Les prises totales de poulpes dans la région sont globalement bien connues, en particulier grâce au système d'enquêtes mis en oeuvre par le COPACE avec l'aide de l'Espagne.
Par contre, la ventilation des prises par zones géographiques fines, par exemple la distinction entre les prises effectuées sur les stocks de Dakhla et du Cap Blanc devient de plus en plus problématique durant la période récente. Il en est de même de la distinction des efforts de pêche exercés dans les diverses zones et des PUE. En conséquence, le Groupe de travail a choisi de réaliser les analyses suivantes :
pour chacune des 3 espèces, calcul d'un modèle global mettant en relation les prises totales dans le secteur de l'étude (90 N à 360 N), et l'effort de pêche nominal, estimé par le nombre total de chalutiers qui a participé à la pêcherie sur ces espèces;
pour les trois espèces, calcul de modèles globaux par stocks géographiques : stocks de poulpes de Dakhla et du Cap Blanc, stock de Sepia du Sénégal et de la zone 34.1.3, stock de calmar de la zone 34.1.3.
Les avantages et les inconvénients de ces deux types d'analyses seront discutés ultérieurement. Le modèle de production généralisé (Pella et Tomlinson, 1969) a été employé. Ce modèle utilise un paramètre classiquement appelé m qui définit la forme de la courbe de production : les trois types de modèles classiques sont : a) le modèle de Schaefer (m = 2) où les PUE tendent linéairement vers zéro pour des efforts croissants et où la courbe forme un dôme symétrique. Ce modèle suppose implicitement que le recrutement est altéré à des niveaux d'efforts élevés, b) le modèle de Fox (1980) (m = 1), où les PUE décroissent exponentiellement pour des efforts accrus ; dans ce modèle les prises décroissent modérément au-delà de la prise maximale équilibrée, c) le modèle hyperbolique (m = 0) où la décroissance des PUE est plus faible que dans le modéle de Fox de telle manière que la prise théorique augmente régulièrement pour tout accroissement de l'effort de pêche. Dans ce modèle la prise maximale équilibrée est obtenue avec un effort infini. Dans la pratique le m le mieux en accord avec les données des prises et d'effort (moindres carrés minimum) a systématiquement été retenu et est donné. L'équilibre entre PUE et effort est supposé instantané, une seule classe d'âge (k = 1) étant en général dominante dans les prises des céphalopodes. Toutefois pour les poulpes ou les captures portent sur plus de trois ans on a mis en relation la prise d'une année avec l'effort des trois années précédentes. A cet effet on a effectué une pondération des efforts de 3 pour l'année en cours, de 2 pour l'année précédente et de 1 pour l'année située deux années plus tôt (procédure de Fox, 1970).
Les estimations de prises des 3 espèces par secteurs COPACE sont données aux Tableaux 4, 5 et 6.
Les estimations des prises de poulpes par stock ont été obtenues de la manière suivante :
période 1966 à 1980 : les estimations du Groupe de travail COPACE 1982 ont été retenues ;
période 1981 à 1984 : les estimations des captures de poulpes enregistrées par la Mauritanie ont tout d'abord été examinées (Tableau 12). Le Groupe de travail a considéré que ces données étaient très vraisemblablement sous-estimées pour des causes indéterminées. Les prises réalisées sur le stock de Dakhla pourraient être potentiellement calculées par la différence entre la prise totale de la zone 34.1.3 et la prise de la zone Cap Blanc ; elles seraient toutefois surestimées (Tableau 13), (les relations prises-effort de pêche obtenues avec ces données sont représentées à la Figure 3.) La ventilation des prises réalisées sur ces deux stocks, données dans les rapports de Shimura (1980–1984) semble aussi très peu fiable du fait de l'absence de livres de bord et du fait que d'importantes prises arrivent à Las Palmas dans des cargos.
Le Groupe a donc considéré qu'il était illusoire dans les circonstances actuelles d'estimer les prises par stock dans la période récente. Toutefois et à titre purement indicatif, des estimations très grossières des prises par stocks ont été obtenues de la manière suivante : la prise dans le secteur Dakhla est estimée par la différence entre la prise totale de la zone 34.1.3 et la prise Cap Blanc (données Mauritanie), mais a été jugée surestimée. La prise moyenne 1981–84 ainsi estimée dans le secteur Dakhla est 44% supérieure au niveau moyen 1977–80 Par hypothèse on a admis que la prise moyenne 1981–84 était identique à celle de la période 1977–80 et la prise de 1981–84 a donc été re-estimée (en appliquant aux prises 1981–84 un facteur multiplicatif égal à 3 95). Les prises dans le secteur du Cap Blanc ont ensuite été corrigées en leur ajoutant les prises ainsi soustraites du stock Dakhla.
