2. Sécurité alimentaire: exemples de réussite


Documents d'information technique 1-5
Volume 1
© FAO, 1996


Table des matières

Remerciements

Résumé analytique

1. INTRODUCTION

2. PROBLÈMES DE SÉCURITÉ ALIMENTAIRE AU NIVEAU NATIONAL

3. BREFS EXEMPLES D'EXPÉRIENCES NATIONALES EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ

Burkina Faso

Chine

Costa Rica

Equateur

Inde

Indonésie

Mozambique

Thaïlande

Tunisie

Turquie

Zimbabwe

La sécheresse en Afrique australe

4. CONCLUSIONS

BIBLIOGRAPHIE


Remerciements

La préparation de la documentation technique du Sommet mondial de l’alimentation a mobilisé outre le propre personnel de la FAO, un nombre considérable d’experts appartenant à la communauté scientifique internationale, à des institutions internationales et à des milieux gouvernementaux ou non gouvernementaux qui sont ses partenaires. A la FAO, le travail a été suivi par un Comité intérieur de lecture, composé de fonctionnaires choisis à titre personnel, et conduit de manière à faire en sorte que l’ensemble de la documentation réponde à des critères appropriés de qualité et d’homogénéité.

Le présent document a été établi par A.A. Gürkan et K. Stamoulis, de la FAO à partir de contributions des auteurs suivants: K. Savadogo et T. Reardon (Burkina Faso); J.Y. Lin (Chine); A.A. Buainain (Costa Rica et Equateur); N.S. Randhawa (Indie, Indonésie et Thaïlande); D. Tschirley et M.T. Weber (Mozambique); M. Allaya (Tunisie); H. Kasnakoglu (Turquie); B. Weisel (Zimbabwe); T.S. Jayne, L. Rubey, M. Chisva et M.T. Weber (Zimbabwe) et M.M. Mamba (Afrique australe). Après un premier examen par le Comité de lecture, les monographies ont été adressées à d’autres spécialistes dans les pays respectifs. Des observations et des avis très appréciés ont été reçus de MM. J. Mora (Costa Rica), F. Recalde (Equateur), C. Gopalan (Inde), A. Valyasevi et A. Siamwalla (Thaïlande), T. Jaouadi (Tunisie), A. Eryilmaz (Turquie) et M. Smulders (Zimbabwe et Afrique australe).

Le Secrétariat de la FAO, tout en étant reconnaissant pour les contributions qu’il a reçues de tous ses lecteurs, assume la pleine responsabilité du contenu du document.


Résumé analytique

Ce document illustre l’expérience de divers pays en matière d’amélioration de la sécurité alimentaire. Chaque monographie résume les principaux problèmes de sécurité alimentaire du pays considéré et analyse brièvement les diverses approches adoptées pour les résoudre. La plupart des pays étudiés ont réussi à améliorer sensiblement et durablement les disponibilités alimentaires nationales et la sécurité alimentaire des ménages depuis le début des années 60. Quelques autres ont été choisis pour illustrer les résultats obtenus pour certains aspects de la sécurité alimentaire, même si la situation générale des disponibilités alimentaires moyennes ou de la sécurité alimentaire des ménages n’a guère progressé. On rend compte enfin d’un effort international qui a permis de prévenir une grave crise de sécurité alimentaire en Afrique australe, il illustre parfaitement la nature des actions qui peuvent éviter une famine généralisée après une catastrophe naturelle.

Le Comité de la sécurité alimentaire mondiale de la FAO a défini comme suit son objectif «assurer à tous en tout temps l’accès matériel et économique aux aliments de base dont ils ont besoin». A cette fin, il a été reconnu que trois conditions devaient être garanties: des approvisionnements ou des disponibilités alimentaires suffisantes; la stabilité des disponibilités alimentaires; et l’accès des ménages, notamment pauvres, aux vivres. En 1992, la Conférence nationale sur la nutrition y a ajouté une dimension nutritionnelle, en déclarant que l’on devait «permettre à tous d’accéder à tout moment aux aliments salubres et nutritifs dont ils ont besoin pour mener une vie saine et active».

S’il était possible de distinguer les effets de l’hygiène du milieu, de la santé et des soins de ceux de la sécurité alimentaire, les indicateurs de l’état nutritionnel représenteraient le moyen le plus direct de mesurer le degré de sécurité alimentaire au niveau individuel. Cependant, comme on dispose de données extrêmement limitées sur ce phénomène, les disponibilités alimentaires par habitant (appelées disponibilités énergétiques alimentaires, ou DEA) et des mesures basées sur une estimation FAO de la prévalence de la sous-alimentation chronique, sont utilisées comme principaux indicateurs de la sécurité ou de l’insécurité alimentaire dans ce document.

