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Appendix 12: Première évaluation acoustique des ressources démersales du plateau continental de la Guinée Bissau (B. Stequert et F. Gerlotto)

par

B. Stequert
CRODT, B.P. 2241, Dakar, Sénégal

et

F. Gerlotto
CRO, BP V-18, Abidjan, Côte d'Ivoire

INTRODUCTION

Une campagne d'évaluation acoustique quantitative a été effectuée en avril - mai 1977 sur le plateau continental ouest-africain de 10 à 19°N. Au cours de cette campagne, huit jours ont été plus particulièrement consacrés au plateau continental de la Guinée Bissau. A partir des données recueillies par cette technique, il est possible de proposer une évaluation de la biomasse en poissons démersaux de ce secteur.

1. MATERIEL ET METHODES

1.1 Equipement acoustique et réglages

Le N.O. CAPRICORNE est équipé d'un écho-intégrateur SIMRAD QM-MKII, pouvant être couplé à l'un ou à l'autre des sondeurs scientifiques SIMRAD EK (de 38 et 120 kHz) du bord. Les réglages utilisés pour cette campagne sont ceux déjà préconisés par Gerlotto et al. (1976).

1.2 Choix du parcours

La très grande superficie à couvrir oblige à choisir le trajet le plus représentatif possible; c'est à partir des résultats obtenus le long de cette route que l'extrapolation à l'ensemble du plateau sera faite. La prospection de cette zone (6 780 milles2) a été effectuée selon un parcours en grecques, avec radiales espacées de 10 milles, allant des fonds de 8-10 mètres jusqu'à la limite du plateau (fonds de 200 mètres). On a considéré que chacune était représentative de la surface s'étendant à 5 milles de part et d'autre. Le parcours a été doublé afin d'obtenir une couverture complète de jour et de nuit; des campagnes précédentes du même genre avaient mis en évidence que le comportement du poisson provoquait toujours une grande disparité entre les détections diurnes et nocturnes.

1.3 Méthode d'évaluation de la biomasse

La biomasse en poisson dans un secteur est égale au produit de la densité moyenne de ce secteur par sa surface. La densité r se calcule simplement à partir de la relation r = C·M. (Midttun et Makken, 1971). C'est la constante d'intégration et M la déviation en millimètres lue sur l'écho-intégrateur" (TVG = 20 log R).

1.3.1 Constante d'intégration C

La technique d'écho-intégration ayant été essentiellement utilisée sur les stocks pélagiques, les constantes employées étaient jusqu'alors déterminées par la méthode de la cage (Johannesson et Losse, 1973) sur des espèces pélagiques. Or la constante d'intégration établie expérimentalement varie avec la nature des cibles considérées. Il a donc paru nécessaire, pour faire une estimation de la biomasse démersale, d'employer une constante d'intégration établie sur des poissons démersaux.

La méthode retenue consiste à intégrer les poissons dans la couche située juste au dessus du fond et à déterminer la densité in situ par une pêche au chalut. Connaissant les dimensions de l'ouverture du chalut, la durée du trait, la vitesse du bateau, l'épaisseur de la couche, il est aisé, à partir des captures, d'obtenir la densité correspondante. Plusieurs coups de chalut permettent d'obtenir une valeur moyenne de la constante d'intégration. Cette méthode suppose que l'on connaisse exactement la surface péchante du filet et que l'effet combiné de l'évitement, de l'échappement et du rassemblement par les bras est voisin de 1, ce qui n'est sans doute pas toujours le cas.

1.3.2 Intégration en cours de route

Les réponses acoustiques des poissons ont été intégrées pour une durée et un intervalle de profondeur déterminés. La durée correspondait à une distance de 2 milles et l'intervalle à une couche d'eau allant de 5 m au fond. Lorsque la configuration du plateau le permettait, le "bottom stop" a été branché: dans le cas d'accidents topographiques, la base de l'intervalle d'intégration était alors réglée manuellement le plus près possible du fond afin de ne perdre que le minimum d'information concernant la biomasse démersale. La séparation en biomasse démersaie et biomasse pélagique a été faite à partir des bandes de sondeur.

Il faut noter que pour les poissons très proches du fond, la présence d'un "champ mort" fait qu'il n'est pas possible de les détecter (fig. 1, tirée de Forbes et Nakken, 1972). Cette fraction de la biomasse démersale sera donc sous-estimée.

Fig. 1

2. RESULTATS

2.1 Calcul de la constante d'intégration C

Le chalut de fond utilisé avait une ouverture verticale de 3 mètres et une ouverture horizontale de 15 mètres. Les résultats obtenus pour les différents coups de chalut sont présentés dans le tableau suivant (tableau 1). Une valeur moyenne de C = 7,67 tonnes/mille2/mm (écart type = 5,34) a été retenue pour les poissons de fond (pour les poissons pélagiques les constantes d'intégration utilisées pendant cette même campagne étaient de 6,08 au sud du Cap Roxo et 6,38 au sud et à l'est des îles Bissagos).

