MADAGASCAR

Son Excellence Monsieur Norbert Lala Ratsirahonana, Premier Ministre et chef d'État de la République de Madagascar


Au moment de la prise de décision sur ma participation à ce Sommet, je dois avouer que mes sentiments étaient partagés, l'espérance le disputant à l'appréhension, notamment en ce qui concerne l'après-Sommet. Espérance d'un côté qui explique d'abord l'honneur et la satisfaction que j'éprouve en prenant la parole devant vous aujourd'hui, et qui ne sauraient être jaugés à leur juste valeur par les simples mots de remerciement que j'adresse en premier lieu au Directeur général de la FAO, M. Jacques Diouf, grâce à l'initiative personnelle duquel ce sommet a pu avoir lieu.

Ma gratitude va également au Président de la République italienne, S.E. Oscar Luigi Scalfaro, ainsi qu'à son Premier Ministre, S.E. Romano Prodi, pour avoir accepté de recevoir cette Conférence. Croyez-bien que nous mesurons les efforts qui ont été déployés à cet effet, tant sur le plan de la qualité de l'hospitalité qui nous a été réservée qu'à celui de l'excellence de l'organisation.

Le développement est perçu aujourd'hui à la fois comme un processus touchant tous les aspects de la vie de chacun et comme un droit de tous les êtres humains dans le respect de leurs différences et de leurs diversités.

Il est aussi reconnu qu'il ne peut plus se faire aux dépens d'une partie de l'humanité quelle qu'elle soit, ni des générations futures, sans pour cela compromettre la sécurité collective et commune.

Une alimentation suffisante étant la condition nécessaire bien que non suffisante du développement, elle en est le passage obligé: «Ventre vide n'est pas bon compagnon», dit le proverbe malgache.

Nous devons donc tout mettre en oeuvre pour assurer à nos populations le droit fondamental à la nourriture, ce qui signifie l'accès de tous, et à tout moment, à l'alimentation nécessaire pour mener une vie saine et active.

La persistance actuellement dans le monde de 800 millions de victimes de la sous-alimentation et de la malnutrition en ce XXe siècle qui s'achève apparaît comme un paradoxe inacceptable car les progrès de la technologie, les résultats de la révolution verte et le développement du commerce mondial donneraient plutôt à penser le contraire !

Malheureusement, telle est la triste situation qui prévaut encore dans de nombreux pays du sud, dont Madagascar, l'un des pays classés parmi les moins avancés et où subsiste encore un déficit vivrier important. C'est là une des causes de notre appréhension.

Notre grande île à l'est de l'Afrique continentale souffre effectivement de sérieux problèmes d'autosuffisance alimentaire (notamment en riz, l'aliment de base, mais aussi en d'autres produits comme l'huile alimentaire et les produits laitiers). Pourtant, la grande île ne manque pas d'atouts: qu'il s'agisse de la diversité de ses climats: tropical de montagne sur les hautes terres centrales permettant les productions maraîchères et fruitières; tempéré et humide sur la côte est avec les cultures d'exportation tropicales comme la vanille, le girofle, le café, les épices diverses; sec sur le littoral occidental vers le sud où l'on cultive les plantes à tubercules, les légumineuses à graines; qu'il s'agisse encore des ressources en eau, hélas, encore trop peu et trop rarement exploitées; et qu'il s'agisse enfin de ses ressources en sols, où dans le moyen ouest malgache, il reste de vastes zones qu'une colonisation agricole bien conduite pourrait mettre en valeur.

De son côté, la population est réputée laborieuse - ainsi, le travail des rizières se fait encore souvent à la bêche ! - et de vieille tradition agraire, ce qui explique qu'elle reste viscéralement attachée à sa terre et à ses valeurs traditionnelles.

