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6. Conclusions


6.1 Des outils et une méthodologie pour l’étude des SADA
6.2 L’efficacité des SADA
6.3 Le financement des services d’intermédiation
6.4 Le processus d’innovation des produits alimentaires
6.5 L’agriculture périurbaine et les filières maraîchères
6.6 Le transport intra-urbain
6.7 La création et la modernisation des équipements marchands et des marchés: Une priorité pour l’amélioration du fonctionnement des SADA

L’ensemble des débats sur les systèmes d’approvisionnement et de distribution alimentaires des villes en Afrique a reflété le caractère pluridisciplinaire du séminaire grâce auquel ont surgi une série de questions et d’axes de réflexion constituant pour la plupart de nouvelles pistes de recherches et orientations de programmes d’actions pour l’amélioration du fonctionnement et de l’efficacité des SADA.

6.1 Des outils et une méthodologie pour l’étude des SADA

Une approche systémique et interdisciplinaire visant l’appréhension de la complexité des systèmes alimentaires dans leurs multiples dimensions en intégrant les différentes démarches disciplinaires (agro-économie, sociologie, nutrition, géographie, corpus juridique) a été élaborée dans le cadre du programme SADA (M. Aragrande). En outre, un travail très important d’organisation et de définition d’outils méthodologiques a été réalisé dans le cadre de la rédaction d’un Guide méthodologique. Ce Guide, en tant qu’outil de travail, s’adresse aux chercheurs, professionnels, institutions engagés dans l’étude des SADA. Cette démarche interdisciplinaire a trouvé une première application dans l’étude des SADA de Dakar par une équipe multidisciplinaire de chercheurs. Comme le souligne M. Aragrande, toute approche systémique soulève la question des limites, des «frontières» dans lesquelles circonscrire l’analyse des relations entre acteurs qui sont décisives dans une perspective dynamique pour l’évolution et la transformation du système. La délimitation du champ et la hiérarchisation des relations entre acteurs qu’il s’agit de privilégier sont d’autant plus importantes que les études de SADAengagées par la FAO entendent déboucher sur la mise au point de programmes de développement.

Dans ce sens, il conviendra, pour les études futures, de lier plus étroitement les choix méthodologiques (champs, hiérarchisation) aux utilisateurs finals de ce type d’étude (collectivités locales, centres de santé, services centraux de la planification urbaine, gestionnaires de marchés de gros, etc.) et à leurs préoccupations.

6.2 L’efficacité des SADA

L’objectif poursuivi est celui de l’amélioration de l’efficacité des SADA des villes, entendue comme leur capacité d’assurer un approvisionnement alimentaire en quantité et en qualité, à un prix accessible à toutes les catégories de la population urbaine, et cela de façon durable. Il est alors nécessaire de définir les instruments et les mesures de cette efficacité. On a souligné les nombreux éléments (législatifs, réglementaires, organisationnels, infrastructurels, sociaux, etc.) qui rentrent en jeu dans le fonctionnement des SADAet qui tous concourent à leur plus ou moins grande efficacité. Il reste qu’au final, l’ensemble de ces paramètres s’expriment en prix, coûts et marges. Il apparaît alors plus que jamais important de développer les études sur les coûts et les marges des agents et sur la formation des prix à tous les niveaux de la chaîne alimentaire. Il faudrait aussi approfondir l’analyse des coûts et marges de la distribution en milieu urbain, examiner notamment de façon plus systématique comment un changement de l’environnement est intégré par les agents du point de vue économique. Par exemple, dans le cas des marchés, quels sont les coûts économiques de l’exercice de l’activité dans les conditions actuelles, quels sont les impacts alors d’un réaménagement d’un marché, comment les agents les répercutent-ils sur leurs marges, à l’amont et à l’aval? Ce type d’étude permettrait très concrètement aux collectivités locales de mieux évaluer les avantages et les inconvénients de chacune de leurs interventions dans le secteur des marchés. Par ailleurs, il semble aussi décisif d’améliorer les systèmes de collecte et de diffusion des prix, de les rendre plus opérationnels et de les orienter vers leurs utilisateurs directs, les acteurs des SADA.

6.3 Le financement des services d’intermédiation

La contrainte de capital reste majeure pour tous les acteurs économiques des services d’intermédiation. Les crédits bancaires au secteur commercial se limitent généralement aux plus grands opérateurs de l’importation des denrées alimentaires. Comment développer des outils financiers pour le secteur de la commercialisation des produits vivriers (commerçants comme transporteurs)? Comment y intéresser le secteur privé bancaire? Cela suppose d’imaginer des solutions au problème clé des garanties qui soient adaptées aux contraintes des marchés vivriers (instabilité, risque, fluctuations). Des tentatives intéressantes de crédit basé sur le nantissement des stocks ont été mises en place dans certains pays. Elles restent trop souvent expérimentales, liées à des projets et ne concernent principalement que le secteur céréalier (ce qui est non négligeable dans les pays sahéliens). La contractualisation qui est en train de se développer devrait être l’occasion de nouvelles propositions sur le plan des outils de financement. Les marchés de gros, en favorisant une meilleure connaissance des opérateurs et une plus grande transparence de leurs transactions, permettraient de mettre en place de nouvelles modalités de financement du commerce de gros. Mais ces équipements sont encore rares. La recherche des outils de financement pour la commercialisation des produits vivriers est l’un des chantiers majeurs à engager dans les études futures.

