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Stratégies paysannes de gestion des stocks de mals le cas du Bénin

Célestine WETOHOSSOU
Office national d'appui à la sécurité alimentaire (ONASA), Contonou Venin

Résumé. Avec l'évolution des habitudes alimentaires, l'extension de sa culture à l'ensemble du territoire national et sa relative facilité de conservation, comparé aux tubercules, le maïs occupe aujourd'hui la première place dans le système alimentaire national. Les zones de production sont essentiellement: le Bénin méridional, où il occupe encore la majeure partie des superficies emblavées et représente plus de 75 % de la production nationale malgré la contrainte que constitue la pression démographique; les zones en émergence, notamment le Borgou et l'Atacora, où les mutations du monde rural ont donné une impulsion au maïs, grand bénéficiaire des arrière effets de l'utilisation des engrais pour le coton. Au Bénin, la production du maïs est essentiellement l'oeuvre de deux organisations, les producteurs individuels et quelques rares groupements féminins. Trois types de stratégies caractérisent la gestion des stocks par le paysan béninois: la stratégie des producteurs marginaux, de plus en plus rares, qui est celle d'une agriculture de subsistance; la stratégie intermédiaire, développée par des paysans cultivant le maïs comme produit d'appoint, en partie stock commercialisé et en partie réserve stratégique du ménage; la stratégie des producteurs, qui font du maïs une culture Je rente et dont les actions concourent vers un accroissement du volume de la production (utilisation des intrants), avec une préoccupation permanente de l'état du stock (structure de séchage et de conservation) et de l'évolution des prix sur le marché. Toutefois, le manque de moyens et la méconnaissance des rigueurs du marché en font des acteurs encore peu conscients des défis auxquels ils doivent contribuer. Les améliorations pour la gestion des stocks de maïs chez les paysans devront porter sur l'homme, pour lui permettre, par un changement de mentalité et de comportement, de relever le défi de la conquête des marchés régionaux et internationaux sur les infrastructures, à améliorer afin de réduire les pertes sur les méthodes de gestion, le producteur devant être à même de suivre personnellement l'état du stock, les volumes manipulés, afin de répondre promptement aux demandes; sur l'information, qui est et doit être l'oeuvre de l'Etat.

Zea maidis, communément appelé maïs, est la céréale la plus cultivée au Bénin. Depuis 1988, la production ne cesse de croître; elle avoisine le chiffre de 450 000 tonnes.

Avec l'évolution des habitudes alimentaires, l'extension de sa culture à l'ensemble du territoire national et sa relative facilité de conservation, comparé aux tubercules, le maïs occupe aujourd'hui la première place dans le fonctionnement du système alimentaire national.

La production du maïs au Bénin: analyse zonale

La présente analyse est consacrée à la description des différentes zones de production à travers les spécificités de chacune, ainsi qu'aux acteurs de cette production.

Si le maïs est aujourd'hui cultivé à l'échelle de tout le pays, son aire originelle de production n'en demeure pas moins le Bénin méridional, où il occupe encore la majeure partie des superficies emblavées et représente plus de 75 % de la production nationale.

Globalement, le pays présente quatre grandes zones de production.

Les anciennes zones de production

Il s'agit essentiellement du Bénin méridional et central, c'est-à-dire des départements du mono, de l'Ouémé, de l'Atlantique, du sud du Zou et du pays des collines, en ce qui concerne la partie centrale du pays. Dans cet ensemble géographique, les principaux foyers de production sont:

Dans ces différentes zones, hormis celle du nord du Zou, la principale contrainte pour le développement de la culture du maïs est la pression démographique, qui favorise une exploitation sans jachère et contribue à compromettre dangereusement la qualité des formations pédologiques.

Partant, même si les conditions climatiques sont encore optimales, des efforts de régénération des sois restent à faire pour conserver à cette partie méridionale du pays sa vocation originelle à la production du maïs.

Les zones en émergence

Il s'agit essentiellement du Borgou et du sud, du sudest et du nord-est de l'Atacora.

Dans le Borgou, ce sont les mutations du monde rural qui ont donné une impulsion au maïs, grand bénéficiaire des arrière-effets de l'utilisation des engrais pour le coton.

