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AVANT-PROPOS

Cette étude conclut provisoirement une série de trois recherches réalisées pour le compte de la FAO dans le cadre d'une expérience de communication pour le développement rural effectuée au Mexique. Celle-ci a duré vingt ans; vingt années d'efforts continus, entrepris par le Gouvernement mexicain dans un contexte difficile et instable, en vue de favoriser la participation des agriculteurs et d'autres acteurs au processus de développement, par le biais d'activités de communication locales aussi bien que régionales et nationales. Cette initiative a bénéficié, pour une bonne part, de l'assistance de l'unité de la FAO chargée de l'innovation méthodologique et technique en matière de communication rurale.

Cette série d'analyses met en évidence les bénéfices concrets retirés de l'activité de communication elle-même mais permet également de tirer un certain nombre de leçons. La deuxième étude présente la rare caractéristique d'être le fruit de l'étroite collaboration entre un consultant international hautement qualifié et un paysan originaire d'El Olìmpico, un petit village situé au sud de Tamaulipas, au Mexique. Ce cultivateur a en effet participé à la description de l'expérience mais aussi à son analyse détaillée et à la formulation des conclusions générales et des perspectives.

A la fin des années soixante-dix, alors que son économie bénéficiait de fortes entrées en devises grâce à l'exportation de pétrole, le Mexique s'est lancé dans une nouvelle étape de développement rural fort ambitieuse qui concernait plus de dix millions d'hectares de plaines côtières humides et sub-humides, au potentiel agricole moyen/élevé. Ceux-ci constituaient un terrain prometteur pour investir en infrastructures, services publics, développement technologique et formation. Le Gouvernement lança donc le Programme de développement rural intégré pour les marécages tropicaux (PRODERITH) qui prévoyait la participation effective des paysans au processus de développement. C'est dans cette optique que fut mis sur pied, dès 1979, le Système de communication rurale de PRODERITH; celui-ci constitue, aux dires des auteurs de la présente étude, l'une des tentatives de ce genre les plus vastes et les plus durables jamais réalisées.

Différents acteurs, impliqués dans le processus de développement, devaient participer à sa formulation, à sa mise en oeuvre et à son évaluation. C'est ainsi que se rencontrèrent - dans des circontances parfois difficiles - représentants du gouvernement, cultivateurs, chercheurs, techniciens, représentants des banques, des entreprises de construction, du commerce et de la transformation, autour de l'objectif concret de participation.

Peut-être faut-il chercher dans cette effective intégration à une politique de développement national l'explication des succès comme des échecs ultérieurs; elle permet en outre de mieux percevoir les différentes étapes qui ont rythmé la croissance du système de communication rurale au Mexique. Ainsi, lorsque vint le temps de transférer la capacité d'élaboration et d'utilisation des outils et des documents réalisés à des organisations paysannes ou aux communautés rurales, cela fut-il possible parce que les unes et les autres recevaient, ou avaient déjà reçu, une formation leur permettant d'élaborer et de gérer des projets concernant l'amélioration de leur production ou de divers services.

Lors de la seconde phase de PRODERITH, le Gouvernement avait commencé à se retirer de la scène, assumant un rôle de simple soutien aux initiatives prises par les organisations de petits et moyens agriculteurs, au fur et à mesure que celles-ci progressaient, passant de la simple formulation de leurs besoins au meilleur contrôle de leurs rapports avec leur milieu physique, social et économique. En effet, les organisations et les communautés rurales n'étaient en mesure d'assumer elles-mêmes les activités de communication que lorsqu'elles avaient déjà atteint un certain niveau d'autogestion dans d'autres secteurs de la vie socio-économique.

L'expérience du système de communication rurale de PRODERITH montre qu'il est tout à fait possible d'intégrer des activités de communication au sein d'une politique nationale de développement mettant déjà en oeuvre des outils et des approches différenciés selon les caractéristiques spécifiques des différents groupes de producteurs ruraux impliqués.

Au fil du succès, les activités de communication débordèrent du cadre des basses-terres tropicales pour se mesurer à l'un des défis majeurs du développement agricole au Mexique. Dès 1989, en effet, le Gouvernement décida de transférer la gestion et l'entretien des services d'irrigation de grande et de moyenne ampleur aux organisations de producteurs qui les utilisaient. En 1994, cinq ans après, le transfert de ces responsabilités aux organisations paysannes avait été réalisé sur près de deux millions d'hectares.

