25. Légumineuses, noix et graines oléagineuses

Table des matières - Précédente - Suivante

Les légumineuses ou graines de légumes à gousses

Les haricots, les pois, les lentilles et autres plantes semblables appartiennent à la famille botanique des légumineuses. Leurs graines sont comestibles. Du point de vue agronomique, ce groupe de plantes présente l'avantage de prendre l'azote de l'air et d'en apporter un peu au sol, alors que les autres plantes, pour la plupart, puisent l'azote dans la terre et ne le restituent pas. Les légumineuses poussent mieux si elles ont de l'eau au début de leur croissance et si elles jouissent ensuite d'une période chaude et sèche pour leur maturation. C'est pourquoi elles sont souvent plantées à la fin de la saison des pluies pour mûrir en début de saison sèche.

En Afrique, on laisse généralement les graines sur la plante jusqu'à la pleine maturité. On les récolte ensuite et on les fait sécher. On peut les cueillir plus tôt et les manger alors qu'elles sont encore vertes, comme on le fait en Europe et en Amérique.

Les graines séchées peuvent être stockées et conservées à peu près de la même manière que les céréales. Quelques variétés sont sujettes aux attaques des charançons, et dépenser un peu d'argent pour acheter des insecticides afin de les protéger est certainement un bon placement. Il convient cependant de ne pas abuser des insecticides, d'en choisir un qui soit relativement sans danger, et de veiller à bien laver les graines avant la cuisson.

Les légumineuses sont très importantes du point de vue nutritionnel car ce sont des aliments végétaux largement disponibles qui contiennent de bonnes quantités de protéines et de vitamines B. Elles complètent généralement très bien les régimes à base de glucides de ceux qui, en Afrique, se nourrissent de céréales, de racines ou de bananes plantains. La qualité de la protéine n'est pas aussi bonne que celle de la plupart des protéines d'origine animale, car elle est relativement pauvre en certains acides aminés essentiels. Cependant, si au cours d'un même repas on consomme des légumineuses et des céréales, elles apporteront des protéines contenant de bonnes quantités de tous les acides aminés, et par conséquent de qualité comparable à celle de la caséine, protéine du lait. Les légumineuses fournissent aussi une certaine quantité de carotène (provitamine A) et d'acide ascorbique lorsqu'elles sont consommées fraîches. De même, les graines de légumineuses qu'on fait germer avant de les consommer ont une bonne teneur en acide ascorbique.

Il importe d'encourager partout la production et la consommation de toute légumineuse déjà cultivée et familière. La population locale l'apprécie et si elle la cultive c'est en général que les conditions agronomiques s'y prêtent Cela parait plus logique que d'essayer d'introduire une nouvelle culture comme celle du soja, à moins qu'il n'y ait à cela un motif vraiment valable.

Il est également important d'essayer d'introduire d'assez bonne heure dans le régime des enfants des haricots (et autres légumineuses) qu'ils digèrent tout aussi aisément que les adultes.

Haricots, niébés, pois d'Angola. De nombreuses variétés de haricots, pois, lentilles, pois chiches, etc., sont cultivées dans différentes parties de l'Afrique. Parmi celles-ci, la culture de deux variétés indigènes est largement répandue. Ce sont les haricots niébés et les pois d'Angola. Ces deux légumineuses tiennent encore une grande place dans l'alimentation africaine, malgré l'introduction de nombreuses espèces exotiques. Elles contiennent de bonnes quantités de protéines de qualité qui complètent bien celles des céréales.

Les niébés sont des plantes annuelles qui ne réussissent qu'en climat chaud. Leur culture est souvent associée à d'autres productions. Il en existe un certain nombre de variétés.

Le pois d'Angola est une plante vivace qui a de profondes racines et qui résiste bien à la sécheresse.

Le pois ailé (Psophocarpas tetragonolobus) est une autre légumineuse importante cultivée en Afrique, où pourtant on n'apprécie pas assez sa valeur nutritive. Il contient environ 35 pour cent de protéines, c'est-à-dire beaucoup plus que les pois et haricots ordinaires et presque autant que les fèves de soja.

Il suffit de voir le grand nombre de graines de légumineuses de toutes formes, tailles et couleurs offertes dans les boutiques et sur les marchés de presque tous les villages pour comprendre que certaines populations africaines ne manquent ni de variété ni de recherche dans la composition de leurs repas. La plupart de ces produits ont une valeur nutritive à peu près analogue. Ils contiennent en général environ 22 pour cent de protéines (contre 1 pour cent pour les racines de manioc et 10 pour cent pour le maïs) et de bonnes quantités de thiamine, de riboflavine et de niacine; ils sont en outre plus riches en fer et en calcium que la plupart des céréales.

