10. Investissement dans le secteur agricole: évolution et perspectives


Documents d'information technique
© FAO, 1996


3. Niveaux et sources actuels et futurs d’investissement agricole

3.1 Ce chapitre tente de quantifier les investissements agricoles réalisés dans le passé et de prévoir les besoins futurs. Certaines estimations sont très aléatoires, du fait de problèmes d’ordre méthodologique tels que: distorsions des prix et difficulté d’attribuer clairement certains types d’investissement au secteur concerné, par exemple l’infrastructure, ou distinction entre l’investissement et les dépenses de fonctionnement, et finalement, manque de données.

Niveaux actuels

Investissement global

3.2 Le PIB mondial en 1992 était d’environ 23 billions de dollars EU (prix courants), dont 4,7 billions de dollars réalisés par les pays en développement. L’investissement dans l’ensemble des pays en développement a dépassé légèrement un billion de dollars. Le PIB agricole au niveau de l’exploitation pour l’ensemble des pays en développement représentait quelque 16 pour cent du total, soit environ 625 milliards de dollars, produits par un capital d’exploitation de 1,7 billion de dollars. Le PIB agricole des pays en développement dans leur ensemble a augmenté d’environ 3 à 3,5 pour cent, soit en moyenne de 20 milliards de dollars par an, au cours de la décennie 1980-199013.

3.3 Comme il ressort des statistiques de la FAO sur la croissance de la production agricole et des facteurs de production au cours des 10 à 15 dernières années, la croissance de la production résulte d’investissements annuels de l’ordre de 77 milliards de dollars au niveau de l’exploitation agricole, dont près de 26 milliards de dollars (investissement net) ont été utilisés pour accroître la capacité de production, et le reste (51 milliards de dollars) pour maintenir la capacité existante (amortissements). Environ 15 milliards de dollars nets (34 milliards de dollars bruts), non compris le fonds de roulement, ont été investis chaque année dans des activités après-récolte, et 29 milliards de dollars bruts dans des services publics en faveur de l’agriculture (infrastructures rurales, recherche et vulgarisation). L’épuisement du patrimoine naturel causé par la dégradation des ressources naturelles qui a accompagné ce processus ne peut être évalué aujourd’hui à l’échelle mondiale, bien que des progrès soient réalisés pour inclure ces coûts dans les systèmes de comptabilité nationale et que quelques estimations chiffrées soient disponibles (voir encadré 4).

3.4 Les ordres de grandeur14 ci-dessus sont une illustration de la part modeste qu’occupe l’investissement dans l’agriculture primaire, les activités après-récolte et les systèmes publics d’appui par rapport à l’ensemble des investissements réalisés dans les pays en développement. Des transferts relativement mineurs de ressources d’autres secteurs vers l’agriculture, par exemple en éliminant le préjugé contre le monde rural, pourraient avoir un impact sensible sur la croissance.

3.5 Par définition, les sources de financement de l’investissement sont soit l’épargne intérieure, soit l’importation de capitaux. Les deux types de ressources de fonds varient considérablement d’un pays à l’autre et par conséquent, des pays ayant des revenus par habitant similaires peuvent présenter des taux d’investissement et de croissance très différents. Une partie de ces différences s’explique par des facteurs exogènes15, mais beaucoup de préventions contre les investissements, lorsqu’elles existent, sont d’origine nationale et dérivent de politiques erronées, chose à laquelle il est possible de remédier.

 

Encadré 4
INVESTISSEMENTS DANS L'AGRICULTURE ET L'ENVIRONNEMENT

L’apparition de la notion de durabilité au cours de la dernière décennie comme critère majeur affectant la viabilité des projets et programmes pose un problème particulier aux investissements agricoles et à leur financement. La question est de savoir si ce critère impose un coût supplémentaire au système de production agricole et dans quelle mesure il est cohérent avec les notions conventionnelles de viabilité économique et financière.

On a montré que la dépréciation des ressources naturelles dans le processus de production agricole peut être très importante et les systèmes de comptabilité nationale, qui incluent de manière systématique le coût entier correspondant à la dégradation ou à l’épuisement des ressources, révèlent que la production sectorielle a été en partie réalisée par l’appauvrissement du patrimoine naturel. Au Mexique, par exemple, on s’est rendu compte que l’appauvrissement des ressources naturelles était particulièrement accentué dans le domaine forestier, où la production sectorielle nette est devenue négative après l’ajustement requis pour répercuter l’ensemble des coûts environnementaux, alors que pour l’élevage elle a dû être diminuée de 70 pour cent et pour l’agriculture de 15 pour cent. En Papouasie-Nouvelle-Guinée, le coût annuel correspondant à la dégradation de la qualité de l’environnement a été estimé à 1,3 pour cent du Produit intérieur national (PIN) sectoriel pour l’agriculture et à 6,5 pour cent pour les forêts (Lutz, 1993). La diminution du PIB causée par la seule dégradation des sols a été estimée à 0,5-1,5 pour cent pour le Costa Rica, le Mali et le Malawi (Banque mondiale, 1992). Pour certains produits de base, la FAO (1995) a établi des estimations. Par exemple, la maîtrise totale de la pollution dans le cas de la production et du traitement de l’huile végétale ajoute 9 pour cent (pour les graines de colza), 15 pour cent (pour l’huile de palme), 22 pour cent (pour l’huile de soja) et 30 pour cent (pour le tournesol) au coût d’une huile produite de façon traditionnelle.

Dans de nombreux cas, on peut montrer que des pratiques agricoles plus durables sont financièrement avantageuses pour l’exploitant. L’exemple le plus connu est la protection intégrée (PI), qui réduit l’utilisation irrationnelle de produits chimiques achetés et peut apporter des profits financiers immédiats. Les pratiques culturales peu onéreuses comme le paillage, le labour minimum et la culture selon les courbes de niveau, peuvent assez rapidement réduire l’érosion et accroître les rendements et se révéler donc financièrement viables, même si certaines nécessitent des investissements initiaux en équipements appropriés. D’autres types de non- durabilité sont plus difficiles et très coûteux à corriger, et peuvent même causer des dommages irréversibles. La salination par exemple, tare bien connue et coûteuse, touche un quart de l’ensemble des surfaces irriguées et entraîne de fortes pertes de productivité sur 10 pour cent d’entre elles.