Concernant les prises de seiches dans la zone sud Sénégal, les prises totales utilisées sont la somme des prises connues des bateaux contrôlés par le Sénégal et de celles estimées des bateaux affrêtés non contrôlés par ce pays. Ces données sont sous-estimées.
En effet, des navires coréens affrêtés sous pavillon sénégalais, ont opéré dans les eaux sénégalaises, gambiennes et mauritaniennes en 1982 et 1983, et ont débarqué leurs captures à Las Palmas. Or, les statistiques de ce port ne permettent pas de faire la distinction des prises par pays pour extraire celles concernant le stock sénégambien de seiches, différent du stock mauritanien.
Par ailleurs, pour 1984, les prises des bateaux et pirogues contrôlées par le Sénégal n'étant pas toutes disponibles, une estimation a été faite à partir de celles des pirogues en considérant que la proportion des captures effectuées par cette pêcherie est la même en 1984 qu'en 1983. En outre, la PUE du bateau standard n'étant pas également disponible, elle a été estimée à partir de celle d'un navire congélateur de la pêcherie en considérant que le rapport des PUE en 1984 est le même qu'en 1983.
Les efforts de pêche et les PUE ont été calculées selon deux méthodes :
Efforts, nominaux en nombres annuels de chalutiers ayant les céphalopodes pour espèces cibles. Cette estimation repose sur le fait que sont connus le nombre de chalutiers japonais de 1959 à 1975 (Hatanaka, 1979), espagnols de 1969 à 1984 (Bravo de Laguna, 1985b) et des divers pays débarquant aux Iles Canaries à partir de 1978 (Rapports de Yamamoto et Ansa-Emmim, 1979, Shimura 1980–1984, Roest et Frielink, 1985). La prise de céphalopodes obtenue par chacune de ces flottilles étant connue, ainsi que la prise totale toutes flottilles réunies, l'effort de pêche total en nombre de chalutiers a été estimée au prorata des efforts de pêche identifiés :
Les données de base afférentes à cette estimation sont données au Tableau 14
Ces efforts nominaux seront communs à l'exploitation des trois espèces de céphalopodes dans la zone nord du COPACE.
Efforts effectifs en jours de pêche standardisés exercés par stock. Ces efforts de pêche sont calculés en divisant les prises par les PUE spécifiques. Il s'agit d'estimations de PUE comparables à celles réalisées par les précédents Groupes de travail. La PUE des poulpes dans le secteur Dakhla a été recalculée en combinant les données espagnoles et japonaises en unité PUE espagnoles. Le calcul de ces PUE qui diffèrent très légèrement des estimations du précédent Groupe de travail, est donnée au Tableau 15. La PUE en poulpes du stock du Cap Blanc est, de 1966 à 1977, celle proposée par les deux Groupes de travail précédents. De 1977 à 1983 les indices de PUE calculés par Shimura à partir des enquêtes de Las Palmas ont été jugés préférables et sont incorporés à l'indice de PUE selon la procédure de calcul du Tableau 16. Ce choix demeure problématique, car il semble très probable que les PUE données par Shimura pour la zone du Cap Blanc concernent en fait une zone beaucoup plus vaste.
L'effort de pêche exercé sur les seiches du Sénégal est estimé en connaissant la PUE d'un chalutier boeuf de 1 500 CV. et 175 TJB et en divisant les prises totales estimées, de 1976 à 1984, par la PUE de ce chalutier.
L'effort de pêche exercé sur les seiches et les calmars de la zone 34.1.3 a été estimé en divisant la prise totale de ce secteur par la PUE des chalutiers espagnols.