Cependant, avec la croissance démographique et l'accélération de l'érosion, la paysannerie se doit d'évoluer. En effet, les contraintes liées aux aléas climatiques, aux techniques rudimentaires, à la faible intensification aggravée par la dégradation des sols, et aux infrastructures archaïques de production, de transport, de communication font que la production vivrière stagne alors que les besoins alimentaires - bien que non complètement couverts - s'accroissent, eux, au même rythme que la population, soit à un taux annuel trop rapide de 2,8 pour cent. Cette évolution conduit à un doublement également des besoins à chaque génération et donc à au moins un doublement de la production agricole. Il n'est pas, dès lors, surprenant de constater que la consommation par tête continue à décroître dangereusement, passant par exemple pour le riz de 141 kg en 1989 à 118 kg en 1995.

C'est ainsi que la malnutrition et la sous-alimentation frappent déjà une bonne partie de la population, causant des ravages, en particulier chez les catégories les plus défavorisées, comme les jeunes enfants.

Pour redresser cette situation déplorable, Madagascar est décidée à s'engager totalement dans la voie de la libéralisation de son économie, ce qui implique le désengagement de l'Etat, des activités pour lesquelles le secteur privé est plus efficace et, en particulier, la production, la commercialisation des produits agricoles et celles des intrants.

Pour cela, il est nécessaire d'assurer la promotion de la participation des couches sociales intéressées, et la structuration du monde rural par professionnalisation, la création d'associations, de caisses de crédit mutuel, de greniers communautaires villageois, et par d'autres initiatives permettant la participation active de la masse paysanne.

Tout cela rentre dans le cadre de la démocratisation, de la relance de l'économie et de la mise en oeuvre des principes du développement humain durable.

C'est dans ce but que mon pays s'attaque aujourd'hui à un ensemble de réformes centrées sur un processus d'ajustement structurel, seule voie permettant d'assurer un véritable décollage économique. Dans cet esprit, le gouvernement est en train de se doter des instruments de politique nécessaires en commençant par l'aspect macroéconomique pour continuer progressivement vers les principaux secteurs.

La nation malgache a dû consentir, dans ce sens, beaucoup de sacrifices et c'est pourquoi elle espère le soutien et la compréhension de la communauté internationale, et nous avons besoin de la FAO dont nous apprécions vivement l'assistance et les conseils.

Je saisis l'occasion qui m'est offerte par cette tribune pour déclarer solennellement devant vous tous la ferme volonté du Gouvernement de Madagascar de donner, à partir de maintenant, la priorité absolue à l'agriculture, car nous sommes persuadés que le développement du pays passe d'abord par le développement de son agriculture.

En effet, l'agriculture prise dans son sens large, c'est-à-dire comprenant l'élevage, la pêche, la forêt et l'environnement, représente à Madagascar plus de 95 pour cent de nos recettes en devises, les trois quarts des emplois et les deux tiers de la population.

Les programmes du secteur agricole sont donc ceux qui ont les impacts les plus forts en termes d'emploi, d'amélioration de la condition des femmes, de création de revenus et, bien sûr, en termes de sécurité alimentaire et donc finalement de contribution à la lutte contre la pauvreté.

Nous sommes persuadés que c'est avant tout dans l'agriculture que les fonds devront être investis en faveur du développement et du mieux-être de la population malgache.

Le Sommet mondial de l'alimentation nous donne ainsi l'occasion d'afficher cette réflexion de notre politique et d'annoncer notre nouveau choix de priorités.

La réunion d'aujourd'hui, et tout ce que nous avons entendu sur cette question depuis que nous sommes à Rome, nous convainc que nous sommes dans la vérité et, pour cette raison, nous exprimons très vivement notre reconnaissance aux promoteurs de ce Sommet.

Il apparaît clairement que notre stratégie nationale de sécurité alimentaire contient la plupart des programmes et actions retenus dans le Plan d'action du Sommet; aussi, nous manifestons un grand enthousiasme à leur accorder notre appui et notre soutien.

Puisse ce Sommet constituer un nouveau départ pour une intensification de l'entraide de la communauté internationale dans la lutte contre la faim et faire renaître l'espoir dans le coeur de tous ceux qui éprouvent les plus vives inquiétudes devant les incertitudes d'un lendemain sans pain quotidien.


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