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Chapitre II - Réorganisation des missions des partenaires


1. Conséquences de la libéralisation des marchés
2. Coopération inter-sectorielle public/privé
3. Abolition des monopoles des offices nationaux céréaliers
4. Coopération hors frontières


La prévention de l'insécurité alimentaire qui requiert l'élaboration de stratégies de développement, tant dans le pays qu'au niveau international, s'accompagne également de l'attribution de nouveaux mandats aux partenaires du développement.

Cette inévitable révision des tâches vise tout d'abord à améliorer la coopération entre les pouvoirs publics et le secteur privé; elle résulte notamment de l'abolition des monopoles des offices nationaux céréaliers, précédents maîtres d'oeuvre des politiques agricoles. Ce phénomène n'est toutefois que la conséquence de la libéralisation des marchés.

1. Conséquences de la libéralisation des marchés


1.1 Echanges internationaux
1.2 Marchés nationaux


Les stratégies de développement et les cadres institutionnels s'y rapportant, tels qu'exposés au chapitre précédent, intègrent le facteur "libéralisation des marchés", pierre angulaire des politiques économiques nationales et des accords commerciaux internationaux.

1.1 Echanges internationaux

Les accords internationaux qui consacrent le besoin de développement dans le but d'assurer la sécurité alimentaire soulignent également la nécessité d'une libéralisation des marchés et en font l'un des vecteurs essentiels de la croissance.

A cet égard, la Convention sur le commerce des céréales46 dont le but est notamment de contribuer à la stabilité des marchés pour favoriser la sécurité alimentaire, consacre en son article 1 (b) le besoin de promouvoir l'expansion du commerce international du grain en garantissant la libre fluctuation par élimination des barrières douanières et des pratiques discriminatoires.

46 Voir supra Première partie, chapitre I, 1.2.

De même, la Déclaration de Barcelone47 proclame-t-elle en son article 6 que les vivres ne sauraient en aucun cas servir d'arme politique et interdit en toute circonstance, blocus internationaux, régionaux ou locaux, limitant l'accès aux êtres humains. En outre, l'article 9 de la même déclaration pose comme principe fondamental la liberté du commerce des vivres.

47 Voir supra Première partie, chapitre I, 1.1.

De plus, la conclusion des négociations de l'Uruguay Round du GATT et la création de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) en janvier 1995, ont aussi signifié l'entrée en vigueur de deux accords importants pour le commerce mondial: (i) l'Accord sur l'application des mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS) et l'Accord sur les obstacles techniques au commerce (OTC).

L'Accord relatif aux aspects sanitaires et phytosanitaires (ci-après Accord SPS) reconnaît expressément le droit des Etats à adopter les mesures jugées nécessaires à la protection de la santé des consommateurs, des animaux et des plantes, mais précise que lesdites mesures doivent reposer sur des preuves scientifiques.

L'Accord OTC affecte toutes les réglementations techniques non couvertes par l'Accord SPS, telles que l'étiquetage des produits alimentaires. De surcroît, ces deux accords encouragent les Etats, à harmoniser leurs critères sanitaires, phytosanitaires et techniques de manière à limiter les entraves au commerce mondial qui pourraient en découler.

Les négociateurs de l'Uruguay Round ont recherché les meilleures références internationales dans les trois domaines cités plus haut, et ont convenu d'utiliser les normes de la Commission mixte FAO/OMS du Codex Alimentarius comme référence pour l'harmonisation des réglementations sur le commerce des denrées alimentaires. Dorénavant, ce sont donc les normes Codex qui seront utilisées par l'OMC pour résoudre les différents relatifs à la salubrité et à la qualité des denrées alimentaires circulant sur le marché mondial. S'ils ne veulent pas être pénalisés sur ce marché, les Etats Membres de l'OMC ont donc tout intérêt à mettre en place les mesures de contrôle nécessaires à assurer la conformité de leurs produits aux normes Codex. Là encore, les besoins en assistance technique pour les pays en développement vont de pair avec la libéralisation des échanges internationaux. Ces besoins sont essentiels couverts par les programmes mis en oeuvre par la FAO.

Il est à noter en outre que les pays membres de la Commission du Codex Alimentarius (153 en juillet 1996), ont par ailleurs adopté le Code de déontologie du commerce international des denrées alimentaires (CAC/RCP 20-1979, Rev. 1 (1985)), qui s'applique aussi bien aux produits cédés au titre de l'aide alimentaire qu'aux produits alimentaires commerciaux (Article 2 - Champ d'application). Ce code a pour objet d'établir les règles déontologiques à l'intention de tous ceux qui s'occupent du commerce international des denrées alimentaires ou sont chargés de le réglementer et, ainsi, de protéger la santé des consommateurs et de promouvoir la loyauté des pratiques commerciales. Il stipule en outre qu'il incombe aux pouvoirs publics et à tous ceux qui travaillent dans le commerce international, de faire en sorte que les consommateurs aient droit à des aliments inoffensifs de qualité saine et loyale, ainsi qu'à la protection contre des pratiques commerciales déloyales, et que certains types de denrées alimentaires soient interdites sur le marché mondial. Ce texte est d'une portée fondamentale car il garantit que l'aide alimentaire acheminée est non seulement suffisante mais aussi de qualité idoine et inoffensive.

Il est manifeste que développement et libéralisation forment un tout indivisible notamment en ce qui concerne les marchés agricoles.

1.2 Marchés nationaux


1.2.1 Libéralisation généralisée des marchés
1.2.2 Régulation et étude des marchés
1.2.3 Systèmes de suivi de la sécurité alimentaire
1.2.4 Systèmes d'information sur la sécurité alimentaire et alerte rapide


La libéralisation du marché national s'accompagne généralement de l'amenuisement des situations de monopoles et de la révocation des systèmes de blocage des prix, notamment pour ce qui est des céréales. Jugées nécessaires au développement et visant à la sécurité alimentaire, de telles mesures ont été appliquées aussi bien au Bénin, au Burkina Faso, en Ethiopie, au Mali, en Mauritanie, au Sénégal qu'en Tanzanie qui, à l'exception du marché du riz, sont aujourd'hui en situation de liberté des prix céréaliers.

1.2.1 Libéralisation généralisée des marchés

En Ethiopie, les réformes de 1990 ont eu pour résultat d'abolir les quotas de vente du grain, quotas établis en 1974 pour décourager le commerce privé, l'Etat fournissant des céréales à bas prix aux citadins et militaires. La suppression de ces quotas a largement favorisé la libéralisation du marché et permis l'accès à la nourriture pour un plus grand nombre.

De même, en Tanzanie, le Programme de redressement économique adopté pour trois ans en 198648 a entraîné la libéralisation des marchés et des prix, s'accompagnant de la mise oeuvre d'un système de concertation entre secteurs public et privé. En outre, les quarante-sept actions au soutien du commerce qui relèvent du Programme national complet de sécurité alimentaire de 199349 sont orientées vers la libéralisation du commerce libre et la promotion des commerçants privés.