Dans les zones d'irrigation, les procédés techniques et le type d'entreprises sont très différents de ceux des régions tropicales où de petits paysans pauvres pratiquent une agriculture extensive. Cependant, les infrastructures tout comme le type d'expertise mis en place pour la communication rurale étaient susceptibles d'être amplifiés, améliorés et reproduits dans ce nouveau contexte. Les activités de communication, la diffusion des procédés et des expériences, de même que la promotion d'un dialogue effectif entre les différents acteurs du développement furent ainsi appliqués avec succès.

C'est entre 1989 et 1994 que le Système de communication rurale atteignit son apogée, intensifiant ses activités pour couvrir le plus de régions possibles, dans des conditions très diverses. Cela s'opéra dans un contexte social et politique rendu chaque jour plus difficile par les tensions liées à la modernisation du secteur agricole. C'était le début d'une longue période de transition, marquée par la transformation de l'économie, la dérégulation, la diminution du rôle de l'Etat et l'ouverture des marchés mais également par les modifications apportées au régime foncier comme à l'ensemble du cadre juridique régissant la vie rurale. Tous ces bouleversements comportèrent des coûts sociaux élevés et le Système de communication rurale dut faire face à de nouvelles exigences. On avait besoin de toujours plus d'information, toujours plus vite: un vaste débat venait de s'ouvrir, au sujet des toute récentes transformations et de leur signification. La capacité du Système à produire une communication socialement utile fut mise à l'épreuve. Les unités locales et les centres régionaux qui avaient été transférés aux organisations ou aux communautés paysannes assumèrent une importance qu'ils n'avaient jamais eue auparavant. Mis à part quelques exceptions très localisées, le système a bien relevé le défi, de l'Est du Yucatan au détroit de Riego de Mexicali.

Aujourd'hui, en 1996, le Gouvernement concentre ses efforts en vue de surmonter les conséquences de la crise, de redonner au pays sa capacité de croissance et d'apporter une solution aux problèmes posés par la pauvreté dans les zones rurales, qu'elle soit ancienne ou récente.

La crise a affecté la capacité du secteur public, tout comme celle des agriculteurs, à assurer les activités du Sytème de communication rurale. Exigences nouvelles et changements en cours ont favorisé l'émergence de nouvelles possibilités d'opérer dans le secteur de la communication rurale, en particulier en ce qui concerne la plus grande part d'initiative accordée aux organisations de producteurs, aux communautés et aux entreprises non-gouvernementales, qui accroissent leur offre de services en direction des producteurs. Divers spécialistes et techniciens formés dans le cadre du Système de comunication rurale continuent à opérer, soit dans le secteur public, soit au sein d'organisations non-gouvernementales de taille réduite. En particulier, une ONG de dimension nationale, bien préparée, bien équipée, a commencé à rassembler expériences et savoir-faire tirés du Système de communication rurale, afin d'améliorer ses services d'assistance technique et de promotion du développement socio-économique.

En dépit des multiples difficultés que le Système de communication rurale a dû affronter, on peut affirmer que les activités de communication pour le développement sont toujours bien vivantes. Elles font désormais partie de la vie quotidienne de centaines de communautés rurales, d'organisations paysannes et de producteurs, sous les Tropiques comme dans les terres irriguées.

En 1988, Colin Mackenzie s'est rendu pour le compte de la FAO dans les régions couvertes par le système de communication rurale de PRODERITH. Il a pu participer à cette occasion à des rencontres avec des paysannes mayas à Tizimin, à des sessions d'information à Morelos mais aussi aux travaux de l'Unité de communication du Chiapas. A la fin de sa mission, il a résumé ainsi ce qui lui a paru le "secret" essentiel de la méthodologie mexicaine: "Le défi majeur qui se pose à un système de communication rurale efficace n'est pas, comme on le croît généralement, de remplir l'espace social avec des mots; mais d'établir, au départ, le silence. Les acteurs en présence peuvent alors se reconnaître les mêmes droits, les mêmes possibilités de favoriser l'émergence des connaissances nouvelles nécessaires à l'amélioration de leurs conditions de vie et de travail." Malgré son caractère un tant soit peu énigmatique, cette réflexion correspond bien à la situation qui fait l'objet de cette étude. Faire de la communication de terrain implique de créer ou de recréer les conditions permettant aux intéressés d'obtenir, par eux mêmes et selon leurs propres termes, les connaissances nécessaires à opérer tous les changements utiles sans renier leur identité.

