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Réalisation du droit à la nourriture dans la législation nationale

Bureau juridique de la FAO

 

Les États parties au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels sont tenus d�adopter, entre autres, les mesures voulues pour réaliser le droit à un niveau de vie suffisant, y compris le droit à une nourriture adéquate. Plusieurs pays ont déjà introduit des dispositions concernant le droit à la nourriture dans leurs constitutions nationales mais on constate que de par la planète, l�expérience nécessaire pour élaborer et appliquer la législation nationale en vue de les mettre en œuvre fait encore défaut. À l�évidence, les raisons qui expliquent la faim ou la difficulté d�avoir accès à la nourriture variant grandement d�un pays à l�autre, des solutions différentes s�imposent dans chacun d�eux.

Néanmoins, il semble que le recours à des instruments juridiques facilite la mise en œuvre du droit à la nourriture dans tous les pays.

Après avoir mangé, des enfants sont pesés et mesurés au Burkina Faso
C'est aux autorités nationales de chaque pays qu'il appartient au premier chef de garantir le droit à la nourriture.

Responsabilité nationale

L�Article 11 du Pacte reconnaît le droit de toute personne à un niveau de vie suffisant pour elle-même et sa famille. Le droit à un niveau de vie suffisant recouvre le droit à une nourriture, un vêtement et un logement suffisants, ainsi qu�à une amélioration constante des conditions d�existence. Les États parties au Pacte s�engagent à prendre les mesures appropriées pour assurer la réalisation de ce droit. Ainsi, aux termes de l�Article 2, chaque État partie s�engage à agir «au maximum de ses ressources disponibles, en vue d�assurer progressivement le plein exercice des droits reconnus dans le présent Pacte par tous les moyens appropriés, y compris en particulier l�adoption de mesures législatives» (non mis en relief dans le texte).

Les dirigeants de la planète ont de nouveau manifesté cette volonté en 1996 avec l�Engagement 7.4 du Plan d�action du Sommet mondial de l�alimentation, dans lequel les gouvernements annonçaient qu�ils feraient tout pour appliquer les dispositions de l�article 11 du Pacte. Dans le Plan d�action, les gouvernements ont proclamé leur volonté politique et leur engagement commun et national de parvenir à la sécurité alimentaire pour tous11 et de déployer un effort constant afin d�éradiquer la faim dans tous les pays et, dans l�immédiat, de réduire de moitié le nombre des personnes sous-alimentées d�ici à 2015 au plus tard12. C�est aux autorités nationales de chaque État qu�il incombe en premier lieu de veiller à ce que le droit à la nourriture soit pleinement réalisé. Ce principe vaut tant pour les obligations définies dans les pactes internationaux relatifs aux droits de l�homme que pour les engagements pris au titre du Plan d�action du Sommet mondial de l�alimentation.

Pour reconnaître cette responsabilité fondamentale, certains pays ont inscrit le droit à une nourriture adéquate, ou à tout le moins la responsabilité de l�État à cet égard, dans leurs constitutions nationales 13. Toutefois, à ce jour, aucun pays n�a adopté de législation nationale conçue expressément pour reconnaître le droit en question. De plus, rares ont été les travaux entrepris pour déterminer la manière de mettre en œuvre ces engagements dans la législation nationale. Certains éléments de la méthode applicable sont cependant définis ci-après.

Niveau auquel se situent les obligations nationales

Pour les spécialistes, les obligations de l�État en matière de droits de l�homme se situent à trois niveaux: les États doivent respecter, protéger et mettre en œuvre les droits de leurs ressortissants. Les obligations des États peuvent par ailleurs être réparties en obligations de résultat et en obligations de comportement, les mesures législatives portant sur ces dernières. Cette première analyse donne déjà une idée des types de mesures qu�un État peut prendre à travers sa législation nationale.

Les obligations de respecter tendent davantage à limiter l�exercice du pouvoir de l�État qu�à définir des mesures positives. En règle générale, l�État ne doit pas s�immiscer dans la vie de ses sujets ou remettre en cause leur capacité à subvenir à leurs besoins. Chaque fois qu�une étude révèle l�existence d�une législation nationale aboutissant à ce résultat, de façon directe ou indirecte, des mesures immédiates seront préconisées pour rectifier la situation.

Les obligations de protéger supposent un contrôle du comportement des protagonistes autres que l�État, c�est-à-dire la mise en place d�un cadre réglementaire habilitant, à savoir une législation et des sanctions, par exemple dans les domaines de l�innocuité des produits alimentaires et de la nutrition, de la protection de l�environnement et des modes de faire-valoir.

Les obligations de mettre en œuvre supposent, de la part de l�État, l�adoption de mesures positives pour recenser les groupes vulnérables et pour assurer la conception, l�application et le suivi de politiques propres à leur faciliter l�accès à des biens de production alimentaire ou à un revenu. En dernier ressort, une assistance directe peut se révéler nécessaire pour qu�ils soient, au moins en partie, libérés de la faim.

Pour pouvoir décider des mesures législatives nécessaires à la réalisation du droit à la nourriture, les États auraient intérêt à s�interroger sur la façon dont ils satisfont à leurs obligations de respecter, protéger et mettre en œuvre, non seulement dans les domaines fondamentaux de la production, de la transformation, de la distribution et de la consommation de nourriture mais aussi dans les systèmes qui les sous-tendent, comme celui des régimes fonciers.

