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Appendix 11: Evaluation les potentiels de capture des espèces démersales dans les divisions COPACE Cap Vert et Sherbro (F. Domain)

par

F. Domain
Océanographe biologiste ORSTOM. Centre océanologique de Bretagne
BP 337, 29273 Brest - France

Les divisions Cap Vert et Sherbro couvrent les plateaux continentaux des pays suivants:

Mauritanie (sud du Cap Timiris)
Sénégal
Gambie
Guinée Bissau
Guinée
Sierra Leone
Libéria
Les superficies des plateaux continentaux de ces pays, mesurées par planimétrie, sont données dans le tableau 1.

1. DIVISION CAP VERT

La division Cap Vert apparaît comme la zone la plus riche du golfe de Guinée. Les données de prise et d'effort des chalutiers polonais du type 5.53 GRT, entre 1964 et 1974, donnent si on leur applique un modèle de Schaefer, un chiffre de 180 000 tonnes comme potentiel annuel de capture des espèces démersales (Annexe 1).

A partir des données japonaises (de 1964 à 1971) et le même modèle (Annexe 2), l'estimation est de 150 000 tonnes. L'analyse de la composition des captures des chalutiers japonais permet de penser que ceux-ci sont très sélectifs dans le choix des captures conservées à bord pour être commercialisées. Les rejets sont vraisemblablement moins importants dans la flotte polonaise. Ceci expliquerait que l'estimation déduite des données japonaises soit plus faible.

Une campagne d'écho - intégration effectuée devant le Sénégal en avril-mai 1976 a permis d'évaluer la biomasse démersale à environ 400 000 tonnes (Gerlotto et al., 1976). A cette époque de l'année la majeure partie du stock démersal de la division Cap Vert se trouve dans le secteur sénégambien. Si l'on admet que les juvéniles souvent concentrés près du littoral dans des zones inaccessibles aux chalutiers ne sont pas exploités ou ne le sont que partiellement, la biomasse de 400 000 tonnes pourrait représenter la biomasse du stock exploité, pour lequel les captures C sont égales au produit de la mortalité par pêche F par la biomasse B:

C = F × B

Nous ne possédons pas de données sur les captures totales dans les eaux sénégalaises en 1976. En première approximation, leur niveau sera supposé sensiblement égal à la moyenne des trois dernières années pour lesquelles des données sont disponibles (1972, 1973, 1974), soit environ 200 000 tonnes annuelles. La mortalité F due à la pêche serait donc voisine de

Si on considère que les espèces de la région ont une durée de vie d'environ 4 à 5 ans, l'abaque donnée par Tanaka (1960) donne une estimation du coefficient de mortalité naturelle M égale à 0,5 - 0,6. F serait donc voisin de M.

Avec le modèle de Schaefer, un tel niveau d'exploitation correspond à peu près au maximum de production en état d'équilibre. Avec une production annuelle de 200 000 tonnes le stock démersal exploité au large des côtes sénégalaises se trouverait donc au voisinage du maximum de production équilibrée. Cette estimation est proche du chiffre de 160 000 tonnes obtenu par l'application du modèle de Schaeffer à la série des rendements de la flottille chalutière polonaise.

Lors de la campagne GTS, en 1963-1964, les fonds de pêche de Guinée Bissau situés entre 10 et 50 m n'étaient pratiquement pas exploités et la biomasse de 261 000 tonnes donnée par Williams (1968) pour ces fonds dans la zone "Bissagos" (qui déborde légèrement la façade maritime de la Guinée Bissau) pouvait être considérée comme une biomasse vierge donc satisfaisant à la condition d'application de la formule de Gulland Cmax = 0,5 MB0. Sur cette partie du plateau continental prospectée lors du GTS, dont la superficie est d'environ 25 000 km2, les fonds de Guinée Bissau compris entre 10 et 50 m s'étendent sur 14 000 km2, Par interpolation on admettra que la biomasse était de 146 000 tonnes. Ce chiffre ne prend pas en compte Brachydeuterus auritus dont on peut considérer que 80% de la biomasse, soit 80 000 t, se trouve dans cette zone (Domain, 1977). La biomasse démersale vierge existant en 1963-1964 devant la Guinée Bissau entre 10 et 50 m serait donc de l'ordre de 226 000 t. En prenant, ainsi qu'il a été expliqué plus haut, un coefficient de mortalité naturelle de 0,5 la production potentielle de cette zone serait de l'ordre de 55 000 tonnes.

