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Module 3: Les instruments de protection et leurs conséquences économiques


Objectif
Points clés
3.1 Les instruments de protection
3.2 L’impact économique des mesures de protection
3.3 Les indicateurs de protection
3.4 Résumé et conclusions
Bibliographie


José María Caballero, Geraldo Calegar et Carlo Cappi
Division de l’assistance aux politiques

Objectif

Le présent module porte sur les principaux instruments de politique commerciale employés par les Etats afin de protéger leur agriculture de la concurrence extérieure. Il met en lumière et analyse les principales conséquences économiques de ces interventions et leur impact social, et expose comment mesurer le niveau de protection à l’aide d’indicateurs.

Points clés

· Les instruments de protection peuvent être scindés en deux grands groupes. D’un côté, les instruments directs qui portent sur les biens qui participent aux échanges internationaux que ce soit à l’exportation ou à l’importation. De l’autre, les instruments indirects qui habituellement concernent plutôt la production intérieure que le commerce extérieur mais qui ont néanmoins des effets sensibles sur les échanges.

· Les conséquences économiques des instruments de protection peuvent être analysées à l’aide de la méthode de l’équilibre partiel qui permet d’estimer l’impact des changements des politiques publiques sur les prix et les quantités produites, consommées et commercialisées d’une marchandise.

· L’impact des instruments de protection sur le revenu réel d’un pays et sur la répartition du revenu entre producteurs, consommateurs et contribuables peut être analysé à l’aide des concepts de surplus du consommateur et du producteur.

· De nombreux indicateurs de protections ont été élaborés afin de mesurer le niveau d’aide et de protection fourni par les interventions publiques. Ces indicateurs diffèrent selon leur champ d’application, les méthodes de calcul et les interprétations économiques qu’ils proposent. Il est essentiel de bien connaître les indicateurs qui sont employés dans les débats sur le commerce extérieur et leurs différences.

3.1 Les instruments de protection

Les instruments de protection directe et indirecte

Les Etats interviennent dans le commerce agricole au moyen d’instruments directs ou indirects (voir l’encadré 1) et ce, avec des objectifs variés. Les plus courants visent à accroître les revenus de l’Etat, à soutenir les revenus des producteurs, à réduire les prix à la consommation des produits alimentaires, à atteindre l’autosuffisance ou encore à contrecarrer les interventions des autres pays. Ces divers instruments sont analysés dans les sections qui suivent.

Encadré 1: Les principaux instruments de protection

Les interventions directes

Les interventions indirectes

Les droits de douane
Les quotas d’importations et exportations
Les subventions aux exportations
Les barrières sanitaires et phytosanitaires

La gestion du taux de change
Les programmes par produit
Les aides à la commercialisation
Les subventions aux intrants et les exonérations d’impôts
L’aide à l’investissement à long-terme


3.1.1 Les instruments de protection directe

Les instruments de protection directe portent sur les produits échangés sur le marché mondial soit importés soit exportés. Les instruments de protection les plus utilisés sont les droits de douane, les quotas d’importation et d’exportation, et les taxes et subventions aux exportations.

Les droits de douane

Les différents types de droits de douane

Un droit de douane est une taxe prélevée sur un produit importé. Certains droits spécifiques sont prélevés sous forme d’une somme fixe par unité de marchandise importée (par exemple, 3 dollars EU prélevés sur chaque baril de pétrole). Les droits ad valorem correspondent à un pourcentage du prix CAF (voir l’encadré 2) du produit importé, soit par exemple 20 pour cent du prix CAF d’un tracteur. Les droits de douane peuvent être fixes (une somme constante par unité ou un pourcentage du prix CAF) ou variables (le montant varie selon le prix CAF lui-même). Les montants évolutifs des taxes appliquées par l’UE sur les importations agroalimentaires illustrent bien ce que sont ces droits de douane variables1.

1 L’Union européenne a appliqué des droits de douane variables dans le cadre de la Politique agricole commune (PAC). Ils étaient égaux à la différence entre le prix d’accès au marché européen (le prix au producteur fixé par l’UE) et la valeur la plus faible des prix d’importation CAF. Dans le cadre de l’Accord du Cycle d’Uruguay, même si certaines exceptions restent prévues, il a été demandé à l’UE de remplacer ses droits variables par des taxes fixes.

Les droits de douane constituent le plus simple et le plus ancien des instruments de politique commerciale. Traditionnellement les Etats les utilisaient comme source de revenus mais de nos jours ils les utilisent plutôt pour soustraire certains de leurs secteurs intérieurs de la concurrence internationale, en augmentant de manière artificielle le prix des produits importés.

Encadré 2: Les prix CAF et FOB

Les initiales CAF correspondent à l’abréviation de COÛT, ASSURANCE et FRET. Cela représente le prix d’un bien d’importation lors de son débarquement à quai ou à tout autre point d’entrée du pays destinataire. Le prix CAF inclut le fret et l’assurance internationale et généralement aussi le coût de débarquement à quai. Il exclut toutefois les frais consécutifs au débarquement tels que les coûts portuaires, de manutention et de stockage et les honoraires des courtiers. Il ne prend pas non plus en compte les droits de douane ou tout autre impôt, taxe, droit ou redevance internes au pays de destination.

FOB est l’acronyme anglais de «Free On Board» (traduit en français par FRANCO A BORD). Le prix FOB représente le coût d’un bien d’exportation une fois embarqué sur le navire ou le moyen de transport qui l’acheminera vers le pays importateur. Il est égal au prix du CAF du port de destination moins le coût de fret, d’assurance internationale et de débarquement à quai.

Dans la balance des paiements et dans les autres statistiques commerciales, les biens d’importation sont toujours valorisés selon leur prix CAF et les biens d’exportation selon leur prix FOB.


Les droits de douane ont pour conséquence de relever les prix au consommateur des produits importés; ils augmentent les revenus de l’Etat et tendent à inciter les producteurs nationaux à accroître leur production de biens substituables aux importations; ils constituent donc une forme d’incitation à développer la production et à remplacer les importations. Les droits de douane augmentent par conséquent les revenus des producteurs et de l’Etat au détriment des consommateurs et contribuent à ce que la production intérieure soit plus importante qu’en l’absence de mesures de protection.

Les quotas

Les différents types de quotas

Les quotas sont définis par l’Etat à partir de la quantité physique des importations ou des exportations. Ils peuvent être instaurés unilatéralement par un Etat ou bien être négociés avec les pays importateurs ou exportateurs qui consentent «volontairement» à restreindre leurs importations ou exportations (voir l’encadré 3).

Encadré 3: Les accords de restriction volontaire

Un accord de restriction volontaire est la promesse d’un gouvernement «A» vis-à-vis d’un gouvernement «B» de restreindre à un niveau annuel déterminé ses exportations d’un certain type de biens (comme la viande ou les produits textiles en coton). Les conséquences équivalent à celles d’un quota d’importation bien que la répartition de la rente qui en découle soit souvent différente.


Vu qu’il limite le montant de devises mises à la disposition des importateurs et des citoyens qui voyagent à l’étranger, le contrôle des changes constitue un genre particulier de quota dont la caractéristique est de restreindre toutes les importations en général et pas seulement les importations d’une seule marchandise.

Les Etats mettent généralement en place les systèmes de quotas par le biais de licences. Il s’agit de titre de propriété portant sur le droit pour leur détenteur d’importer ou d’exporter une certaine quantité d’un bien donné. L’Etat peut fort bien vendre ces licences ou les mettre aux enchères auprès des importateurs et exportateurs intéressés; il peut également les délivrer gratuitement en fonction de critères administratifs. Les Etats-Unis ont ainsi mis en place un quota d’importation de fromages étrangers. Seules certaines entreprises ont dès lors le droit d’importer du fromage, chacune d’entre elles n’ayant au plus le droit (la licence) d’importer qu’une certaine quantité par an. Chaque quota individuel est fixé en fonction des quantités de fromage importées par l’entreprise dans le passé.