48 Economic Recovery Programme.
49 Voir infra Première partie, chapitre I. 3.2.2 (b).

Le Plan d'opérations du Mali venant en soutien au Projet de restructuration du marché céréalier50 vise aussi la libéralisation des marchés.

50 Voir infra Première partie, chapitre I. 3.2.1 (b).

Il en est de même pour le Plan d'opérations51 conclu entre le gouvernement du Sénégal et le PAM, en soutien à la Nouvelle politique agricole. Se fondant sur le fait que les pouvoirs publics sénégalais étaient parvenus à assurer un prix plancher au producteur, à assouplir le secteur des céréales (sauf en ce qui concerne le riz) et à ouvrir progressivement le commerce et la distribution des engrais, les deux parties contractantes ont souhaité poursuivre ces réalisations afin de parvenir à une complète libéralisation du marché.

51 Projet PAM n° 3056 de 1987.

En Mauritanie, certaines limites ont été précisées: si l'article 1er du décret sur la Politique céréalière52 énonce que "Toute personne physique ou morale, de statut public ou privé, peut produire, collecter, transformer et commercialiser toutes céréales et tous produits céréaliers", l'article 13 stipule que les activités d'importation des céréales se font "en respectant la législation en vigueur", c'est-à-dire essentiellement ledit décret qui fixe les pouvoirs de l'Etat en ce domaine.

52 Voir supra note 22.

Au titre de l'article 2, il appartient aux pouvoirs publics d'exercer un rôle d'orientation, de régularisation et de contrôle de la filière céréalière: les prix d'orientation et les prix de référence sont fixés annuellement par arrêté conjoint des ministres chargés du développement rural et du commerce (article 5). Le titre II du décret est consacré aux prix de gros et de détail et précise que ceux-ci sont libres quand ils portent sur des céréales produites localement.

Compte tenu des spécificités agro-économiques de la Mauritanie, le système ainsi mis en place semble constituer la garantie idoine pour une libéralisation effective et efficace; le système repose sur une ordonnance de 1991 relative à la liberté des prix et de la concurrence53 dont les conditions d'application sont fixées par décret54. Cette ordonnance comporte quatre titres: (i) de la liberté des prix, (ii) de la transparence et du libre fonctionnement du marché, (iii) de la surveillance et de la protection du fonctionnement du marché, (iv) des dispositions diverses transitoires. L'article 1er pose le principe de liberté des prix et stipule: "Les prix des marchandises, produits, matières, articles et denrées, qu'ils soient d'importation, de production ou de fabrication locale et des services fixés antérieurement par voie réglementaire sont libérés et déterminés par le jeu de la concurrence..."55.

La plupart des gouvernements, après avoir libéralisé les marchés, se sont attachés à trouver les moyens d'en réglementer le fonctionnement afin d'en éviter les débordements.

53 Ordonnance n° 91-09 du 22 avril 1991 relative à la liberté des prix et de la concurrence.

54 Décret n° 92-040 du 20 août 1992 fixant les conditions d'application de l'ordonnance 91-09 sur les prix et la concurrence.

55 Un parallèle peut être fait entre le contenu du titre II concernant la transparence et le fonctionnement libre du marché, et les articles 85 et 86 du Traité de Rome instituant la CEE; le contenu est similaire: sont prohibés les ententes et abus de position dominante lorsqu'ils affectent le libre jeu de la concurrence.

1.2.2 Régulation et étude des marchés

(a) La régulation des marchés a été généralement confiée à des institutions spécialement établies à cet effet.

En 1956, fut créé en France le Comité permanent d'étude des marchés d'intérêt national et de la distribution des produits agricoles et alimentaires56. Lui fut confiée la mission de regrouper, compléter et coordonner les études faites sur l'ensemble des problèmes posés par l'organisation des marchés d'intérêt national, l'approvisionnement de l'agglomération parisienne et la modernisation des circuits de distribution. (article 2). De même, afin d'améliorer le fonctionnement des marchés agricoles, a été institué en 1961 le Fonds d'orientation et de régulation des marchés agricoles57; cet organisme, du type établissement public industriel et commercial, a reçu mandat de préparer les décisions gouvernementales relatives aux interventions de l'Etat sur les marchés agricoles et de les exécuter (article 1). Le Conseil de direction fut pour sa part chargé d'étudier et analyser l'organisation des marchés agricoles, et de préparer les interventions susceptibles de faciliter l'orientation des productions agricoles, d'améliorer les conditions de commercialisation et de concourir à un équilibre durable des marchés.

56 Arrêté du 21 janvier 1956, Journal officiel n° 18 du 22 janvier 1956.

57 Décret 61-827 du 29 juillet 1961 relatif aux attributions et au fonctionnement du Fonds d'orientation et de régulation des marchés agricoles.

De même, en Belgique, diverses dispositions ont-elles été prises dans le but de régulariser les marchés agricoles aux fins d'une meilleure productivité et donc d'une sécurité alimentaire mieux assurée. Ce fut notamment par la création en 1960 de l'Institut économique agricole58, relevant du département de l'agriculture; lui fut donné mandat d'étudier les problèmes généraux de l'économie agricole, de constituer une documentation complète en cette matière, d'élaborer et d'analyser des statistiques agricoles, de tenir les comptabilités agricoles, de procéder au calcul des prix de revient agricoles tant actuels que prévisionnels, ainsi que de concevoir des résultats d'exploitation.

58 Arrêté royal du 20 juin 1960 portant création de l'Institut économique agricole.

Aux Etats Unis, c'est la réglementation du commerce qui apparaît comme principal véhicule de l'action gouvernementale; à ce titre, de nombreuses dispositions ont été prises visant à faciliter les échanges commerciaux agricoles. Il faut noter que la question alimentaire qui relève des instances fédérales, est une préoccupation de tout premier ordre, le rôle des pouvoirs publics étant de s'assurer de la sûreté des denrées alimentaires, de leur qualité nutritionnelle, des prix, et des quantités mise sur le marché. Dès la fin du XIXème siècle, alors que la population agricole commençait à diminuer, fut créé le Ministère de l'agriculture responsable plus de la commercialisation que de la production. Récemment encore, le sujet a été d'actualité, ce département organisant en janvier 1994 une conférence sur la sécurité alimentaire, Food Security Measurement and Research. L'objectif était de recueillir les avis et recommandations d'experts et de scientifiques sur les mesures existantes en matière de sécurité alimentaire et de faim aux Etats-Unis. En conclusion à la conférence, a été établi un recueil de mesures visant à enrayer d'éventuelles difficultés. En complément à ces travaux, le Ministère de l'agriculture a entamé en avril 1995 un sondage national auprès de 60.000 foyers afin d'établir précisément les spécificités nutritionnelle de la population.