D'après Williams (1968) la partie du plateau continental comprise entre 50 et 200 m (environ 7 000 km2) a une densité en espèces démersales 1,3 fois plus faible. En tenant compte de cette observation et en extrapolant la valeur trouvée pour la zone côtière on obtient un chiffre de 21 600 tonnes. La production potentielle en espèces démersales du plateau continental de Guinée Bissau entre 10 et 200 m serait de l'ordre de 80 000 tonnes. Si l'on extrapole cette estimation à la zone sud - Mauritanie - Sénégal, en supposant une productivité homogène des fonds, on obtient une valeur de 145 000 tonnes.

Postel (1955) considère que devant la Guinée "en aucun cas la densité de peuplement n'atteint celle des côtes du Sénégal". En l'absence de données de prise et d'effort sur la région nous extrapolerons l'évaluation obtenue pour la Guinée Bissau à la Guinée en considérant que d'après Williams (1968) la densité des espèces démersales du plateau continental guinéen est environ 2,1 fois plus faible que celle de la zone située plus au nord. La production potentielle de la Guinée serait ainsi de l'ordre de 64 200 tonnes.

Le potentiel de capture annuelle d'espèces démersales, obtenu à partir des évaluations de Williams (1968), serait donc de l'ordre de 287 000 tonnes.

Cette évaluation paraît élevée par rapport à celles obtenues par les modèles de production. Il faut cependant tenir compte du fait que les biomasses évaluées par Williams englobent un certain nombre d'espèces qui ne sont pas actuellement commercialisées. Cette méthode a donc tendance à surévaluer les potentiels effectifs de capture. D'autre part, en procédant ainsi, on ne tient pas compte des variations saisonnières de la répartition des espèces dans la région. Enfin, on suppose une répartition homogène de certaines espèces, notamment Brachydeuterus auritus dont on sait pourtant que les principales concentrations se trouvent devant l'embouchure du Sénégal et au large de la Guinée Bissau.

L'évaluation a été reprise en ne tenant compte que des données de la partie de la campagne GTS effectuée en saison froide (GUINEAN II) dans la zone Bissagos - au large de la Guinée Bissau et de la Casamance - où une grande partie du stock se trouve concentrée, A partir de résultats de mesures d'écho-intégration (Stequert, en préparation) effectuées en saison froide de la Mauritanie à la Guinée, il est possible d'obtenir un rapport de densité en poissons, toutes espèces comprises, entre les zones Guinée Bissau, Sénégal - Gambie et Mauritanie. Ces rapports sont les suivants: Sénégal/Guinée Bissau = 1,14; Mauritanie/Sénégal = 0,65.

Tableau 1 Surface (km2) des différentes subdivisions adoptées

Divisions COPACE

Pays riverains

Surfaces des plateaux continentaux (km2)

Surface totale (km2)

Surface de l'ensemble de la division (km2)


 


0 - 10 m

10 - 50 m

50 - 200 m



Mauritanie 15°N à 17°N


4 800

6 200

11 000


Mauritanie 17°N au Sénégal


2 200

1 800

4 000


Cap Vert


 

Sénégal

3 600

11 600

8 400

23 600

123 000

Gambie

1 100

2 600

1 400

5 100


Guinée Bissau

16 300

14 000

6 800

37 100


Guinée

5 600

28 700

7 900

42 200


Sherbro

 

Sierra Leone

5 000

16 200

6 300

27 500

45 900

Libéria

1 500

5 300

11 600

18 400



La biomasse évaluée en saison froide par Williams entre 15 et 200 m dans la zone Bissagos, soit sur 37 000 km2, est de 384 000 tonnes, Brachydeuterus auritus exclu. Le secteur au large de la Guinée Bissau (21 000 km2, de 10 à 200 m) aurait donc une biomasse de 217 000 tonnes et une production potentielle, selon la formule approchée de Gulland, de 54 000 tonnes. Pour le Sénégal et la partie sud de la Mauritanie, on obtient alors, en tenant compte des rapports de densité donnés plus haut, des potentiels de capture respectivement de 70 000 et 28 000 tonnes. Nous ne disposons pas de résultats de mesures d'écho-intégration en Guinée. A partir des données de Williams pour la saison froide il est cependant possible de calculer un rapport de densité Guinée Bissau/Guinée de 2,4. En tenant compte de ce rapport et en extrapolant les valeurs de la Guinée Bissau à la Guinée on obtient pour ce pays un potentiel de 33 000 tonnes.