Les quotas donnent lieu à des rentes de quotas

Tout comme les droits de douane, les quotas d’importation ont tendance à renchérir les prix intérieurs des produits importés et à augmenter au détriment des consommateurs les revenus des producteurs nationaux des produits qui concurrencent ces importations. Les quotas et les droits de douanes se distinguent toutefois par la répartition des revenus tirés du différentiel entre le prix de vente d’un produit importé avec et sans protection. Dans le cas des droits de douane, ce revenu est collecté par l’Etat alors que dans le cas des quotas, il peut entièrement ou partiellement revenir aux propriétaires de licences, vu que ceux-ci ont l’autorisation d’importer des marchandises et de les revendre à un prix supérieur sur le marché national. Les recettes ainsi générées forment ce qu’on appelle des rentes de quota qui, dans une certaine mesure, peuvent être captées par l’Etat lorsque les licences sont vendues ou mises aux enchères.

Les taxes à l’exportation

Les taxes à l’exportation bénéficient au consommateur et au contribuable aux dépens du producteur

Les taxes à l’exportation sont imposées sur les produits exportés. Tout comme les droits de douane à l’importation, ces taxes peuvent être prélevées par unité physique ou sous forme de pourcentage du prix FOB. Les taxes d’exportation sont normalement utilisées par les Etats pour augmenter les revenus publics. Bien que cette forme de financement ait eu tendance à être écartée au cours des dernières années, elle était utilisée dans la période précédant les ajustements structurels, de façon très courante dans les pays où les exportations de produits primaires offraient le moyen le plus simple et le plus sûr de collecter des revenus fiscaux. Les taxes d’exportation contribuent à réduire le prix des produits d’exportation qui est payé au producteur et à diminuer le prix de vente de ces produits sur le marché intérieur. La taxation des exportations de blé et de viande imposée par l’Etat argentin a ainsi eu pour effet d’abaisser le prix perçu pour ces produits par les agriculteurs argentins et aussi de réduire les prix à la consommation. De part ces effets sur les prix, les taxes sur les exportations ont plutôt tendance à décourager la production intérieure tout en encourageant la consommation intérieure des produits exportés, et contribuent ainsi à diminuer à terme les quantités exportées. Les taxes sur les exportations profitent donc aux consommateurs nationaux et aux finances publiques au détriment des producteurs.

Les subventions à l’exportation

Les subventions aux exportations bénéficient aux producteurs aux dépens du contribuable et du consommateur

Une subvention à l’exportation est le versement fait à un individu ou à une entreprise qui expédie des biens vers l’étranger. Tout comme les droits de douane et les taxes d’exportation, ces subventions peuvent être spécifiques ou ad valorem. Elles incitent les producteurs et les négociants à exporter en rendant leurs ventes à l’étranger plus rentables, ce qui a pour effet d’entraîner à la hausse les prix de ce produit sur le marché intérieur. Lorsqu’un Etat subventionne l’exportation d’un produit, les commerçants auront tendance à exporter ce produit jusqu’au moment où le prix intérieur sera supérieur à la somme du prix d’exportation et de la subvention. Les subventions à l’exportation privilégient donc les producteurs de biens d’exportation et les commerçants, au détriment des consommateurs nationaux et des contribuables.

Les barrières sanitaires et phytosanitaires

Les barrières non douanières

Les barrières sanitaires et phytosanitaires appliquées aux importations ne sont pas en elles-mêmes des instruments de protection commerciale mais peuvent aisément le devenir. De fait, elles ont délibérément été de plus en plus souvent utilisées de façon à servir de bouclier aux producteurs nationaux face à la concurrence internationale. Il n’est pas rare, en effet, que les Etats adoptent de telles mesures non pas tant en prévention de risques sanitaires confirmés par des preuves scientifiques, mais plutôt en réponse à l’activisme développé par certains lobbies. De ce fait, la question des barrières sanitaires et phytosanitaires occupe une place essentielle dans l’ordre du jour des négociations commerciales internationales.

3.1.2 Les instruments de protection indirecte

Deux types d’instruments sont ici abordés. Le premier concerne la gestion du taux de change car, même si celle-ci à pour objectif d’agir sur les échanges commerciaux, ses effets ne sont que généraux (par opposition à des effets spécifiquement orientés sur un produit) vu que le taux s’applique indistinctement à toutes les exportations et importations. Pour cette raison, la politique de change est donc considérée ici comme un instrument de protection indirecte. Seront également examinés les instruments visant à soutenir certains producteurs, en particulier les agriculteurs, tels que les programmes par produit, les aides à la commercialisation, les subventions aux intrants et les exonérations d’impôts ainsi que l’aide à l’investissement à long terme. Ces instruments visent la production intérieure et non le secteur commercial. Ils ont donc pour effet de soutenir les producteurs en général, et pas seulement ceux qui exportent ou qui produisent des substituts aux exportations. Ces instruments ont toutefois des conséquences commerciales décisives puisqu’ils affectent la compétitivité des producteurs nationaux vis-à-vis de leurs concurrents internationaux.

La gestion du taux de change

Un taux de change sous-évalué profite au producteur aux dépens du consommateur et vice-versa

Le taux de change correspond à de la monnaie nationale exprimé en devises étrangères. Il détermine par conséquent le montant de monnaie nationale qu’un exportateur percevra en contrepartie d’une valeur donnée d’exportations et aussi le montant qu’un importateur paiera pour une valeur donnée d’importations. En relevant ce cours, une dévaluation entraîne une hausse du montant de monnaie nationale qui sera perçu par les exportateurs et du prix qui sera payé par les importateurs. La dévaluation d’une monnaie encourage par conséquent les exportations tout en décourageant les importations. Et ces hausses des prix assurent une meilleure protection globale de tous les exportateurs nationaux et des producteurs de biens de substitutions. Le contraire vaut pour la surévaluation; un taux de change surévalué décourage les exportations et encourage les importations car il agit comme une subvention aux importations et une taxe aux exportations.

Alors qu’une dévaluation peut avoir lieu du jour au lendemain, suite à une décision politique, une surévaluation ne se produit que sur la durée et résulte de l’inadaptation du taux de change (à savoir, l’absence de dévaluation) lorsque l’inflation du pays est supérieure à celle des principaux partenaires commerciaux. Etant donné qu’une dévaluation pousse à la hausse les prix des biens d’exportation et d’importation, elle tend à avoir un effet inflationniste. La peur d’alimenter le processus interne d’inflation empêche donc souvent les autorités monétaires de recourir à la dévaluation lorsqu’ils font face à une situation d’inflation latente, et ce malgré son impact potentiellement positif sur la balance commerciale.

Les programmes par produit

Les programmes d’appuis non marchands tendent à progresser dans les pays développés

Les programmes par produit sont le principal instrument de protection utilisé par les Etats-Unis, l’Union européenne, le Japon et d’autres pays encore pour soutenir leurs producteurs nationaux. Ces programmes sont conçus pour garantir le revenu des agriculteurs et comportent généralement des quotas d’importations et des subventions aux exportations. Ils incluent des paiements directs aux agriculteurs sous forme de prix subventionnés ainsi que des programmes de gestion de l’offre visant à diminuer les surfaces emblavées.

Un bon exemple de paiements directs visant à subventionner les prix des cultures est fourni par le système de montants compensatoires pratiqué aux Etats-Unis afin de soutenir les cultures céréalières et oléagineuses; ce système offrant aux agriculteurs la différence entre le prix de marché et un prix cible ou prix de garantie lorsque ce dernier est supérieur au premier. Comme exemple de programme de gestion de l’offre, on peut citer le système des primes payées pour le maintien des terres en jachère instauré dans le cadre de la politique agricole de l’Union européenne. Dans le passé, les Etats-Unis avaient également mis en œuvre un programme similaire de réduction des superficies cultivées. Il était alors demandé aux agriculteurs de réduire leurs superficies emblavées par une espèce donnée, selon un pourcentage déterminé sur une base historique, pour qu’une certaine somme leur soit versée2. Ces programmes visent à limiter la production intérieure de certaines espèces de manière à maintenir les prix de marché, tout en évitant ou réduisant la création des surplus d’exportation.