PRÉFACE ET REMERCIEMENTS

Ce document présente la troisième étude de cas effectuée sous les auspices de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), à propos de la communication pour le développement rural au Mexique. La première, intitulée "A Rural Communication System for Development in Mexico's Tropical Lowlands", date de 1987. La deuxième, "Towards Putting Farmers in Control", a été publiée en 1990.

La présente étude suit une perspective historique. En effet, si elle décrit et analyse l'évolution du Système depuis 1990, elle reprend également les principaux concepts ou activités de communication évoqués par les deux premières études, offrant ainsi un panorama complet sur une période de 17 ans.

La première partie de ce document décrit les 17 années d'activités de communication réalisées dans les marécages tropicaux du Mexique; un travail qui visait à aider les petits producteurs à prendre en main leur propre développement, grâce à l'extension de leurs connaissances et des compétences nécessaires à améliorer leurs conditions de vie. On utilisa principalement la vidéo, le matériel imprimé, et les haut-parleurs. Le Système reposait sur les Unités de communication, locales et régionales, qui favorisèrent la participation des paysans.

En outre, cette première partie montre comment, à partir de 1990, le Système de communication rurale fut utilisé pour appuyer le Gouvernement dans une tâche immense: transférer à leurs bénéficiaires la gestion de systèmes d'irrigation couvrant plus de 3 millions d'hectares.

La deuxième partie de ce document présente une autre initiative de communication rurale, consistant à mettre à la disposition des agriculteurs différents types d'informations, dont celles concernant les marchés, grâce à un système informatisé. Ce programme s'adressait en général à des producteurs agricoles opérant sur une plus vaste échelle que les paysans des basses-terres tropicales. Si les besoins en information - comme la technologie utilisée - étaient différents, la philosophie mise en oeuvre par le Système de communication rurale était la même: fournir des informations aux agriculteurs pour leur permettre de prendre eux-mêmes leurs décisions.

La première étude a été réalisée par Colin Fraser, Directeur de la communication sociale, de la vulgarisation et de la formation auprès de la société britannique Agrisystems (Overseas)Ltd. C'est lui également qui rédigea l'étude de 1990, en étroite collaboration avec un agriculteur mexicain, José Nieves Martinez, originaire des basses-terres tropicales.

Pour cette troisième étude, Colin Fraser a été assisté par Sonia Restrepo-Estrada, elle aussi d'Agrisystems et spécialiste de la communication au service du développement. Un regard neuf était en effet susceptible d'apporter de nouvelles perspectives d'analyse.

Les auteurs désirent remercier ici les nombreuses personnes qui les ont aidés dans ce travail, en leur offrant leur temps et nombre d'informations. Ils sont également reconnaissants à tous ceux qui leur ont apporté leur soutien pendant de longues périodes, et à ce propos désirent mentionner tout particulièrement: Marta Abundis, Aìda Albert, Dionisio Amado Bobadilla, Manuel Calvelo, Emilio Cantón, Omar Fonseca, Santiago Funes, Jorge Martinez, Luis Masìas, José Luis Meléndez, Roberto Menéndez, Juan Carlos Miller, Angeles Navarro, Lorena Navarro, Sergio Sanjines et Angélica Santos.

Certains d'entre eux ont accompagné les auteurs durant leurs séjours au Mexique et supporté patiemment de longues heures d'entrevues et de discussions; nous les en remercions.

Les auteurs désirent enfin exprimer toute leur reconnaissance aux nombreux paysans qui ont accepté de participer à nombre de débats: sans leur apport, cette étude serait privée de toute valeur.

On trouvera à l'Annexe 1 la liste des documents consultés.

ABRÉVIATIONS

AGROSTAT Base de données statistiques agricoles de la FAO (aujourd'hui: FAOSTAT)
ALENA Accord de libre-échange nord-américain
ASERCA Apoyos y Servicios a la Comercialización Agropecuaria (Services de soutien à la commercialisation
CADRI Centro de Apoyo al Desarrollo Rural Integrado (Centre de soutien au développement rural intégré)
CNA Comisión Nacional del Agua (Commission nationale de l'eau)
FAO Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture
FLACSO Facultad Latinoamericana de Ciencias Sociales (Faculté latino-américaine de Sciences sociales)
IMTA Instituto Mexicano de Tecnologìa del Agua (Institut mexicain de technologie de l'eau)
PIB Produit intérieur brut
PLD Plan local de développement
PROCAMPO Programme spécial destiné à aider les agriculteurs à s'adapter à l'ALENA
PROCEDE

Programa de Certificación de Derechos Ejidales y Titulación de Solares Urbanos (Programme de certification
PRODERITH