Soja. Le soja est originaire d'Asie. Bien qu'il possède de grandes qualités nutritives, il tient fort peu de place dans les régimes alimentaires africains. En fait, une grande partie de sa faible production est exportée. Le soja contient jusqu'à 40 pour cent de protéines, ]8 pour cent de lipides et 20 pour cent de glucides; de plus, la protéine qu'il renferme a une qualité biologique supérieure à celle provenant d'autres plantes. Pourtant le soja n'est pas devenu un aliment populaire, tout d'abord parce que dans le passé ce sont davantage les variétés oléagineuses que les variétés comestibles qui ont été introduites, et ensuite parce que les populations ne connaissent pas les meilleures façons de le préparer. Il est incontestable que pour qui n'en a pas l'expérience, le soja semble compliqué à préparer et à cuire, mais certaines variétés peuvent être mangées après simple cuisson, ou même crues. Il existe pour cela toutes sortes de méthodes qui sont en usage en Extrême-Orient. On peut se demander s'il vaut la peine actuellement d'essayer de répandre en Afrique cet aliment intéressant. Peut-être serait-il plus sage de faire campagne en faveur d'une plus ample utilisation des légumineuses qui s'y trouvent déjà et font partie de l'alimentation de la plupart des tribus. Dans ce cas, les cultures existantes de soja devraient servir à fabriquer sur place un produit utilisable dans le pays, soit pour enrichir les farines de céréales, soit comme aliment du premier âge, soit pour l'alimentation des collectivités et l'alimentation scolaire. Ainsi est-il actuellement lancé avec succès au Zaïre à la fois comme biscuit en alimentation scolaire et comme bouillie au moment du sevrage. On pourrait exporter l'huile et utiliser sur place le tourteau riche en protéines. On ne devrait pas exporter de grosses quantités d'un aliment riche en protéines depuis un continent où celles-ci font défaut.

Arachides (cacahuètes, pistaches de terre). L'appellation « noix » est erronée car, bien que l'arachide (karanga, Arachis hypogaea) soit considérée en botanique comme une noix, elle appartient véritablement à la famille des légumineuses. Elle est originaire du Brésil mais sa culture est maintenant très répandue en Afrique (figure 48). C'est une plante d'un type peu commun car le pédoncule floral, qui porte les ovaires, s'enfonce dans le sol où se développe une noix renfermant la ou les graines.

Les arachides contiennent beaucoup plus de lipides que les autres légumineuses, souvent 45 pour cent - et aussi beaucoup plus de niacine (18 mg/100 g) et de thiamine, mais relativement peu de glucides (12 pour cent). Leur teneur en protéines est un peu plus élevée que celle de la plupart des autres légumineuses (27 pour cent).

La culture des arachides est assez répandue en Afrique. Les agriculteurs devraient en produire davantage encore, pour la consommation familiale plutôt que pour la vente, puisqu'elles constituent un complément très utile à une alimentation qui, dans une grande partie de l'Afrique tropicale, est surtout riche en glucides. Elles apportent les lipides qui contiennent beaucoup d'énergie, favorisent la bonne absorption du carotène et contribuent également à d'autres fonctions. Lorsque le régime est surtout constitué de maïs, la consommation d'une assez petite quantité d'arachides peut suffire à prévenir la pellagre, grâce à leur haute teneur en niacine et en protéines (y compris le tryptophane). Ajoutées à l'alimentation des enfants, leur richesse en protéines et en énergie peut empêcher la malnutrition protéino-énergétique. En fait, une simple poignée d'arachides ajoutée chaque jour à la ration de tous, dès l'âge de six mois, résoudrait en grande partie le problème des carences nutritionnelles en Afrique.

Toutefois, les arachides sont trop souvent exploitées surtout comme culture de rapport, même dans les régions d'Afrique qui connaissent un tel problème. Elles sont alors en général destinées aux huileries et, une fois l'huile extraite, le tourteau sert à nourrir les animaux; de plus en plus cependant, on cherche à le rendre utilisable comme denrée d'alimentation humaine riche en protéines.

Si elles sont endommagées pendant la récolte ou entreposées dans un lieu humide, les arachides peuvent être attaquées par un champignon, Aspergillus flavus. Cette moisissure sécrète une dangereuse toxine connue sous le nom d'aflatoxine, dont on sait qu'elle endommage le foie des animaux et tue les volailles nourries avec des arachides atteintes. Cette substance est sans doute toxique pour l'homme également, et on la soupçonne de provoquer le cancer du foie.