Tableau 1 Calcul de la constante d'intégration à partir des traits de chalut

N° trait

Longueur trait (milles)

Volume. filtré (m3)

Capture (kg)

Densité (kg/m2)

Densité (kg/m2)

Intégrât, (mm)

G tonnes/mille2/mm

2

1,75

1,46·105

60

4,11·10-4

1,23·10-3

1,35

3,14

3

2,45

2,04·105

680

3,33·10-3

9,99·10-3

3,6.

9,52

5

1,60

1,33·105

53

3,97·10-4

1,19·10-3

0,52

7,87

6

2,81

2,34·105

105

4,48·10-4

1,35.10-3

0,81

6,59

7

2,0

1,67·105

320

1,92·10-3

5.76·10-3

10,0

1.98a

8

1,99

1,66.105

430

2,59·10-3

7,78·10-3

10,0

2,67

9

1,95

1.63·105

30

1,85·10-4

5,54·10-4

0,47

4,04

10

pas de mesurer possibles (intégration sur le fond)

11

1,89

1,53·105

230

1,46·10-3

4,38·10-3

0,8

18,5b

12

1,74

1.45·105

140

9,65·10-4

2,90·10-3

1,43.

6,95

13

2,20

1.83·105

1 600

8,73·10-3

2,62·10-2

9,40

9,55

14

1,84

1,53·105

250

1,63 10-3

4,89·10-3

1,0

16,8

15

1,96

1,63·105

320

1.96·10-3

5,88·10-3

20,0

1,01

16

1,93

1,61·105

400

2,49·10-3

7,46·10-3

5,0

5,12

17

1,74

1,45·105

1 800

1,24·10-2

3,72·10-2

8,8

14,5

19

1,37

1,14·105

300

2,63·10-3

7,88·10-3

4,0

6,76

a valeur de C probablement sous - estimée; couche de 1 m au dessus du fond, non intégrée
b capture importante (80 kg) de seiches (Sepia sp.)
2.2 Répartition des biomasses

Des cartes d'isodensité ont été établies pour le jour, comme pour la nuit; les figures 2 et 3 donnent une représentation synoptique des répartitions de biomasse observées au cours de cette campagne. De nuit, la majeure partie de la biomasse se situait sur les petits fonds. Une concentration importante a été trouvée sur les fonds de 50 m entre 12 et 12° 30'N. On peut noter une correspondance parfaite de cette concentration avec la partie sud des fonds vaseux mis en évidence à cet endroit (Domain, 1977). Une autre concentration de bien moindre importance existait au sud de la zone prospectée sur les fonds de 50 mètres.

De jour, ces concentrations semblent se disperser. Ainsi devant le chenal de Geba, il paraît y avoir extension de la biomasse vers le nord sur la totalité ou presque des fonds vaseux, vers le sud sur les fonds de sable situés entre 50 et 100 mètres (Domain, 1977) et vers l'est toujours sur des fonds de sable. La concentration observée au sud s'étend vers l'est sur des fonds moins importants. Deux concentrations apparaissent sur les fonds de 150-200 mètres. Elles pourraient être constituées d'espèces effectuant des déplacements bathymétriques de faible amplitude le long du talus. La limite de notre intervalle d'intégration, fixée à 200 mètres, fait que ces concentrations n'apparaissent pas de nuit dans nos résultats.

2.3 Evaluation des biomasses

De jour, pour les 6 780 milles2 prospectés, les évaluations en biomasse des différentes zones (caractérisées par leur densité) sont données dans le tableau suivant:

Zones

Intégration moyenne (mm)

Constante intégration (tonnes/mille/mm)

Densité (tonnes/mille2)

Superficie (milles2)

Biomasse (tonnes)

4

30

7,67

230

51

11 730

3

15

7,67

115

191

21 965

2

5

7,67

38

2 336

88 768

1

0


0

4 202

0




18

6 78o

122 463


Si l'on extrapole à la partie du plateau continental navigable (7 300 milles2, soit environ 25 000 km2) on arrive à une biomasse totale en poissons démersaux de 132 000 tonnes,

De nuit, pour la même surface prospectée, les évaluations sont données dans le tableau suivant:

Zones

Intégration moyenne (mm)

Constante intégration (tonnes/mille2 mm)

Densité (tonnes/mille2)

Superficie (milles2)

Biomasse (tonnes)

4

30

7,67

230

70

16 100

3

15

7,67

115

171

19 800

2

5

7,67

38

1 660

63 700

1

0


0

4 879

0




14,7

6 780

99 600


En extrapolant de la même manière que précédemment, on arrive à une biomasse totale en poissons déraersaux de 107 000 tonnes,

3. DISCUSSION

La différence de 25 000 tonnes enregistrée entre l'évaluation de jour et l'évaluation de nuit semble logique et peut facilement s'expliquer par les rythmes nycthémèraux des différentes espèces démersales.