Une grande partie des comportements non durables est due à de mauvais signaux de marché et à des distorsions de prix. Un prix correct de l’eau d’irrigation, le juste niveau des droits d’abattage dans les forêts et des redevances de pêche peuvent faire beaucoup pour inculquer des pratiques plus durables. Le renforcement des droits de propriété privée et communale peut avoir le même effet. Lorsque ces mesures ne sont pas suffisantes, et que les forces du marché reflètent de manière encore insuffisante les objectifs sociaux, le secteur public doit intervenir avec des moyens appropriés comme le soutien financier direct, la taxation ou la prescription d’une réglementation, pour promouvoir les objectifs sociaux à long terme par rapport aux objectifs privés à court terme.

Outre l’influence de l’environnement commercial, le comportement hostile à la durabilité est, pour une grande part, dû à la pauvreté et à l’inconscience. Toute mesure prise pour réduire la pauvreté et augmenter la sécurité alimentaire, qui rendrait plus facile et plus stable l’accès des agriculteurs aux ressources, pourrait également favoriser la durabilité. Le problème de l’inconscience écologique peut en outre être traité par l’éducation dans la famille et par des programmes d’enseignement et de vulgarisation formels et informels.

Améliorer la durabilité dans l’utilisation des ressources naturelles ne va pas toujours sans un coût initial supplémentaire. Les cultures le long de courbes prennent davantage de temps que les cultures en ligne droite; la jachère cultivée pour remplacer la jachère forestière est synonyme d’une main-d’oeuvre agricole supplémentaire ainsi que d’autres intrants; la culture en couloirs, les plantations de vétiver et autres types de stabilisation des pentes, y compris la culture en terrasses, exigent la plupart du temps un travail supplémentaire et également de sacrifier une partie des terres cultivables au profit d’une production plus durable et éventuellement plus rentable ultérieurement. Tout cela revient à des investissements supplémentaires. On peut assimiler parfois la question de la couche arable qui se perd dans la mer, en raison du long processus de régénération des sols, à l’épuisement d’une ressource non renouvelable, telle que le carburant fossile. Les modèles comptables en matière d’environnement prévoient un coût pour ce genre d’érosion. Si la fertilité du sol est appauvrie sans que les éléments nutritifs soient remplacés, la production peut, pendant un certain temps, être meilleur marché que celle qui ferait intervenir une fertilisation régulière et l’apport de microéléments. Dans les débats sur la libéralisation des échanges, les pays sont conscients des implications financières de la durabilité et de la protection de l’environnement et ceux qui ont établi des normes strictes dans ce domaine pourraient avoir le sentiment que leur compétitivité est menacée par des pays aux normes plus souples alors que ces derniers risquent d’avoir l’impression que de telles normes sont utilisées pour restreindre leur accès au marché. Ces problèmes peuvent être atténués si de nouvelles réglementations sont étayées par une meilleure base de données. La comptabilité de l’environnement progresse rapidement. Il devrait être bientôt possible d’évaluer des solutions de rechange et de concevoir des programmes d’appui appropriés qui tiennent compte et englobent plus pleinement les coûts et avantages liés à l’environnement. L’adhésion globale aux principes et règles de comptabilité des ressources nationales, qui prennent en considération à la fois les gains et les pertes, et les interventions publiques en faveur de la durabilité doivent être des objectifs de la communauté internationale et ils aideront à parvenir à des compromis raisonnables entre intérêts financiers et intérêts écologiques.

Au plan de l’exploitation agricole, la plupart des améliorations facilitant une plus grande durabilité de l’agriculture ne nécessiteront pas des ressources financières tellement plus importantes qu’auparavant. Il s’agit surtout d’encourager les agriculteurs à entreprendre les travaux nécessaires et à adopter les pratiques requises grâce à des conseils et à des incitations, tels que recherche et vulgarisation appropriées, droits de propriété, planification participative et stabilité socioéconomique et politique, comme cela est préconisé dans l’ensemble du présent document.politiques erronées, chose à laquelle il est possible de remédier.

Tableau 2: Epargne et investissement, en pourcentage du PIB, dans quelques pays figurant parmi les moins avancés
(moyenne 1989-1992)

3.6 La plupart, sinon la totalité des pays sont essentiellement tributaires de l’épargne locale, à la fois publique et privée. Le tableau 2 montre les taux d’investissement et d’épargne dans certains pays en développement. L’épargne et l’investissement varient sensiblement d’un pays à l’autre et d’une région à l’autre. Une grande partie de l’Afrique subsaharienne par exemple a eu des taux d’épargne négatifs ou inférieurs à 10 pour cent du PIB au début des années 90. S’il est normal, dans les premiers stades de développement, que les pays dépendent des importations de capitaux, celles-ci ne peuvent être que complémentaires et les perspectives de croissance soutenue demeureront limitées si la capacité d’épargne de ces pays ne s’améliore pas aussi. En revanche, les pays d’Asie du Sud-Est, qui enregistrent des taux de croissance élevés, ont souvent des taux d’épargne intérieurs de plus de 30 pour cent, outre qu’ils attirent des capitaux étrangers. Les pays de l’OCDE ont par contre épargné en moyenne 22 pour cent et investi 21 pour cent de leur PIB en 1992 (FMI, 1994; Nations Unies, 1994; SFI, 1994).