Ce faisant, les États devraient aussi se demander jusqu�à quel point le gouvernement national lui-même doit intervenir en fonction des principes de la responsabilité individuelle, de la subsidiarité et de la complémentarité, en se souvenant que l�État a pour obligation de garantir le droit à une nourriture adéquate et pas nécessairement de prendre lui-même toutes les mesures qui s�imposent.

Il n�appartient pas à un État de contrecarrer les efforts déployés par les particuliers pour subvenir à leurs besoins. Son rôle est d�assurer l�environnement habilitant nécessaire. Néanmoins, il existera toujours dans un État donné des personnes qui auront besoin d�une assistance directe et, à cet égard, il convient de vérifier l�efficacité des mécanismes de protection sociale et de la législation sociale, en tenant compte du rôle des autorités locales.

Portée de l�examen des dispositions législatives

Les dispositions d�ordre constitutionnel reconnaissant le droit à un niveau de vie suffisant, y compris le droit à la nourriture, sont en principe concises et circonscrites, mais les mesures qui peuvent s�imposer pour donner effet à ce droit auront nécessairement une grande portée et s�appliqueront dans de très nombreux domaines. Elles devront donc présenter une dimension pratique. Le Plan d�action du Sommet mondial de l�alimentation propose à cet effet un schéma directeur ainsi que des objectifs aux gouvernements, à la société civile et à la communauté internationale. Les mesures législatives et institutionnelles sont une composante essentielle du cadre d�habilitation à l�intérieur duquel doivent s�inscrire les droits.

L�examen de la législation et des institutions nationales doit être d�une portée suffisante pour couvrir tous les domaines, mais assez circonscrit pour présenter une dimension concrète et pratique. Une étude convenablement ciblée suppose au départ une bonne perception du problème et une certaine idée des personnes qui n�ont pas droit à une nourriture suffisante et de leur implantation géographique ainsi que des raisons pour lesquelles elles se trouvent dans cette situation 14.

Il s�agit ensuite de définir les domaines spécifiques dans lesquels des mesures législatives correctives sont nécessaires. Ces domaines peuvent notamment être les suivants: régimes fonciers, accès à l�eau, crédit, marchés ruraux, production vivrière et qualité des aliments, ainsi que structures institutionnelles et législatives à l�intérieur desquelles doit être réalisé le droit à une nourriture adéquate.

La question de savoir dans quelle mesure la législation et les institutions existantes permettent déjà l�exercice du droit à la nourriture ne constitue à l�évidence que l�une des questions à considérer lorsqu�on entreprend un examen de celles-ci; les facteurs qui font obstacle au libre exercice du droit à une nourriture adéquate varient d�un pays à l�autre. Quoi qu�il en soit, il conviendra d�examiner l�ensemble de la législation et des institutions pour déterminer en quoi, au-delà de leur capacité à réaliser certains objectifs dans le secteur considéré, elles facilitent l�instauration d�un cadre réglementaire habilitant pour l�exercice du droit à l�alimentation, compte tenu des obligations de l�État à cet égard.

En outre, la législation nationale peut aussi fixer le cadre dans lequel s�inscrivent l�examen et les mesures pratiques en édictant des principes d�ordre général pour l�exercice du droit à une nourriture adéquate; en définissant des objectifs et des calendriers; et en mettant en place le cadre institutionnel nécessaire à la prise de décisions et en suivant les progrès accomplis.

11 Il est indiqué dans l�introduction du Plan d�action du Sommet mondial de l�alimentation que la sécurité alimentaire existe lorsque tous les êtres humains ont, à tout moment, un accès physique et économique à une nourriture suffisante, saine et nutritive leur permettant de satisfaire leurs besoins énergétiques et leurs préférences alimentaires pour mener une vie saine et active.
12 Voir Déclaration de Rome sur la sécurité alimentaire mondiale, paragraphe 2.
13 Les constitutions de l�Afrique du Sud (Art.27), du Congo (Art.34), de l�Équateur (Art.19), du Nicaragua (Art.63), de l�Ouganda (Art.14) et de l�Ukraine (Art.48) reconnaissent explicitement le droit à une nourriture adéquate tel qu�il est défini dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Les constitutions du Bangladesh (Art.15), de l�Éthiopie (Art.90), du Guatemala (Art. 99), de l�Inde (Art. 47), de la République islamique d�Iran (Articles 3 et 43), du Malawi (Art. 13), du Nigéria (Art. 16), du Pakistan (Art. 38), des Seychelles (Préambule) et de Sri Lanka (Art. 27) font figurer ces objectifs au rang des responsabilités de l�État, tandis que celles de l�Afrique du Sud (Art.�28), du Brésil (Art. 227), du Guatemala (Art. 51), du Paraguay (Art. 53) et du Pérou (Art. 6) reconnaissent le droit des enfants à une nourriture et à une nutrition adéquates (voir Le droit à la nourriture dans les constitutions nationales).
14 Il est utile de recourir dans ce domaine au Système d�information et de cartographie sur l�insécurité alimentaire et la vulnérabilité (SICIAV) de la FAO.

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