Au terme d'une loi adoptée en 1995, a été établi au Maroc l'Office national interprofessionnel des céréales et des légumineuses; ce texte régit en outre l'organisation du marché des céréales et légumineuses59. L'Office est chargé de relever l'état d'approvisionnement du pays en céréales, légumineuses et dérivés; il peut, afin de répondre à des situations exceptionnelles, procéder ou faire procéder, après consultation des parties concernées, à des achats et cessions, à des importations ainsi qu'à la détention, au transport et à la transformation des produits (article 2). Composé paritairement de représentants de l'Etat et de certaines institutions professionnelles agricoles (telles les chambres d'agriculture, les unions de coopératives, de commerçants en céréales...), l'Office est un établissement public permettant de veiller le bon fonctionnement du marché céréalier. Si les principes de liberté d'importation et d'exportation des céréales sont réaffirmés à l'article 24, l'article 11 énonce toutefois que les personnes physiques ou morales ne peuvent pratiquer le commerce des céréales qu'après avoir fait une déclaration d'existence devant l'Office dès avant le début de toute activité. Cette déclaration doit indiquer quelles sont les opérations envisagées et comporte l'engagement souscrit de communiquer à l'Office, dans les formes précisées par ses soins, les opérations d'achat et de vente, tant sur le marché intérieur qu'extérieur. Les informations fournies individuellement à ce titre (i) ne peuvent faire l'objet d'aucune communication de la part de l'Office, ses agents étant astreints au secret professionnel, (ii) et permettent de dresser des statistiques et de développer les données relatives au marché céréalier, constituant ainsi un système complet d'information.

59 Loi n° 12-94 relative à l'Office national interprofessionnel des céréales et à l'organisation du marché des céréales et des légumineuses, promulguée par le dahir n° 1-95-8 du 22 février 1995.

(b) Orientations nutritionnelles

Pour compléter les efforts de régularisation des marchés et de manière à mieux les connaître, les pouvoirs publics ont confié à certains organismes le mandat d'appuyer les recherches entreprises en matière de politique alimentaire. A ainsi été atteint un stade supérieur dans le domaine de la sécurité alimentaire: il ne s'agit plus seulement de développer les activités agricoles mais aussi de mettre à la portée des consommateurs, notamment des plus défavorisés, des produits satisfaisant à leurs besoins nutritionnels.

En France, a été créé auprès du ministre chargé de l'agriculture le Groupe interministériel de politique alimentaire60. Composé de représentants de différents ministères et disposant d'un secrétariat permanent, ce groupe est chargé de procéder à l'étude des programmes relatifs au développement de la politique alimentaire, à la promotion de la qualité sanitaire et nutritionnelle des denrées alimentaires et à l'information des consommateurs sur ces denrées. Il est également consulté sur les orientations proposées pour l'amélioration des connaissances dans les domaines agronomiques.

60 Décret 78-279 du 10 mars 1978 portant création du Groupe interministériel de politique alimentaire.

De même, le ministre chargé de l'agriculture peut-il recourir aux avis de la Commission consultative de la production céréalière61. Cette commission a été établie en période de redéploiement de l'activité économique après la Deuxième guerre mondiale. Ses missions sont de délivrer des avis sur la coordination de diverses activités économiques et techniques concernant les semences, et sur les programmes annuels d'importation et d'exportation des semences des céréales. Elle rassemble les responsables des associations, syndicats, commissions et coopératives agricoles, et est placée sous la présidence du Directeur de la production agricole.

61 Arrêté du 2 août 1955, Journal officiel n° 183 du 4 août 1955, portant création d'une Commission consultative de la production céréalière.

En Italie, l'Institut national de la nutrition62 mène depuis 1963 des activités de recherche sur la nutrition et de conseil en matière alimentaire. Le Président en est nommé par décret sur proposition du ministre chargé de l'agriculture; il est assisté d'un Comité administratif.

62 Legge n° 258 du 25 février 1963 Norme Regulatrici dell'assetto e della organizzazione dell'Instituto Nazionale della Nutrizione.

Aux Etats-Unis, dans le domaine laitier, a été établi au sein du Ministère de l'agriculture un organe ayant pour mandat de prêter son concours financier aux recherches menées par l'industrie laitière: le National Dairy Research Endowment Institute effectue aussi des analyses spécifiques sur demande du Ministre de l'agriculture. Existe également une Commission nationale sur la politique laitière63 qui est chargée de conduire des études et formuler des recommandations sur les programmes de soutien des prix laitiers. En outre, a été adoptée en 1990 une loi64 visant au renforcement du contrôle de la nutrition; au titre de cette loi, il appartient aux ministres chargés de l'agriculture et de la santé d'élaborer un plan pour définir l'état nutritionnel et diététique de la population américaine, et pour soutenir la recherche et le développement en matière nutritionnelle. L'adoption de cet instrument législatif avait pour objectif de rendre plus efficace l'utilisation des dépenses de l'Etat fédéral en matière nutritionnelle. Le programme proposé est établi sur une période de dix années sous la responsabilité des différents ministres, et doit analyser la situation nutritionnelle de la population ainsi que remédier aux problèmes existant en établissant des mécanismes pour faire face aux besoins du secteur privé, des communautés scientifiques, des professionnels de la santé, du public. Sont prévues la coopération avec des instituts scientifiques ainsi que la création d'un Bureau inter-agences, Interagency Board, coordonnant les actions entreprises. Ce programme permet notamment de mettre en évidence les zones et groupes n'ayant pas accès à une nutrition satisfaisante.

Cette attention toute particulière donnée aux aspects nutritionnels de l'alimentation n'est encore que le propre des pays industrialisés. Dans les autres cas, les paramètres de contrôle des marchés, notamment pour ce qui concerne la connaissance des fluctuations, ont pris la forme systèmes spécifiques. La majorité des systèmes existant de suivi de la sécurité alimentaire se découpent en trois volets: production vivrière, SIM, état nutritionnel des populations. La FAO patronne la mise en oeuvre d'un ensemble plus original, les systèmes d'information sur la sécurité alimentaire et l'alerte rapide (SISAR).

63 National Commission on Diary Policy.

64 Public Law 101-445 du 25 octobre 1990, National Nutrition Monitoring and Related Research Act of 1990.

1.2.3 Systèmes de suivi de la sécurité alimentaire

(a) Suivi de la production agricole (SPA)

Le SPA est généralement concentré sur les céréales mais aussi parfois sur le cheptel. Les travaux relèvent de la compétence des personnels du ministère chargé de l'agriculture qui effectue des enquêtes régulières sur le terrain. Il fait l'objet de publications statistiques.

(b) Système d'information des marchés (SIM)

L'apparition des SIM accompagne l'émergence des politiques de développement et de libéralisation nationales. Leur création a souvent été spontanée et leur existence est fondée soit sur les textes généraux régissant les institutions nationales chargées de la sécurité alimentaire, soit sur des instruments législatifs particuliers. Dépendant selon les pays des services statistiques de différents ministères (commerce ou agriculture), les SIM sont des systèmes de collecte, de traitement et de diffusion des données sur le commerce des produits. Ils devraient comporter des données de suivi des prix et volumes disponibles sur les marchés de certains produits, de variation des stocks, des conditions de transport.