Investissements privés dans le secteur agricole

Ménages agricoles privés

3.7 Plus de la moitié de tous les investissements dans l’agriculture et les activités connexes du monde en développement se fait au niveau de l’exploitation. Pour l’essentiel, il s’agit du travail des membres de la famille consacré au défrichement, au nivellement et au terrassement des terres, à l’irrigation et au drainage, à la plantation d’arbres, à la construction de logements, sans oublier l’augmentation du cheptel. Dans de nombreuses zones rurales, le travail du ménage agricole consiste principalement à exécuter les tâches quotidiennes nécessaires à la survie. Le travail agricole du ménage est limité lorsque les exploitations ne sont guère développées en raison de la faible productivité du travail effectué pour fournir le minimum vital. En conséquence, le travail supplémentaire, souvent requis comme investissement doit être nécessairement pris sur les corvées du ménage, les activités culturelles ou sur les revenus gagnés hors exploitation; en outre, les agents chargés du développement sous-estiment souvent les coûts d’opportunité du travail.

3.8 Grâce aux bases de données de la FAO, on peut estimer l’ampleur des investissements effectués au cours des dernières années tant au niveau de l’exploitation que pour les activités après-récolte (tableau 3). Au niveau de l’exploitation, les investissements principaux se font dans la mise en valeur des terres arables, l’arboriculture, l’irrigation, l’augmentation du cheptel et les bâtiments pour le bétail, ainsi que dans la mécanisation et les outils agricoles. Ces investissements ont probablement atteint 26 milliards de dollars nets (77 milliards de dollars bruts) par année en moyenne pendant la période de 1988-1992. Plus de la moitié des investissements nets a été affectée à la mécanisation et à l’élevage et un sixième environ à l’irrigation.

Systèmes postproduction

3.9 Dans le secteur après-récolte, qui comprend essentiellement la commercialisation et la transformation privées, l’estimation des investissements repose sur les coûts unitaires types des investissements dans la capacité de commercialisation et de transformation et sur des hypothèses quant à la part de la production agricole qui entre dans les circuits commerciaux (tableau 4). L’estimation de 15 milliards de dollars nets (34 milliards de dollars bruts) ne prend pas en compte le fonds de roulement.

Investissements privés étrangers

3.10 Les flux nets de capitaux privés internationaux vers les pays en développement sont passés de 9 milliards de dollars en 1986 à 167 milliards de dollars en 1995. Le financement public du développement, en comparaison, a permis de transférer environ 64 milliards de dollars nets aux pays en développement en 1995.

3.11 Les capitaux privés étrangers ont été en grande partie attirés par les différences de taux d’intérêt, d’autant plus que la récession frappait les pays durant cette période. Ce flux de ressources a souvent été inconstant, comme on l’a vu pendant la crise du peso mexicain à la fin de l’année 1994. Toutefois, contrairement aux prêts en pétrodollars de la fin des années 70, en 1995, quelque 90 milliards de dollars EU étaient des investissements étrangers directs et un quart des investissements de portefeuille, dont quelque 22 milliards de dollars en capital social. Ces transferts de capitaux indiquent un désir d’engagement à long terme des investisseurs et sont favorisés par une amélioration de la performance et des perspectives des pays, par la croissance économique, les dimensions des marchés, la stabilité politique et par les progrès de l’ajustement structurel.

3.12 La majeure partie des investissements privés internationaux a profité à une dizaine de pays. En 1994, la Chine en a absorbé la majeure partie – 38 milliards de dollars – le reste allant à l’Inde, à la Malaisie, au Mexique, au Chili, à l’Argentine et à la Turquie. L’Afrique n’a guère profité de cette évolution. Les investissements privés étrangers se sont montés à 3-3,5 milliards de dollars par an pendant la période 1992-1994, effectués presque tous sous forme d’investissements étrangers directs, les investissements de portefeuille étant négligeables dans ce continent. L’Afrique du Nord a reçu la majeure partie des financements étrangers directs. Les principaux bénéficiaires ont été sept des neuf pays exportateurs de pétrole (Algérie, Angola, Egypte, Gabon, Jamahirya arabe libyenne, Nigéria et Tunisie). Le Maroc et les Seychelles ont attiré des investissements considérables dans le secteur du tourisme. Les pays africains les moins avancés, dont la plupart en Afrique subsaharienne, n’ont reçu dans l’ensemble que de 300 à 400 millions de dollars par an pendant la même période, bien que la Guinée équatoriale et la Namibie se distinguent en ce qui concerne les investissements directs étrangers reçus et par habitant et en proportion du PIB. La Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) énumère diverses raisons pour expliquer la difficulté relative de l’Afrique subsaharienne à attirer des investissements directs internationaux. Parmi celles-ci on peut citer les troubles politiques et les guerres civiles, la faible dimension des marchés, la croissance apathique ou négative, la précarité des infrastructures, le fort endettement et le manque de qualification de la main-d’œuvre.

 

Tableau 3: Investissements dans le secteur agricole primaire dans les pays en développement, (1988-2013)
(moyenne annuelle pendant la période)

 

3.13 Les données disponibles ne permettent pas de décomposer les investissements privés étrangers en catégories. Il est peu probable cependant que la production agricole primaire ait reçu une part importante des investissements privés internationaux. A supposer que les secteurs liés à l’agriculture soient visés, les investisseurs internationaux s’intéressent davantage à la fourniture d’intrants, à l’agro-industrie et à l’exploitation des forêts et des pêches. Dans certains pays d’Amérique latine, toutefois (Argentine, Chili et Mexique), les investissements privés extérieurs ont aussi intéressé les cultures d’exportation à haute valeur marchande, mais les montants investis ne sont pas connus.

Investissements publics dans le secteur agricole

3.14 Un ensemble de processus politiques et d’effets sociaux attendus détermine d’ordinaire les investissements publics dans le secteur agricole. Dans les pays les plus pauvres, la majeure partie des investissements publics dans l’agriculture est financée par des sources extérieures. Les statistiques ne ventilent pas toujours les dépenses publiques par origine, intérieure ou étrangère, si bien qu’il y a des risques de comptages doubles. En outre, une grande partie des investissements qui soutiennent le secteur agricole passe par l’intermédiaire d’autres ministères, à savoir les ministères de la santé, de l’éducation, et des travaux publics. Par exemple, les routes rurales absorbent au Ghana trois fois plus d’investissements publics que ne le fait directement le secteur agricole.