2 Dans le cadre de la Loi «Freedom for Farm», les paiements effectués pour les cultures céréalières et oléagineuses ont été déconnectés des conditions courantes du marché si bien qu’ils ne dépendent plus du différentiel entre prix de marché et prix de garantie. Dans le même temps, le programme de réduction des superficies a été abandonné.

Les aides à la commercialisation

Les instruments de soutien à la commercialisation cherchent à diminuer les coûts de commercialisation des producteurs nationaux, par le biais de divers programmes tels que les subventions au transport et au stockage ou les crédits de commercialisation à taux subventionné.

Les subventions aux intrants et les exonérations d’impôts

Les subventions aux intrants sont plus utilisées dans les pays en développement

Les subventions aux intrants visent à réduire les coûts de production en diminuant le coût des intrants. Habituellement, ils prennent la forme de subventions appliquées directement sur intrants (les subventions pourront ainsi représenter, par exemple, une réduction de 10 pour cent sur le prix courant), d’exonérations d’impôts indirects sur les intrants (comme les exonérations de taxes sur les carburants utilisés par les engins agricoles), de crédits à taux subventionnés pour les emprunts destinés aux agriculteurs (comme les crédits de campagne à taux bonifié), de programmes publics d’assurances spécifiques réservés aux agriculteurs (telle l’assurance-récolte), de services gratuits ou subventionnés, ou encore de la prise en charge totale ou partielle des coûts d’irrigation, etc. Un autre moyen de garantir le revenu des agriculteurs consiste à exonérer les exploitations agricoles du paiement des impôts sur les bénéfices ou de leur offrir un traitement préférentiel dans ce domaine.

Les subventions aux investissements à long terme

Les aides à l’investissement à long terme visent à améliorer la productivité et la rentabilité du secteur agricole. Les composantes les plus importantes sont les investissements dans la recherche agricole et dans l’amélioration des infrastructures agricoles telles que l’irrigation et le drainage. Nombre de pays subventionnent ce type d’investissements de façon plus ou moins marquée. D’autres investissements à long terme consistent aussi à améliorer les infrastructures routières et portuaires, les installations de stockage et les systèmes d’information.

3.2 L’impact économique des mesures de protection

La méthode de l’équilibre partiel sert à analyser les effets de protection

Dans cette section, seront analysés les principaux impacts économiques engendrés par les mesures de protection présentées ci-dessus, en utilisant ce qu’on appelle la méthode de l’équilibre partiel. Cette méthode consiste à analyser un marché particulier en situation d’isolement, sans chercher à connaître ni la manière dont les événements touchant à ce marché peuvent influencer d’autres marchés ni comment ces derniers peuvent également avoir une incidence sur celui-ci. La méthode de l’équilibre partiel peut donc être utilisée pour évaluer l’impact d’événements sur la relation entre les quantités (produites, importées, exportées et consommées) et les prix d’une marchandise ou d’un groupe de marchandises. On pourra ainsi déterminer comment l’augmentation de la protection dans le secteur des céréales affecte la production et la consommation intérieure, sans tenir compte de comment ces modifications de la production et de la consommation affectent par exemple l’occupation des sols, la demande en main d’œuvre agricole, ou encore la consommation d’autres produits, ni de la manière dont tous ces facteurs influent à leur tour sur le marché céréalier.

3.2.1 L’équilibre du marché dans un système économique fermé

Le comportement d’un marché, celui du riz par exemple, va tout d’abord être analysé hors de l’influence du marché international, c’est-à-dire pris dans le cadre d’une économie fermée. Cela correspond à la situation graphique représentée par l’encadré 4, dans lequel sont indiquées les courbes de l’offre et de la demande de riz.

Encadré 4: Les prix CAF et FOB

La courbe de la demande «D» représente la quantité de riz que les consommateurs sont disposés à acheter à différents prix. En général lorsque les autres facteurs étant considérés comme constants (le revenu, le cours d’autres produits, les habitudes de consommation, etc.), la courbe de demande tend à décliner car plus le prix du riz est faible, plus la quantité demandée par les consommateurs augmente.

De la même manière, la courbe de l’offre «O» indique les quantités de riz que les producteurs sont prêts à produire et à vendre en fonction du prix. En général, toutes conditions étant égales par ailleurs (c’est-à-dire les coûts des moyens de production, le niveau technique, etc., étant constants), la courbe de la demande à tendance à croître car le volume de riz que les producteurs sont enclins à fournir augmentera à mesure que les prix monteront.

Concept de l’équilibre de marché

Dans le cas où il n’est possible ni d’exporter, ni d’importer de riz, comme dans le cas d’une économie fermée, le point «A» indique le moment où le marché du riz sera en position d’équilibre. Au prix donné pe, la quantité de riz fournie par les producteurs (qo) équivaut à la quantité que les consommateurs sont disposés à acheter (qd). Le prix pe permet donc de solder le marché.

3.2.2 L’équilibre du marché dans un système économique ouvert

On va à présent étudier ce qui se passe sur le marché du riz dans le cas d’une économie ouverte aux échanges internationaux. A cette fin, il faut ajuster le prix du riz sur le marché international de façon à pouvoir le comparer de manière significative avec le prix intérieur perçu par les agriculteurs. Les cours internationaux ainsi ajustés sont appelés les prix de parité financière3. La méthode de correction qui est utilisée est expliquée dans l’encadré 5.

3 A la différence des prix de parité économique, qui seront expliqués à la section 3.3.1.

Lorsqu’on effectue la comparaison, trois solutions apparaissent possibles dans le contexte d’un marché ouvert au sein duquel les agents peuvent librement décider d’importer, d’exporter ou de vendre des marchandises sur le marché intérieur. Ces trois situations sont représentées dans l’encadré 6.

Définition des biens non-échangeables

· Soit le cas où le prix de parité financière à l’importation (ppi) d’un produit est plus élevé que le prix intérieur (pd) et par conséquent où il n’est pas justifié d’importer le produit. Si dans le même temps le prix intérieur est plus élevé que le prix de parité financière à l’exportation (ppe), alors il n’est pas justifié non plus d’exporter ce produit. Dans ces conditions, le produit ne fera pas l’objet d’échanges internationaux. Les produits qui entrent dans cette catégorie sont appelés des biens non-échangeables ou non-négociables. Il s’agit de produits tels que la terre, qui ne peut pas être échangée au plan international du fait de son immobilité intrinsèque, la main-d’œuvre qui est soumise à des restrictions administratives qui limitent les mouvements internationaux, ou encore de biens tels que les briques, le manioc ou la paille, pour lesquels les coûts de transport sont trop élevés par rapport à leur valeur marchande par unité de poids ou de volume, ou enfin de denrées extrêmement périssables telles que la canne à sucre. Cette situation est illustrée dans l’encadré 6-a. Dans ce cas précis, l’ouverture aux échanges internationaux n’a aucune incidence sur le marché intérieur.

Encadré 5: Le calcul des prix de parité financière

On part du prix de frontière qui, pour les importations, correspond au prix CAF exprimé en monnaie locale (c’est-à-dire multiplié par le taux de change en vigueur) et pour les exportations, au prix FOB, lui aussi exprimé en monnaie locale.

Exportations: On calcule le prix de parité financière à l’exportation en déduisant du prix de frontière (FOB) tous les frais inhérents au transport et à la distribution des marchandises depuis l’exploitation agricole jusqu’à son arrivée au port, toutes les taxes et subventions à l’exportation, ainsi que tous les frais portuaires locaux, comme les taxes d’entreposage ou d’embarquement, ou encore les honoraires des courtiers, etc. Tout ceci, de façon à ne plus avoir qu’un prix équivalent au prix du produit au départ de la ferme. Pour une culture d’exportation devant subir une transformation industrielle, le décorticage par exemple, on calcule alors l’équivalent en produit brut (ici le riz non décortiqué) du produit exporté en utilisant le taux de conversion du riz non décortiqué en riz décortiqué, et on défalque les frais de minoterie.