Pois bambara. Le pois bambara (Voundzeira subterranea) est d'origine africaine et sa culture est assez répandue. Il ressemble à l'arachide en ceci que le pédoncule floral s'enfonce dans la terre où l'on trouve la graine dans une gousse ronde. Il peut vivre dans un sol modérément sablonneux. Cependant, il ne possède pas la même valeur nutritive que l'arachide, car il ne contient que 6 pour cent de lipides et 60 pour cent de glucides. Sa teneur en protéines (18 pour cent) est un peu plus faible que celle de la plupart des autres légumineuses, mais son contenu en sels minéraux et en vitamines est identique à celui du haricot. Sa faible teneur en lipides présente un avantage: il n'est pas recherché pour la production d'huile, de sorte qu'il est davantage consommé localement au lieu d'être vendu pour de l'argent. Etant donné sa richesse en protéines et en autres nutriments, c'est un aliment de valeur pour les enfants et les adultes. Le pois bambara est l'une des légumineuses les plus prometteuses d'Afrique.

Noix

Noix de coco. C'est la « noix » la plus importante en Afrique. Son origine est incertaine. La noix, légère et imperméable à l'eau, a sans doute dérivé sur bien des mers pour venir germer sur un nouveau rivage. Maintenant sa culture est très répandue. C'est le fruit d'un palmier, fort belle plante qui fournit à l'homme, outre cette nourriture, quantité de matières utiles (figure 49). La noix fraîche contient environ un demi-litre de liquide qui constitue une boisson très désaltérante et saine, mais qui n'a aucune valeur nutritive, à part une quantité minime de calcium et de glucides.

La pulpe blanche, cependant, est riche en lipides. On la fait d'ordinaire sécher au soleil et elle prend alors le nom de coprah. L'huile extraite du coprah est utilisée pour la cuisine et pour la saponification. Sous les tropiques et ailleurs, on incorpore souvent le coprah à de nombreux mets. L'huile de coco a l'inconvénient de contenir une assez forte proportion d'acides gras saturés.

Noix de cajou. La noix de cajou pousse sur un arbre de petite taille, originaire des régions sèches d'Amérique. On le cultive dans certaines parties arides de l'Afrique, mais les noix sont surtout exportées. Elles sont riches en lipides (45 pour cent) et contiennent 20 pour cent de protéines et 26 pour cent de glucides. Le pédoncule charnu comestible de la noix renferme de bonnes quantités de vitamine C. C'est un aliment utile, mais trop coûteux pour la plupart des consommateurs.

Les graines oléagineuses

Sésame. Le sésame, ou simsim (graine de benni en Afrique occidentale), est cultivé en plus ou moins grande quantité à la fois dans l'est et dans l'ouest de l'Afrique, où il est utilisé largement pour l'extraction de l'huile. Les graines, de couleur variable, contiennent environ 50 pour cent de lipides et 20 pour cent de protéines. Elles sont riches aussi en calcium et renferment des quantités appréciables de carotène, de fer et de vitamines B. Elles peuvent constituer une intéressante addition au régime alimentaire.

Graines de tournesol. Le tournesol est surtout cultivé pour la vente mais une certaine quantité de graines et d'huile est autoconsommée. L'huile a l'avantage d'être assez riche en acides gras polyinsaturés. Les graines contiennent environ 36 pour cent d'huile (moins que le sésame), 23 pour cent de protéines et un peu de calcium, de fer, de carotène et de vitamines B.

Huile de palme rouge

Le produit tiré du palmier à huile (Elaeis guineensis) est présenté à la page 211.

Autres graines oléagineuses

Un certain nombre d'autres graines riches en lipides sont consommées ou destinées à l'extraction de l'huile. Parmi celles que l'on cultive le plus en Afrique se trouvent les graines de potiron, de melon, de noix d'lnhambane (potiron à côtes, Telfairia pedata) et de coton. L'huile de graines de coton constitue le principal corps gras végétal dans les provinces du Soudan, de l'Ouganda, de l'Egypte et de la Tanzanie où se cultive le cotonnier. En Afrique de l'Ouest, en plus de certaines de ces graines d'Afrique de l'Est, on utilise comme aliments le beurre de karité (Butyrospermum parkii), l'amande de la mangue sauvage, l'amande du dattier du désert et plusieurs autres graines oléagineuses. La plupart d'entre elles proviennent d'arbres d'espèces indigènes.