 

Tableau 4: Investissements pour l’entreposage et la transformation dans les pays en développement, 1988-2013
(moyenne annuelle pendant la période)

 

3.15 Selon les données disponibles, les dépenses publiques destinées à l’agriculture ne représentent d’ordinaire qu’un pourcentage modeste du total et – bien que la distinction soit floue – les investissements publics ne constituent qu’une faible part des dépenses publiques consacrées au secteur agricole.

3.16 Les dépenses publiques consacrées à l’agriculture en tant que part du PIB agricole et du total des dépenses publiques ont été analysées pour un échantillon de pays en développement et de pays développés sur la base des données des années 70 et 80(van Blarcom, Knudsen et Nash, 1993). On a constaté que la part de l’agriculture dans les dépenses publiques était de 3 pour cent dans les pays développés contre 7,5 pour cent dans les pays en développement, mais, compte tenu de l’importance de l’agriculture dans le PIB, les pays développés ont consacré deux fois plus de fonds publics à l’agriculture que les pays en développement. L’indicateur de discrimination, c’est-à-dire la part des dépenses publiques consacrées à l’agriculture en tant que proportion de la part de l’agriculture dans le PIB, a été estimé à 0,3 pour les pays en développement et 0,7 pour les pays développés.

3.17 De telles proportions ne peuvent être que des indicateurs très approximatifs d’une éventuelle discrimination antiagricole et ne peuvent être utilisées isolément pour déterminer une juste proportion de la dépense publique dans l’agriculture et dans d’autres secteurs. Parmi les autres facteurs dont il faut tenir compte, on trouve, par exemple, les coûts et retombées sociales relatives de l’investissement des fonds publics dans les zones rurales et dans les zones urbaines16. Néanmoins, un niveau extrêmement bas d’un tel indice est le signe d’une probable négligence des zones rurales par le secteur public. Alors que dans de nombreux pays développés les groupes de pression agricoles sont puissants et peuvent faire basculer les décisions en leur faveur, le contraire est souvent vrai dans les pays les moins avancés.

3.18 Une grande partie des dépenses publiques consacrées à l’agriculture, à la fois dans les pays développés et dans les pays en développement, est constituée de subventions qui sont d’un profit net faible ou négatif. On a calculé, par exemple, que les subventions des engrais et du crédit, le soutien des prix alimentaires et les versements destinés à couvrir les pertes du secteur para-étatique, représentaient en Inde 11,6 pour cent de l’agriculture et 3,4 pour cent du PIB total17. Au Mexique, sur les 11 milliards de dollars alloués aux dépenses publiques agricoles en 1986, les deux tiers ont été consacrés aux subventions. En 1992, les subventions représentaient encore 37 pour cent du budget, qui avait été réduit d’un tiers. Au Ghana, le secteur du cacao a absorbé jusque récemment 80 pour cent du budget agricole, dont l’essentiel a été dépensé pour l’Office du cacao. Malgré ces subventions, dans la plupart des pays en développement, la taxation directe et indirecte de l’agriculture est en général la cause d’un transfert net de ressources hors du secteur.

3.19 Le niveau des dépenses publiques dans l’agriculture a diminué au cours des dernières années, en raison essentiellement d’ajustements structurels. Cela peut traduire un transfert des dépenses du secteur public vers le secteur privé, une réduction des subventions improductives ou la fermeture d’organismes paraétatiques qui fonctionnaient à perte. Une comparaison faite entre les Etats procédant à un ajustement structurel et les autres a montré que, souvent en raison du maintien de subventions, le pourcentage du budget total dépensé dans l’agriculture demeurait plus élevé dans les pays qui ne procédaient pas à cet ajustement.

3.20 On peut donc voir que les dépenses allouées à l’agriculture sont, dans de nombreux cas, mal réparties, plutôt qu’insuffisantes. La réaffectation de subventions inefficaces et d’autres dépenses improductives, permettrait d’accroître les investissements publics dans l’agriculture et, dans de nombreux pays, de fournir équitablement des services publics dans les zones rurales.

3.21 Les réformes budgétaires visant à une plus grande efficacité des dépenses publiques dans l’agriculture devraient reposer sur un certain nombre de principes:

3.22 L’investissement total d’infrastructure des pays en développement était estimé pour 1993 à 200 milliards de dollars bruts (Banque mondiale, 1994a). Les rubriques principales étaient l’énergie, les routes, les télécommunications, les chemins de fer, l’eau et l’assainissement. Dans les pays les moins avancés, jusqu’à un tiers de cet investissement a été dépensé pour l’irrigation. Dans les pays à revenu plus élevé, les investissements d’énergie deviennent habituellement le poste d’infrastructure le plus important.

3.23 Il est difficile d’identifier la part d’investissement dont bénéficie le secteur agricole, car une grande partie de l’infrastructure publique a des fins multiples et n’appuie l’agriculture que de manière indirecte. Si l’indice de discrimination antiagricole de 0,4, c’est-à-dire légèrement supérieur à celui estimé par van Blarcom, Knudsen et Nash (paragraphe 3.16), peut être appliqué à tous les investissements dans les infrastructures publiques connues dans les pays en développement18, l’infrastructure rurale pourrait absorber environ 12 milliards de dollars par an dans les pays en développement, dont 4 milliards de dollars éventuellement consacrés aux travaux d’irrigation du secteur public et le reste aux routes rurales et à l’électrification. A cela, il faut ajouter des dépenses plus facilement identifiables visant directement l’agriculture et la population rurale, telles que recherche et vulgarisation agricoles (10 milliards de dollars) et santé et éducation (éventuellement 7 milliards de dollars). On peut donc estimer à 29 milliards de dollars le total des investissements publics consacrés en gros à l’agriculture.

Aide extérieure à l’agriculture

3.24 Le financement public du développement constitue une source relativement bien documentée en ce qui concerne les flux financiers destinés à l’agriculture des pays en développement. Il est difficile de déterminer la part de ces fonds qui peut être considérée comme investissement dans le sens défini. Pour beaucoup de pays en développement les plus pauvres, l’aide extérieure est presque l’unique source de financement de l’investissement public dans l’agriculture et aussi, pour une part importante, des dépenses de fonctionnement. Les deux tiers environ de cette aide sont fournis à des conditions de faveur. Les prêts préférentiels, qui peuvent comporter un élément de subvention implicite de 70 pour cent ou plus (FAO, 1991), sont principalement accordés par des organismes de financement multilatéraux, et les subventions pures et simples par des sources bilatérales19.