La Mauritanie se distingue des autres Etats objets de la présente étude en ceci que son gouvernement a établi par ordonnance un Comité de surveillance des marchés65. Ce comité informe les pouvoirs publics centraux et les collectivités locales des incidences que pourrait avoir une décision particulière sur l'évolution des marchés; c'est également à lui qu'incombe, en cas de perturbation grave du marché, de prendre les mesures nécessaires (article 37). Bien que consultatif, le rôle du Comité est de toute première importance dans le contrôle du bon fonctionnement des marchés; en effet, disposant du pouvoir d'autosaisine pour toute affaire relevant de pratiques affectant le bon fonctionnement des marchés (article 39), il a le pouvoir de classer l'affaire sans suite par décision motivée lorsque les faits le justifient (article 40), ou de rendre au gouvernement un avis motivé pour que celui-ci prenne les sanctions ou les mesures conservatoires nécessaires (articles 41 et 42). Placé sous la présidence du ministre chargé du commerce, ce comité est constitué de membres disposant du pouvoir de délibération et de membres consultatifs, répartis comme suit: (i) membres siégeant à titre délibératif, quatre représentants des pouvoirs publics et huit représentants des industriels et commerçants, un représentant des salariés, cinq représentants des consommateurs; (ii) membres siégeant à titre consultatif, représentants des différents ministères. Cette composition paritaire mixte, pouvoir public-secteur privé, semble relativement bien équilibrée et favorise le fonctionnement régulier de cet organe66.

65 Voir supra note 44.

66 Un parallèle peut être fait entre ce comité et le Comité des conditions de marchés établi dans le cadre de la Convention internationale sur les céréales (chapitre I, section 1.1.2). En effet, la Convention qui entre autres objectifs vise à fournir un forum d'échange d'informations et de discussion sur les problèmes de commerce du grain dispose à cet effet du Comité des conditions de marché recueillant des informations continues sur tous les sujets affectant l'économie céréalière mondiale (article 16(3)).

La création des SIM au Bénin, au Burkina Faso, au Mali et en Tanzanie, s'est opérée de manière spontanée; elle est l'une des conséquences induites de la libéralisation des marchés nationaux. Les SIM n'y sont pas vraiment structurés et leur gestion est confiée aux offices nationaux céréaliers ou aux institutions chargées plus directement de la sécurité alimentaire.

Ainsi au Bénin, l'Office national céréalier (ONC), dont les statuts ont dû être modifiés67, a été chargé de la gestion, du traitement, de la centralisation de l'information relative à la sécurité alimentaire, de manière à fournir des renseignements fiables aux pouvoirs publics.

67 Voir infra Première partie, chapitre I, 3.2, et note 14.

Au Mali, c'est l'Office des produits agricoles du Mali (ci-après l'OPAM)68, qui prend en charge cette tâche au titre de l'article 6 du Contrat-plan conclu en 1987 entre le gouvernement malien et l'OPAM et qui définit les missions de ce dernier69.

68 Voir infra Première partie, chapitre I, 3.1.
69 Voir infra Première partie, chapitre I, 2.

La situation est différente au Burkina Faso et en Tanzanie. En effet, dans ces deux pays les SIM relèvent des institutions responsables de la sécurité alimentaire au sens strict.

La Société nationale de gestion du stock de sécurité burkinabé (ci-après la SONAGESS70) est chargée de mettre en oeuvre un réseau de collecte des informations et de créer une cellule d'études pour le SIM - disposition prévue dans le Contrat-plan liant la SONAGESS au gouvernement.

70 Voir infra Première partie, chapitre I, 3.2.

De même, en Tanzanie, c'est au Département de la sécurité alimentaire, établi au titre de la loi de 1991 sur la sécurité alimentaire71, que revient la responsabilité de la gestion du SIM. Pour ce faire, ce département peut réclamer toute information nécessaire à tout ministère ou organisme; il dispose d'un pouvoir de sanction, tout refus de fournir l'information étant passible d'une peine correctionnelle (article 12 (2)).

71 Food Security Act du 5 août 1991.

Autre cas particulier, le Sénégal: au titre d'un arrêté pris en 199372, est crée au sein de la Direction de l'agriculture, sous tutelle du Ministre du développement rural, la Cellule interministérielle agro-sylvo-pastorale pour la sécurité alimentaire et l'alerte rapide; cette cellule est chargée de mettre en oeuvre un système d'information permettant "de disposer d'un outil opérationnel et performant de prise de décisions en matière de sécurité alimentaire" (article 2). Pour son fonctionnement, la Cellule dispose d'un personnel technique (agro-économiste, spécialiste des sciences sociales, zootechnicien, informaticien) et collabore étroitement avec les ONG et la FAO dans la réalisation de son mandat.

72 Arrêté n° 962 MDRH/DA du 3 février 1993 portant création, organisation et fonctionnement de la Cellule inter-ministérielle agro-sylvo-pastorale pour la sécurité alimentaire et l'alerte rapide.

Il est à noter que les pouvoirs publics sénégalais se sont engagés dans la constitution d'un organe politique décisionnaire dont la Cellule assurerait le secrétariat. En août 1996, un avant-projet d'arrêté portant création et organisation du Comité national de sécurité alimentaire et d'alerte rapide était à l'étude. Ce comité devrait être composé des représentants des ministères chargés, notamment, de l'agriculture, de l'intérieur, de l'économie, de la famille; au Comité placé sous la présidence du Conseiller technique agricole auprès du Premier ministre, siègent en outre des représentants de la FAO, du PAM, de l'Organisation mondiale de la santé, et de diverses ambassades de pays donateurs. Ce comité devrait constituer un organe de concertation en matière de politiques et de programmes portant sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle.

(c) Suivi alimentaire et nutritionnel (SAN)

L'on notera pour mémoire que le ministère chargé de la santé possède généralement un système de contrôle de l'état sanitaire, et parfois nutritionnel, des populations.

1.2.4 Systèmes d'information sur la sécurité alimentaire et alerte rapide

Les systèmes d'information sur la sécurité alimentaire et l'alerte rapide (SISAR), parfois appelés systèmes d'alerte précoce (SAP) ou systèmes d'alerte rapide (SAR), reposent sur les trois aspects essentiels de la sécurité alimentaire: disponibilité, stabilité et accès. La connaissance du minimum alimentaire est fondée sur la quantification des produits alimentaires de base consommés traditionnellement par une population donnée, et par région homogène. En outre, est essentielle la connaissance de la vulnérabilité des zones, des groupes, des ménages, et des individus.

Les SISAR fonctionnent en s'appuyant sur les systèmes d'information classiques (sur la production, les marchés, la nutrition...) qui conservent néanmoins leurs objectifs et moyens propres. Un Comité national pour la sécurité alimentaire (regroupe généralement des représentants des ministères responsables et des donateurs) dont le secrétariat est assuré par une cellule composée de spécialistes, et des comités locaux (départementaux ou provinciaux) constituent la structure type. De tels systèmes ont été constitués en Mauritanie, au Niger et au Sénégal. Il en existe aussi au niveau régional (IGADD, SADECC). Pour sa part, le CILSS possède un système propre centré sur le suivi et les prévisions de la production céréalière, de l'état des stocks, et de l'étude de certains groupes à risque.