Les PUE en poulpes classiquement utilisées ont fait l'objet d'examens critiques ; le Groupe de travail a fait un certain nombre de commentaires sur ces PUE :
PUE espagnole et japonaise dans la zone de Dakhla ; les précédents Groupes de travail avaient conclu qu'il existe une bonne corrélation entre les PUE espagnoles et japonaises. Cette corrélation apparait effectivement à la Figure 4. Il faut toutefois bien noter que cette corrélation est artificielle et ne correspondant en fait qu'à l'existence d'une période initiale de rendements forts pour les deux flottilles et d'une période finale de rendements faibles communs aux deux pays. Si l'on examine année par année les variations relatives des PUE des deux flottilles, la correspondance est médiocre (Figure 4). On constate par exemple, de 1969 à 1970, une forte chute de 47% de la PUE japonaise alors que la PUE espagnole ne baisse que de 14%. De même, la PUE espagnole s'effondre de 43% entre 1971 et 1972 alors que la PUE japonaise est stable (baisse de 8%). Ces divergences sont inexpliquées, mais il est évident qu'il existe des biais sérieux dans la relation PUE-abondance, pour l'une, l'autre ou les deux séries de PUE. La procédure adoptée de faire la moyenne des deux séries de PUE ne peut malheureusement pas supprimer ces biais non identifiés.
PUE en poulpes dans les secteurs Dakhla et Cap Blanc : les données japonaises montrent que jusqu'en 1975 les PUE dans la zone du Cap Blanc était très supérieures à celles de la zone de Dakhla (Figure 5). Ces données japonaises doivent être considérées comme très fiables. Ces différences très fortes peuvent être dues à des niveaux d'exploitation différents des stocks mais surtout à l'existence de conditions de pêche (biomasse et capturabilité) très différentes. Les PUE calculées par Shimura sur ces deux stocks révèlent par contre des différences très faibles dans les PUE des deux zones (Figure 6). Le Groupe de travail a jugé que malgré les périodes différentes cette homogénéité des PUE des deux zones étaient très probablement due à une mauvaise identification des zones de pêche et une confusion des prises et des efforts dans les deux secteurs.
Ces ajustements ont été réalisées pour les trois groupes de céphalopodes - poulpes, calmars et seiches. Les relations entre prises et efforts nominaux (communs aux trois espèces) sont données aux Figures 7 à 9. Les résultats des ajustements du modèle global sont les suivants :
(a) Poulpes
MSY | fMSY | f80–84/fMSY | ||
---|---|---|---|---|
m = 0.5 | k = 1 | 105 | 273 | 1.87 |
k = 3 | 100 | 219 | 2.31 |
(b) Calmars (k = 1, 1 classe d'âge)
MSY | fMSY | f83–84/fMSY | ||
---|---|---|---|---|
1965–1984 | m = 2.0 | 31.8 | 318 | 1.60 |
1965–1981 | m = 2.1 | 33.8 | 342 |
(c) Seiches ( k = 1, 1 classe d'âge)
MSY | fMSY | f83–84/fMSY | ||
---|---|---|---|---|
Fox | m = 1.0 | 52.2 | 286 | 1.78 |
On constate à l'examen des relations prises-efforts, un bon ajustement du modèle global. Les conclusions de l'analyse sont toutefois différentes selon les espèces : les poulpes et les seiches montrent une courbe de production intermédiaire entre le type Fox et le modèle hyperbolique (m compris entre 0 et 1), où la production reste soutenue à un niveau stable, bien que l'effort de pêche soit très supérieur à l'effort correspondant à la prise maximale équilibrée (78% en excès pour la seiche et 81% pour le poulpe). On note si l'on fait intervenir pour le poulpe l'effort des deux années antérieures pour mieux estimer une situation d'équilibre, la PME et l'effort correspondants se trouvent sensiblement réduits.
Les calmars montrent eux une courbe de production de type Schaefer (m = 2), où les PUE tendent vers O pour des efforts de pêche excessifs. Ce résultat était obtenu pour la période 1965–1981, pendant laquelle le modèle de Schaefer traduisait au mieux la tendance des rendements. En outre on constate depuis 1981 un effondrement des captures associé à un effort de pêche soutenu à un haut niveau. Ce résultat suggère fortement que le stock de calmars serait en voie d'extinction, très probablement par suite d'un effondrement du recrutement associé au trop bas niveau du stock reproducteur. Cette conclusion demanderait à être vérifiée, par exemple par les résultats des campagnes de recherches marocaines et mauritaniennes. Il n'est pas totalement exclu en effet que cette baisse des prises soit due (au moins partiellement) à une baisse de la capturabilité du (ou des) stock(s), liée par exemple à des changements de zones ou d'engin de pêche ou à une cause non identifiée.
