SEYCHELLES

Mme Danielle de St Jorre, Ministre des affaires étrangères, de la planification et de l'environnement de la République des Seychelles


A l'échelle sidérale, la terre est une île et, comme mon île, la terre est belle. Pour chacun des êtres qui la peuplent, elle est le havre de paix dont se nourrit le rêve, le rêve d'un monde heureux. Hélas, un ventre vide ne rêve pas. Prométhée d'un nouveau genre, il fait des cauchemars terrifiants où des êtres inhumains et robotisés partagent le festin du phoenix qui ronge les viscères. Or, nous sommes ici pour que cessent les cauchemars. Nous sommes ici pour que nos actions conjuguées redonnent aux hommes leur dignité et, sur ce premier point d'ordre strictement moral, je voudrais féliciter la FAO qui, sans doute pour encourager d'autres à suivre l'exemple, a eu le tact de ne point gaspiller ses fonds en fastes et banquets, ainsi qu'il est coutume de le faire lors des rencontres internationales.

Cette prise de conscience du gaspillage et la volonté d'y remédier est déjà très symbolique de l'esprit des résolutions que nous allons adopter. Si la FAO est le seul organisme mondial qui ait emmagasiné depuis des décennies les données statistiques globales qui nous permettent aujourd'hui de mesurer la réalité accablante en termes de ressources alimentaires de la planète, ainsi que l'inégalité de leur répartition, il est également le seul par conséquent à prévoir notre destinée en termes de production, si l'on fait abstraction des catastrophes naturelles malheureusement imprévisibles.

Nous voici donc informés sur les périls qui nous régissent. Petits et grands pays sont sur ce plan à égalité. Comme à Rio, tout le monde est concerné et pourtant qu'en sera-t-il demain des belles résolutions d'aujourd'hui? C'est pourquoi je voudrais, à ce propos, demander à la FAO d'assurer en professionnel le suivi des responsabilités qu'elle a prises aujourd'hui. Qu'elle soit notre coordonnateur et qu'à son instigation chaque pays puisse, conformément à ses critères sociaux et culturels, prétendre au droit à la nourriture. Certes, adapter l'aide ou l'encadrement aux usages et coutumes du pays qui les reçoit n'est pas chose aisée car il s'agit sans doute de déterminer d'autres méthodes pour utiliser les mécanismes existants de production et de distribution.

Il est clair, par exemple, que pour de nombreux pays, une conversion de la dette en investissements directs serait plus adéquate que le flou actuel qui en gouverne les procédures. La coopération dite Nord-Sud s'en verrait renforcée, de même que l'on verrait s'arrêter les drainages Sud-Nord des matières premières et de la main-d'oeuvre ou encore des cadres.

Voltaire ne disait-il pas que «le travail éloigne de nous trois grands maux: l'ennui, le vice et le besoin»? Ces maux sont de nos jours les trois grands fléaux pathologiques de notre société: le chômage, la drogue et la famine. Or, tous ces éléments apparaissent souvent aux pays pauvres comme le résultat de distorsions de l'aide fournie.

En ce qui concerne le Plan d'action du Sommet de Rome, avec lequel les Seychelles sont entièrement en harmonie, il m'apparaît que mon pays a, d'ores et déjà, devancé bon nombre des engagements proposés. Je pense en particulier à l'implication des femmes dans le processus de développement, preuves à l'appui, je suis là, bien que j'étais monsieur tout à l'heure. Et pourtant, à écouter certains orateurs - je ne devais pas le dire, mais en fait j'ai bien fait de l'avoir noté ici - on aurait pu douter que les femmes puissent être concernées par ce Sommet. On continue à penser et à décider pour elles et cela est navrant car les femmes, partout dans le monde, participent à la chaîne de production alimentaire tout comme elles sont les premières victimes, par enfant interposé, de la famine. De plus, elles, tout comme les jeunes, sont les plus actives à lutter contre les menaces écologiques, en tout cas aux Seychelles où l'environnement est une ressource inestimable et les femmes plus intuitivement protectives.

Nous avons également cherché à assurer par des méthodes participatives, propres à notre contexte, une production alimentaire durable et diversifiée, notamment dans le domaine halieutique ainsi que de la production maraîchère.

Toutefois, les Seychelles, en commun avec de nombreuses îles océaniques, ne peuvent, en raison de l'exiguïté des terres arables, subvenir totalement aux besoins alimentaires du pays. Quatre-cent-cinquante-cinq kilomètres carrés de terres émergées, dont la grande partie consiste en montagnes et rochers répartis sur plus de 100 îles, ne suffisent en aucun cas à subvenir aux besoins nutritionnels essentiels. Seule la mer qui nous entoure est généreuse et nous prenons grand soin de son exploitation.

La mer, avec le tourisme qui s'y rattache, est pour les îles une source économique importante. Cependant, le tourisme est une ressource ambiguë; s'il offre du bonheur en kit, il peut être également une source énorme de gaspillage pour les pays. Il faut plus d'eau potable, plus d'énergie et surtout plus de nourriture. A cet égard, il ne serait pas inutile d'imaginer des campagnes de sensibilisation auprès des visiteurs dans leur pays d'origine, car dans ce domaine comme dans bien d'autres, la mise au plein jour des plus injustifiables dépenses ou gaspillages de toute sorte serait une façon de faire admettre à tous, y compris aux pouvoirs publics, la nécessité flagrante mais aussi urgente du besoin de rigueur. Le Secrétaire général des Nations Unies a d'ailleurs souligné ce fait lui-même dans son discours d'ouverture.

Sur un autre plan qui est cependant lié au premier, les Seychelles, de même que de nombreux autres petits Etats, dépendent presque exclusivement des importations pour les denrées alimentaires de base. Aussi, il va sans dire que le choc des céréales de l'année dernière, quand les stocks mondiaux ont été réduits à des niveaux inacceptables et que les prix ont flambé, nous a porté un grand préjudice. Nous comptons donc lourdement sur nos fournisseurs pour respecter les termes de cet engagement. Notre survie à long terme en dépend, tout comme dépendent de la distribution de vivres aujourd'hui les victimes de la guerre et de la famine dont les images insoutenables nous poursuivent jusqu'ici et que nous devons impérativement aider.

Nous avons tous besoin les uns des autres aussi, je conclurai sur l'espoir que m'inspire un poème d'enfance: «Si tous les gars du monde voulaient se donner la main....». Je laisse à votre appréciation ce que seraient les lendemains.


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