Les SIM, SAP et SISAR constituent un élément essentiel dans le cadre du développement et de la libéralisation des marchés, cette dernière requérant une parfaite connaissance de ces marchés, et des activités menées par les intervenants qu'ils appartiennent aussi bien à l'administration publique qu'au secteur privé.

2. Coopération inter-sectorielle public/privé


2.1 Régulation des activités du secteur privé
2.2 Intervention directe du secteur privé


Bien que le libre fonctionnement des marchés soit une condition indispensable au renforcement de la sécurité alimentaire, la libéralisation n'est cependant pas un mécanisme suffisant. Il faut aussi que soit assuré le juste équilibre entre la défense de l'intérêt public et l'encouragement au secteur privé. Les pouvoirs publics étant le premier interlocuteur en matière de sécurité alimentaire, il s'avère désormais nécessaire de leur assigner un rôle nouveau mais toujours essentiel dans les économies libéralisées.

A cet effet, différentes voies de collaboration entre secteur public et secteur privé ont dû être tracées; la redistribution ou le rééquilibrage des responsabilités est d'ailleurs l'un des principes énoncés dans la Déclaration mondiale sur la nutrition dont le point 20 souligne la nécessité d'une coopération active entre les pouvoirs publics, les institutions bi- ou multilatérales, les donateurs, le secteur privé, et les organisations non gouvernementales. Les représentants de ces derniers ont une participation de plus en plus effective dans les activités des comités nationaux de sécurité alimentaire, de même que dans les groupes interdisciplinaires des SIM, des SPA et des SAN.

De même la méthodologie d'élaboration des programmes nationaux complets de sécurité alimentaire construits sous l'égide de la FAO intègre-t-elle ce principe73. Au cours de la dix-septième session du Comité de la sécurité alimentaire mondiale, un des thèmes de discussion a porté sur la définition d'un cadre pour l'élaboration des PNCSA. Il appartient en effet aux pouvoirs publics d'inciter les opérateurs privés à orienter leurs activités vers la sécurité alimentaire. Pour ce faire, doivent être adoptées des politiques de soutien aux entreprises privées, clarifier les statuts des coopératives et des autres associations de producteurs, simplifier l'organisation des institutions74.

73 Voir supra Première partie, chapitre I, 3.2.2.
74 Voir supra note 32.

Certaines législations se font l'écho de cette nécessaire coopération entre les deux secteurs; au Burkina Faso, le Contrat-plan de janvier 1995 conclu entre le gouvernement et la SONAGESS75 prévoit en son article 7.11 que "l'Etat s'engage durant l'exécution de la phase transitoire à contribuer à la structuration et à l'organisation du secteur privé agissant dans la filière céréalière".

75 Voir supra Première partie, chapitre I, 1.2.3.

Le Comité national pour l'alimentation et la nutrition du Bénin76 a entre autres missions celle de favoriser la coopération entre les institutions publiques et privées poursuivant des activités relatives à l'alimentation et la nutrition. En outre, de par ses responsabilités en matière d'amélioration de la sécurité alimentaire, l'Office national céréalier77 doit prêter conseil au gouvernement mais aussi au secteur privé en fournissant information, formation et assistance. Cette double obligation souligne l'importance de la coopération entre secteur privé et secteur public.

76 Décret 94-103 du 12 avril 1994 portant création du Comité national pour l'alimentation et la nutrition.

77 Voir supra Première partie, chapitre I, 1.2.3.

Il en est de même au Mali dans le cas de l'OPAM. Au titre du Contrat-plan signé avec le gouvernement78, les deux parties au contrat ont la responsabilité de la promotion du secteur privé et associatif.

78 Voir supra note 60.

Ce phénomène n'est pas le propre des seuls pays en développement; les économies occidentales y sont aussi sujettes.

A cet égard, la loi américaine de 1985 sur la sécurité alimentaire, Food Security Act79, est un exemple significatif pour avoir pris en compte aussi bien les stratégies de développement que la réorganisation des rôles de chaque intervenant dans la lutte contre l'insécurité alimentaire. En ce qui concerne notamment le commerce des produits agricoles, la section 1121 de ce texte définit un objectif de politique commerciale, à savoir fournir des produits agricoles d'exportation à des prix compétitifs en assurant approvisionnement qualitatif et quantitatif, soutenir le principe de libre échange et la promotion d'un commerce plus sain, encourager la négociation avec d'autres Etats pour obtenir des réductions des barrières au libre échange, combattre les pratiques anticoncurrentielles, réduire les contraintes de la politique étrangère pour maximaliser les intérêts du commerce agricole américain. La section 1127 complète le schéma en recommandant au pouvoir exécutif de formuler un programme en vertu duquel les produits agricoles seraient fournis aux utilisateurs et exportateurs sans taxe, de manière à promouvoir le développement et l'expansion des marchés à l'exportation. Enfin, la section 1133 précise qu'il convient d'encourager l'exportation de produits agricoles et de réserver les interdictions ou limitations à cette exportation uniquement en cas d'urgence nationale déclarée par le Président en application de ses pouvoirs constitutionnels.

79 Public Law No. 99-198 du 23 décembre 1985, "The Food Security Act of 1985".

Cette loi aborde ainsi toutes les actions ayant cours dans ce domaine. Divisée en dix-sept titres, elle précise dans un premier temps toutes les dispositions relatives à différents produits (lait, laine, blé, semences, coton, riz, cacahouètes, soja, sucre). Elle aborde ensuite (titres XI à XIV) commerce, conservation, crédit et recherche agricole.

Viennent ensuite les dispositions sur le marketing; c'est tout particulièrement dans le titre XVI que sont exposées les lignes générales portant sur l'amélioration de la sécurité alimentaire de la population. A cet égard, on constate qu'il est fait référence à certains groupes de la population.

En sus à ces mesures concrètes visant à encourager le développement du commerce agricole national, la loi établit le principe de la nécessaire coopération entre les pouvoirs publics et les autres acteurs du secteur agricole (section 1123). Sont encouragées les consultations entre le ministre chargé de l'agriculture et les autres institutions nationales agricoles dans le but d'accroître l'échange d'information, d'opérer un partage équitable des responsabilités, d'augmenter la coopération entre tous les acteurs et de rendre plus efficace le développement agricole. Nombreuses sont en effet les organisations privées américaines qui soutiennent les initiatives du secteur public en matière de politique agricole. C'est par exemple la Farm Foundation fondée en 1933 dans le but d'améliorer le bien-être de la population rurale. L'objectif de cet organisme est de contribuer au renforcement des structures économiques et à l'amélioration des conditions sociales des ruraux. Son activité se déploie autour de six priorités: la mondialisation, les problèmes liés à l'environnement, aux nouvelles technologies, aux préoccupations des consommateurs, au rôle des institutions agricoles, aux changements à apporter dans les communautés rurales.