Les calculs ont été effectués pour divers stocks classiquement bien identifiés : poulpes de Dakhla et du Cap Blanc, seiches du Sénégal, seiches et calmars de la zone 34.1.3.
L'application du modèle global à chacun des deux stocks de poulpes de Dakhla et du Cap Blanc semble une nécessité du fait des niveaux d'exploitation très différents de ceux-ci, et du fait de l'isolement probable de ces stocks. Les Figures 10 à 14 montrent les relations observées entre les prises et les efforts effectifs, ainsi que les modèles ajustés à ces courbes.
Les estimations suivantes de prises annuelles équilibrées et d'effort optimum sont obtenues :
(a) Poulpes de Dakhla
Type modèle | MSY | fMSY | f83–84/fMSY |
---|---|---|---|
m = 0.1 | 59.2 | 545 | 1.98 |
(b) Poulpes du Cap Blanc
Type modèle | MSY | fMSY | f83–84/fMSY |
---|---|---|---|
m = 0.5 | 43.1 | 281 | 0.43 |
(c) Calmars de la zone 34.1.3 (1969–1984)
Type modèle | MSY | fMSY | f83–84-fMSY |
---|---|---|---|
m = 1.0 | 25,6 | 1214 | 2,54 |
(d) Seiche du sud du Sénégal (1976–1984)
Type modèle | MSY | fMSY | f83–84-fMSY |
---|---|---|---|
m = 1.6 | 4,7 | 64 | 1,18 |
(e) Seiche de la zone 34.1.3
Type modèle | MSY | fMSY | f83–84/fMSY |
---|---|---|---|
m = 0.3 | 35,9 | 2217 | 1,61 |
Concernant les poulpes de Dakhla et du Cap Blanc, les conclusions sont comparables à celles obtenues par le précédent Groupe de travail (FAO, 1982). Le stock de Dakhla serait le plus fortement exploité bien que l'effort de la période récente (1981–1984) y soit peut être en sensible diminution. Cette diminution de l'effort associé à une prise stable demeure extrêmement hypothétique.
Le stock du Cap Blanc serait lui à un niveau d'exploitation croissant durant la période récente, l'effort actuel étant inférieur à celui correspondant à la prise maximale équilibrée. Ce résultat est lui aussi hautement spéculatif du fait que tant la prise que l'effort dans la zone demeurent extrêmement hypothétiques.
Concernant le stock de seiches du Sénégal, il apparaît que la forme de la courbe est principalement déterminée par le point de 1983. La prise de cette année étant probablement sous-estimée, il y a tout lieu de penser qu'on serait encore dans la phase ascendante de la courbe de production. Le stock ne semblerait donc pas surexploité, mais il est impossible à ce stade d'en estimer la prise maximale équilibrée.
Le stock de seiche de la zone 34.1.3 semble lui être exploité durant la période récente à un niveau bien supérieur à l'effort qui produit en théorie la prise maximale équilibrée.
Le stock de calmars de la zone 34.1.3 semble comme dans l'analyse du stock de la zone nord du COPACE être dans une très mauvaise condition. Le modèle global indique fortement que la prise s'effondre rapidement depuis 1981, vraisemblablement par suite de l'effort de pêche élevé et du type de la courbe de production qui semble être du type Schaefer (extinction du stock pour des efforts excessifs). Le calmar n'étant qu'une espèce accessoire, la dramatique baisse des rendements observée dans la période récente n'intervient pas pour auto-réguler l'effort de pêche “céphalopodes”, qui reste donc à un niveau excessif.
Le modèle global demeure, comme pour les Groupes de travail précédents, un outil privilégié pour juger de l'état d'exploitation des stocks de céphalopodes de la zone nord du COPACE. La brève durée d'exploitation de ces espèces, la longue série de données et les importantes fluctuations du niveau de l'effort de pêche constituent des facteurs favorables à l'emploi de ce modèle. Toutefois si l'on veut analyser les ressources à une échelle géographique fine, ce qui est évidemment extrêmement souhaitable les problèmes statistiques croissants dans la zone rendent impossibles des analyses véritablement fiables. En ce qui concerne les poulpes en particulier, ressource d'une très importante valeur économique, l'analyse du modèle global par stocks s'avère très peu réaliste du fait de l'absence de statistiques fines de prises et d'efforts par zone. Les conclusions du précédent Groupe de travail semblent dans l'ensemble peu modifiées.
