (Cerqueira, 1992), les demandes se sont multipliées et l'école leur a offert des possibilités d'expérimentation, Les enfants sont devenus eux-mêmes des moteurs du changement et ce rôle leur a été reconnu par les parents.

La nécessité d'un travail intersectoriel, en pluridisciplinarité pour agir en profondeur sur l'amélioration de l'alimentation et de la nutrition des populations est aujourd'hui admise par tous (FAO/OMS, 1992), Cependant, en favorisant une grande spécialisation, les formations universitaires dispensées conduisent les professionnels à mettre en place des solutions techniques axées sur une analyse partielle des problèmes et à négliger les demandes et les contraintes des populations. La sensibilisation des étudiants de diverses disciplines, en particulier la santé, l'agriculture et l'éducation, lors de leurs formations initiales, à la prise en compte des multiples facteurs influençant la consommation alimentaire, doit faciliter le travail de terrain en pluridisciplinarité y compris en direction de 'école.

Grâce à la mise en commun de leurs observations et grâce à une écoute réelle des difficultés des familles, les personnels de la santé, de l'agronomie et de l'éducation interviennent ensemble, en se mettant au diapason du «temps des communautés», Ainsi, c'est seulement trois ans après le démarrage du projet ANDES que 'intervention au niveau de l'école a été acceptée et mise en œuvre. Accepter le rythme d'évolution de la réflexion des communautés pour permettre une participation des parents au programme scolaire se révèle nécessaire. D'une façon générale, les programmes visant à 'amélioration de la sécurité alimentaire et de l'état nutritionnel nécessitent du temps (Gopalan, 1992).

Les résultats de cette intervention sur les jardins scolaires s'avèrent très positifs pour les enfants, Leurs connaissances sur l'alimentation et les pratiques culturales ainsi que leurs compétences en matière d'agriculture potagère ont très nettement progressé par rapport à des enfants témoins, En matière de savoir-être, l'évaluation réalisée par les enseignants est positive. La consommation des légumes cultivés lors des petits déjeuners festifs organisés à 'école a montré un grand engouement des enfants et une forte curiosité gustative. La satisfaction de consommer le fruit de leur travail et la valorisation de leur labeur ont enclenché une dynamique positive et suscité le désir de renouveler et de diffuser cette expérience.

Au niveau des familles et de la réussite de l'éducation ascendante, il n'est pas possible dans ce projet global et pluridisciplinaire de distinguer la part revenant spécifiquement au programme de jardins scolaires, II est cependant reconnu que, dans un objectif d'amélioration des conditions d'alimentation et de nutrition des populations, il est nécessaire d'intervenir conjointement sur plusieurs déterminants (Andrien, 1994). De nombreuses familles ont demandé ou accepté que l'enfant reproduise à domicile son expérience scolaire.

Dans un but d'évolution des comportements alimentaires pour une amélioration de l'état nutritionnel, les outils pédagogiques visant à promouvoir le savoir doivent être complétés par des activités pratiques prenant en compte la réalité de la vie des milliers d'enfants ruraux et urbains défavorisés issus des communautés où sévit la malnutrition (Chauliac, Masse-Raimbault et D'Agostino, 1991).

S'il faut viser à évaluer en permanence l'impact des programmes mis en œuvre, cette étape ne doit pas constituer un frein à l'intervention. L'expérimentation réussie doit permettre la diffusion des méthodes et donner libre champ à la créativité pour l'adaptation du programme scolaire aux réalités des communautés concernées.

En milieu urbain, les enfants achètent de façon autonome des aliments de rue. Partant de ce qu'ils vivent, cette capacité de choix ouvre une perspective d'éducation alimentaire et nutritionnelle à l'école. Là encore, les parents, par l'octroi de sommes d'argent à leurs enfants, sont des partenaires essentiels de tels programmes.

RÉFÉRENCES

Andrien, M. 1994. Les interventions dans la communication sociale en nutrition, Alimentation, nutrition et agriculture, 10: 9-17.

Cerqueira, M.T. 1991. Nutrition education; a review of the nutrient-based approach. Alimentation, nutrition et agriculture, 2/3: 30-35.

Cerqueira, M.T. 1992. Nutrition education: a proposal for a community-based approach, Alimentation, nutrition et agriculture, 4: 42-48.

Chauliac, M., Masse-Raimbault, A.-M. et D'Agostino, M. 1991. L'éducation à la nutrition. Enfant Milieu Trop., n° 192. CIE, Paris. 72 pages.

Chiva, M. et Fisher, C. 1988. Comment apprend-on à manger? Lieux d'enfance, 6/7: 89-103.