Importations: On calcule le prix de parité financière à l’importation en commençant par choisir un marché de référence pour le commerce de gros (par exemple celui de la capitale), où les produits importés sont censés concurrencer les produits équivalents nationaux. On ajoute alors au prix frontière (CAF, ici) tous les coûts de transport qui surviennent après le débarquement des marchandises (les droits de douane, les taxes et honoraires, les charges et contributions diverses, les frais de transport et de distribution), c’est-à-dire tout ce qui est à payer avant que le produit importé n’entre sur le marché de référence. On obtient alors le prix de parité financière à l’importation pour le marché de référence. Si, par ailleurs, on veut le prix de parité à l’importation à l’entrée de l’exploitation agricole, il faut alors soustraire les frais de transport et de distribution pour mettre les produits sur le marché de référence. Si ces produits doivent subir une transformation industrielle, on en tient compte par un calcul similaire à celui du prix de parité à l’exportation.

Source: Gittinger (1982).

Définition des biens exportables

· Le prix de parité financière à l’exportation (ppe) du produit est supérieur au prix intérieur en l’absence d’échanges internationaux. Il y a intérêt à exporter ce produit (voir l’encadré 6-b). Ce type de produit est alors dit exportable ou produit d’exportation. Dans un tel cas, lorsque le pays s’ouvre au commerce international, les producteurs tendent à augmenter leur offre jusqu’au niveau «qo» qui se répartit entre «qd», la quantité destinée au marché intérieur, et (qo-qd), celle qui est destinée à l’exportation. Les prix intérieurs s’élèvent alors au niveau «ppe». Les producteurs sont gagnants et les consommateurs perdants, du fait de la hausse des prix intérieurs, ce qui a pour effet de réduire la consommation et d’augmenter la production. Au total, les revenus d’exportation s’élèvent à (qo-qd)·ppe, la dépense des consommateurs étant égale à (qd·ppe) et les recettes des producteurs à (qo·ppe).

Définition des biens importables

· Dans le cas où le prix de parité financière à l’importation «ppi» est inférieur au prix intérieur, il y a intérêt à importer comme indiqué dans l’encadré 6-c. Dans ce cas, les produits concernés sont dits importables ou produits d’importation. Dans un tel cas, lorsque le commerce extérieur est autorisé, les prix intérieurs tendent à chuter au niveau ppi. Du fait de la baisse des prix, les producteurs réduisent leur offre au niveau «qo» et les consommateurs augmentent leur consommation jusqu’au point «qd». La différence (qd-qo) entre la consommation et la production sera alors importée. Et la facture des importations s’élève à (qd-qo)·ppi, le revenu des producteurs s’élevant dans ce cas à (qo·ppi) et la dépense des consommateurs à (qd·ppi). On notera que l’ensemble des produits d’exportation et d’importation sont appelés produits échangeables ou négociables de façon à les distinguer des produits non-échangeables définis précédemment.

Encadré 6: Classification des produits

3.2.3 L’impact économique des instruments de politique commerciale

La signification de l’hypothèse du petit pays

On va maintenant utiliser le schéma théorique de l’équilibre partiel qui vient d’être exposé pour analyser l’impact de mesures de protection. On notera que les résultats présentés ici ne sont valables que si les modifications induites par les mesures de protection sur les quantités commercialisées au niveau international sont suffisamment faibles pour ne pas avoir d’incidence sur le prix international. Selon l’exemple antérieur, on suppose donc que les changements induits dans les quantités de riz importées ou exportées par le pays à la suite, par exemple, de l’introduction d’un droit de douane ou d’une subvention à l’exportation, ne sont pas assez élevés pour modifier les conditions de base du marché international du riz et pour avoir un impact sur le prix mondial du riz. C’est ce qu’on appelle habituellement l’hypothèse du petit pays. On suppose en outre une situation concurrentielle, dans laquelle les échanges sont libres, et où à défaut de mesures de protection, les prix intérieurs des produits négociables deviennent égaux aux prix internationaux. Pour la simplicité de la présentation, on suppose également que les prix de parité à l’importation et à l’exportation sont égaux aux prix mondiaux, que l’on nommera «pm».

Les droits de douane et les quotas d’importation

Avec l’encadré 7, ce sont les conséquences de l’instauration d’un droit de douane ad valorem, «t», qui sont analysées. On suppose que le riz est une marchandise importable et on part de la situation d’équilibre, avec échanges internationaux mais sans mesures de protection. Le prix intérieur du riz est équivalent au prix international pm. On suppose à présent qu’un droit de douane «t» est mis en place sous forme d’un pourcentage de la valeur des importations de riz, par exemple 20 ou 30 pour cent.

Encadré 7: Les effets des droits de douane et des quotas d’importation

L’instauration de ce droit de douane engendre progressivement une série de réactions de la part des producteurs de riz, des consommateurs et des négociants, jusqu’à ce qu’un nouvel équilibre soit atteint sur le marché intérieur du riz. En comparant les situations de départ et d’arrivée, telles qu’elles sont illustrées par l’encadré 7, les conséquences de ce droit de douane se présentent de la façon suivante:

· Le prix intérieur augmente de pm à pm * (1+t).
· La production intérieure augmente de o0 à o1.
· La consommation intérieure diminue de d0 à d1.
· Le volume des importations diminue de (d0-o0) à (d1-o1).
· L’Etat dégage un revenu équivalent à la partie grise de l’encadré 7.
· Les producteurs profitent de prix plus élevés, ce qui les encourage à augmenter leur production et l’Etat perçoit quelques rentrées grâce aux droits de douane. La dépendance vis-à-vis des importations de riz diminue et les consommateurs sont perdants puisque le prix du riz augmente, ce qui les incite à réduire leur consommation.

Les droits de douane profitent aux producteurs et aux contribuables aux dépens des consommateurs

On peut s’attendre à des effets comparables lorsque l’Etat impose un quota d’importation égal à d1-o1. Toutefois, les effets d’un quota sur la répartition du revenu peuvent être différents de ceux d’un droit de douane selon la destination de la rente qui est créée. C’est la différence entre le prix de l’offre du pays exportateur et le prix de vente sur le marché intérieur. Si, par exemple, le commerce international d’un pays est assuré par des entreprises contrôlées par l’Etat, le gouvernement peut directement fixer des quotas d’importations à chacune d’entre-elles et décider si la rente sera gérée par chaque entreprise ou collectée au niveau central. Cela peut être fait par une simple mesure administrative. Au contraire, si le commerce international est aux mains du secteur privé, la mise en œuvre des quotas d’importations est plus complexe et passe, comme on l’a vu précédemment, par l’émission de licences. Dans ce cas, la rente tirée des quotas appartiendra à ceux qui détiennent les licences.

Les subventions, les taxes et les quotas à l’exportation

L’analyse des subventions à l’exportation est analogue à celle des droits de douane à l’importation. L’encadré 8 illustre le cas d’une subvention égale à un pourcentage «s» du prix international payée par l’Etat aux exportateurs de riz.

Encadré 8: Les effets des subventions et des quotas aux exportations

Les subventions aux exportations ont l’effet inverse des droits de douane aux importations

Les conséquences de cette subvention sont les suivantes:

· Les prix intérieurs augmentent passant de pm à pm * (1+s).
· La production intérieure augmente de o1 à o2.
· La consommation intérieure diminue de d1 à d2.
· Les volumes exportés augmentent de (o1-d1) à (o2-d2).
· L’Etat doit payer un montant équivalent à la somme des parties grisées de l’encadré 8.
· Les producteurs bénéficient de prix plus élevés qui les encouragent à augmenter leur production, l’Etat s’expose à couvrir la charge des subventions, les exportations de riz sont encouragées et les consommateurs sont perdants puisque le prix du riz est plus élevé, ce qui les incite à diminuer leur consommation.