L'analyse globale de la relation entre effort nominal et prise des trois groupes d'espèces de céphalopodes exploités dans la zone nord semble intéressante à considérer. Cette analyse présente le biais potentiel de combiner divers stocks ayant des taux d'exploitation différents (cela semble le cas). Toutefois l'analyse est robuste sur le plan des données qu'elle utilise, du fait que tant le nombre de chalutiers en activité, que la prise totale par espèce dans la zone sont des données connues avec une bonne précision. L'unité d'effort de pêche étant un nombre brut de chalutiers sans aucune standardisation des puissances de pêche, il est évident que cet effort ne pourra mesurer que très imparfaitement l'évolution réelle de la mortalité par pêche exercée sur les diverses espèces. On peut toutefois considérer que ce nombre de chalutiers mesure globalement assez bien la tendance générale de l'effort de pêche exercé sur les céphalopodes dans le secteur. Cet effort nominal présente en outre l'avantage d'être commun aux trois espèces et de mettre en évidence la réaction de chaque espèce aux variations de cet effort de pêche (contrairement aux estimations d'effort effectif, dont le but est de mesurer la mortalité par pêche sur une espèce, mais qui sont de ce fait variables d'une espèce à l'autre).
Tout en gardant à l'esprit les limites de cette analyse grossière celle-ci indique nettement (Figure 15) :
que l'effort de pêche exercé sur les céphalopodes de la zone nord est globalement excessif par rapport à l'effort qui correspond à la prise maximale équilibrée (pour les trois espèces) ;
que les stocks de poulpes et de seiches conservent des niveaux de production stables, proches de la prise maximale équilibrée, malgré l'effort excessif ;
que le stock de calmar semble en voie d'effondrement depuis 1981 du fait probablement d'une chute de recrutement. Ce danger était d'ailleurs prévisible au vu de la courbe de production qui semblait déjà en 1980 être du type Schaefer (m = 2) alors que celles du poulpe et de la seiche sont proches d'un type intermédiaire entre le modèle exponentiel de Fox (m = 1.0) et le modèle hyperbolique (m = 0). La courbe de type Schaefer laisse prévoir une extinction du stock pour un effort de pêche double de celui correspondant à la prise maximale équilibrée. Cela semble être le cas pour les calmars. Pour les seiches et les poulpes, le modèle laisse prévoir une prise quasiment stable, avec des efforts de pêche élevés mais avec des bas rendements. Cette situation, outre qu'elle est en théorie économiquement peu rentable, est aussi biologiquement “risquée” : en effet la probabilité d'effondrement de tout stock, si elle est très difficile à mesurer, sera a priori toujours plus forte quand le potentiel reproducteur du stock est à un bas niveau (comme c'est le cas des poulpes et des seiches).
Cet exemple des pêcheries plurispécifiques de céphalopodes montre bien qu'il est difficile de fixer un niveau d'exploitation optimum qui serait commun à toutes les espèces. Toutefois, il semble évident qu'une réduction importante de l'effort de pêche aurait pour effet de conserver une prise stable en améliorant très rapidement la biomasse des stocks, en particulier leur potentiel de fécondité. Cette baisse de l'effort devrait surtout porter sur les stocks les plus exploités.
La situation du stock de calmars est extrêmement préoccupante ; il est toutefois impossible au vu des trop fragmentaires données disponibles de faire une prévision quelconque sur le devenir de ce stock.
Les modèles analytiques de dynamique des populations supposent en général connus la structure démographique des captures et les principaux paramètres biologiques de l'espèce (mortalité naturelle, croissance). Cette approche fine n'est donc possible que pour les poulpes, pour lesquelles on dispose d'estimations relatives à ces paramètres.
Le Groupe de travail a retenu la loi de croissance (moyenne des deux sexes) proposée par Ariz (1985). La relation longueur-poids de Pereiro (1980) a elle été utilisée pour convertir les classes de poids dans lesquelles sont collectées les prises par tailles, en classes de longueur. Aucun progrès n'a été réalisé pour estimer la mortalité naturelle des poulpes ; le Groupe de travail a adopté l'hypothèse d'une mortalité naturelle relativement élevée comprise entre 0.,5 et 1.5. La ventilation des captures espagnoles par classes de poids (100 g ) a été utilisée pour estimer les captures par âge. Dans un premier temps, les prises espagnoles ont été extrapolées aux prises totales du secteur 34.1.3. Dans un deuxième temps, les prises par âge ont été calculées à partir de limites annuelles fixes entre les âges successifs (loi de croissance Ariz, 1985). Ces limites sont données au Tableau 18. La matrice des prises par âge ainsi obtenue couvre la période 1976 à 1984 ; ces résultats sont représentés à la Figure 16 et données au Tableau 19.