D'Agostino, M., Chauliac, M. et Masse-Raimbault, A.-M. 1987. Le jeune enfant; son éducation à la nutrition. Enfant Milieu Trop., n° 166. CIE, Paris. 52 pages.

Dupin, H. 1989. Perspectives: l'école et l'éducation nutritionnelle, in Ecole nationale de santé publique (ENSP), Fédération française pour la nutrition (FFN) et Groupe de recherche en éducation nutritionnelle (GREEN) (éds). L'école par le menu: méthodes et pratiques en éducation nutritionnelle. ENSP, Rennes, France, p. 287-292.

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Hardy, Y. 1993. La Route des Andes. Médecins, agronomes, éducateurs face au défi de ta malnutrition, SYROS, Ateliers du développement, Paris. 152 pages.

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School gardens in the rural Andes

The objective of the experience described, part of the wider ANDES (Alimentación, Nutrición y Desarrollo (Food, Nutrition and Development)) programme, was to improve food security for Ecuadorians living in the Andean Cordillera. A review of the available foods and consumption patterns, carried out with the local people, led to the decision to introduce fruit and vegetables into the consumption pattern to break the monotony of a primarily maize-based diet.

The article describes the methodology followed in the school gardens programme and the integration of school activities in the geographical, socio-cultural and economic domains of daily life as well as in community-based development programmes. Schoolchildren participated in production activities, particularly growing vegetables and rearing guinea-pigs, which are traditionally eaten throughout the Cordillera at religious, village and family festivities. These activities also led to the definition of educational objectives.

The overall objectives of the programme, carried out in the schools of five different villages, were based on a review of the local context with the local population, including children. These objectives were to learn how important vegetables are in diversifying the diet; to teach children to grow vegetables adapted to the local soils and climate and appreciated by the local communities; to use school breakfasts as an opportunity to eat the vegetables grown; and to use the experience of vegetable-growing to promote cooperation, responsibility, self-esteem, self-confidence, motivation and the work ethic.

The school garden intervention had a very positive impact on the children. Compared to a control group, they knew much more about food and vegetable growing and had greater cultivation skills. The children showed great enthusiasm and curiosity to taste the vegetables served at the festive breakfasts held at the school. The satisfaction of consuming the fruits of their labour and the fact that their work was valued had a very dynamic and positive impact which spurred a desire to repeat and extend the experience.

Huertos escolares en el medio rural andino

La experiencia se enmarca en el contexto del programa Alimentación, nutrición y desarrollo (ANDES), que tiene por objeto mejorar la seguridad alimentaria de la población de la cordillera de los Andes en el Ecuador. Tras llevar a cabo un análisis de los alimentos disponibles y de las modalidades de consumo en colaboración con la población, se decidió introducir en los hábitos de consumo alimentario las legumbres y las frutas con el fin de romper la monotonía de un régimen consistente en su mayor parte en maíz.

Se presenta en este articulo el programa de los huertos escolares. Se ilustra la metodología seguida y la integración de las actividades escolares en la vida diaria teniendo en cuenta la realidad geográfica, sociocultural y económica, así como en los programas de desarrollo llevados a cabo por las comunidades. Los alumnos han participado en las actividades de producción, en particular de legumbres, y también de cría de animales (conejillo de Indias, animal que se consume en toda la Cordillera en las fiestas familiares, religiosas o populares), y a través de estas actividades se han definido diversos objetivos educativos.

Los objetivos generales de la intervención llevada a cabo en las escuelas de cinco aldeas se establecieron analizando el medio, en colaboración con la población y los niños de la zona: ampliar los conocimientos de los niños sobre el cultivo de legumbres y fomentar su consumo en el marco de la diversificación alimentaria; favorecer que los niños aprendan el proceso de producción de legumbres apreciadas en las comunidades y adecuadas a las condiciones del suelo y el clima; dar la oportunidad de consumir las legumbres cultivadas durante el desayuno en la escuela; promover, a través de las actividades hortícolas, el sentido de cooperación, responsabilidad, autoestima y autoconfianza, la motivación y la valoración del trabajo.

Los resultados de esta intervención en los huertos escolares han sido muy positivos para los niños. Sus conocimientos sobre la alimentación y las actividades de cultivo y su competencia en materia de horticultura han mejorado enormemente con respecto a otros niños, Los desayunos festivos organizados en la escuela donde se consumían las legumbres cultivadas han sido acogidos por los alumnos con entusiasmo, los cuales han mostrado una gran curiosidad por probar nuevos sabores. La satisfacción por consumir el fruto de su trabajo y el hecho de que se valorara su esfuerzo han contribuido a mantener una dinámica positiva y han suscitado el deseo de repetir y difundir la experiencia.


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