L’impact d’un quota d’exportations et d’une taxe aux exportations

En limitant le volume de riz qui peut être exporté de façon, par exemple, à protéger les consommateurs, un quota d’exportation aura pour effet d’abaisser le prix intérieur du riz car en restreignant le volume des exportations, la quantité de produit disponible sur le marché intérieur augmentera d’autant, ce qui contribuera à diminuer le prix. L’encadré 8 peut là encore être utilisé pour illustrer cette affirmation. Il suffit pour cela de prendre comme base le prix d’origine, à savoir le prix du riz avant que les quotas ne soient instaurés, comme indiqué dans l’encadré par le point pm (1+s). Si le quota d’exportation équivaut à (o1-d1), le prix intérieur chutera pour atteindre le point pm du diagramme. La rente issue du système de quotas est représentée par la partie la plus sombre du schéma. Les taxes à l’exportation auront un effet inverse à celui des subventions à l’exportation mais similaire à celui des quotas.

Les mesures de soutien aux producteurs

Les mesures intérieures de soutien ont également un impact sur les échanges commerciaux

Les mesures politiques destinées à soutenir les producteurs et qui ne sont pas conçues pour intervenir directement sur le commerce extérieur, peuvent prendre deux formes: soit elles s’ajoutent aux revenus perçus par les agriculteurs (c’est le cas des paiements directs), soit elles diminuent les charges des producteurs (c’est le cas des subventions aux intrants). Ces deux types de subventions ont pour effet de permettre aux producteurs d’augmenter l’offre à prix constant, ce qui revient à déplacer la courbe de l’offre vers la droite4. L’encadré 9 illustre le cas où ces mesures transforment un pays d’importateur net (O1) en un pays autosuffisant (O2) et finalement en un pays exportateur net (O3).

4 Cela n’est vrai dans le cas de paiements directs, que lorsque ceux-ci sont couplés (liés) aux volumes produits par les agriculteurs. En pratique, c’est toutefois extrêmement difficile de parvenir à mettre en place des paiements totalement découplés.

Plus précisément, les mesures de soutien aux producteurs provoqueront les effets suivants:

· Il n’y aura aucun changement du prix intérieur, celui-ci étant par ailleurs égal au prix mondial dans une situation de concurrence et de libre-échange.

· Puisqu’il n’y a aucune modification du prix intérieur, la consommation intérieure restera la même (soit le niveau Q2 dans l’encadré 9).

· La production va augmenter, ce qui diminuera d’autant les importations et débouchera finalement sur des exportations.

· Les producteurs profiteront de la diminution des coûts de production aux dépens du budget de l’Etat, qui aura à supporter la charge des subventions.

Encadré 9: Les effets des mesures de soutien intérieur

Une analyse analogue à celle de l’encadré 9 peut s’appliquer aux taxes et subventions à la consommation. Dans ce cas, ce sera la courbe de la demande qui se déplacera vers la gauche (pour ce qui est des taxes) ou vers la droite (dans le cas de subventions). Dans le cas des biens non-échangeables, les prix, l’offre et la demande seront modifiés.

3.2.4 Les conséquences sociales des mesures de protection

Comme cela a été évoqué précédemment, chaque type de mesures de protection amène des gagnants et des perdants et a donc une incidence sur le bien-être des citoyens. L’ampleur de cet impact peut être évalué en utilisant les concepts de surplus pour le consommateur et de surplus pour le producteur comme expliqué ci-après5. L’illustration porte sur le cas d’un droit de douane.

5 Ces explications sont inspirées par Just et al (1982).

Les concepts de surplus pour le consommateur et pour le producteur

La définition du surplus pour le consommateur

Le surplus pour le consommateur mesure la différence entre le montant qu’un consommateur est prêt à payer pour une unité de produit et le montant qu’il versera en définitive. Si, comme on le conçoit généralement, les consommateurs ont une disposition marginale décroissante de payer (c’est-à-dire qu’ils veulent payer moins cher pour des unités supplémentaires consommées) mais qu’ils payent pour toutes les unités le même montant que ce qu’ils sont prêts à payer pour la dernière, il y a donc un surplus positif pour le consommateur. Ce concept de surplus pour le consommateur s’applique non seulement pour un individu mais aussi pour l’ensemble des consommateurs.

Encadré 10: Le surplus pour le consommateur illustré à partir de la courbe de la demande

Ce qui précède est illustré par l’encadré 10 où l’on part du principe que les consommateurs sont prêts à payer le prix P1 pour la première unité de marchandise, puis P2 pour la seconde, P3 pour la 3ème et ainsi de suite jusqu’au prix P7. Si le prix de marché du produit est P7, les consommateurs auront un surplus équivalent à P1-P7 sur la première unité achetée puisqu’ils sont disposés à payer ce montant en plus de ce qu’ils paient réellement. Des surplus analogues, mais en diminution progressive, seront obtenus sur toutes les autres unités qui seront consommées (P2-P7, P3-P7, P4-P7,P5-P7, et P6-P7). Le surplus total du consommateur équivaut donc à la partie veerte de l’encadré 10. Si on réduit le pas (en divisant de façon plus précise les unités), l’excédent du consommateur sera à la limite égal à la superficie totale comprise entre la courbe de la demande D et la droite du prix P76.

6 Si on dispose d’une estimation empirique de la fonction de la demande et que l’on connaît la quantité achetée, la valeur monétaire du surplus peut être estimée en intégrant la fonction de la demande entre le point zéro et la quantité achetée.

La définition du surplus pour le producteur

Le surplus pour le producteur (ou surplus du producteur) est le concept symétrique à celui du surplus pour le consommateur. Ici, on part du principe que c’est la disposition marginale à vendre qui augmente, ainsi que le montre la courbe «O» de l’offre indiquée dans l’encadré 11. Dans le cas de marchandises produites, cela tient à ce que le coût marginal de production tend généralement à augmenter (à mesure que la production augmente, les dernières unités deviennent plus chères à produire, tout du moins à court terme) de sorte que les prix doivent augmenter aussi afin d’accroître l’offre disponible sur le marché. La courbe de l’offre a donc une pente positive. Dans ces conditions, si les producteurs perçoivent pour toutes les unités une somme égale à celle pour laquelle ils sont prêts à vendre leur dernière unité de produit (ce qui serait normalement le coût marginal), alors ils auront un surplus positif.

Encadré 11: Le surplus pour le producteur illustré à partir de la courbe de l’offre

Le concept du surplus pour le producteur est illustré par l’encadré 11, où l’on indique la disposition à vendre diverses unités d’un produit par les points P1, P2, et ainsi de suite jusqu’à P5. En suivant le même raisonnement que précédemment, le surplus du producteur est représenté par l’aire comprise entre la courbe de l’offre «O» et la droite du prix P5.

Les changements de surplus pour le consommateur et du surplus pour le producteur sont une mesure de changements ayant une incidence sur le bien-être social

On admet généralement que le surplus du consommateur reflète la satisfaction ou le bénéfice social tirés de la consommation. De même, le surplus du producteur reflète le bénéfice net ou le profit cumulé que les producteurs dégagent à différents niveaux de production. L’analyse sociale des politiques du commerce extérieur consiste dès lors à étudier, et si possible à quantifier, leur incidence sur les surplus pour le consommateur et pour le producteur, et sur la génération de rentrées fiscales ou de dépenses de l’État, ou encore de rente créée par les quotas. C’est ce qui est illustré ci-dessous dans le cas d’une taxe douanière.