26. Légumes et fruits

Légumes

Sous le nom de légumes on désigne aussi certains fruits (tomates et potirons), des feuilles (amarante et chou), des racines (carottes et navets) et même des tiges (céleri) et des fleurs (chou-fleur). Ces différentes parties comestibles proviennent de plantes qui n'ont souvent entre elles aucun rapport botanique. Cependant, le terme de « légume » est utile à la fois dans le vocabulaire de la nutrition et dans celui de l'alimentation domestique.

Les légumes sont presque tous consommés dès leur récolte et généralement on ne peut les conserver longtemps comme les céréales, les tubercules, les racines féculentes, les légumineuses et les noix. Il existe quelques exceptions, comme les potirons et autres variétés de courges. En Afrique rurale, les habitants peuvent trouver à l'état sauvage une bonne partie de végétaux dont ils se nourrissent; ils en cultivent d'ordinaire un peu dans leur shamba ou dans leur cour et s'ils ont de l'argent ils trouveront des légumes à acheter sur n'importe quel marché et même le long des routes. L'Africain pauvre qui émigre vers une zone urbaine peut s'irriter de devoir acheter des légumes qu'il avait coutume de récolter à l'état sauvage ou de produire lui-même. Il tend donc à dépenser relativement peu pour ce type d'aliment. De toute façon, les légumes ne sont pas en général des denrées dont on fait grand cas et rares sont les sociétés ou ils figurent en bonne place dans l'ordre des préférences alimentaires.

Presque tous les légumes sont riches en carotène et en vitamine C et contiennent des quantités importantes de calcium, de fer et autres sels minéraux. Leur teneur en vitamines B est souvent faible. Ils fournissent d'ordinaire peu d'énergie et très peu de protéines. Ils sont composés en grande partie de résidus ou de fibres non digestibles qui donnent de la consistance aux matières fécales.

Dans l'alimentation africaine, les feuilles vert foncé sont les légumes les plus utiles, car elles contiennent plus de carotène et de vitamine C, ainsi que de protéines, de calcium et de fer, que les feuilles vert pâle et les autres légumes. Par exemple, l'amarante (mchicha) est bien supérieure au chou ou à la laitue. Les feuilles de potiron, de patate douce, de manioc, ainsi que les feuilles sauvages comestibles sont aussi excellentes.

Une consommation plus importante de feuilles vertes et autres légumes pourrait jouer un rôle primordial pour faire régresser en Afrique l'anémie, très fréquente chez les femmes, et pour protéger les enfants de la xérophtalmie. De surcroît, elle assurerait un apport supplémentaire de calcium et de vitamine C, qui préviendrait cette maladie rare qu'est le scorbut et pourrait aussi accélérer la guérison des ulcères et la cicatrisation des plaies. La vitamine C facilite également l'absorption du fer. Il est impossible de décrire ici les propriétés individuelles des nombreux légumes couramment consommés en Afrique (figure 50). Certains, comme le potiron, peuvent se conserver plusieurs mois sans perdre beaucoup de leur valeur nutritive; d'autres, comme les feuilles et même les tomates, sont souvent séchés au soleil. Mais alors une bonne partie de leur vitamine C se trouve détruite. On ne doit pas oublier non plus qu'une cuisson prolongée des légumes diminue leur teneur en vitamine C.

Il est indubitable qu'avec les progrès de l'urbanisation et le temps réduit dont disposent les gens pour aller en quête de légumes sauvages (les enfants vont à l'école, et d'autres activités retiennent au village), il est de plus en plus important que chaque foyer, chaque village, chaque école, consacre plus de temps aux cultures potagères. Un jardin collectif, situé près du point d'eau du village, pourrait souvent constituer un complément utile au carré de légumes cultivé dans la cour de chaque habitation. Dans les villes, même la plus petite parcelle de terre, en bordure de la maison, pourrait donner, en utilisant les eaux usées, une appréciable provision de légumes pendant toute l'année.

L'attribution de petits lopins de terre destinés à la culture des légumes pourrait contribuer à résoudre le problème, et c'est une possibilité qui mérite d'être prise en considération par les conseils municipaux et autres autorités urbaines.

Fruits

Une prodigieuse variété de fruits poussent à l'état sauvage (figure 51) ou sont cultivés en Afrique tropicale. Les variétés que l'on trouve à un moment donné dans un endroit donné dépendent du climat, des préférences locales, des variétés exploitées et de la saison. Les fruits sont surtout utiles du point de vue nutritionnel à cause de leur teneur souvent élevée en vitamine C. Certains contiennent aussi d'intéressantes quantités de carotène.