C'est la raison pour laquelle les principaux foyers de production demeurent les zones cotonnières: Kalalé, Nikki, Pèrèrè, Bimbèrèkè, Gogounou, Kandi, Banikoara et Ségbana. Le même phénomène a été observé dans certaines sous-préfectures du département de l'Atacora, où les principales poches à maïs sont Bassila, Djougou, Péhunco, Kérou et Kouandé.

Les stratégies de gestion des stocks des producteurs

Au Bénin, depuis la fin de l'euphorie de la campagne nationale pour la production, la production du maïs est essentiellement l'oeuvre de deux organisations: les producteurs individuels et quelques rares groupements féminins.

L'analyse concerne davantage les producteurs individuels, de plus en plus nombreux à produire pour le marché national et même régional. Il est important de signaler que, déjà, à la production, l'attitude de chaque paysan est fonction de ses moyens et des et objectifs qu'il se fixe, ce qui, par voie de conséquence, se répercute sur la façon de gérer les stocks. Grosso modo, trois types de stratégies caractérisent la gestion des stocks du paysan béninois.

Première stratégie

La stratégie des producteurs marginaux, de plus en plus rares d'ailleurs, n'est rien d'autre que l'attitude d'un agriculteur de subsistance. L'exploitation agricole s'agrandit au rythme de l'augmentation de la famille et se caractérise par la quasi-inexistence de greniers; ces derniers sont remplacés par des calebasses en forme de dame-jeanne au sommet rétréci avec une ouverture de diamètre variable (10 à 20 cm). Ces structures de conservation des stocks, essentiellement à l'usage des ménages, sont disposées dans des coins d'appartement, souvent à proximité des foyers, sources de chaleur permettant de poursuivre le séchage progressif du stock. Ces stocks généralement très limités ne font l'objet d'aucun traitement et restent difficiles à évaluer en terme de volume, même par le producteur. Cette catégorie de producteurs marginaux, de plus en plus rares, est insensible à l'évolution des prix sur le marché.

Deuxième stratégie

La stratégie intermédiaire est celle développée par des paysans cultivant le maïs comme produit d'appoint. Elle est déjà régie par une sensibilité du paysan à la qualité du produit, étant donné qu'une partie du stock est commercialisée pendant que l'autre constitue la réserve stratégique du ménage. Les objectifs de sécurité alimentaire et financière du ménage guident donc la gestion des stocks pour cette deuxième catégorie de producteurs. Ici, le grenier est la principale structure de stockage, et on le retrouve autant dans les champs, comme structures de séchage, que dans les habitations. Leurs lieux d'implantation sont choisis en fonction de l'aération (cas des champs) et de la proximité d'une source de chaleur (cas des greniers de maison).

Troisième stratégie

La troisième stratégie est celle des producteurs qui font du maïs une culture de rente, c'est-à-dire qui produisent davantage pour le marché.

Ils sont de plus en plus nombreux, tant au sud (Ouémé, nord de l'Atlantique), où le maïs de première saison fait l'objet d'une conservation difficile en raison du taux d'humidité encore élevé, que dans le nord, où la relative sécheresse de l'air limite déjà les pertes. Pour cette troisième catégorie d'agriculteurs, même la stratégie de production est déjà nettement différente de celle qui caractérise les deux premiers groupes, car toutes leurs actions concourent vers un accroissement du volume de la production, avec une préoccupation permanente de l'état du stock et une attention particulière à l'évolution des prix sur le marché. Les exploitations agricoles sont déjà plus grandes, de même que la capacité des structures de stockage, qui varient entre 2 et 8 tonnes.

Généralement, pour ces types de producteurs-commerçants, les structures de séchage, c'est-à-dire de préstockage, sont partie intégrante de la chaîne, et l'utilisation de la main-d'oeuvre agricole prédomine sur celle de la famille. De plus, le paysan-commerçant développe une stratégie d'utilisation des intrants pour le moment très favorable aux producteurs de la région septentrionale, qui profitent non seulement de la disponibilité en terres cultivables mais des arrière-effets du coton; les producteurs de la zone méridionale sont beaucoup moins favorisés, parce qu'ils ne disposent pas d'autre production pouvant minimiser le coût des intrants, mais surtout parce qu'ils doivent gérer la grande contrainte que constitue le manque de terre.

Pour cette dernière catégorie de producteurs, la gestion des stocks bénéficie de plus de rigueur.