Le Burkina Faso a compris à quel point il était vulnérable au lendemain de la vague de sécheresse qui a sévi au Sahel, de la fin des années 60 jusqu’au milieu des années 70. Depuis, une combinaison de mesures – politiques macroéconomiques (restructuration des finances publiques), mesures de conservation des sols et de collecte de l’eau, colonisation de nouvelles terres, création et transfert de revenus au niveau des ménages – ont réussi à réduire l’insécurité alimentaire et à promouvoir le bien-être humain. En effet, bien que les DEA et la production alimentaire aient considérablement varié au fil des années, la sécurité alimentaire des ménages dans le pays s’est grandement améliorée depuis le début des années 90.

La Chine suscite une grande admiration car elle parvient à nourrir plus d’un cinquième de la population mondiale avec seulement un quinzième des terres arables existant dans le monde. Partie d’un niveau de 1 500 Calories au début des années 60, elle a réussi à porter les DEA moyennes à plus de 2 700 Calories au début des années 90, presque exclusivement grâce à des augmentations de la production intérieure. L’expérience de ce pays, en particulier les réformes introduites après 1978, démontre l’importance des incitations et d’un cadre institutionnel propre à maximiser les effets des infrastructures agricoles, mais aussi des efforts de recherche et de diffusion de nouvelles technologies.

Le Costa Rica a régulièrement amélioré sa sécurité alimentaire tout au long des 30 dernières années. Ce succès s’explique en partie par la priorité donnée à la lutte contre la pauvreté. Bien qu’il ait fallu, pour des raisons d’ordre macroéconomique, ajuster les politiques de façon à réduire la production de quelques cultures traditionnelles, la réorientation vers une croissance tirée par les exportations a permis de financer des importations alimentaires, d’òu l’amélioration des DEA moyennes, qui sont actuellement proches de 3 000 calories.

En Equateur, où les principaux indicateurs de la sécurité alimentaire témoignent d’une nette amélioration au cours des trois dernières décennies, la production et les disponibilités alimentaires par habitant ont évolué de façon cyclique, parallèlement aux indicateurs et aux politiques macroéconomiques. Les politiques macroéconomiques et sectorielles ont eu un impact particulièrement prononcé sur les disponibilités alimentaires par habitant, celles-ci ayant diminué sous l’effet des déséquilibres macroéconomiques avant les années 80 pour remonter ensuite avec la mise en œuvre des politiques de stabilisation et d’ajustement structurel.

L’Inde est considérée un pays à faible revenu, avec un produit national brut (PNB) de quelque 300 dollars EU par habitant. Elle a connu une croissance économique d’environ 5,2 pour cent par an depuis le début des années 80, taux supérieur de trois points à celui de la croissance démographique moyenne au cours de la même période. Malgré une grande variabilité des disponibilités alimentaires depuis les années 60, la détermination dont l’Inde a fait preuve pour développer sa production alimentaire, réduire sa dépendance à l’égard de l’aide et améliorer la sécurité alimentaire des ménages pendant toute cette période, lui a permis d’obtenir des résultats assez satisfaisants. Actuellement, les DEA sont de 2 400 Calories seulement. La prévalence de la pauvreté reste toutefois élevée, bien qu’en diminution, en valeur absolue et en pourcentage. Le large recours à des mesures ciblées de lutte contre la pauvreté a réduit la vulnérabilité aux famines et préservé un niveau de sécurité alimentaire minimum, même dans bon nombre des zones les plus pauvres du pays.

L’Indonésie, qui a bénéficié d’une expansion économique soutenue pendant les deux dernières décennies, suit une politique délibérée d’autosuffisance en riz (principal aliment de base du pays) depuis la fin des années 60.

Cette politique a porté ses fruits du point de vue de la sécurité alimentaire, puisque les DEA qui frôlaient les 2 000 Calories à cette époque sont passées à 2 700 au début des années 90, et le degré de sécurité alimentaire des ménages a sensiblement progressé. Ce succès s’explique en partie par l’approche globale adoptée par le gouvernement en matière de politiques agricoles: les interventions commerciales ont été complétées par des activités de recherche et de vulgarisation, pour la fourniture de variétés de riz à haut rendement et d’intrants modernes.

Le Mozambique, à environ une décennie de la libéralisation économique et quatre ans seulement après être sorti de la guerre civile qui l’a dévasté, reste l’un des pays les plus pauvres du monde. La faim est une dure réalité pour un grand nombre de ménages. Mais cela ne devrait pas masquer les progrès prometteurs réalisés ces dernières années sur la voie d’une sécurité alimentaire durable, visibles à plusieurs facteurs: augmentation des DEA malgré de brusques diminutions spectaculaires de l’aide alimentaire; baisse et stabilité accrue des prix de l’aliment de base principal produit dans le pays, qui est le maïs blanc; et existence d’un système d’approvisionnement alimentaire qui fournit maintenant aux consommateurs un choix beaucoup plus vaste d’aliments de base bon marché.