6.4 Le processus d’innovation des produits alimentaires

Les SADA sont les vecteurs de processus d’innovation permanents. L’analyse des modes d’approvisionnement des consommateurs et de l’évolution de leurs styles alimentaires met en évidence combien les agents de l’approvisionnement et de la distribution ont su innover pour fournir aux citadins les produits qui convenaient à leur désir de diversification alimentaire et à leur mode de vie. Il est important de pousser plus avant la recherche sur les procédés qui peuvent être mis à la disposition des acteurs du commerce et de la transformation alimentaire en milieu urbain. Il faut lier la connaissance des consommateurs urbains aux besoins d’innovations technologiques dans la transformation alimentaire. Mais la transformation alimentaire n’est pas le seul secteur à considérer. D’autres champs d’intervention doivent être étudiés: le besoin d’innovation est grand aussi en matière de conservation et de conditionnement des produits. Il faut imaginer des moyens simples, reproductibles qui permettent d’abaisser les coûts de certains facteurs de la chaîne de commercialisation. Enfin, l’attention aux procédés technologiques ne doit pas occulter la question fondamentale du processus d’innovation: son apprentissage, les conditions qui en favorisent l’appropriation, la manière dont le milieu social favorise ou, au contraire, freine sa diffusion suivant ses besoins.

6.5 L’agriculture périurbaine et les filières maraîchères

L’agriculture périurbaine joue un rôle fondamental dans l’économie urbaine d’un triple point de vue: la sécurisation de l’approvisionnement des citadins, en mettant à leur disposition une grande diversité de produits dont les qualités nutritionnelles sont déterminantes pour l’amélioration de la consommation, l’emploi par les multiples activités qu’elle génère, enfin la protection de l’environnement. En dépit de son importance, elle reste relativement méconnue, particulièrement des pouvoirs publics9. Elle se trouve aujourd’hui directement menacée par l’extension de la ville. Comment la défendre? Il convient certes de sensibiliser les pouvoirs publics à son importance et d’espérer que des mesures de protection foncière, dont on connaît les difficultés concrètes d’application, puissent être prises à son endroit. Il convient surtout d’assurer sa valorisation, ce qui apparaît comme l’une des plus sûres conditions à son maintien et à son développement:

En ce qui concerne les filières maraîchères, ces études mettent toutes en évidence la forte complémentarité entre production des zones rurales (parfois très éloignées) et celle des zones périurbaines et urbaines pour l’approvisionnement des villes. Comment renforcer cette complémentarité, comment lier mesures spécifiques pour le périurbain et celles nécessaires aux producteurs des zones rurales, comment organiser la concertation entre acteurs de ces filières? Tels sont certains des axes de réflexion à approfondir.

6.6 Le transport intra-urbain

Les études sur le transport des marchandises se sont attachées jusqu’à aujourd’hui exclusivement à l’analyse du transport d’approvisionnement (le camionnage des zones rurales aux zones urbaines). Or, l’extension considérable de villes millionnaires devrait conduire à s’interroger aussi sur le rôle du transport intra-urbain dans la redistribution alimentaire. En effet, entre les zones de déchargement (les «marchés de gros») et les différents lieux de distribution, il y a un long parcours pour les produits alimentaires. Dans toutes les villes en Afrique, on constate que se sont développés des modes spécifiques de transport qui assurent la redistribution des produits alimentaires intermarchés et l’approvisionnement de tout le secteur informel marchand. Les études sur ce sujet sont encore extrêmement rares10. Quels sont les coûts du transport intra-urbain dans les prix finaux des produits alimentaires? Quelles sont les contraintes qui pèsent sur les opérateurs de ce transport? Comment améliorer les services qu’ils rendent, comment peuvent-ils mieux être pris en compte par les pouvoirs publics (lieux de stationnement, fiscalité, etc.) dans le cadre d’une stratégie globale d’approvisionnement et de distribution de la ville? Ce sont des questions qui devraient être étudiées par les programmes futurs.

6.7 La création et la modernisation des équipements marchands et des marchés: Une priorité pour l’amélioration du fonctionnement des SADA

On a souligné les carences en matière d’équipements marchands - marchés de détail et surtout marchés de gros - dans les villes africaines. L’amélioration des SADAdes villes demande une intervention soutenue des pouvoirs publics (collectivités locales et Etat) dans le domaine de la création et de la modernisation des marchés de détail et la création de marchés de gros. Les programmes futurs d’études et de recherches devraient considérer comme une priorité l’analyse des besoins d’équipements marchands urbains des collectivités locales, la définition et l’appui aux systèmes de gestion à mettre en place, les solutions de partenariat à trouver pour en assurer le financement et l’organisation.

Assurer la sécurité alimentaire des habitants des villes en Afrique, tel est le défi des années à venir pour les systèmes d’approvisionnement et de distribution alimentaires. Comme nous y invite S. Snrech, il convient de garder sur la question de l’alimentation «une vision plus stratégique et moins morale des enjeux alimentaires et de leur place dans le processus de développement. La division du travail entre urbains et ruraux est une étape essentielle du processus de développement et c’est un des phénomènes les plus significatifs de la période actuelle en Afrique. Il faut se garder d’une vision trop rigide ou trop uniforme des évolutions, et de la recherche de solutions miracles. La diversité reste la première règle et la souplesse et l’adaptabilité doivent être les clefs de l’intervention, au service des protagonistes de l’approvisionnement alimentaire des zones urbaines».


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