Programa de Desarrollo Rural Integrado del Trópico Humedo (Programme de développement rural intégrée)
SAGDR Secretarìa de Agricultura, Ganaderìa y Desarrollo Rural (Secrétariat à l'agriculture, à
SARH Secretarìa de Agricultura y Recursos Hidràulicos (Secrétariat à l'agriculture et aux ressourc
SNIM Servicio Nacional de Información de Mercados (Service national d'information sur les marchés)
UCRT Unité de communication régionale de Tamuìn
UCT Unité de coopération technique
UITC Unité d'information technique et de communication
ULC Unité locale de communication
UTF Unilateral trust fund (Fonds fiduciaire unilatéral)

RÉSUMÉ

En matière de développement agricole, le Mexique a longtemps accordé la priorité à l'effort d'irrigation dans les zones arides. Pourtant, vers le milieu des années 60, les coûts accrus de l'irrigation et la nécessité d'augmenter encore la production alimentaire nationale ont reporté l'attention sur les basses-terres tropicales, le long des côtes.

L'une des initiatives de développement les plus remarquables, le Plan La Chontalpa, a vu le jour dans l'Etat de Tabasco, au cours des années 60. Il a permis de réaliser des installations de drainage et diverses autres infrastructures sur une superficie étendue et a fourni aux agriculteurs crédit, assistance technique et autres intrants; mais ce fut un échec sur le plan humain. En effet, les paysans ne s'identifièrent jamais à ce projet et ne firent rien pour entretenir correctement les infrastructures. On attribua cette indifférence au "manque de mécanismes effectifs de participation des bénéficiaires".

En dépit de cette expérience négative, le Gouvernement ne pouvait se permettre de laisser les marécages tropicaux en marge du développement socio-économique national; celles-ci représentent en effet 23% du territoire mexicain. L'entreprise était de taille: bien peu de routes traversaient ces vastes zônes de forêts et de brousse; la violence et l'importance des pluies provoquaient des inondations, tassaient ou érodaient la terre; la dégradation de l'environnement allait croissant car la surface agricole était limitée, face aux terres de pâture; les populations étaient culturellement, ethniquement, linguistiquement différentes, et présentaient un taux d'analphabétisme élevé. Enfin, l'extrême pauvreté, la malnutrition, et la maladie persistaient à l'état endémique.

Soucieux d'éviter un autre "Chontalpa", le Gouvernement décida que le développement des basses-terres tropicales devrait être désormais planifié et mis en oeuvre avec la participation effective des populations locales. Cette décision impliquait des activités de communication à tous les stades du processus, afin d'aider les communautés rurales à identifier leurs problèmes physiques, techniques et socio-économiques, mais aussi afin de s'assurer que les propositions destinées à pallier ces difficultés seraient appropriées et surtout acceptées par les populations concernées.

On entreprit donc un travail préalable auprès des cultivateurs. En 1977, un équipement vidéo emprunté à une autre equipe opérant dans le secteur, permit d'enregistrer et de projeter des documents filmés pour permettre aux paysans de mieux analyser leur situation mais aussi pour aider les chercheurs à mieux comprendre comment les cultivateurs voyaient leur propre réalité. L'usage de la vidéo s'est révelé un facteur très stimulant pour le processus de communication et sembla ouvrir la voie vers le but recherché: les paysans seraient enfin les maîtres de leur propre développement. Ce fut la première étape de la mise en place d'un Système de communication rurale parmi les plus efficaces que l'on ait jamais expérimentés.

A la suite de ce travail de recherche et de programmation, réalisé pour l'essentiel sur le terrain, on lança en 1978 le "Programa de Desarrollo Rural Integrado del Trópico Humedo" (PRODERITH). Ce programme comportait deux phases, la première allait de 1978 à 1984, la seconde de 1986 à 1995. L'ensemble du programme bénéficiait de l'appui de la Banque Mondiale, et de l'assistance des experts de la FAO en communication au service du développement.

PRODERITH I s'était fixé différents objectifs: augmenter la production et la productivité agricoles des basses-terres tropicales, améliorer les conditions de vie des familles rurales et protéger les ressources naturelles. Le projet couvrait trois zones, regroupant 3 500 familles sur 54 000 hectares. Il visait à quadrupler les revenus des familles, sur la base du niveau de vie de 1977. PRODERITH I couvrait également des zones d'extension, où il visait à un accroissement de 50% des revenus des cultivateurs.