2.1 Régulation des activités du secteur privé

Conséquence de la libéralisation des marchés, l'intensification des activités du secteur privé, ou pour le moins du secteur non-public, a amené les instances étatiques, se fondant sur les responsabilités qui leur sont échues, a établir des systèmes de régulation desdites activités. Ce fut particulièrement le cas pour ce qui concerne les organisations non-gouvernementales (ONG) et les coopératives.

Les ONG jouent un rôle important dans l'économie des pays en développement; pour certains auteurs80, il s'agirait même d'un "troisième secteur", le secteur privé non lucratif, par opposition au secteur privé ordinaire.

80 Carrie A. Meyuer, "A Step Back as Donors Shift Institutions Building from the Public to the Private Sector", dans World Development, World Resources Institute, Washington, août 1992, publication Pergamon Press, vol. 20, n° 8.

C'est notamment le cas en Ethiopie où les donateurs avaient l'habitude de recourir principalement aux ONG pour acheminer l'aide alimentaire. Or, suite aux événement de 1991 et à la libéralisation qui s'en est suivie, le recours aux ONG a diminué; leur rôle se limite essentiellement aux opérations de financement.

Bien que traitant principalement des aspects de gestion de l'insécurité alimentaire, le Code d'urgence de l'Ethiopie adopté dans le cadre de la politique de libéralisation81 précise en son article 19 que les ONG locales doivent être enregistrées auprès de la Commission de secours et de réhabilitation82 et sont tenues de coordonner leurs activités avec celles de cette commission. Chargée de rendre publique la politique élaborée par les ONG, politique qui doit être clairement définie, la Commission donne obligation à ces organisations de se soumettre aux règles nationales en vigueur et à suivre les lignes de conduite préconisées.

81 Voir supra Première partie, chapitre I, 3.1.3.
82 Voir infra Deuxième partie, chapitre I, 2.2.1.

Tout comme les ONG, les coopératives voient leurs activités contrôlées dans certains Etats alors que la libéralisation des prix et de l'adoption de nouveaux principes juridiques et économiques devraient concourir à renforcer leur rôle.

La Tanzanie a entrepris en 1986 une large réforme du secteur public et des coopératives dans le cadre du Programme d'ajustement structurel83. Dissoutes en 1976 puis reconstituées au titre des lois de 1989 et de 199184, les coopératives sont aujourd'hui des personnes morales de droit privé et non plus des agents de l'Etat. Elles sont donc maintenant libres de choisir leurs membres, leurs activités et les zones d'intervention.

Ce nouveau cadre de fonctionnement concédé par les pouvoirs publics au secteur privé contribue à une plus grande efficacité, et à une plus grande cohérence entre les secteurs économiques. Il existe en outre des situations pour lesquelles le secteur privé intervient directement et librement aux cotés de l'Etat dans l'action pour le développement.

83 Voir supra Première partie, chapitre II, 3.1.
84 Cooperative Act, 1989 et Cooperative Act, 1991.

2.2 Intervention directe du secteur privé

Dans certains cas, les instances gouvernementales ont pratiquement confié au secteur privé la conduite de la politique de développement en permettant à ses représentants d'intervenir au sein des institutions chargées du développement.

Au Burkina Faso, le Comité de réflexion et de suivi de la politique céréalière et de la sécurité alimentaire85 est ouvert aux "partenaires de coopération, [aux] représentants des opérateurs économiques privés, [aux] représentants des ONG"86.

86 Voir supra Première partie, chapitre I, 3.2.1 (a).
86 Voir Accord-cadre Etat-partenaires de 1994, article 2.

De même, au Bénin, le Comité national pour l'alimentation et la nutrition (CNAN)87 est-il composé de représentants de différents ministères, d'un représentant des associations de consommateurs, d'un représentant des ONG (article 5 du décret créant le CNAN). Ainsi les structures des institutions participant à la défense de la sécurité alimentaire reflètent-elles la politique de coopération avec le secteur privé.

87 Voir supra Première partie, chapitre I, 3.2.1, et note 34.

Des dispositions similaires ont été adoptées en Mauritanie dans le décret de 1989 relatif à la politique céréalière88. En son article 15, ce texte précise en effet que l'organe en charge de la sécurité alimentaire devra déléguer progressivement ses fonctions à des structures privées et ceci sur tout le territoire.

88 Voir supra note 22.

Une telle redéfinition des rôles et missions des acteurs privés du développement a aussi entraîné la restructuration des institutions publiques qui perdaient leur position de monopole.

3. Abolition des monopoles des offices nationaux céréaliers


3.1 Restructuration des offices nationaux céréaliers
3.2 Nouvelle dénomination et changement de mission
3.3 Disparition des offices nationaux céréaliers


Avant la libéralisation des marchés, certains organismes relevant directement des pouvoirs publics jouissaient du monopole du traitement des produits agricoles, notamment en ce qui concerne l'importation, la commercialisation et la fixation des prix; c'était en particulier le cas des divers offices nationaux céréaliers qui avaient, en particulier, mission de conduire les politiques de développement de la sécurité alimentaire.

Conséquence de la libéralisation des prix et des marchés et de la reconnaissance du secteur privé, ces offices ont été privés des privilèges fondant les monopoles traditionnels.

Ce changement de situation a pris différentes formes selon les pays: les offices ont été entièrement restructurés, ont été renommés et ont reçu de nouvelles missions; ils ont parfois même été abolis.

3.1 Restructuration des offices nationaux céréaliers

C'est en effet par ce biais-là que l'abolition des monopoles des offices nationaux a été effectuée aussi bien au Mali qu'en Tanzanie.

Au Mali, l'OPAM détenait depuis sa création en 196589 la charge de la collecte et de la distribution des céréales ainsi que de la gestion de l'aide alimentaire et du stock de sécurité90. L'Office disposait d'un monopole exclusif, le commerce privé étant illégal jusqu'en 1980. Conséquence des réformes entreprises par le gouvernement dans un souci de développement et de libéralisation, l'OPAM a été doté en 198291 du statut des établissements publics à caractère industriel et commercial92, ce qui lui a valu d'acquérir l'autonomie financière93. De fait, la doctrine veut que la création d'un EPIC manifeste de la part des pouvoirs publics "une volonté d'agir, [de] paraître sortir du moule administratif classique, [d'] offrir aux fonctionnaires qui seront chargés de l'animer des possibilités accrues d'initiative. Les établissements publics caractérisés par une nature industrielle et commerciale sont en réalité dualistes: leur statut les porte à exécuter la mission d'intérêt général, mais leur nature les autorise à chercher le profit, ou l'équilibre de leurs comptes; ils peuvent, dans le cadre de cette mission, faire des actes administratifs, tels des contrats administratifs, mais dans leur recherche du profit, leurs actes sont des actes de gestion privée, tels les contrats"94.