 

Figure 1

AIDE EXTERIÈURE À L'AGRICULTURE, 1990

Tableau 5: Aide extérieure à l’agriculture, 1980-1994:Total de l’aide normale et préférentielle, en prix courants

Tableau 6: Aide extérieure à l’agriculture, 1980-1994:Total de l’aide normale et préférentielle en prix constants de 1990

Tableau 7: Aide extérieure à l’agriculture, 1980-1994: Total de l’aide normale et préférentielle, par région, en prix courants

Tableau 8: Aide extérieure à l’agriculture, 1980-1994: Total de l’aide normale et préférentielle, par région, en prix courants

Tableau 9: Aide extérieure à l’agriculture, 1980-1994:Total des engagements, par catégorie, en prix courants

Tableau 10: Aide extérieure à l’agriculture, 1980-1994: Total des engagements, par catégorie, en prix constants de 1990

3.25 La part de l’agriculture dans l’ensemble du financement du développement diminue depuis quelque temps. Les prêts de la Banque mondiale à l’agriculture par rapport au total des crédits sont passés de 30 pour cent dans les années 70 à 16 pour cent dans les années 90. Cette diminution reflète la part décroissante du secteur agricole des pays membres en développement de la Banque à mesure que leur économie croît. Toutefois, on constate également une récente et inquiétante diminution absolue de l’aide extérieure à l’agriculture. Après la crise alimentaire du début des années 70, les engagements annuels sont passés à environ 12 milliards de dollars. Le niveau s’est maintenu pendant la première moitié des années 80 et a atteint 15 milliards de dollars vers la fin de la décennie. Par la suite, les engagements sont tombés à 12 milliards de dollars en 1992 et ont continué de baisser depuis, pour s’établir aujourd’hui à environ 10 milliards de dollars par an en 1994 (tableaux 5 à 10). Cette baisse est encore plus spectaculaire: si l’on tient compte de l’inflation de 19 milliards de dollars à 10 milliards de dollars (en dollars EU constants de 1990) et si l’on considère que les statistiques sectorielles incluent de plus en plus le soutien à la protection de l’environnement et la gestion des ressources naturelles qui, aussi essentiels qu’ils soient, ont un impact moins direct et moins immédiat sur la production vivrière.

3.26 Les raisons qui expliquent le déclin de l’aide extérieure à l’agriculture sont les suivantes: résultats en général médiocres de certains types de projets agricoles; complexité et coût des prêts à l’agriculture; influence des groupes de pression en faveur de l’agriculture et de l’environnement dans les pays développés; concurrence des prêts pour l’ajustement structurel dans les années 80; réduction du personnel agricole spécialisé dans les organismes d’aide extérieure (von Braun et al., 1993) et jusque récemment, baisse des prix des produits de base agricoles sur les marchés internationaux. Par ailleurs, une partie de cette baisse traduit l’élimination progressive de programmes dont les résultats ont été médiocres, tels ceux concernant l’aménagement rural intégré et le crédit agricole. L’élimination des investissements non performants freine l’endettement des pays, élargit la marge de manoeuvre pour des initiatives privées et augmente l’efficacité globale du portefeuille de créances. C’est probablement dans le domaine du financement de l’irrigation que la réduction de l’aide extérieure a eu les conséquences les plus néfastes pour la production agricole.

3.27 La part de l’aide extérieure réservée au soutien direct de la production vivrière pourrait encore diminuer, les donateurs continuant de se concentrer sur les questions sociales et écologiques. A long terme, ces préoccupations supplémentaires devraient cependant avoir des retombées positives sur la production agricole.

Besoins futurs de l’investissement agricole

3.28 Il y a plusieurs manières de prévoir les besoins d’investissement agricoles futurs. Il faut examiner à la fois les aspects quantitatifs et qualitatifs. Ces deux aspects sont étroitement liés car les investissements de meilleure qualité – c’est-à-dire ceux qui génèrent un plus grand volume de profits pour un capital donné – peuvent réduire le montant total des investissements nécessaires pour réaliser un accroissement donné de la production vivrière. Ni l’un ni l’autre ne peuvent être examinés sans prendre en compte le secteur public, qui est un élément catalyseur permettant de stimuler les investissements privés en créant des économies extérieures aux investisseurs privés. Les investissements publics sont donc largement disproportionnés comparés à leur part dans le total des investissements, mais ils peuvent également avoir des effets néfastes. Moins sensible aux forces du marché, l’investissement public peut continuer malgré de faibles niveaux d’efficacité. Cela entraîne un gonflement inutile de l’investissement global et tient à l’écart des investissements privés, potentiellement plus efficaces.

Quantité de l’investissement

3.29 Fondée sur des hypothèses concernant la structure future de la production dans différents pays, régions et zones agroécologiques (ZAE), l’étude WAT2010 a établi des projections concernant les facteurs matériels nécessaires à la majorité des pays en développement. En appliquant des coûts unitaires types20 à ces projections, et aux estimations des capitaux investis dans l’agriculture, on peut calculer les besoins moyens en investissements fixes bruts pour la production agricole primaire au niveau de l’exploitation. En dollars constants des Etats-Unis (1993), ils s’élèvent à 86 milliards de dollars par an pour la période allant jusqu’à 2010 (tableau 11). Ce total inclut le remplacement des équipements pour environ 61 milliards de dollars et un investissement net de 25 milliards de dollars. Ces mêmes chiffres pour la période 1988-1992 (voir paragraphe 3.8), sont respectivement de 51 milliards de dollars et 26 milliards de dollars, sur un total de 77 milliards de dollars. La ventilation approximative de ces investissements par région est indiquée au tableau 3. Les trois principales catégories d’investissement dans l’agriculture primaire sont l’élevage, la mécanisation (y compris la traction animale) et l’irrigation. Elles absorbent la plus grande part de tous les investissements dans les facteurs de production primaire de tous les pays en développement.