L’impact socioéconomique d’une taxe douanière

L’encadré 12 reproduit le même diagramme que dans l’encadré 7 mais en rajoutant une série de lettres allant de «a» à «g» afin d’indiquer les différentes surfaces nécessaires à l’analyse. Comme cela a déjà été précisé, l’instauration d’un droit de douane aura pour effet une augmentation du prix intérieur «Pi» au-delà du prix mondial «Pm», d’un montant équivalent à la taxe douanière «t». Cela aura pour conséquence de diminuer la consommation et les importations tout en relevant la production. Dans le diagramme, ces effets sont indiqués à l’aide de flèches.

Encadré 12: L’impact socioéconomique d’une taxe douanière

Les effets socioéconomiques d’une taxe douanière sont synthétisés dans l’encadré 13 comme suit:

· Le surplus du consommateur, représenté dans la situation «sans droit de douane» par l’aire g+f+b+c+d+e, diminue pour ne plus être égal qu’à g+f. Il y a donc une perte socioéconomique pour le consommateur qui équivaut à l’aire b+c+d+e.

· Le surplus du producteur qui était représenté avant le droit de douane par l’aire «a» sera désormais égal à a+b. Il y aura donc un gain socioéconomique pour les producteurs évalué à l’aire «b».

· Le droit de douane génère un revenu pour l’Etat estimé à «d».

· La perte socioéconomique du consommateur, b+c+d+e, est en partie compensée par les rentrées fiscales de l’Etat «d» et par le gain des producteurs «b». Il reste cependant la part c+e qui n’est pas compensée et qui représente une perte socioéconomique sèche. On se réfère souvent à ces deux triangles comme représentant la perte socioéconomique résultant des mesures de politique.

Le poids mort des triangles des pertes

Encadré 13: Résumé des effets socioéconomiques d’une taxe douanière

Indicateurs

Sans taxe

Avec taxe

Différence

Surplus du consommateur

b+c+d+e+f+g

f+g

-(b+c+d+e)

Surplus du producteur

a

a+b

+b

Recettes de la taxe

aucune

d

+d

Surplus total

a+b+c+d+e+f+g

a+b+d+f+g

-(c+e)


L’ampleur des gains et des pertes socioéconomiques de différentes classes de population et l’effet socioéconomique net sur la société dépendront finalement de l’élasticité des courbes de l’offre et de la demande, du prix d’importation du produit, des quantités produites, consommées et importées, et du montant de la taxe douanière. Des données fiables sur ces variables permettront alors d’évaluer l’impact socioéconomique en s’appuyant sur les hypothèses restrictives de l’équilibre partiel et du petit pays.

3.3 Les indicateurs de protection

Les indicateurs de protection mesurent les distorsions dues aux politiques commerciales

Les instruments de protection commerciale abordés plus haut modifient les prix et les volumes des produits disponibles sur les marchés par rapport à ce qu’ils auraient été sans intervention. En ce sens, on dit que les mesures de protection provoquent des distorsions sur les marchés. Ce concept de distorsion est expliqué dans l’encadré 14 ci-dessous.

Encadré 14: Le concept de distorsion du marché

Par «distorsion», les économistes font référence aux écarts entre le niveau des prix réels dans une économie et le niveau idéal des prix d’équilibre dans cette même économie. Deux raisons expliquent la différence entre ces deux niveaux de prix. L’une tient aux imperfections du marché, c’est-à-dire à l’impossibilité pour les marchés de fonctionner parfaitement du fait de divers facteurs tels que les situations de monopoles, la circulation asymétrique de l’information, les coûts des transactions, les externalités et, dans une certaine mesure, les risques et incertitudes. L’autre raison tient à la mise en œuvre des politiques. Des indicateurs de protection sont conçus afin de mesurer les effets des politiques mises en œuvre. Or pour mesurer les politiques mises en œuvre, il est nécessaire de disposer et d’établir des références par rapport auxquelles les prix intérieurs pourront être comparés. Dans le cas des produits échangeables, l’usage veut qu’on utilise le prix international (réajusté si nécessaire en fonction des coûts de transport et de commercialisation). L’ampleur des distorsions dues aux politiques mises en œuvre indique par conséquent la magnitude de la divergence entre les prix intérieurs et les prix internationaux.


Les distorsions du marché provoquées par les mesures commerciales d’intervention peuvent être évaluées à l’aide de divers indicateurs7. On ne s’intéressera ici qu’aux coefficients de protection nominale et effective, aux estimations des aides au producteur et au consommateur, au coefficient nominal d’aide et aux mesures globales de soutien de l’OMC. Il vaut la peine de remarquer que, dans la plupart des cas, ces indicateurs peuvent être calculés à divers niveaux d’une filière. Selon le point choisi, la définition et la méthode de calcul différeront légèrement. Ici, ces coefficients sont abordés au niveau du producteur, c’est-à-dire au départ de l’exploitation agricole. On peut également préciser dès à présent que la procédure de calcul de ces indicateurs repose sur l’utilisation des prix de parité économiques (voir l’encadré 15) comme référence des cours «sans distorsion» puis sur leur comparaison avec les prix intérieurs réels.

7 Notre présentation sur ce sujet est inspirée des ouvrages de De Janvry et al (1995), Tsakok (1990) et de la FAO (1998).

3.3.1 Le coefficient de protection nominale (CPN)

Le CPN mesure le niveau de protection d’un produit

Le CPN est le plus simple des coefficients utilisés pour mesurer le niveau de protection provenant des distorsions du marché. Il mesure le ratio entre le prix intérieur perçu par un agriculteur et le prix de parité économique d’un produit, tous deux appréhendés au départ de l’exploitation agricole. Le CPN s’applique tant aux biens exportables qu’aux biens importables. La procédure de calcul des prix de parité économiques est détaillée ci-dessous dans l’encadré 15.

Soit le cas d’un produit échangeable pour lequel le prix au producteur perçu au départ de la ferme est égal à 2 000 dollars EU la tonne et pour lequel le prix de parité économique au départ de la ferme est de 1 500 dollars EU la tonne. Le CPN sera égal à 2 000 dollars EU divisé par 1 500 dollars EU, soit 1,33. Autrement dit, dans un tel cas, le producteur perçoit une subvention implicite de 33,3 pour cent du prix de la marchandise résultant des distorsions du marché.

Encadré 15: Les prix de parité économiques

Les prix de parité économiques sont déduits des prix de parité financière. Tout comme ces derniers, ils sont basés sur les prix internationaux CAF et FOB mais, à leur différence, ils ne tiennent pas compte des distorsions du marché. Lors du calcul du prix de parité économique, il faut tenir compte des trois façons selon lesquelles les distorsions du marché affectent les prix de parité financière. La première est que le taux de change, utilisé pour convertir les prix CAF et FOB en prix-frontière, peut faire l’objet de distorsions. La deuxième façon est que les mesures de politique fiscale ou commerciale (taxes, subventions, droits de douane et quotas) qui sont utilisées pour effectuer des transferts en direction des producteurs peuvent affecter le prix du produit. Enfin, la troisième tient à ce que les imperfections du marché et les transferts de revenu (les taxes indirectes, les subventions...) influent sur les coûts de transport et de commercialisation du produit entre la frontière et l’exploitation agricole.

Dans la pratique, pour calculer le prix de parité économique, on procède selon la même méthode que pour le prix de parité financière (voir l’encadré 5), avec toutefois les différences suivantes:

· Le prix FOB (/CAF) versé par le (/au) client étranger est converti dans la monnaie locale au moyen non pas du taux de change officiel mais du taux de change réajusté de l’éventuelle sur - ou sous-évaluation de la monnaie.

· Toutes les mesures telles que les droits de douane, taxes et subventions ou encore les rentes issues des restrictions quantitatives (comme les quotas) sont éliminées.

· Si nécessaire, les éventuelles distorsions affectant les coûts des transports et des services de commercialisation sont également réajustées.