89 Loi n° 65/7/AN-RM du 13 mars 1965.

90 Voir infra Deuxième partie, chapitre II, 1.1, et note 148.

91 Loi n° 82-36/AN-RM du 20 mars 1982.

92 Ce type d'organisme est largement présent dans les pays de tradition juridique française dotés des deux ordres de juridiction, administratif (répondant aux critères de "puissance publique" et de "service public") et judiciaire. A ce sujet, le Conseil d'Etat (C.E. 17 mars 1972, Ministre de la Santé publique c./Levesque) a noté les motifs du recours à l'établissement privé: Un nombre croissant d'établissements publics sont créés pour remédier à la lourdeur de certaines structures centrales, trop vastes et où des responsabilités excessives pèsent sur trop peu d'épaules. Ils servent aussi à corriger les conséquences fâcheuses de la nécessaire répartition des tâches entre les différents ministères et, au sein des ministères, entre les différentes directions. L'établissement public se présente ainsi comme un moyen de coordination des actions ou de regroupement des tâches à un niveau de responsabilité plus proche des réalités que dans les structures centrales. L'établissement public apparaît aussi comme l'un des moyens d'organiser une administration qui comporte une part importante de prestations ou qui doit se montrer "opérationnelle". Dès lors que l'activité d'un service ne consiste plus seulement à édicter des règles, à prendre des décisions ou à contrôler, mais à agir concrètement, on tend à créer un établissement public. S'il en est ainsi, c'est que l'établissement apparaît comme le moyen d'échapper ou de déroger à certaines règles des services en régie jugées trop rigides, trop contraignantes ou simplement gênantes, que ce soit en fait de fonction publique, de budget, de comptabilité, de passation des marchés, de gestion du domaine, et dans le cas présent de participation directe à un secteur économique donné.

93 Michel Guénaire, Droit administratif, CFP, Paris, 1984, p. 124: Ces établissements obéissent essentiellement à un nouveau régime financier et comptable, celui de la gestion conduite selon les règles et usage du commerce. Leur activité "industrielle et commerciale" est ordinairement régie par le droit civil et le droit commercial. [En matière de comptabilité publique, ils jouissent] de régies particulières: les appels au crédit, les opérations financières [...] sont faits dans la forme du droit privé. Mais, curieux paradoxe, cette gestion, bâtie sur l'accomplissement quotidien d'une activité à but lucratif, poursuit une fin d'intérêt général. C'est particulièrement le cas pour la sécurité alimentaire.

94 Voir supra note 29.

Sur la base de ces principes, à compter de 1982, l'OPAM a conduit ses activités en application d'un contrat-plan passé avec l'Etat malien. L'Office est ainsi devenu une agence d'exécution de la politique de l'Etat.

D'ailleurs, le Plan d'opérations95 conclu en 1982 avec le PAM en soutien au Projet de restructuration du marché céréalier mentionnait en son article 1er que l'objectif du gouvernement, en matière de conduite de sa politique de développement, était de libéraliser le marché céréalier en abolissant le monopole de l'OPAM et en le transformant en organe d'intervention pour la stabilisation des prix, le ravitaillement des zones déficitaires et la gestion du stock de sécurité.

95 Projet PAM n° 2626 du 12 novembre 1982.

Le troisième contrat-plan liant l'OPAM au gouvernement malien conclu pour 94-96 redimensionne la mission de l'OPAM qui se trouve cantonnée et canalisée par rapport à celle qu'il avait à l'époque de sa création; elle ne concerne plus qu'exclusivement la gestion de la sécurité alimentaire96.

96 Voir infra Deuxième partie, chapitre I, 1.1.

Pour ce qui est de la Tanzanie, la reconstruction du secteur coopératif intervenue en 1982 a conduit les pouvoirs publics à redéfinir la structure et les activités de l'organisme bénéficiant jusqu'alors du monopole, la Compagnie nationale de meunerie (NMC)97. Une loi de 198598 modifiant sa nature et lui attribuant de nouvelles fonctions stipule en son article 5 que la NMC a pour rôle essentiel d'analyser l'état alimentaire du pays, d'évaluer pour le gouvernement les besoins d'achat des produits et de conseiller ce dernier sur les actions à mener. S'il lui appartient encore de conduire des activités de fabrication, et de prendre en charge la responsabilité du transfert des produits d'une région à l'autre, ce n'est plus à titre exclusif mais de concert avec les coopératives auprès desquelles elle doit se procurer les denrées requises pour mener à bien ses fonctions.

97 National Milling Corporation, instituée au titre de la National Milling Corporation Act, 1975.

98 National Mining Corporation, Act No. 22 of 1985, an Act to Provide for the Continuance of the NMC with certain Modifications of Functions, management and control of the Corporation.

Il est à noter cependant qu'en dérogation au droit commun, la NMC (i) reste détentrice du monopole de l'exportation et de l'importation des produits agricoles bien qu'elle puisse délivrer des autorisations sous forme de permis (article 11) aux personnes intéressées à ces opérations, et (ii) dispose encore du pouvoir de perquisition et de sanctions sous forme de contraventions (article 11 (2)).

Néanmoins, poursuivant la voie du désengagement direct, les pouvoirs publics ont entrepris la refonte de la loi 1984 qui devrait être amendée dans un sens plus libéral. Le projet de texte étant à l'étude au printemps 1996, ses adoption et promulgation pourraient intervenir avant la fin de cette même année. Il est probable que le projet de nouvelle loi, dont le texte n'était pas disponible en juillet 1996, contienne des dispositions abolissant les derniers éléments du monopole de la NMC.

3.2 Nouvelle dénomination et changement de mission

Si l'abolition, complète ou partielle, des monopoles des organismes chargés du secteur des céréales du Mali et de Tanzanie a été le résultat d'une simple restructuration de ces institutions, ce phénomène s'est parfois accompagné de leur nouvelle dénomination, ceci comme logique conséquence de la redéfinition de leur mission.

En Ethiopie, l'organisme chargé de la commercialisation agricole (AMC)99 fut institué en 1976 dans le but de décourager le commerce privé. Le monopole dont il jouissait ayant été aboli en 1991 en même temps que le contrôle des prix, son objectif devint au contraire de favoriser le commerce privé pour stabiliser les prix; il est donc apparu souhaitable de modifier son nom en Entreprise éthiopienne du commerce des céréales100 (EGTE) pour rendre parfaitement de ce changement radical de mandat.

99 Connu sous l'acronyme AMC correspondant à la traduction en anglais de son nom, Agricultural Marketing Corporation.

100 Connue aussi sous le nom de Ethiopian Grain Trade Enterprise.

Au Bénin, le changement s'est avéré encore plus significatif101: l'Office national des céréales (ONC) avait été institué par décret102 en 1983 dans le but de faciliter les opérations visant à la commercialisation, la distribution, la conservation des céréales, et pour porter conseil aux pouvoirs publics dans la mise en oeuvre de la politique céréalière. Il était placé sous la tutelle du Ministère du développement rural. Le bilan des activités n'ayant guère donné satisfaction, une profonde restructuration fut envisagée dès 1987.