Les fruits (exception faite des avocats et de quelques autres) renferment très peu de lipides et de protéines, et généralement pas d'amidon. Les glucides s'y trouvent sous forme de sucres divers. Les fruits, comme les légumes, comportent une large proportion de résidus non digestibles, surtout sous forme de cellulose.

Les agrumes, comme les oranges, les citrons, les pamplemousses, les mandarines et les limes, contiennent de bonnes quantités de vitamine C mais peu de carotène. Au contraire, les papayes, les mangues et les groseilles du Cap (Physalis peruviana) contiennent à la fois vitamine C et carotène.

Les papayes sont des fruits utiles, surtout pour ceux qui s'installent dans un endroit pour quelques années puis repartent vers de nouvelles terres. Le papayer pousse vite et peut produire dès la première ou la deuxième année. Par contre, le manguier croit lentement mais une fois planté (il peut aussi pousser spontanément), il n'exige aucun soin et peut donner des fruits pendant un demi-siècle. La goyave, dont la culture est très répandue, est particulièrement riche en vitamine C - elle en contient cinq fois plus que la plupart des agrumes - et elle fournit aussi d'utiles quantités de carotène.

L'avocat mérite une mention spéciale car, contrairement aux autres fruits, il est riche en lipides, substances gui font défaut dans l'alimentation africaine. Il serait bénéfique que sa culture et sa consommation soient beaucoup plus répandues et que les enfants en mangent.

La banane a déjà été mentionnée car, en Afrique, elle est le plus souvent consommée verte et c'est alors un aliment surtout riche en amidon qui est à la base du régime dans de nombreuses contrées. Lorsqu'elle est consommée mure, l'amidon est transformé en d'autres sucres. La banane contient de bonnes quantités de carotène et de vitamine C. Elle est riche en potassium.

La plantation de quelques arbres fruitiers dans presque tous les jardins familiaux serait utile en ville comme à la campagne.

27. Viande, poisson, œufs, lait et produits dérivés

Les aliments d'origine animale contiennent des protéines de grande valeur biologique. C'est pourquoi leur rôle est important dans l'alimentation africaine, souvent pauvre en protéines. Toutefois, à moins qu'elles ne soient produites par le ménage lui-même, ces denrées sont généralement trop coûteuses pour la famille moyenne et cela explique qu'elles soient assez rarement consommées. On peut avoir une alimentation équilibrée sans manger de viande ni de poisson. Les céréales, les légumineuses et d'autres denrées peuvent fournir les protéines indispensables. Le lait est important pour les très jeunes enfants et constitue avec les œufs un utile complément au moment du sevrage.

Viande et produits carnés

La plupart des Africains adultes consomment de la viande de quelque manière, selon les disponibilités et leurs moyens (figure 52).

La valeur alimentaire de la viande tient surtout au fait qu'elle renferme environ 19 pour cent de protéines d'excellente qualité et du fer qui est bien absorbé. Sa teneur en lipides dépend de l'animal et également du morceau. Sa valeur énergétique augmente avec sa richesse en graisse. La graisse a une assez forte teneur en acides gras saturés. La viande constitue une source appréciable de riboflavine et de niacine. Elle contient peu de thiamine et de petites quantités de fer, de vitamine A et de vitamine C. Les abats, c'est-à-dire les organes internes, et notamment le foie, sont particulièrement riches en ces divers éléments, mais ils sont aussi relativement chargés en cholestérol.

La croyance populaire selon laquelle la viande blanche des volailles possède une valeur nutritive supérieure à celle de la viande rouge est sans fondement. Dans l'ensemble, les animaux sauvages et domestiques, grands ou petits, les oiseaux, les reptiles et les mammifères fournissent tous une viande de même nutritionnelle. La principale différence réside dans la teneur en lipides.

Sous la rubrique «viande» il n'est pas inutile de mentionner que dans différentes parties de l'Afrique on consomme toutes sortes de produits animaux qui ne sont guère mangés ailleurs. Parmi ceux-ci. on peut citer: les mouches lacustres, les criquets, les sauterelles, les fourmis ailées, les termites, les chenilles et d'autres insectes; les serpents et les escargots; les babouins et les singes; les rats et d'autres rongeurs; les chats et les chiens. Le goût des Africains pour ces créatures n'est pas plus étrange que celui des Français pour les cuisses de grenouilles et les escargots, ou celui des Anglais pour les anguilles et les huîtres crues. Tous ces aliments sont extrêmement nourrissants et contiennent des protéines de haute valeur biologique.