 

Tableau 11: Investissements fixes bruts consacrés à l’agriculture dans les pays en développement: Niveaux actuels et besoins futurs
(moyennes annuelles, prix constants de 1993)

3.30 Les besoins matériels d’équipements postproduction ont été calculés à partir des projections d’augmentation du rendement estimées dans l’étude WAT2010, en supposant des parts commercialisées types des différents produits de base et des coûts unitaires pour les installations de traitement et de distribution. Les investissements postproduction nécessaires seraient donc de 43 millions de dollars bruts au minimum et de 17 millions de dollars nets (tableau 3)21. Le fonds de roulement supplémentaire n’a pas été inclus dans cette estimation.

3.31 Il est important de noter que, à l’échelle mondiale, les investissements nets consacrés à la production primaire dans l’ensemble du monde en développement ne doivent pas nécessairement dépasser les niveaux antérieurs, et que les investissements bruts doivent en revanche augmenter à mesure que le capital total augmente et qu’il doit être remplacé. L’augmentation relativement modeste prévue pour les investissements bruts dans les secteurs primaire et postproduction tient compte de tous les facteurs pertinents et de leurs différents effets sur le niveau de l’investissement, par exemple l’évolution des prix réels pour les éléments de capitaux, les progrès technologiques et le désinvestissement dans le passé. On peut supposer que les besoins d’investissements supplémentaires qui en résultent estimés pour la production primaire, la postproduction, les services publics d’appui, l’infrastructure à 31 milliards de dollars par an constituent une estimation prudente du montant nécessaire pour atteindre la croissance de la production dont il est question dans l’étude WAT2010. La stabilité globale des besoins d’investissements nets, qui comportent des augmentations en Afrique subsaharienne et en Amérique latine, et sont compensés par des baisses prévues en Afrique du Nord et en Asie, est compatible avec une réduction générale du taux global de la croissance de la demande effective pour les produits agricoles dans de nombreux pays en développement, et va dans le sens du modèle WAT2010 qui se fonde sur un ralentissement de la croissance démographique et une diminution de l’élasticité de la demande alimentaire en fonction des revenus, à mesure que le revenu disponible des consommateurs augmente.

3.32 Aux chiffres ci-dessus concernant les investissements productifs dans la production primaire et la filière opérations postproduction, il faut ajouter les investissements des gouvernements pour l’amélioration des infrastructures rurales, les services publics au profit de l’agriculture et l’aide sociale dans les zones rurales. On suppose que la recherche et la vulgarisation (6 milliards de dollars et 5 milliards de dollars, respectivement pour le moment) devront augmenter de 50 pour cent, soit de 5,5 milliards de dollars, si l’on veut continuer à suivre l’approche double nécessaire pour la production et le transfert de technologie (techniques de systèmes et révolution verte). Une nouvelle réaffectation au secteur rural d’un montant additionnel de 6 milliards de dollars par an, pris sur l’ensemble des investissements annuels d’infrastructures qui s’élèvent à 200 milliards de dollars par an, pourrait être considérée comme un objectif raisonnable. Cela ne représenterait qu’une légère atténuation de la discrimination urbaine mais ajouterait 50 pour cent aux investissements actuels consacrés aux infrastructures rurales et aux services sociaux.

Figure 2

INVESTISSEMENTS PRIVÉS DANS LA PRODUCTION PRIMAIRE ET LES SYSTÈMES POSTPRODUCTION

3.33 En dernier lieu, il serait nécessaire de remédier à la situation grave de sous-financements dans laquelle se trouvent les initiatives régionales et globales pour le suivi de l’évolution des ressources, l’évolution des risques en matière de disponibilités alimentaires mondiales et la création de nouvelles techniques d’intensification grâce au système IARFS/GCRAI. A cette fin, on peut estimer les besoins supplémentaires à 0,5 milliard de dollars par an d’aide publique au développement. Le total des investissements publics annuels devrait ainsi passer de 29 milliards à 41 milliards de dollars à l’avenir, soit une augmentation de 12 milliards de dollars à WAT2010.

3.34 On peut contester le principe selon lequel pour être durable tout en produisant les vivres nécessaires à une population mondiale croissante et en moyenne plus riche, l’agriculture serait aussi responsable d’investissements supplémentaires et de charges récurrentes. Dans ce cas, cela se produirait au niveau de l’exploitation dans le cadre de pratiques agricoles modifiées et très peu d’investissements officiels seraient nécessaires (voir encadré 5). Des ordres de grandeur partiels permettant d’atteindre la durabilité ont été estimés par la Banque mondiale (1992) et la Banque asiatique de développement (BAsD) (1995) dans les domaines où il n’y en n’avait pas précédemment. Ainsi, la protection de l’environnement et la réhabilitation de la base des ressources naturelles dans les pays en développement membres de la BAsD pourraient coûter 13 milliards de dollars par an (dont 3,6 milliards de dollars pour l’agriculture suivant un scénario de base, et 70 milliards de dollars (15,4 milliards pour l’agriculture) si des opérations de nettoyage et de prévention accélérées étaient prévues. La Banque mondiale a estimé à 10-15 milliards de dollars par an le coût supplémentaire de la gestion durable des sols dans le monde, y compris des travaux peu coûteux de stabilisation des sols sur plus de 100 millions d’hectares chaque année ainsi que la stabilisation des bassins versants sur 2 à 4 millions d’hectares également chaque année.

3.35 En raison des recherches incomplètes dans ce domaine et des difficultés méthodologiques à traduire en éléments-coûts ce qui ne sont au fond que des modifications de comportement de millions de petits agriculteurs, on n’a pas essayé de quantifier toutes dépenses supplémentaires, privées, sur l’exploitation qui permettraient de rendre l’agriculture durable. Le coût pour le secteur public de la production et du transfert de technologies comporte les coûts de conception, d’essai et de perfectionnement des nouveaux systèmes et techniques d’agriculture nécessaires et plus durables. Il faudra peut-être prévoir des dépenses publiques additionnelles pour aider les agriculteurs à adopter ces systèmes lorsqu’ils nécessitent de nouvelles machines ou d’autres innovations relativement coûteuses. De plus, le secteur public devra accorder des subventions si une forte proportion des avantages résultant d’une meilleure durabilité profite à l’ensemble de la société et non aux particuliers.