101 Voir supra Première partie, chapitre I, 3.1.1.
102 Décret n° 83-447 du 15 décembre 1983 portant création de l'ONC.

Dans une première phase, en mars 1992, le gouvernement béninois institua par arrêté interministériel103 le Comité national de concertation en matière de sécurité alimentaire; l'article 3 de l'arrêté indique que le Comité est chargé de contrôler la fiabilité et la cohérence des informations délivrées par l'ONC, de proposer d'autres alternatives. Placé sous la présidence du Directeur de cabinet du Ministère du développement rural, ce comité consultatif apparut comme étant la principale autorité en matière de sécurité alimentaire.

103 Voir supra note 34.

En outre, quelques mois après la publication de l'arrêté précité, le gouvernement adopta par décret104 les nouveaux statuts de l'Office qui prenait (article 3) le nom d'Office national d'appui à la sécurité alimentaire (ONASA)105. De par ses statuts, l'ONASA est doté de la personnalité morale et de l'autonomie financière (article 1 (2) des statuts approuvés). Sa mission est d'observer l'évolution de la production vivrière et les perspectives alimentaires résultant des campagnes agricoles, de soutenir le secteur privé dans la commercialisation des produits vivriers, de fournir des informations sur les marchés et les prix, de prêter conseil en matière de conduite de la politique d'aide alimentaire106.

Des préoccupations similaires ont conduit les pouvoirs publics burkinabé, mauritaniens et sénégalais à prendre des décisions plus radicales: les anciens offices nationaux céréaliers ont disparu et ont été créées de nouvelles institutions chargées de sécurité alimentaire.

104 Voir supra note 14.
105 Voir supra Première partie, chapitre I, 3.1.1.
106 Il est à noter que ce nouvel office est dit à caractère social.

3.3 Disparition des offices nationaux céréaliers

Au Burkina Faso, l'Office national céréalier (OFNACER) créé par ordonnance en 1971107 et régi par un décret du même jour fixant ses statuts particuliers108, avait pour mandat de stabiliser les prix. Son monopole a été supprimé en 1983 et il est devenu un EPIC109, conséquence de l'introduction d'une politique de libéralisme concurrentiel. Sa nouvelle mission s'est alors trouvée concentrée sur la gestion du stock de sécurité du pays; néanmoins, en un stade successif vers la libéralisation et le désengagement de l'Etat, l'OFNACER a été dissout au profit de la Société nationale de gestion du stock de sécurité, la SONAGESS110, personne morale de droit privé placée sous simple contrôle économique de l'Etat qui en détient le capital. La SONAGESS semble donc être un organisme chargé d'une mission de service public.

107 Ordonnance 71/003/PRES/MFC du 8 janvier 1971 créant l'Office national céréalier.
108 Décret 71/004/PRES/MFC du 8 janvier 1971.
109 Voir supra note 82.
110 Voir infra Deuxième partie, chapitre II, 1.1.

Créé par décret en 1975, l'Office Mauritanien des Céréales (OMC)111 fut placé sous la tutelle du Ministère du développement rural. Ses fonctions étaient identiques à celles de l'OFNACER burkinabé. Mais l'OMC disparut en 1982; en effet, à cette date fut constitué le Commissariat à la Sécurité Alimentaire (CSA) qui résultait de fait de la fusion entre l'OMC et l'ancien Commissariat à l'Aide Alimentaire (CAA). Placé112 sous tutelle du Premier ministre, ce nouveau commissariat est chargé de toutes les questions se rapportant à l'élaboration de la politique alimentaire. Son rôle se substitue ainsi à celui de l'OMC. Les règles de fonctionnement du CSA ont été détaillées dans un décret ultérieur113. On y constate que cet organe bénéficie d'une position très particulière dans l'appareil de l'Etat; en effet, son premier responsable, le Commissaire, a rang et prérogatives de ministre (article 9 du décret). Ceci met en exergue l'importance que le CSA représente pour les pouvoirs publics attachés à renforcer la sécurité alimentaire.

111 Décret 75-265 du 12 août 1975 portant création de l'Office mauritanien des céréales.
112 Voir supra note 21.
113 Décret 80-92 du 27 juillet 1992 portant organisation et règles de fonctionnement du CSA.

Le CSA sénégalais a pour sa part été établi en 1994114. Constitué de différentes divisions chargées de divers aspects de la sécurité alimentaire (article 3 du décret), il est placé sous la tutelle du Secrétaire général de la Présidence de la République115.

114 Voir supra note 25.

115 Décret 88-504 du 5 août 1988 portant rattachement du CSA au secrétaire général de la Présidence de la République.

Les offices nationaux céréaliers ci-dessus décrits qui jouissaient généralement d'un monopole, ont donc subi de profondes transformations. L'intention des pouvoirs publics était toujours la recherche d'une plus grande efficacité; à cet égard, il faut observer que la dénomination même des nouvelles institutions qui se sont substituées aux offices, fait apparaître un souci majeur: la sécurité alimentaire (Office National d'Appui à la Sécurité Alimentaire, Commissariat à la Sécurité Alimentaire).

4. Coopération hors frontières

Si les pouvoirs publics et le secteur public sont les piliers des politiques de développement, ils sont aussi les principaux acteurs de la lutte contre l'insécurité alimentaire. Néanmoins, si elle devait être isolée, leur action ne saurait atteindre l'objectif fixé; c'est ainsi qu'est apparue nécessaire une coopération internationale étroite.

A titre d'exemple, le modèle américain reflète parfaitement cette préoccupation. En effet, si l'Administration encourage la coopération entre chacun des secteurs concernés par le développement de l'activité agricole nationale, un appel est également lancé à la coopération avec d'autres Etats. A cet égard, la loi sur la sécurité alimentaire de 1985116 reprend certaines des dispositions de la Food for Peace Act de la même année, notamment pour ce qui est de l'appel à l'utilisation plus efficace des ressources américaines par l'adoption de politiques de promotion de la liberté d'entreprise, de la production privée, de la création et de l'expansion des marchés. Il est entendu que ces initiatives doivent permettre l'ouverture aux agriculteurs des marchés privés et garantir l'accès aux technologies nécessaires au développement agricole. A cet égard, la section 1111 de la loi sur la sécurité alimentaire de 1985 énonce encore117 que le Congrès considère qu'il faut aller plus loin dans le recours aux stocks et surplus américains pour soulager les pays et zones frappés par la faim et promouvoir le renforcement à long terme de la sécurité alimentaire et la promotion des économies en développement, le tout dans le cadre et en accord avec la politique nationale d'assistance aux pays défavorisés. Il apparaît donc que non seulement l'importante production agricole américaine doit satisfaire aux besoins des nationaux, mais encore fournir des ressources aux pays à déficit alimentaire.

116 Voir supra note 69.

117 Voir "The Congress finds that additional steps should be taken to use the agricultural abundance produced by American farmers to relieve hunger and promote long-term food security and economic development in developing countries in accordance with the development assistance policy".


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