3.3.2 Le coefficient de protection effective (CPE)

Le CPE mesure le niveau de protection d’une activité de production

Malgré son utilité, le CPN présente deux inconvénients majeurs. Le premier est qu’il ne permet pas d’identifier l’impact que les mesures de protection et les taxes implicites qui portent sur le marché des intrants d’un produit peut avoir sur la production d’une marchandise donnée. Le second inconvénient est que, lorsqu’on cherche à anticiper l’attitude des producteurs, on n’est pas tant intéressé à savoir comment les mesures de protection affectent le prix d’une marchandise qu’à connaître la façon dont elles affectent les revenus des détenteurs des facteurs de production qui participent au procès de production de la marchandise (les travailleurs agricoles, les propriétaires fonciers, les investisseurs et les divers prestataires de services) c’est-à-dire comment elles affectent la valeur ajoutée. Ce concept de valeur ajoutée est expliqué dans l’encadré 16 ci-dessous.

Encadré 16: Le concept de valeur ajoutée

La valeur ajoutée représente la différence entre la valeur de la production finale et la valeur des consommations intermédiaires qui entrent dans le processus de production. Ce concept s’applique indifféremment à la production d’un bien particulier, à une filière économique ou à l’ensemble de l’économie. Pour calculer la valeur ajoutée nette, on déduira l’amortissement des moyens de production et autres biens de capital entrant dans le processus de production. La valeur ajoutée représente par conséquent ce qu’il reste pour rémunérer les facteurs de production sous forme de loyers, d’intérêts, de profits, de rémunérations et de salaires.


Dans l’exemple antérieur, pour évaluer le degré de protection dont bénéficie la production de riz, il faut ainsi, le cas échéant, prendre en considération l’impact négatif du cours artificiellement élevé des engrais ou des semences de haut rendement comparativement à leur prix de parité économique, ce qui peut être dû, par exemple, à l’application de droit de douane à l’importation ou à une position d’oligopole des distributeurs. L’attitude des producteurs de riz (en d’autres termes, leur décision d’augmenter ou de réduire leur production, de changer de cultures, ou encore d’investir dans d’autres activités) ne dépend donc pas tant du prix du riz non décortiqué que de ce qu’il leur restera en main comme revenu net d’exploitation, c’est-à-dire de la valeur ajoutée, une fois qu’ils auront payé l’ensemble des intrants consommés par la totalité de leur production de riz paddy. Ce montant dépend donc autant des distorsions présentes sur le marché du riz paddy que de celles présentes sur les marchés des intrants tels que les engrais et les semences à haut rendement.

Le CPE permet de combler les lacunes du CPN en mesurant le degré de protection comme étant le rapport entre la valeur ajoutée avec distorsions - à savoir, le revenu net réellement perçu par les agriculteurs - et la valeur ajoutée en l’absence de distorsions - autrement dit, quand les produits et les intrants sont valorisés à leurs prix de parité économiques8.

8 Pour simplifier, on suppose ici que tous les intrants sont commercialisables

Dans le cas de certains produits ou secteurs d’activités, le calcul des coefficients effectifs de protection aboutit souvent à des valeurs négatives. Ce n’est guère surprenant car, dans certaines situations, la protection offerte par une taxe sur le produit final est plus que neutralisée par l’effet négatif des taxes portant sur les intrants. L’invention du concept de protection effective a donc eu comme conséquence positive d’attirer l’attention sur la structure du régime tarifaire d’un pays, par opposition à son niveau moyen.

3.3.3 L’Estimation du soutien aux producteurs (ESP)

L’ESP est une mesure plus exhaustive du soutien

L’Estimation du soutien aux producteurs (ESP), qui était auparavant appelée Equivalent de subvention aux producteurs, a été adoptée par l’OCDE afin de mesurer le soutien dont bénéficient les producteurs. L’ESP est une mesure globale du soutien aux agriculteurs conçue afin de tenir compte, en plus de toutes les taxes et subventions portant sur un produit - qu’elles soient explicites ou implicites -, de l’ensemble des taxes indirectes et des subventions portant sur les intrants ainsi que de toute les autres formes de soutien direct au producteur.

Définition de l’ESP

L’ESP équivaut par conséquent à la valeur monétaire totale de tous les transferts opérés au bénéfice des producteurs et découlant des barrières commerciales, des prix de soutien, de la gestion du taux de change, des programmes par produit, des aides à la commercialisation, des subventions aux intrants, des exonérations d’impôts ou des subventions d’investissement à long-terme, que ces mesures soient spécifiques au produit ou non. De façon à permettre des comparaisons entre pays, la valeur monétaire globale de ces aides s’exprime généralement en pourcentage du produit agricole brut calculé aux prix de marché (et intégrant le montant des paiements directs au producteur). L’indicateur résultant de ce calcul est dénommé estimation relative du soutien aux producteurs, ou ESP relative. Ces deux mesures de l’ESP sont calculées pour chaque produit mais elles peuvent aussi être additionnées de façon à obtenir l’ESP totale et l’ESP relative totale pour le secteur agricole d’un pays.

L’ESP est une mesure du soutien et non de distorsions commerciales

On remarquera que l’ESP mesure les transferts découlant des politiques gouvernementales et destinés aux producteurs. Elle ne doit pas pour autant être interprétée comme le montant que les paysans perdraient si toutes les formes d’aides étaient abandonnées. L’existence des mesures de soutien tend en effet à déprécier les prix mondiaux utilisés comme référence pour mesurer le soutien aux prix de marché. Si le soutien était éliminé ou réduit, les producteurs devraient toucher des prix mondiaux sensiblement plus élevés. Il faut également remarquer que l’ESP englobe toutes les formes de soutien aux agriculteurs, qu’elles créent des distorsions de prix ou pas, et qu’elles affectent les échanges commerciaux internationaux ou pas. De ce fait, l’ESP est un indicateur du soutien dont bénéficient les producteurs et non pas un indicateur des effets des distorsions commerciales de ces mesures de protection.

Encadré 17: L’ESP, l’ESC et le CNA de l’Union européenne, des Etats-Unis et du Japon



1986-88

1991-93

1996-98

Union européenne





Estimation du soutien aux producteurs (ESP)

$ EU

99,619

131,028

116,271

ESP Relative

%

46

47

39

Coefficient nominal d’assistance (CNA) au producteur

%

1.86

1.88

1.65

Estimation du soutien aux consommateurs (ESC)

$ EU

-81,077

-85,378

-56,146

ESC Relative

%

-42

-38

-25

Etats-Unis





Estimation du soutien aux producteurs (ESP)

$ EU

41,428

34,981

35,838

ESP Relative

%

26

19

17

Coefficient nominal d’assistance (CNA) au producteur

%

1.35

1.24

1.20

Estimation du soutien aux consommateurs (ESC)

$ EU

-9,322

-1242

1,612

ESC Relative

%

-8

-1

1

Japon





Estimation du soutien au producteur (ESP)

$ EU

52,073

55,628

55,639

ESP Relative

%

65

58

63

Coefficient nominal d’assistance (CNA) au producteur

%

2.85

2.40

2.69

Estimation du soutien aux consommateurs (ESC)

$ EU

-64,314

-76,224

-79,107

ESC Relative

%

-58

-51

-51

Source: OCDE (1999). Politiques Agricoles des Pays de l’OCDE: Suivi et Evaluation. Table III.12.

L’encadré 17 présente quelques valeurs absolues et relatives de l’ESP pour les principaux pays développés. En 1996-98, les transferts aux agriculteurs européens ont dépassé les 100 milliards de dollars EU alors qu’ils ne s’élevaient qu’à 36 milliards aux Etats-Unis et 56 milliards au Japon. En pourcentage, le Japon présente le taux de soutien au producteur le plus élevé de la période, soit 63 pour cent, suivi par l’Union européenne avec 39 pour cent et les Etats-Unis avec 17 pour cent.

3.3.4 L’estimation du soutien aux consommateurs (ESC)

Définition de l’ESC

L’estimation du soutien aux consommateurs (ESC) est un indicateur parallèle à l’ESP. Il était auparavant appelé Equivalent de subvention au consommateur par l’OCDE. Cette ESC mesure tous les transferts internes (directs ou indirects) aux consommateurs et peut être exprimée sous forme d’un pourcentage du coût de l’alimentation calculé au prix de marché. L’ESC peut être calculée par groupes de produits ou pour l’ensemble de la consommation marchande d’un pays.