En Guinée Bissau, Domain (1977) évalue à 274 000 tonnes la production annuelle théorique de biomasse démersale totale à partir des résultats obtenus par Berrit et Rébert (1977) dans cette zone sur les rendements de la chaîne alimentaire (production primaire - production tertiaire). Si l'on applique la formule approchée de Gulland ceci correspond à un potentiel de capture d'environ 68 000 tonnes, proche des 54 000 tonnes auxquelles on avait abouti plus haut.

Le potentiel de capture annuelle se situerait donc, pour les stocks démersaux de la division Cap Vert, dans une fourchette comprise entre 150 000 et 280 000 tonnes.

Une autre évaluation des potentiels de capture pour la division Cap Vert peut être obtenue à partir des rapports de densité relative des chalutiers ivoiriens pour la faune côtière (0 - 50 m), sparidés exclus (Caverivière, annexe au rapport du groupe de travail sur les stocks démersaux (nord), Dakar 14-19 novembre 1977). Si l'on suppose que les aires non chalutables sont également en Côte - d'Ivoire, dans la zone Sherbro et dans la zone Sénégal-Gambie, Guinée Bissau et Guinée, on obtient des potentiels respectivement de 43 000 et 187 000 tonnes pour les faunes côtières de ces deux zones (Tableau 2).

Tableau 2 Potentiels de capture d'espèces démersales (sparidés exclus) de la faune côtière obtenus à partir des rendements relatifs des chalutiers ivoiriens


Densités relatives moyennes

Surfaces 10 - 50 m (km2)

Surfaces relatives

Indices de potentiel

Potentiel (tonnes)

Côte d'Ivoire

1

4 700

1

1

6 000

Division Sherbro

1,6

81 500

4,5

7,2

43 000

Guinée, Guinée Bissau, Sénégal, Gambie

8,6

56 900

12,0

31,2

187 000


2. DIVISION SHERBRO

Le stock de la zone Sherbro apparaît moins important que celui de la zone précédente. Eh 1960-1961, Watts considérait déjà le stock côtier de Sierra Leone, comme surexploité, Les perspectives se sont accrues avec la mise en exploitation de fonds de pêche plus profonds. Les données de prise et d'effort disponibles sont insuffisantes pour qu'il soit possible de tenter une évaluation de la production potentielle par l'application d'un modèle global.

Tableau 3 Potentiels de capture annuelle obtenus à partir de modèles de production et de méthode semi - quantitatives


GUINEAN I
+
GUINEAN II1

GUINEAN II2

Chalutiers ivoiriene3

Polonais (Schaefer)

Japonais (Schaefer)

Echo-intégration
(C = F × B)

Sud Mauritanie
Sénégal
Gambie

145 000 t

98 000 t

187 000 t




Guinée Bissau

78 000 t

54 000 t





Guinée

64 000 t

39 000 t






287 000 t

191 000 t

187 000 t

180 000 t

150 000 t

200 000 t

Sierra Leone

26 000 t

16 000 t

43 000 t




Libéria

14 600 t

9 000 t






40 600 t

25 000 t

43 000 t




1 Brachydeuterus auritus inclus
2 Brachydeuterus auritus exclu
3 Faune côtière (0-50 m)
Le tiers nord du plateau continental de la Sierra Leone entre 10 et 200 m (7 500 km) est deux fois plus riche que la partie sud (Williams, 1968) et sa productivité est comparable à celle de la Guinée. Par extrapolation1 on peut déduire un potentiel d'environ 8 000 tonnes pour la partie nord et 8 000 tonnes pour la partie sud, soit 1-6 000 tonnes pour l'ensemble du plateau continental de Sierra Leone entre 10 et 200 m.
1 A partir des données GTS (GUINEAN II en saison froide) et en ne tenant pas compte de Brachydeuterus auritus
Au Libéria une estimation de 9 000 tonnes annuelles, Brachydeuterus auritus exclu, peut être obtenue à partir du rapport des surfaces des plateaux continentaux entre 10 et 200 m de la partie sud de la Sierra Leone et du Libéria, si on suppose que ces deux secteurs ont une productivité comparable. Une estimation de 14 000 tonnes est obtenue par extrapolation à partir d'une évaluation obtenue pour la Côte d'Ivoire (15 700 t, Domain, en préparation) que l'on suppose également avoir une productivité comparable. Cette évaluation de 14 000 tonnes inclut le Brachydeuterus auritus qui est exploité en Côte d'Ivoire.

3. CONCLUSIONS

Les résultats obtenus par différentes méthodes d'évaluation sont consignés dans le tableau 3. D'une façon générale, les méthodes semi-quantitatives appliquées ici tendent à surestimer les évaluations dans la mesure où elles tiennent compte de la biomasse démersale totale et incluent donc une fraction du stock qui peut n'être pas commercialisable actuellement. Il est donc vraisemblable que pour la division Cap Vert le potentiel effectif soit actuellement de l'ordre de 150 000 à 200 000 tonnes.