 

Encadré 5
DÉPENSES DU GOUVERNEMENT BRÉSILIEN POUR L'AGRICULTURE,
LES RESSOURCES NATURELLES ET LE DÉVELOPPEMENT RURAL

Pendant de la période 1985-1988, les dépenses de l’Etat dans l’agriculture ont été d’environ 15 milliards de dollars EU, soit 15 pour cent des dépenses fédérales totales, la part de l’agriculture dans le PIB étant de 10 pour cent. En 1989-1991 ce montant est passé à 9 milliards de dollars, soit 7 pour cent du PIB agricole. Par ailleurs, la répartition des dépenses de l’Etat a été modifiée. Alors que dans la période précédente, 12 milliards de dollars, soit 80 pour cent des dépenses, étaient consacrés aux interventions de marché (subventions aux crédits, soutien des prix agricoles et offices de commercialisation), cette part est tombée à 5 milliards de dollars, soit 60 pour cent de toutes les dépenses consacrées à l’agriculture, chiffre encore très important. Les dépenses de biens publics (infrastructure, ressources naturelles, recherche, vulgarisation et éducation), tout en demeurant constantes en termes réels absolus, ont augmenté leur part de 13 à 20 pour cent du total pendant la période. Les programmes ciblés (réforme agraire, santé rurale et développement régional) sont passés de 4 à 10 pour cent et les dépenses administratives de 3 à 10 pour cent.

Qualité des investissements

3.36 Des indications de qualité peuvent être déduites d’évaluations des rendements d’investissements publics réalisés dans le passé. Elles montrent des rendements supérieurs à la moyenne dans la recherche agricole, ce qui indiquerait un sous-investissement. Selon le Département de l’évaluation des opérations rétrospectives de la Banque mondiale (Evenson, 1994; Umali, 1992), les investissements dans le domaine de la vulgarisation semblent aussi généralement rentables. Les projets d’irrigation et d’infrastructure rurale ont, d’une façon générale, des rendements acceptables, alors que dans les domaines de l’élevage, du crédit agricole et de l’aménagement rural intégré, les résultats ont souvent été mauvais. Il ne faut pas nécessairement conclure qu’il n’y a pas de possibilités d’investissement dans une activité ou un sous-secteur donné. La mauvaise conception d’un projet peut souvent contribuer à des résultats médiocres. Par exemple, les résultats modestes enregistrés par les projets d’aménagement rural intégré dans les années 70 et 80 étaient principalement dus à leur complexité opérationnelle et à l’approche descendante adoptée alors pour leur planification. Avec la décentralisation du financement et une participation plus large des intéressés à la planification et à la réalisation, les résultats devraient être meilleurs à l’avenir.

3.37 Un autre élément à prendre en considération, si l’on entend par qualité des rendements économiques élevés, c’est l’effet positif résultant d’investissements précédents (coûts fixes). Les fonds marginaux nécessaires pour la remise en état d’un système d’irrigation existant, par exemple, auront généralement un rendement plus élevé que s’ils avaient été investis dans la construction d’un nouveau système d’irrigation. Les investissements de ce type doivent être recherchés et encouragés.

3.38 On reconnaît de plus en plus qu’en calculant les rendements de manière conventionnelle, on peut ignorer des effets importants, négatifs ou positifs, qui doivent être pris en compte car ils contribuent également à la qualité de l’investissement. La comptabilité des ressources naturelles et la comptabilité sociale progressent toutes deux sur le plan méthodologique, et doivent être appliquées autant que possible pour permettre une évaluation plus large de la qualité des investissements. Ce faisant, il est également possible de souligner les effets pervers des mesures sectorielles du gouvernement sur la qualité de l’investissement privé – lorsque, par exemple, les crédits subventionnés ou les incitations fiscales encouragent le défrichement des terres pour des types de cultures qui sont techniquement non durables ou préjudiciables aux utilisateurs traditionnels, ou encore lorsque le nombre de personnes lésées par le développement de l’irrigation dépassait celui des bénéficiaires.

3.39 Ces dernières années, on a commencé à comprendre que la qualité des investissements dépendait avant tout de la participation et de la gestion de projets par les bénéficiaires. Tout investissement engagé au nom des communautés rurales ou des agriculteurs, qui ne tient pas étroitement compte des aspirations subjectives de la population, ainsi que de leur capacité de gestion objective et du potentiel de ressources, et qui n’est donc pas accepté et détenu par les bénéficiaires équivaut à un gaspillage d’efforts et de ressources. Malgré l’acceptation générale de ce principe par ceux qui s’occupent de développement ainsi que par les gouvernements, il est rarement suivi systématiquement dans la pratique. Nombre de bureaucraties nationales et de donateurs s’opposent toujours au transfert des fonds et à la décentralisation des décisions au profit des intéressés au niveau local ainsi qu’au travail supplémentaire, au temps et aux changements d’état d’esprit nécessaires pour tenir compte des besoins exprimés par les bénéficiaires. Bien que des ONG et certains établissements financiers internationaux, tels que le Fonds international de développement agricole (FIDA) et certaines institutions des Nations Unies telles que la FAO, aient considérablement progressé en intégrant des approches participatives dans leurs activités habituelles de développement et ont été à l’avant-garde pour l’élaboration de méthodes, un gros effort d’éducation et de promotion reste à faire pour généraliser les principes d’un développement ascendant chez ceux qui s’occupent de développement rural, au sein des institutions d’aide extérieure et des services gouvernementaux.