Poisson

Le poisson, comme la viande, est une denrée précieuse dans l'alimentation, car il apporte une bonne quantité de protéines (17 pour cent ou plus) de haute valeur biologique, et en particulier des acides aminés soufrés. Sa teneur en lipides est variable mais généralement inférieure à celle de la viande. Le poisson procure aussi de la thiamine, de la riboflavine, de la niacine, de la vitamine A, du fer et du calcium. Mangé frais, il contient une petite quantité de vitamine C.

Les petits poissons de mer ou de lac, comme les sardines et les sprats (dagaa en Tanzanie, kapenta en Zambie) se mangent entiers, avec les arêtes, et apportent ainsi beaucoup de calcium et de fluor (figure 53). Le dagaa séché, par exemple, peut contenir 2 500 mg de calcium par 100 grammes.

En général on ne mange pas les viscères des poissons. Cependant, le foie et les huiles de poisson sont de très riches sources des vitamines liposolubles A et D; les quantités qu'on y trouve varient avec l'âge du poisson et l'espèce à laquelle il appartient.

Partout où il y a de l'eau, le poisson offre un moyen simple d'accroître la consommation de protéines. On devrait encourager davantage l'alevinage des barrages, la construction d'étangs de pisciculture (figure 54) et l'amélioration ainsi que l'extension de la pêche en rivière, en lac ou en mer (figure 55).

Bien que la situation ne soit pas uniforme à cet égard, il semble que les Africains consomment une plus grande variété d'animaux terrestres que d'animaux marins. Les régimes pauvres en protéines se trouveraient considérablement améliorés si on encourageait les enfants vivant sur les côtes à pêcher les oursins, les limaces de mer, les patelles et autres espèces comestibles qui abondent dans les mers, tout comme les enfants de l'intérieur attrapent des sauterelles et des mouches lacustres. L'introduction de leçons de natation dans les clubs de jeunes, comme activité pouvant contribuer au développement de la communauté, donnerait de l'importance à ce sport en même temps qu'a la pêche comme passe-temps et source de profit. Actuellement, la crainte de l'eau, qui vient de cc qu'on ne sait pas nager, fait obstacle à ces activités.

Œufs

L'œuf est un des rares aliments qui ne contiennent pas de glucides. Tout comme le fœtus puise des éléments nutritifs dans le sang maternel, l'embryon de volatile prend toutes les substances nutritives qui lui sont nécessaires à l'intérieur de l'œuf. Il n'est donc pas étonnant que les œufs soient très nourrissants. L'œuf a une haute teneur en protéines d'excellente qualité; il est également riche en lipides et contient de bonnes quantités de calcium et de fer, de vitamines A et D, ainsi que de la thiamine et de la riboflavine.

Les œufs faisant partie intégrante du cycle de reproduction des volatiles, il n'est pas illogique que de nombreux interdits frappent leur consommation, surtout de la part des femmes. Fort heureusement, dans de nombreuses parties de l'Afrique, ces tabous sont en voie de disparition rapide, car les œufs sont des aliments riches en protéines animales et chaque œuf possède une grande valeur nutritive. Une famille ne peut pas se permettre de sacrifier fréquemment une vache ou une chèvre pour se nourrir, mais les œufs sont petits, la ponte fréquente et il est aisé de se les procurer. Cet aliment protéique a aussi l'avantage d'être facile à préparer et d'être bien digéré par les enfants auxquels on peut en donner dès l'âge de six mois. La production d'œufs pour l'usage familial devrait être encouragée partout où elle est possible (figure 56). Même dans les cours des habitations urbaines on peut élever des poules. En priorité, les œufs devraient être donnés aux enfants de un à cinq ans. On trouvera au chapitre 36 quelques recettes pour la préparation des œufs destinés aux enfants.

Sang

Le sang des bovins que consomment de nombreuses populations pastorales d'Afrique est très nourrissant. Il est riche en protéines de haute valeur biologique et contient maints autres nutriments. C'est une source de fer particulièrement précieuse.

Lait et produits laitiers

Au cours des premiers mois de la vie, le lait est généralement la seule nourriture de l'enfant. C'est un aliment très important pour le premier âge, et il peut aussi jouer un rôle utile dans l'alimentation de beaucoup d'adultes en leur apportant les nutriments qui leur manquent.