Dans la division Sherbro on ne dispose pas de données de prise et d'effort permettant l'utilisation de modèles de production. A partir des méthodes semi-quantitatives on peut penser que le potentiel annuel de capture démersale se situe entre 25 000 et 40 000 tonnes.

BIBLIOGRAPHIE

CRODT, 1977 Rapport sur des mesures d'écho - intégration effectuées devant la Guinée Bissau, le Sénégal et la Mauritanie en avril-mai 1977, Dakar, CRODT

Caverivière, 1979 A., Indices d'abondance des poissons démersaux côtiers dans les différentes zones de pêche des chalutiers ivoiriens. Annexe au rapport du groupe de travail du COPACE. Dakar du 14 au 19 novembre 1977. CECAF/ECAF Sér., (78/8)

Domain, F., 1977 Les ressources démersales du plateau continental de Guinée Bissau. In Le milieu marin de la Guinée Bissau et ses ressources vivantes: le point des connaissances. Rapport ORSTOM - Ministère de la Coopération française, Paris

Domain, F., 1979 Les ressources démersales du Golfe de Guinée. FAO Doc.Tech.pêches, (186) (en préparation)

Gerlotto, F. et al., 1976 Répartition et abondance des poissons pélagiques côtiers du plateau continental sénégambien évaluées par écho-intégration en avril-mai 1976 (Campagne CAP 7605). Doc.Soi,Cent.Rech.Océanogr.Dakar-Thiaroye, (62):39 p.

Gulland, J.A., 1969 Manuel des méthodes d'évaluation des stocks d'animaux aquatiques. Man. FAO Sci.Halieut.. (4)

Postel, E., 1955 Les facies bionomiques des côtes de Guinée française. Rapp.P.-V.Réun.CIEM. (137):10-2

Tanaka, S., 1960 Studies on the dynamics and management of fish populations. Bull.Tokai Reg.Fish.Res.Lab., (28):200 p.

Watts, J.C.B., 1962 Evidence of overfishing in the Sierra Leone trawl fishery. Bull.Inst.Fondam.Afr.Noire (A.Sci.Nat.). 24(3):909-11

Williams, F., 1968 Report on the Guinean trawling survey. Publ.Organ.Afr.Unity Sci.Tech.Res, Comm., (99)vol. 1:828 p.

Annexe 1

Relation entre: prise, effort et prise par unité d'effort (pue) pour l'ensemble des poissons démersaux dans la division Cap Vert (pue des chalutiers polonais)

Année

pue (t/jour de pêche)

pue moyenne

Prises totales
(milliers de tonnes)

Effort total théorique
(jours de pêche)

1965

14,2




1966

13,3

13,7

74,2

5 416

1967

13,9

13,6

77,5

5 698

1968

10,5

12,2

97,7

8 008

1969

7,4

8,9

120,2

13 506

1970

6,7

7,0

132,4

15 914

1971

6,2

6,4

166,1

25 953

1972

7,0

6,6

182,6

27 667

Source: Bulletin statistique du COPACE
Coefficient dé corrélation; r = - 0,95
Y = 14,831 - 0,0003 x
YE = 14,831 x - 0,0003X2
f'(x) = 14,831 -0,0006 x
S'annule pour:
x = 24 718 jours de pêche
YE = 183 300 tonnes

Annexe 2

Relation entre prise, effort et prise par unité d'effort pour l'ensemble des poissons démersaux dans la division Cap Vert (pue des chalutiers japonais)

Année

pue (kg/heure de pêche)

pue moyenne

Prises totales (milliers de tonnes)

Effort total théorique (en milliers d'heures de pêche)

1964

1 482




1965

977

1 229

72,6

59,0

1966

667

922

74,2

80,4

1967

1 113

990

77,5

78,2

1968

789

951

97,7

102,7

1969

703

746

120,2

161,1

1970

486

594

132,4

222,9

1971

465

475

166,1

350,0

1972

881

673

182,7

271,5

1973

831

856

226,2

264,2

1974

870

850

211,7

249,1

Source: Bulletin statistique du COPACE
Coefficient de corrélation; r = -0,92
Y = 468,91 - 0,377 x
YE = 468,91 x - 0,377 x2
f'(x) = 468,91 - 0,75 x
s'annule pour:
x = 625 210 heures de pêche
YE = 145 800 tonnes


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