Rôle futur du secteur public

3.40 Une grande partie des résultats médiocres obtenus à la suite des investissements passés sont le reflet d’un équilibre inadéquat entre les ressources engagées par le secteur privé et les fonds publics. Au cours des 10 dernières années, une grande attention a été portée à cette question. La plupart des gouvernements reconnaissent aujourd’hui la primauté des partenaires privés en matière d’investissement agricole, et ne peuvent pas continuer à réaliser des types d’investissement qui ne sont pas rentables ou qui excluent le secteur privé. Il est particulièrement important que ces principes continuent d’être appliqués aux investissements publics nouveaux dont dépend la croissance future des ressources vivrières. L’objectif doit être d’optimiser l’engagement de ressources privées pour chaque unité d’investissement public. Les différents rôles que le secteur public doit jouer – observation, encadrement, partenariat, réglementation ou intervention en dernier ressort – dépend en l’occurrence du domaine en question. Tout cela a été examiné aux paragraphes 2.62 et 2.63.

Harmonisation des coûts de l’investissement et des sources de financement

3.41 En raison du peu de données, on ne peut fournir qu’une hypothèse de travail quant aux investissements nécessaires permettant de générer les augmentations de la production vivrière requises par le monde en développement, selon le scénario de l’étude WAT2010. Les éléments disponibles suggèrent toutefois qu’une grand part des investissements bruts supplémentaires, environ 9 à 10 millions de dollars EU par an, tant dans la production primaire que dans la filière opérations après-récolte et commercialisation ainsi que les fonds de roulement additionnels seraient financés par le secteur privé, s’ils sont encouragés par une macrogestion économique progressivement meilleure et un environnement d’infrastructure publique. L’investissement supplémentaire du secteur public de 12 milliards de dollars par an serait réparti comme par le passé entre sources de financement nationales et extérieures, établissements financiers multilatéraux et institutions bilatérales, dans une proportion approximative de 60:40.

3.42 Sur la base de ces hypothèses, le bilan des investissements agricoles ferait apparaître des engagements supplémentaires par rapport au niveau de la période 1988-1992 de 19 milliards de dollars par an pour l’investissement privé, de 7 milliards de dollars par an pour l’investissement public d’origine nationale (plus de la moitié de cette somme étant obtenue par la réorientation de ressources d’infrastructures provenant d’autres secteurs) et de 5 milliards de dollars pour le financement public du développement, l’essentiel sous forme d’APD préférentielle. L’aide supplémentaire totale attendue du financement public du développement devrait relever de 50 pour cent les niveaux actuels du soutien à l’agriculture et les amener au niveau de la fin des années 80.

Cont.


Notes

(13)Figures have been estimated using data from World Bank (1993a, 1993b, 1994a) and FAO agricultural production indices.

(14) Although too much should not be read into these figures, it is noteworthy that in 1993 the average capital/output ratio in agriculture of developing countries was higher (2.6 if referred to as net output) than the incremental capital/output ratio (about 1.0). This would suggest a rising productivity of agricultural capital over time, the opposite of what might be expected from the law of diminishing returns. Rising capital productivity would, however, be consistent with agriculture being largely technology driven (Paragraphs 2.37 to 2.46), technology itself being treated as an exogenous factor.

(15) According to a recent World Bank paper (Edwards, 1995) national savings ratios tend to rise with a population structure featuring a high share of working-age people, good economic growth, low urbanization, high development of the financial sector and political stability. Except for its relatively low urbanization, sub-Saharan Africa appears disadvantaged on all counts. The extent to which a country’s savings potential translates into productive investment in the agricultural sector depends on returns and risks relative to other sectors and on investment opportunities abroad. Limited agricultural growth prospects, high direct and indirect taxation, adverse terms of trade, and private risk aversion cause savings to move out of agriculture into other sectors. In high-income developed and many middle-developing countries this is partly compensated by transfer payments.

(16)There is empirical evidence that investment in rural areas may have a higher multiplier effect than investment in urban areas. In Kenya, for instance, it was found (Block and Timmer, 1994) that the agricultural growth multiplier was 1.64 versus the non-agricultural multiplier of 1.23. An explanation might be that induced demand in rural areas targets imported goods and services less than urban demand. If this were generally confirmed it would provide a strong argument for investing in rural areas despite conventionally calculated lower returns.

(17) India is reported to have an effective protection coefficient for agriculture of 0.87, despite enormous subsidies, versus 1.4 for industry (see van Blarcom, Knudsen and Nash, 1993).

(18) The bias indicator of 0.3 for public expenditure in agriculture in developing countries (Paragraph 3.16) was calculated on a larger share of developing countries’ agricultural GDP in total GDP
(25 percent) than applies at present (15 percent) after rapid industrial growth, especially in East and Southeast Asia. Furthermore, in the last decade or two many agricultural subsidies, included in public expenditures in the 1970s and 1980s, have been abolished. In general, the decline in agricultural public expenditures which have a high labour content has been less pronounced than overall public expenditures. The opposite is the case for infrastructure, which, being capital intensive, suffered heavier cutbacks. For instance, in a representative sample of adjusting countries, at an average fall of government spending of 10 percent, agriculture suffered 7 percent, infrastructure 18 percent and manufacturing, mining and construction 14 percent (van Blarcom, Knudsen and Nash, 1993). The declining share of agricultural GDP within GDP from 25 percent to 15 percent would tend to raise the bias indicator, but the falling share of public rural infrastructure in government spending would tend to lower it. A bias indicator of 0.4 seems plausible.

(19) Concessional transfers (grant element above 25 percent) are termed official development assistance (ODA).

(20) The estimates are based on unchanged real unit costs and capital productivity over time and are consequently conservative. Technological progress would be expected to lead to rising capital productivity [falling increment capital output ratio (ICOR)] and less investment per unit of output would be needed than in the past. There is also evidence that real prices of some capital items (agricultural machinery, livestock) have fallen in recent decades, and there is reason to believe that this decline will continue. This strengthens the argument below (Paragraph 3.31) that radical increases in investment to cope with future demand will not be needed.

(21) No attempt has been made to estimate the likely rising share of marketed output in response to urbanization. Post-production investments are therefore a required minimum.