CHAD - TCHAD

Son Excellence Monsieur Idriss Deby, Président de la République du Tchad


Je voudrais tout d'abord vous dire notre très grande satisfaction de prendre part au Sommet mondial de l'alimentation. Au nom de la République du Tchad, je félicite le Directeur général de la FAO pour l'initiative qu'il a prise, tant pour la tenue de ce Sommet que pour les sujets qui y seront abordés. Je salue également les efforts qu'il a déployés pour en assurer une parfaite organisation. Ces assises constituent pour nous, ressortissants du Sahel en particulier, une occasion idéale de discuter des questions liées à la survie même de nos populations. Elles sont aussi pour nous une source d'espoir face à un avenir qui s'annonce inquiétant. En effet, comment ne pas espérer et adhérer aux objectifs et aux idéaux que se fixe cette Conférence quand on est un pays enclavé comme le Tchad, à l'écologie fragile, placé de surcroît sur la ligne de front du désert et de la désertification?

Comme pour nombre de pays placés dans les mêmes conditions écologiques et climatiques que le nôtre, la sécurité alimentaire de nos populations s'impose plus que jamais comme la priorité de nos priorités.

Pour relever ce défi, nous nous devons de retourner en notre faveur les multiples contrastes que présentent notre sol et notre climat. Je souhaiterais, à ce sujet, vous présenter quatre exemples tirés des réalités de mon pays.

Les zones saharienne et sahélienne s'étendent sur les deux tiers du pays, et pourtant, il y a presque partout des nappes à fleur du sol et d'abondantes eaux de ruissellement qui sont perdues. Dans certaines régions, il y a même des résurgences artésiennes qui ne demandent qu'à être captées et exploitées.

Au cours des dernières décennies, nos populations rurales ont été affectées par des épreuves terribles, telles que guerres et sécheresses. Pourtant, elles ont gardé un courage et un dynamisme remarquables. Il aura suffi, par exemple, d'une bonne pluviométrie en 1994-95 pour que ces populations réussissent un record historique de production de céréales.

Le sable recouvre une très grande partie de notre territoire, et pourtant, nous disposons autour du lac Tchad de terres homogènes et profondes considérées par les pédologues comme parmi les meilleures au monde.

Ce sont là autant d'arguments pour vous dire combien sont nombreuses nos raisons d'espérer et de voir vaincre les difficultés que nous connaissons aujourd'hui. Grâce à ces atouts, il n'est pas impossible de mettre un jour le Tchad définitivement à l'abri de la famine et de la malnutrition. Certes, en matière de sécurité alimentaire, le chemin à parcourir est encore long. Dans mon pays, la consommation augmente considérablement, alors que la production diminue du fait des aléas climatiques. Cette année déjà, le déficit céréalier atteint 200 000 tonnes, exposant ainsi plus d'un million de personnes à la famine. On enregistre en ce moment des déplacements de population de certaines régions touchées, telles que la préfecture de Biltine. La situation est tout aussi grave au Batha, au Kanem, au Lac et au Chari-Baguirmi. A partir de l'an 2000, le déficit risque d'être structurel et pourrait atteindrait des proportions alarmantes, de 200 à 800 000 tonnes selon les années.

Il me serait facile de lancer, du haut de cette tribune, un appel à l'aide alimentaire. Cependant, je voudrais affirmer que, si l'aide alimentaire est la bienvenue dans des circonstances exceptionnelles - et nous en aurons sans nul doute besoin pendant plusieurs années encore pour équilibrer notre balance alimentaire - elle ne saurait constituer une solution durable aux problèmes actuels.

Nous avons de bonnes raisons de croire qu'une telle option est non seulement justifiée, mais qu'elle est tout à fait réalisable, eu égard à nos immenses potentialités en terre et en eau pour l'irrigation, largement sous-exploitées. Pour ce faire, nous devons désormais nous fixer comme premier objectif l'atteinte de l'autosuffisance en céréales qui constituent la base de l'alimentation au Tchad. Nous disposons de régions particulièrement favorables à cette culture, notamment autour du lac Tchad, entre les fleuves Logone et Chari, dans le Mayo-Kebbi, dans la Tandjilé et dans le Salamat. Nous avons la ferme conviction que leur mise en valeur, tout en restant écologiquement équilibrée, permettrait de répondre aux besoins de l'ensemble de nos populations rurales et, en même temps, de produire les surplus nécessaires à l'approvisionnement de nos populations urbaines.

La formation-vulgarisation, la recherche agronomique, l'organisation professionnelle, mais aussi l'existence de débouchés sûrs et rémunérateurs constituent de puissants facteurs d'encouragement au milieu rural et d'augmentation des productions agricoles.

C'est à ce niveau que nous voudrions concentrer nos efforts, en étroite collaboration avec tous nos partenaires au développement, en vue d'éviter à notre pays des situations de risques majeurs. Nous devons absolument éviter que l'insécurité alimentaire devienne endémique, que notre pays entre dans un cycle infernal de paupérisation, de dépendance alimentaire totale et de déséquilibres sociaux. De même, il nous faut impérativement empêcher que nos populations, fragilisées par les pénuries, cherchent soit à émigrer vers d'autres régions considérées comme plus prospères, soit à diversifier leurs sources de revenus en se tournant vers des productions interdites mais rémunératrices telles que les plantes à drogues.

Face aux défis que nous pose la question de la sécurité alimentaire, il nous faut trouver des solutions urgentes et adéquates. C'est pour cela que, tout en adhérant au document de politique générale et au Plan d'action qui nous sont soumis, le Tchad a pris des mesures qui, avec l'appui de ses partenaires et amis, pourraient renforcer les politiques et stratégies susceptibles de créer dans le pays un état de sécurité alimentaire permanent.

Au nombre de ces mesures, la reconversion dans les activités agricoles d'une partie des 25 000 hommes de l'armée nationale qui seront bientôt démobilisés. Nous avons besoin de votre aide pour réussir ce projet ambitieux mais indispensable à la réussite de notre processus démocratique. Cette aide nous est également nécessaire pour procéder au déminage de la région du Borkou-Ennedi-Tibesti. Les mines installées un peu partout pendant l'occupation de cette région empêchent aujourd'hui toute activité sérieuse de développement, y compris les travaux agricoles.

Au-delà des belles déclarations d'intention, il nous faut réagir ensemble pour enrayer le drame quotidien et combien inacceptable que vivent des millions d'enfants, de femmes et d'hommes à travers le monde du fait de la famine, de la malnutrition ou de la guerre. Le cas qui interpelle en urgence notre attention est celui des populations de la région des grands lacs. Le Tchad réitère sa disponibilité à apporter sa contribution pour que cesse le martyre de ces centaines de milliers de frères africains.

Face à cette situation, j'en appelle à un véritable sursaut de la communauté internationale. Cette conférence doit nous permettre d'établir un vaste réseau de solidarité et d'assistance entre les pays riches, les Etats en développement, les organisations internationales et non gouvernementales en vue de mettre un terme au scandale de la faim. C'est pour cela que nous plaçons tous nos espoirs dans les conclusions de cette Conférence. Pour sa part, le Tchad souhaite vivement bénéficier du concours de tous en vue de parvenir à l'autosuffisance alimentaire sans laquelle tout projet de développement est voué à l'échec. Avant de terminer, je voudrais formuler les voeux sincères de mon pays pour la réussite de ce Sommet.


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