PRODERITH devait en outre favoriser la participation de tous les acteurs concernés: agriculteurs, personnel du projet, personnel des diverses institutions impliquées. De plus, en accord avec l'approche de développement intégral qui était la sienne, il devait parvenir à une véritable coordination entre les diverses institutions concernées.

PRODERITH I se mit donc à l'ouvrage: construction de routes et de systèmes de drainage, protection des sols, recherche, assistance technique, crédit aux agriculteurs, organisation et participation sociale des paysans.

Dès son origine, le projet avait prévu le financement du Système de communication rurale et formulé ses lignes directrices. On travailla essentiellement avec du matériel vidéo et imprimé, afin de répondre aux différents besoins en communication identifiés par le programme: a) analyse de situation et planification participative des paysans; b) éducation et formation pour tous, paysans et personnel de PRODERITH c) information pour une coordination institutionnelle et une gestion efficaces.

La méthodologie de PRODERITH reposait essentiellement sur les Unités de terrain, de petites équipes pluridisciplinaires qui travaillaient au contact des communautés. Grâce à l'appui du Système de communication, ces Unités furent en mesure d'utiliser du matériel vidéo pour l'enregistrement et la reproduction; celui-ci allait permettre de lancer le débat au sein des communautés, sur des thèmes les touchant directement: leur passé, leur présent et leurs projets d'avenir. Il s'agissait de favoriser une perception collective de la situation locale et des diverses solutions visant à l'améliorer avec l'appui de PRODERITH. Cette étape de discussions, servie par la vidéo, déboucha sur l'élaboration des Plans locaux de développement.

La mise en oeuvre d'un Plan local de développement supposait obligatoirement un travail d'orientation et de formation. De 1978 à 1984, le Système de communication rurale a produit plus de 400 documents vidéo, en majorité destinés à la formation, et du matériel de soutien imprimé pour les participants comme pour les techniciens. Les sujets, très divers, étaient tous en rapport direct avec le développement agricole et rural.

Les documents vidéo ont également servi à informer les institutions de l'évolution du projet, afin de contribuer à améliorer la gestion et la coordination institutionnelle.

Le Système de communication rurale était dirigé depuis une Unité centrale, mais une bonne partie de son personnel résidait dans les zones du projet elles-mêmes. Les équipements d'enregistrement et de projection vidéo étaient disponibles sur le terrain; par contre, tout le travail de montage des documents se faisait à l'Unité centrale.

Les premières années, on utilisa du matériel U-Matic 3/4 de pouce pour enregistrer, et Betamax 1/2 pouce pour la projection. Plus tard on préféra la Vidéo 8 pour l'enregistrement comme pour la projection.

Au début des années 1980, toutes les activités de développement entreprises par le Gouvernement, PRODERITH inclus, furent gravement affectées par une série de crises économiques et de plans de réajustement structurel. PRODERITH perdit de 60 à 70% de son personnel de terrain qualifié, dans la période de transition séparant la première phase du projet de la deuxième. Ainsi, à ses débuts en 1986, PRODERITH II possédait-il une capacité d'assistance technique fortement réduite, alors justement que son aire d'action devait s'étendre considérablement pour répondre aux objectifs du programme.

A la fin de la seconde phase, PRODERITH II couvrait 1,4 millions d'hectares, sur neuf zones regroupant 500 communautés soit plus de 650 000 personnes. L'application du modèle élaboré par PRODERITH I sur une telle étendue se révéla problématique, et le Système de communication rurale fut contraint de mettre au point de nouvelles stratégies. Pour commencer il apparaissait nécessaire de décentraliser le Système et, en accord avec les nouvelles lignes politiques gouvernementales, de favoriser sa prise en charge par les organisations paysannes. Les communautés auraient, quant à elles, besoin d'aide pour développer leur capacité de communication, et le Système devrait soutenir et renforcer les organisations et les associations d'agriculteurs.

PRODERITH II mit sur pied cinq Unités régionales de communication dans différentes parties du pays. Chacune d'entre elles pouvait réaliser des actions de communication de façon autonome, de la planification à la production et à l'utilisation de matériel. Malheureusement, la situation du secteur agricole était tellement précaire que les associations paysannes ne furent jamais en mesure de prendre en main les Unités de communication.