Les prises d'âge zéro (individus de moins de 0,7 kg) montrent un fort accroissement durant la période récente. Celles d'âge 1 et 2 manifestent des fluctuations modérées sans tendance notable. Les plus gros poulpes (plus de 5 kg et plus de 3 ans) montrent des fluctuations très importantes sans tendance nette. On notera que l'essentiel des prises espagnoles d'où proviennent ces estimations proviennent du secteur de Dakhla. Une comparaison avec les prises par âge de la pêcherie japonaise durant la période 1969–1971 (Hatanaka, 1979) révèle que les poulpes d'âge zéro étaient très rares dans la pêcherie japonaise (une comparaison détaillée est difficile car seules les histogrammes de fréquences de taille des captures japonaises sont actuellement disponibles). Cet accroissement régulier des captures de poulpes d'âge zéro traduit très probablement un accroissement de la mortalité par pêche exercé sur les jeunes individus et non pas un accroissement du recrutement. Cet accroissement de la mortalité intervient probablement en relation avec les maillages employés (pas ou peu de données sont publiées sur ce sujet), et avec les strates exploitées (concentration de l'effort de pêche sur les nurseries). Un tel accroissement de la mortalité par pêche sur les très jeunes individus est bien entendu susceptible d'avoir changé la production par recrue du stock, très probablement de l'avoir diminué.
On constate par ailleurs que la pente du vecteur des prises moyennes par âge (période 1976–1984) est de Z = 1.64 (Figure 17). Sans nécessairement traduire la structure démographique du stock, un tel taux annuel intégrant les mortalités naturelles et par pêche est intéressant à considérer.
Diverses analyses des cohortes selon la méthode de Pope (1972) ont été réalisées sur la matrice des prises par âge dans les trois hypothèses M = 0,5, M = 1,0 et M = 1,5.
Comme par toute analyse des cohortes, le problème est de déterminer la mortalité par pêche ou l'effectif de la population à un âge quelconque. On dispose à cet effet de divers éléments indirects tels que :
la relative constance des efforts de pêche durant la période 1966– 1984 (Figure 6) ;
le taux d'exploitation très élevé du stock pour lequel l'effort de pêche est bien supérieur à l'effort correspondant à la prise maximale équilibrée. De ce fait on peut considérer, d'une part que le F moyen est supérieur à M (approximation de Gulland, 1971), d'autre part qu'un accroissement de la mortalité par pêche au delà du niveau actuel ne devrait pas entrainer d'accroissement significatif de la production par recrue (ce qui serait le cas si le stock était sous-exploité).
L'analyse des cohortes a donc été menée en utilisant une large gamme de F terminaux, constants de 1975 à 1984. Cette constance du F terminal est susceptible d'entrainer des biais dans l'analyse au moins pour les âges 2 et 3+, principalement du fait de la forte variabilité des prises d'âge 3+ ; ces biais deviennent en principe relativement négligeables sur les classes 0 et 1 du fait des propriétés de convergence de l'analyse. Cette hypothèse sur la constance de F terminal semble par ailleurs globalement acceptable du fait de la stabilité de l'effort de pêche. Les paramètres recrutements moyens et taux de mortalité par pêche des âges 1 et 2 ainsi calculés sont donnés au Tableau 20 pour la période 1976 à 1984 (les estimations de 1983 et 1984 sont douteuses du fait de la procédure de calcul et ne sont donc pas utilisées dans le calcul des F moyens par âge).
A titre indicatif ont aussi été calculés les taux moyens de mortalités par pêche aux âges 2 et 3+, à partir du nombre moyen de survivants à la fin de l'âge 1 (en solution directe) et de la prise moyenne par âge durant la période 1976–1985. Ces taux sont donnés au même Tableau 20.
Les recrutements théoriques au temps initial de l'âge zéro et les taux de mortalités par pêche moyens ainsi calculés, dans les diverses hypothèses de M et F terminaux, sont représentés à la Figure 18.
