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C. La problématique

I. Complexité du sujet

La période du développement technocratique est heureusement un fait du passé dans beaucoup de pays. Il est désormais de plus en plus difficile de décider du haut vers le bas et, malgré cela, d'avoir des projets réussis et pérennes.

De la même manière, les projets de protection de l'environnement stricto sensu sont également voués à l'échec, dès qu'une pression démographique minimale est observée.

La conciliation de l'environnement et du développement, première étape du développement durable, est désormais un fait acquis dans les principes du présent kit.

Il reste à mettre en place ces principes. Ceci est difficile, d'autant que le développement a dû logiquement ajouter plusieurs dimensions pour mériter le qualificatif de durable.

Il faut donc satisfaire à plusieurs objectifs et à plusieurs contraintes pour faire réellement de la gestion durable des ressources naturelles. Cette nouvelle alchimie est complexe et doit permettre de fournir des réponses opérationnelles à des questions comme vaut-il mieux bien gérer une forêt naturelle - avec l'avantage de lui donner une valeur marchande et donc de mieux la protéger à moyen terme, mais le risque d'en endommager certaines fonctions écologiques vitales - ou en interdire l'accès totalement - avec l'avantage d'être assuré que personne n'y louchera au moins à court terme, tant que la pression sur les ressources ne sera pas trop forte, mais aussi le risque de voir sa valeur marchande nulle en faire à terme un objet de convoitise mal défendu -?. En termes brutaux: Vaut-il mieux, dans l'intérêt même de la conservation de la nature, interdire l'importation des bois tropicaux ou encourager une saine exploitation des forêts tropicales?.

II. Forte ambition

Si le présent kit pédagogique remplit ses objectifs, de nombreuses personnes, grâce aux activités de formation appuyées par la FAO, pourront bénéficier de cet enseignement et acquérir les principes de gestion durable des ressources naturelles.

L'expérience acquise au travers de la mise en place de ces principes devrait permettre, en retour, d'améliorer continuellement le kit.

III. Domaine en pleine mouvance sur le terrain

Les évolutions très rapides de ces toutes dernières années ont mis en exergue le concept de développement durable de manière très forte dans la plupart des grands rendez-vous internationaux (traité de Maastricht, conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement, dite conférence de Rio 1992), ainsi que dans l'organisation des grands organismes internationaux.

Sur le terrain, dans le même temps, dans la conception, la réalisation, l'évaluation et le suivi des projets, les méthodes évoluent et se refondent, beaucoup moins rapidement et de manière beaucoup moins radicale cependant que dans les milieux internationaux.

La dégradation des ressources naturelles, longtemps négligée ou considérée comme le prix à payer - pour le progrès - s'intègre progressivement dans le calcul économique au même titre que les échanges marchands.

Economistes, juristes, agronomes, zootechniciens, hydro-biologistes, pédologues, forestiers, travaillent à mettre au point des méthodes de prise en compte de cette durabilité dans la conception des projets.

Toute synthèse dans ce domaine se heurte à la rapidité des mutations, et ce qui est dit aujourd'hui ici devra sans doute largement modifié dans un an, voire moins.

IV. Manque de données de base et risque cumulatif de données circulaires

Ceci est d'autant plus frappant que, dans leur désir de rattraper le temps perdu, beaucoup de formulateurs de projets se lancent résolument dans la prise en compte de l'environnement et, plus généralement, dans le développement durable comme la nouvelle réponse aux maux universels.

Il convient de remarquer que cette hâte est souvent contre-productive et perpétue des comportements indésirés. En effet, on manque souvent des bases scientifiques d'action, ce qui peut discréditer les efforts et, par delà, le concept même de développement durable.

Compte tenu des retards pris dans les mesures de qualité de l'environnement, ainsi que de la relativement faible priorité accordée au suivi des projets, le risque de transmettre des données circulaires est fort dans le domaine étudié. On entend ici par données circulaires des données qui, mesurées ou citées une fois par un auteur dans un contexte déterminé et valables dans ce contexte, sont reprises plus tard ou ailleurs sans analyse critique de leur pertinence. On peut dire, par exemple, que l'analyse des besoins financiers mondiaux,, lors de la préparation de la Conférence de Rio 1992, pour la protection de plusieurs ressources (marines par exemple) a largement suivi cette logique.

Un effort particulier a donc été fait dans le contenu du présent kit pour bien distinguer les données primaires des données secondaires.

Le gestionnaire durable des ressources naturelles doit donc toujours faire preuve d'une grande vigilance, entre les purs et durs de la croissance économique à tout crin et les purs et durs de la conservation de la nature.

V. La nécessité de convaincre avant de transmettre

Il a été observé au cours des sessions d'enseignement-test qu'il était nécessaire de convaincre les stagiaires du bien fondé de l'approche développement durable avant de pouvoir transmettre des outils et des méthodes dans cette approche.

Cette nécessité de convaincre sera sans doute présente dans la plupart des enseignements effectués avec le présent kit. La mobilisation pour cette démarche sera du ressort de chacun des formateurs utilisant la démarche. Il a été fourni ici des points de repère permettant, pour qui le veut, d'expliquer la pertinence de l'approche développement durable. Toutefois, cette approche sera, dans la pratique, toujours en concurrence avec d'autres approches plus dures.

En d'autres termes, l'approche développement durable a comme caractéristique principale d'être constructive. Dans la réalité, les agents de terrain auront toujours la possibilité d'opposer une solution destructive (remplacer les Malgaches par des Japonais) à une solution constructive (assurer le développement de Madagascar avec et par les Malgaches). Dans la pratique, les décideurs opteront souvent pour les solutions destructives et réactives (se désintéresser d'un problème tant qu'il n'est pas à vif) plutôt que pour les solutions constructives et proactives, parfois longues, peu médiatiques et plus exigeantes. Une autre manière d'exprimer ce biais est de dire dans le vocabulaire des sciences physiques que les augmentations d'entropie sont plus faciles à réaliser que les diminutions.

Lors des sessions d'enseignement test, il a été essentiellement remarqué la difficulté, pour les stagiaires ayant une bonne connaissance du terrain, de croire que les organisations internationales allaient réellement changer d'approche du développement et réellement intégrer le développement durable dans leurs stratégies. Cette incrédulité a été particulièrement marquée par rapport à l'approche socio-organisationnelle du développement durable.


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