La composition du lait varie selon l'animal dont il provient, car il est constitué en fonction du rythme de croissance et des autres besoins particuliers des petits de chaque espèce. Pour la même raison, le lait de femme est supérieur au lait de vache ou à tout autre produit laitier pour l'alimentation du premier âge dans l'espèce humaine.

Mises à part certaines vitamines déjà citées, la composition du lait sécrété par les glandes mammaires de la femme demeure assez constante quelle que soit l'alimentation de cette dernière. Si elle est sous-alimentée, son lait ne sera pas sensiblement moins riche en nutriments, mais il sera moins abondant. La composition du lait de femme et du lait de vache est comparée ci-dessous (d'après Platt, 1962).

Lait Glucides (lactose principalement) Protéines g/100 ml Lipides Calcium mg/100 ml
Lait de femme 7,0 1,3 4,6 30
Lait de vache 4,7 3,3 3,6 120

Les principales protéines du lait sont la caséine et la lactalbumine. Celles-ci possèdent une grande valeur biologique et font partie de ses constituants essentiels (figure 57). On trouve aussi dans le lait des glucides sous forme d'un disaccharide, le lactose. Les lipides sont présents sous forme de très fins globules qui, si on laisse le lait reposer, ont tendance à s'agglutiner et à remonter à la surface. La matière grasse du lait contient une assez grande quantité d'acides gras saturés. Le lait maternel contient 30 mg de calcium par 100 ml et le lait de vache 120 mg. C'est là un exemple des adaptations de la nature. Le veau se développant beaucoup plus vite que le petit de l'homme et son squelette étant plus grand, ses besoins en calcium sont plus importants. Si un bébé est entièrement nourri au lait de vache, l'excédent de calcium ne lui cause aucun dommage et ne modifie pas son rythme de croissance au-delà de l'optimum. L'excédent est évacué dans les urines.

Le lait n'est pas seulement une excellente source de protéines de très haute valeur nutritionnelle et de calcium; il est aussi très riche en riboflavine et en vitamine A. Il est bien pourvu en thiamine et en vitamine C, mais pauvre en fer et en niacine. La mère fournit généralement à l'enfant une réserve de fer pendant la gestation. Cependant, cette réserve est épuisée au bout de six mois et si, au-delà de cet âge, l'enfant ne reçoit rien d'autre que du lait, une anémie par carence en fer pourra se manifester.

La teneur en thiamine du lait maternel est plus variable que la quantité de ses autres constituants et dépend beaucoup de la ration qu'en reçoit la mère. Le béribéri peut se déclarer chez des enfants nourris au sein lorsque les mères présentent une carence en thiamine. Le contenu en vitamine A du lait maternel dépend dans une certaine mesure de l'alimentation de la mère.

En dépit des variations de la composition des différents laits animaux, tous sont riches en protéines et autres nutriments et tous constituent un bon aliment pour les êtres humains, en particulier les enfants. Si l'on ne peut se procurer du lait de vache, il faut traire les brebis, les chèvres et même les chamelles. Certaines populations considèrent comme tabous les laits autres que celui de vache et quelques-unes méprisent le lait de chèvre. Du point de vue nutritionnel, c'est regrettable car tous les laits sont des aliments de valeur. En Scandinavie on consomme même le lait de renne.

Dans maintes parties d'Afrique on consomme davantage le lait suri, ou caillé, que le lait frais. Certaines tribus répugnent à boire le lait frais mais il n'y a pas lieu d'essayer de modifier leurs habitudes car le lait caillé se conserve plus longtemps, il ne perd pas sa valeur nutritive et peut être plus digeste et plus hygiénique (voir page 19). Il est cependant beaucoup plus sûr de boire du lait qui a été bouilli et conservé dans un récipient propre car le lait peut servir de véhicule à certaines maladies bactériennes.

La pasteurisation du lait diminue considérablement le risque de multiplication des organismes pathogènes, à condition qu'elle soit bien conduite dans une grande laiterie convenablement gérée et que le lait soit placé dans des récipients propres qui seront livrés directement au consommateur. Dans bien des petites villes où l'on pratique une « pasteurisation » sans contrôle sérieux, il se peut que le lait soit insuffisamment chauffé, que les récipients soient mal nettoyés et que le transport dans de grands bidons depuis la laiterie jusqu'au lieu où il sera mis en bouteilles soit effectué dans de mauvaises conditions sanitaires. Le consommateur ne devrait pas faire aveuglément confiance à tous les laits marqués « pasteurisés » car ils ne sont pas nécessairement exempts d'organismes pathogènes.