Il s'avère extrêmement difficile de choisir parmi les divers résultats de ces analyses ; toutefois un certain nombre de caractéristiques se dégagent :
les analyses de cohortes conduites avec un M très élevé (par exemple 1.5 ou 1.0) conduisent à des solutions peu cohérentes ; recrutements excessivement forts en nombre d'individus, taux de mortalité par pêche toujours bien inférieurs à la mortalité naturelle. De ce fait les analyses conduites avec M = 0.5 semblent les plus cohérentes.
Les taux de mortalité par pêche estimés pour l'âge 0 sont toujours inférieurs à ceux estimés pour l'âge 1. Les mortalités par pêche sur les âges 2 et 3 sont elles très variables selon l'hypothèse admise pour le recrutement.
Les présentes analyses de cohortes n'apportent de fait que peu d'informations nouvelles par rapport à l'examen de la tendance des prises par âge. Pour obtenir des résultats significatifs il serait nécessaire d'analyser les prises par âge sur les divers stocks et en analysant les données de toutes les flottilles (non pas en procédant par simple extrapolation des captures espagnoles). Une analyse par périodes de temps fines (mois ou trimestre) semble aussi indispensable pour tenir compte de la saisonalité des captures par taille sur les prises par âge de la flottille japonaise au début des années 1970 et sur celles des flottilles actuelles pour analyser les probables changements de production par recrue.
Par ailleurs la connaissance des variations de F selon une échelle de temps fine est indispensable pour analyser les effets potentiels d'un changement de taille à la première capture (selon un modèle de Ricker par exemple). Ce travail devrait si possible être réalisé par sexe du fait de la croissance différente des mâles et femelles.
Le Groupe n'a pas été en mesure de réaliser des calculs de production par recrue, qui auraient été nécessaires pour d'une part mesurer les changements de production par recrue liés aux captures accrues de l'âge de classe 0, d'autre par pour prevoir les changements de production qui résulteraient d'une accroissement de la taille à la première capture (par exemple par une application stricte de la maille de 60 mm au lieu de l'actuelle maille de 40 mm).
Ces calculs doivent impérativement reposer sur de nouvelles analyses de cohortes portant sur des données plus complètes, et selon une base spatio-temporelle fine (stock-mois), si possible par sexe.
Le recrutement est un paramètre très important à surveiller dans l'exploitation de tout stock intensément exploité. Les indices de recrutement peuvent être obtenus de diverses manières :
pêches expérimentales par navire de recherche, orientées vers les nurseries ;
indices des PUE des pêcheries commerciales ;
résultats d'analyses de cohortes.
Les résultats des pêches expérimentales réalisées par ces dernières années n'étaient pas disponibles au Groupe de travail. Ce type de données est a priori le plus intéressant à considérer du fait que les scientifiques sont à même de concevoir des plans d'échantillonnage adéquats et permettant d'obtenir des estimations non biaisées. Le Groupe de travail a disposé concernant le poulpe de la zone Dakhla des PUE espagnoles de la classe commerciale 8 (individus de moins de 300 g. .). Les PUE manifestent (Figure 19) des oscillations importantes avec un minimum marqué en 1979–1981 et un fort maximum de 1982 à 1984. Ces données de PUE traduiraient l'abondance du recrutement si la capturabilité des jeunes individus était constante. En réalité la capturabilité des jeunes peut être modifiée, d'une part par suite de changements de maillage (la pêcherie espagnole a adopté de 1979 à 1981 une maille de 60 mm au lieu de 40 mm qui est probablement la cause de la baisse des PUE) ou des changement de stratégie de pêche. Il est ainsi fréquent que, selon la demande économique en particulier, une flottille recherche ou évite de pêcher dans les zones de concentrations des juvéniles (nourriceries). Il est probable que les variations de PUE espagnole traduisent une combinaison complexe des effets de variations du recrutement et de variations de la capturabilité des juvéniles. Seule une comparaison détaillée avec les données collectées par le navire de recherche marocain permettra de lever cette incertitude.
Concernant le calmar, espèce pour laquelle existent de sérieuses incertitudes sur le recrutement durant les années récentes, aucune donnée n'a été remise au Groupe de travail.
Enfin les analyses de cohortes ne permettent pas dans l'état actuel des données et des incertitudes sur la croissance d'envisager de mesurer la variabilité du recrutement de l'une quelconque des trois espèces étudiées.