L’encadré 17 indique quelle a été l’ESC dans quelques-uns des principaux pays développés au cours des dernières décennies. Dans l’Union européenne, par exemple, les dépenses de consommations dépassaient les 80 milliards de dollars EU au début des années 90, mais, du fait à la fois de la hausse des prix agricoles internationaux et de ce que la politique européenne repose davantage sur des paiements directs aux agriculteurs, ce niveau de dépenses a chuté à 56 milliards de dollars EU en 1996-1998. Les différences avec les mécanismes de soutien mis en œuvre aux Etats-Unis et au Japon sont évidentes vu qu’au cours de la même période, l’ESC relative du Japon a dépassé les 50 pour cent tandis qu’aux Etats-Unis, où les mesures de soutien aux prix de marché ne sont pas si importantes, l’ESC relative était pratiquement nulle voire même négative.

3.3.5 Le coefficient nominal d’assistance (CNA)

Définition du CNA

Le coefficient nominal d’assistance (CNA) est défini comme égal à la somme du montant de la production totale mesurée en prix courants au départ de l’exploitation et du montant des aides budgétaires, divisée par le montant de la production totale mesurée aux prix mondiaux. Il est par conséquent identique au coefficient de protection nominale sauf que le numérateur de ce rapport englobe toutes les formes d’assistance et pas seulement celles assurées par le biais du soutien aux prix de marchés. Ce coefficient peut également être comparé au CSP relatif. Ce dernier mesure la valeur de l’aide relativement au montant des recettes d’exploitations. Il mesure la part du revenu agricole qui relève des instruments de protection existants. Le CNA peut par contre être interprété comme la comparaison entre les prix réels que perçoivent les agriculteurs et les prix-frontière. De même que le CSP, il faut toutefois se garder de considérer le CNA comme un instrument de mesure des distorsions commerciales. Les effets sur les échanges des politiques de deux pays qui ont le même CNA peuvent en effet être très disparates, selon que les transferts publics sont, ou non, dépendants du niveau de la production des exploitations.

L’encadré 17 met en évidence les mouvements étroitement associés du CNA et de l’ESP. Le chiffre de 1,65 correspondant à l’Union européenne au cours de la période 1996-1998 indique, qu’en moyenne, les prix courants perçus par les agriculteurs européens (aides budgétaires directes incluses) étaient de 65 pour cent supérieurs aux prix mondiaux de ces années-là.

3.3.6 La mesure globale du soutien (MGS) de l’OMC

La MGS repose plus sur des rapports négociés que sur des critères économiques

Cette mesure a été instaurée dans le cadre de l’Accord sur l’agriculture du Cycle d’Uruguay et elle est utilisée lors des négociations commerciales multilatérales. Elle est similaire à l’ESP bien que moins exhaustive car elle ne prend pas en compte un bon nombre de programmes d’aide, et en particulier ceux qui entrent dans ce qu’on appelle les «Boîte verte» et «Boîte bleue» de l’Accord du Cycle d’Uruguay comme, par exemple, les montants compensatoires ou les programmes de mise en jachère de l’Union européenne ou encore le programme américain de dédommagement aux agriculteurs. Les mesures de soutien tombant en dessous d’un certain niveau sont également exclues à cause du principe de minimis de l’Accord. Les mesures de protection positives ou négatives des producteurs résultant d’éventuelles distorsions du taux de change ne sont, elles non plus, pas prises en considération. Bien que les indicateurs des mesures de protection antérieurs reposent sur des principes analytiques, la MGS est par contre une mesure comptable qui tient compte de ce qui est négocié et qui inclut ou exclut donc des programmes d’aide selon les accords conclus au cours des négociations plutôt qu’en fonction de critères purement économiques. La MGS est étudiée plus en détail dans d’autres modules ainsi que dans le document FAO, 1998, mentionné dans la bibliographie. L’encadré 18 souligne les différences entre la MGS et l’ESP.

Encadré 18: Comparaison entre les mesures de la MGS et de l’ESP

· L’ESP englobe tous les transferts monétaires des consommateurs et des contribuables aux producteurs.

· La MGS exclut une partie des transferts des consommateurs et des contribuables.

· L’ESP inclut tous les versements directs aux producteurs (ex: transferts monétaires des contribuables).

· La MGS en exclut quelques uns: ex: les versements directs (des contribuables) découlant de mesures de la «boîte verte» et de la «boîte bleue».

· L’ESP inclut les transferts monétaires implicites des consommateurs découlant des obstacles aux importations.

· Ces transferts ne sont pas compris dans la MGS: le soutien des prix du marché n’est défini que dans le cas où il existe un prix administré.

· L’ESP utilise les prix extérieurs courants (prix prévalant au moment où l’ESP est calculée).

· La MGS utilise un prix de référence fixe (1986-88) pour tous les calculs de la MGS de base et de la MGS courante.

· L’ESP varie en fonction des fluctuations des prix mondiaux et des taux de change, ainsi que des «volumes de soutien».

· La MGS varie uniquement en fonction du «volume de soutien».

· L’ESP est plus difficile à calculer à cause des variations des prix et des taux de change.

· La MGS se calcule plus facilement car les prix sont constants (prix extérieur fixe).

· L’ESP permet d’enregistrer un niveau élevé de soutien aux céréales fourragères, comme soutien négatif à l’élevage.

· La MGS ne le permet pas.

· Si le soutien est mesuré par l’ESP, les producteurs sont exposés aux variations des conditions du marché mondial.

· Si le soutien est mesuré par la MGS, les producteurs sont isolés de ces variations.

Source: FAO (1998), pp. 67-68.

3.4 Résumé et conclusions

1. Ce module a présenté les principaux instruments de politique utilisés par les Etats pour protéger leurs producteurs nationaux, en particulier dans le secteur agricole. L’impact de ces mesures sur la production, la consommation, les importations et les exportations a également été analysé. Certains de ces instruments ont une influence directe sur les prix des produits échangeables alors que d’autres le font de façon indirecte, ce qui contribue à rendre les produits nationaux plus compétitifs au plan international. Les Etats utilisent en général différents ensembles de mesures en fonction de considérations pratiques et des politiques macro-économiques qu’ils poursuivent.

2. Une analyse relativement simple des effets produits par divers instruments de protection peut être conduite en utilisant la méthode de l’équilibre partiel, ce qui permet de montrer les conséquences de ces instruments sur l’offre, la demande et le prix d’un produit donné. L’analyse permet d’identifier l’impact de ces mesures sur les prix des produits échangeables et aussi de repérer les gagnants et les perdants d’une politique donnée.

3. Le concept de surplus du consommateur et du producteur permet d’apprécier les effets socioéconomiques des mesures de protection sur les consommateurs, les producteurs, les contribuables et de l’ensemble de la société.

4. Les niveaux de protection peuvent être évalués à l’aide de différents indicateurs qui ont tous leurs propres limites, leur méthodes de calcul et leur signification économique. Il est essentiel de connaître ces caractéristiques et d’en tenir compte.

Bibliographie

de Janvry, A. et Sadoulet, E. 1995. Quantitative Development Policy Analysis. The John Hopkins University Press, Baltimore et Londres.

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Gittinger, P J. 1982. Economic Analysis of Agricultural Projects. Deuxième édition. John Hopkins University Press, Baltimore et Londres.

Josling, T. E., Tangermann, S. et Warley, T. K. 1996. Agriculture in the GATT. Macmillan Press, Londres.

Just, R., Hueth, D.L. et Schmitz, A. 1982. Applied Welfare Economics and Public Policy. Prentice-Hall, N.J.

Tsakok, I. 1990. Agricultural Price Policy: a Practitioner’s Guide to Partial Equilibrium Analysis. Cornell University Press, Ithaca, New York.


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