En Thaïlande, la stabilité économique, la stratégie de développement tournée vers l’extérieur, et l’instruction primaire pour tous sont parmi les facteurs qui ont permis à l économie de croître à un rythme d’environ 7 pour cent par an sur trois décennies. La production alimentaire a progressé au même rythme que l’ensemble de l’économie, mais les DEA et la sécurité alimentaire des ménages ne se sont pas améliorées dans les mêmes proportions. En effet, les DEA se sont maintenues à un niveau légerement supérieur à 2 000 Calories jusqu’à la fin des années 80, mais n’avaient pas encore atteint 2 500 Calories au début des années 90. L’accroissement de la production a dérivé principalement d’une expansion considérable des terres cultivées. Il reste à accomplir des efforts importants dans les domaines de l’intensification des cultures, de la maîtrise des risques écologiques et de l’amélioration de la distribution, en vue de réduire la pauvreté rurale, et de progresser vers une sécurité alimentaire durable.

En Tunisie, la sécurité alimentaire s’améliore rapidement depuis le début des années 60, grâce à un contexte économique et social sain, fortement influencé par l’action des pouvoirs publics. L’augmentation des DEA, passées d’environ 2 000 Calories à un niveau proche de 3 500 Calories aujourd’hui, a principalement été obtenue grâce à des importations alimentaires, en raison des sérieuses contraintes naturelles qui limitent la production agricole. D’importants dispositifs de protection sociale, au niveau des ménages, ont permis de traduire l’accroissement des disponibilités alimentaires en une amélioration de la sécurité alimentaire pour une grande partie de la population.

La Turquie est l’un des pays présentés dans ce document qui a maintenu des disponibilités et une sécurité alimentaires relativement élevées pendant toute la période considérée. Une grande partie des résultats ont été obtenus avant les années 60, grâce à une intervention massive des pouvoirs publics sur les principaux marchés agricoles. Actuellement , les problèmes de sécurité alimentaire se posent plus du niveau de l’équilibre nutritionnel des régimes alimentaires que de celui des disponibilités. Malgré des efforts accrus de libéralisation des marchés agricoles, le désengagement des pouvoirs publics reste problématique, ce qui grève lourdement le budget de l’Etat et exerce une pression considérable sur le niveau général des prix.

Le Zimbabwe n’a pas enregistré d’amélioration sensible des disponibilités alimentaires moyennes ou de la sécurité alimentaire des ménages au cours des trois décennies passées, ce qui le classe parmi les nations encore vulnérables. La productivité du secteur alimentaire a baissé depuis le début des années 70 et en particulier dans les années 80. Plus récemment, une restructuration des circuits de commercialisation du maïs, qui est la principale culture vivrière, ont éliminé certaines entraves commerciales, ce qui a fait baisser les prix à la consommation de la culture vivrière de base et a entraîné une amélioration sensible de la sécurité alimentaire des groupes les plus vulnérables.

L’Afrique australe a été périodiquement dévastée par des sécheresses, les plus récentes ayant sévi en 1991/92 et en 1994/95. Celle de 1991/92, notamment, qui a décimé la production agricole de la sous-région et imposé un niveau d’importations sans précédent restera probablement dans les mémoires comme la pire en plusieurs décennies. Durant cette calamité, la production des cultures vivrières de la sous-région est tombée à moins de 50 pour cent de la normale. Le déficit céréalier a plus que doublé et quelque 18 millions de personnes ont été confrontées au spectre de la famine. Grâce à un système d’alerte rapide efficace, à une coordination régionale rapide et à un soutien international adéquat, les secours ont atteint leurs objectifs, en évitant des pénuries alimentaires et une famine généralisées.

Ces études de cas montrent l’influence déterminante des politiques sur les processus économiques et sociaux qui, en fin de compte, conditionnent le degré de sécurité alimentaire des populations, quel que soit le pays considéré. Là où elles ont été mises en œuvre, les mesures d’aide directe, aux groupes vulnérables ont donné la preuve de leur efficacité, mais les multiples objectifs politiques poursuivis dans chaque contexte doivent être politiquement, socialement et économiquement réalisables. Pour la plupart des pays étudiés, les années 80 ont été une période de fortes contraintes financières et économiques. Dans les pays qui ont réduit les mesures de protection du secteur agricole et alimentaire, la transition a été douloureuse durant les phases initiales et l’insécurité alimentaire s’est accrue. Pour appropriée que soit la politique adoptée, la mise en place de mesures de protection sociale pour les groupes vulnérables en période de crise économique reste un élément indispensable de la lutte contre la faim.