De jour, les espèces benthiques et les crevettes se réfugient sur ou dans le fond et de ce fait échappent presque totalement à la détection. Les espèces démersales sont réparties dans une couche d'eau de 5 ou 6 mètres au-dessus du fond. Sur les enregistrements obtenus, il est facile dans ce cas de séparer les différents échos et de quantifier la part revenant, soit aux démersaux, soit aux pélagiques.

De nuit, les espèces benthiques et crevettes ainsi que les espèces necto - benthiques ont tendance à s'éloigner du fond et à se disperser dans la couche d'eau. Comme les espèces pélagiques, groupées en bancs de jour, se dispersent également dans toute la hauteur d'eau, la séparation des échos en démersaux et pélagiques devient très difficile.

On peut résumer ces observations par le tableau suivant:


JOUR

HUIT

ESPECES BENTHIQUES + CREVETTES

Pas intégrées ou très partiellement

Entièrement intégrées mais mélangées aux autres espèces

ESPECES DEMERSALES

Entièrement intégrées

Partiellement intégrées avec mélange aux espèces pélagiques


Après ces quelques remarques, il semble certain que la meilleure estimation possible de la biomasse de ces poissons sera celle obtenue de jour à laquelle il faudra ajouter une certaine quantité représentant les espèces "benthiques" (cynoglossidés et mullidés surtout) et les crevettes. D'après les captures obtenues au cours de nos échantillonnages, à partir de travaux antérieurs (Anonyme, 1976; Domain, 1977), on peut estimer à 15 ou 20 pour cent la fraction revenant à ces espèces. Dans ce cas là, la biomasse totale des poissons démersaux du plateau continental de la Guinée Bissau serait de l'ordre de 150 000 tonnes environ, ce qui représenterait pour la partie navigable une densité moyenne de 20 tonnes/mille2 ou encore 60 kg/ha environ. Ces densités sont comparables à celles avancées par d'autres auteurs: 86 kg/ha pour Williams (1968) et 73 kg/ha pour Domain (1977).

L'échantillonnage par pêche étant assez restreint (8 coups de chalut seulement) il est pratiquement impossible de faire une estimation spécifique de cette biomasse. Les renseignements recueillis au cours des pêches (fig. 4) sont cependant donnés à titre indicatif.

CONCLUSION

La méthode utilisée dans le présent travail pourrait être affinée, pour des travaux ultérieurs identiques, de plusieurs façons:

- choix d'un intervalle d'intégration plus adapté à ce travail précis;
- ajustement de la constante d'intégration (diminution de la variance),
- détail de l'évaluation secteur par secteur;
- estimation du coefficient de capturabilité affectant les pêches au chalut.

De tels aménagements seraient judicieux pour augmenter la précision du résultat. Il n'en demeure pas moins vrai que la méthode adoptée ici présente l'avantage de pouvoir donner, quelques jours seulement après l'avoir parcouru, une première estimation globale de la biomasse démersale présente sur le plateau continental.

BIBLIOGRAPHIE

CRODT, 1976 Etat de la pêche et des stocks exploités intéressant le Sénégal Dakar - Thiaroye, CRODT, juin 1976, 102 p. (mimeo)

Domain, 1967 F., Les ressources démersales. In Le milieu marin de la Guinée Bissau et ses ressources vivantes: le point des connaissances. Rapport ORSTOM - Ministère de la Coopération, Paris, 153p. multigr. (mimeo)

Forbes, S.T. et C. Nakken, 1972 Manuel des méthodes de prospection et d'évaluation des ressources halieutiques. Deuxième partie. Emploi d'instruments acoustiques pour détecter le poisson et en estimer l'abondance. Man.FAO Sci.Halieut., (5):147 p.

Gerlotto, F., et al. 1976 Répartition et abondance des poissons pélagiques côtiers du plateau continental sénégambien évaluées par écho - intégration en avril-mai 1976. Doc, Sci.Cent.Rech.Océanogr.Dakar-Thiaroye, (62):30 p.

Johannesson, K.A. et G.F. Losse, 1977 Methodology of acoustic estimations of fish abundance in some UNDP/FAO resource survey projects. Rap.P.-V.Réun.CIEM, 170:296-318

Midttun, L, et O. Nakken, 1971 On acoustic identification sizing and abundance estimation of fish. Fisheridir.Skr. (Ser.Havunders.), 16(1):36-48

Stequart, D. et F. Gerlotto, 1977 Une méthode acoustique rapide d'évaluation des stocks de poissons pélagiques côtiers: l'écho-intégration. Pêche Marit., 56(1188):160-5

Williams, F., 1968 Report on the Guinean trawling survey. Publ.Organ.Afr.Unity Sci.Tech.Res. Comm., (99), vol.1:868 p.

Fig. 2 Repartition de la biomasse en poissons démersaux observée de nuit.

Fig. 3 Répartition de la biomasse en poissons démersaux observée de jour.

Fig. 4 Résultats de nos échantillonnages


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