Les populations locales bénéficièrent de cours de formation; en outre, des comités de communication se formèrent au sein des communautés, ainsi que, parfois, des Unités locales de communication. Celles-ci disposaient d'un système de haut-parleurs permettant d'atteindre l'ensemble des membres de la communauté et d'un espace couvert pour les réunions, où il était possible de présenter des films vidéo et de discuter. Ces espaces devinrent souvent des lieux de mobilisation sociale, qui permirent de concrétiser diverses actions de développement dans les communautés, en particulier sur des thèmes comme les aqueducs, les activités des femmes ou la santé. Ainsi par exemple, alors qu'on était en pleine épidémie, le choléra épargna-t-il les communautés où opérait une Unité locale de communication, alors que l'on compta de nombreux cas de maladie dans les zones voisines. On constata de même une diminution significative de la mortalité infantile due à la diarrhée.

Sa capacité d'assistance technique ayant été considérablement réduite avec PRODERITH II, le Système de comunication rurale reporta une bonne part de son énergie sur les secteurs de la santé et du développement des communautés.

Dans son ensemble, le programme produisit plus de 700 vidéos qui permirent de former et d'informer plus de 800 000 personnes.

Le coût du Système de communication rurale est évalué à moins de 2% du coût global de PRODERITH.

Le Système de communication fut également très efficace lors du transfert des 78 districts irrigués à leurs usagers. Cette opération de grande ampleur impliquait de soutenir plus de 250 000 agriculteurs, sur plus de 3 millions d'hectares irrigués; les cultivateurs devaient en effet prendre conscience des enjeux, mettre sur pied leurs propres organisations et développer les compétences leur permettant de prendre en main eux-mêmes les systèmes d'irrigation. De plus, il fallait les aider, tout comme les fonctionnaires gouvernementaux, à acquérir les connaissances et la qualification techniques requises. L'opération fut considérée comme "le plus important processus de dialogue jamais entrepris" au Mexique.

Pourtant, malgré l'importance et l'efficacité reconnues du Système de communication rurale, son avenir reste incertain. De récents changements institutionnels l'ont en effet rattaché à un ministère bien éloigné de tout ce qui touche au développement agricole et rural. En outre, il reste à savoir si l'approche démocratique et participative appliquée avec succès par PRODERITH a été suffisamment comprise par les institutions pour que celles-ci l'intègrent de façon durable aux futures politiques de développement rural.

L'initiative de communication décrite dans la deuxième partie de cette étude répondait aux immenses difficultés affrontées par les agriculteurs de l'Etat de Sonora, au nord du Mexique. L'application de l'Accord de libre échange nord-américain cumulé avec divers autres bouleversements économiques a mis les cultivateurs des terres irriguées de Sonora en compétence directe avec les producteurs des Etats-Unis et du Canada. Ceux ci cultivent en effet des produits similaires, mais à des coûts inférieurs, ne serait-ce que parce que leurs terres n'ont pas besoin d'irrigation pour produire.

Une étude sur l'agriculture de Sonora, réalisée en 1993 pour la FAO, a montré que la principale solution aux problèmes posés serait d'améliorer la productivité et la commercialisation. Par exemple, les agriculteurs et leurs associations manquaient d'informations sur les marchés et sur les prix; aussi, au moment d'exporter, étaient-ils à la merci des intermédiaires.

C'est pourquoi, vers la fin de 1993, le Système de communication rurale a mis en place une Unité d'information technique et de communication dans la ville d'Hermosillo, la capitale de l'Etat de Sonora. Cette unité fut en mesure de fournir des informations en provenance de diverses sources et banques de données, en matière de prévisions météorologiques, information technique, possibilités de marchés, prix et avenir des produits.

L'information était diffusée par le biais de trois bulletins hebdomadaires, faxés aux associations d'agriculteurs et également à quelques cultivateurs indépendants. Pour certains d'entre eux, ce bulletin devint en très peu de temps un élément essentiel de leur planification; dans tous les cas, il les aidait à obtenir des marchés plus intéressants et à vendre leurs produits à meilleur prix.

Cependant, tous les agriculteurs de la zone ne se sont pas rendu compte immédiatement de l'importance potentielle de l'information. Il faut donc renforcer les activités promotionnelles afin de mieux faire connaître l'Unité d'information technique. De plus, celle-ci a souffert de difficultés d'ordre institutionnel. Malgré tout, l'expérience de Sonora a clairement montré que ce type d'informations peut représenter une aide importante pour les agriculteurs commerciaux; elle est aujourd'hui reproduite dans d'autres parties du Mexique, mais aussi au Chili, avec l'appui de la FAO. Ces nouveaux programmes prévoient que les agriculteurs et leurs associations reçoivent directement l'information qui leur est nécessaire, non plus au moyen d'un bulletin faxé, mais grâce à un équipement informatique.

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