Dans de nombreux pays du monde où le lait de vache est un produit de consommation courante, il est habituel, au moment du sevrage de l'enfant nourri au sein, de lui fournir une alimentation dans laquelle ce lait tient une grande place (figure 58). C'est une bonne chose, car l'enfant a ainsi de bien plus grandes chances d'avoir une alimentation équilibrée qui lui apportera tous les éléments nutritifs nécessaires à sa croissance, à son développement et à sa santé.

Depuis quelque temps on s'inquiète d'une intolérance au lactose qui est courante parmi les populations non blanches. Ceci ne causera vraisemblablement pas de problème pour les Africains habitués à boire peu de lait.

Lait écrémé et lait écrémé en poudre. Le lait écrémé est un lait dont on a prélevé la matière grasse, généralement destinée à la fabrication du beurre. Sous forme de lait en poudre, c'est un produit familier dans de nombreux pays africains. Ce produit contient la quasi-totalité des protéines ainsi que des glucides, du calcium et des vitamines B du lait; c'est un aliment excellent, surtout pour ceux dont le régime alimentaire se compose essentiellement de glucides et pour ceux qui ont besoin d'un supplément de protéines (voir note page 112). Pour ces derniers, c'est-à-dire les enfants, les femmes enceintes et les mères allaitantes, le lait écrémé est, en certains endroits, distribué dans les dispensaires et les centres de santé, lorsqu'on en constate la nécesité. Les hôpitaux et les dispensaires en font un large usage comme base de traitement de la malnutrition protéino-énergétique (voir page 129) il est fourni aux centres de protection infantile pour prévenir cette forme extrêmement redoutable de la malnutrition. Le lait écrémé est un excellent aliment d'appoint dans tous les régimes mais particulièrement dans ceui des enfants, des femmes enceintes et des mères allaitantes. Pour un nourrisson, il ne peut vraiment remplacer le lait entier. On l'ajoute parfois aux aliments de complément comme par exemple le CSM (mélange de maïs, soja et lait).

Lait entier en poudre. Il s'agit, comme son nom l'indique, d'un lait déshydraté. Contrairement au lait écrémé en poudre, il contient aussi des lipides. A défaut de lait maternel, on peut le donner aux nourrissons.

Laits concentrés sucrés et non sucrés. Il s'agit de laits auxquels on a enlevé une grande partie de leur eau mais qui demeurent liquides. Certains laits concentrés sont édulcorés par adjonction de sucre. De nombreuses marques de lait concentré sucré contiennent des vitamines d'ajout. Il convient de les utiliser de préférence aux laits qui n'ont pas été enrichis en vitamines, surtout pour l'alimentation des jeunes enfants. Le lait entier concentré non sucré peut être donné aux nourrissons, mais le lait écrémé concentré non sucré et le lait concentré sucré ne devraient pas remplacer le lait maternel ou le lait entier.

Yogourt et laits suris ou fermentés. Nous avons déjà vu que beaucoup d'Africains préfèrent le lait suri au lait frais. Toutes sortes d'organismes sont utilisés pour la fabrication du yogourt et des laits fermentés. Ces produits sont faciles à préparer, très nourrissants, se conservent mieux que le lait, et le risque qu'ils soient contaminés par des agents pathogènes est un peu moindre. Il faudrait en favoriser l'emploi.

Caséine. C'est la partie protidique du lait. Elle coûte assez cher et on la vend sous différentes appellations commerciales (par exemple «Casilan-Glaxo»). La caséine entre souvent dans les mélanges servant à traiter les enfants atteints de malnutrition protéino-énergétique (voir page 130). C'est un produit assez cher.

Beurre et ghee. Ce sont des produits laitiers mais, comme ils sont essentiellement composés de lipides, nous y reviendrons dans la partie consacrée aux matières grasses.

Fromage. Sa fabrication est certainement née du désir des paysans de conserver une partie des excédents de lait de la période estivale. Il existe de nombreux procédés de fabrication du fromage, mais celui-ci est surtout fait à partir du lait caillé qui a perdu une partie de son eau. On peut y ajouter du sel et de nombreux autres condiments.

Les ruraux africains ne consomment pas beaucoup de fromage. On s'efforce pourtant de le rendre populaire car il est incontestable que dans les contrées d'élevage la fabrication du fromage offrirait un excellent débouché pour une production laitière excédentaire pendant la saison des pluies.


Table des matières - Précédente - Suivante