En effet, la volonté de contrôler le marché explique la rétention du produit dans les greniers, donc un long stockage pouvant aller jusqu'à la période de soudure (soit un stockage de six à sept mois), et parfois toute une campagne, selon l'état du marché. Mais ce dernier cas de figure est déjà plus rare, ce qui illustre à bien des égards les capacités encore limitées de ces gros producteurs, à qui s'impose de plus en plus la nécessité de conquérir le marché aussi bien régional qu'international.

Un autre facteur limitant pour la qualité des stocks mis en marché par ces gros producteurs est le calibrage de la production. En effet, le manque de moyens, ainsi que la méconnaissance des rigueurs du marché et même des réseaux marchands à l'échelle nationale, fait de ces avant-gardistes de l'agriculture vivrière béninoise des acteurs encore peu conscients des défis auxquels ils doivent contribuer. Même si leurs stocks font l'objet d'un traitement régulier, la pratique encore courante est la vente individuelle à des commerçants dont la solidité des réseaux de relais sur le terrain dépasse de très loin l'organisation qui régit ces acteurs de la base. De plus, pour des besoins financiers immédiats, il n'est pas rare de voir une partie du stock portée sur le marché soit par la femme, soit par le producteur lui-même. Ainsi, la gestion des stocks laisse encore à désirer pour des raisons d'organisation, d'analphabétisme, de comportement encore peu entreprenant, de méconnaissance des rigueurs inhérentes à la conquête du marché, etc.

Quelles améliorations pour la gestion des stocks au Bénin

Les axes d'intervention pour l'amélioration des stratégies de gestion des stocks de maïs au Bénin apparaissent en filigrane dans l'énumération des contraintes du secteur.

L'homme

La catégorie des producteurs commerçants ayant en charge le grand défi de la conquête des marchés régionaux et internationaux évolue dans un environnement pour le moment défavorable à l'accomplissement de cette mission.

En dehors de la formation indispensable tant pour la gestion des stocks que pour celle de l'exploitation agricole, ces paysans souffrent encore d'un manque d'organisation qui les affaiblit devant le commerçant extérieur ou le simple collecteur forain qui, pour le moment, fixe le prix d'achat au producteur. Il y a donc là nécessité que les paysans s'organisent. De plus, un sérieux travail de changement des mentalités et des comportements est à entreprendre dans le nouveau contexte de libéralisme économique, encore mal perçu du producteur d'échelle qui, en réalité, mal informé de la situation du marché national, attend qu'on le débarrasse de sa production. Dans sa stratégie de gestion des stocks, il a tendance à minimiser un certain nombre de coûts, dont celui du stockage.

Les infrastructures

Il convient de mentionner ici le caractère encore traditionnel des infrastructures, dans la plupart des zones. Cette situation occasionne des pertes encore très élevées: 15 à30 % du volume du stock en six mois de stockage dans la partie nord du pays, et 20 à 40 % dans la zone méridionale, notamment pour le maïs de première saison.

La gestion des stocks

Couplée à la formation des producteurs, l'initiation à la gestion des stocks doit avoir pour objectif de faire suivre par le producteur lui-même, et non par l'agent de vulgarisation agricole, l'état du stock, les volumes manipulés, afin de pouvoir répondre promptement aux demandes éventuelles de toute origine. Pour ce faire, les producteurs doivent être formés à la tenue à jour des fiches de gestion de stock. Cette activité nécessite une alphabétisation fonctionnelle et adaptée. Il faut rappeler ici la nécessité d'initier le paysan au calibrage du produit et au tri du stock, afin qu'il puisse différencier, et de manière assez formelle, le maïs blanc du maïs jaune, au lieu de les mélanger, comme c'est actuellement le cas.

L'information

Actuellement, et à l'avenir, dans le contexte africain, l'information doit être l'œuvre de l'Etat. Des structures étatiques spécialisées devront travailler en s'appuyant sur les médias, les publications diverses, tant en français qu'en langues nationales. C'est à cette œuvre que s'attelle l'Office national d'appui à la sécurité alimentaire (ONASA).

Références bibliographiques

ONC, 1990. Marché et commercialisation du maïs au Bénin. GTZ, 150 p.

WETOHOSSOU ZANOU C., 1991. Secteur privé et problématique du stock de sécurité alimentaire au Bénin. ONASA, Bénin, 170 p.


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