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Module 1: Historique de l'Accord SPS


1.1 Introduction
1.2 Les dispositions du GATT
1.3 L'Accord SPS lors du Cycle de Tokyo
1.4 L'Accord SPS lors du Cycle d'Uruguay

R. Griffin
Division de la production végétale et de la protection des plantes

OBJECTIF

Ce module a pour objectif de décrire l'évolution de l'Accord SPS depuis les premières négociations du GATT jusqu'au Cycle d'Uruguay, et de souligner ses nouvelles caractéristiques résultant des négociations du Cycle d'Uruguay.

POINTS CLÉS

· L'importance de l'Article XX(b) du GATT, qui autorise les pays à limiter leurs importations dans le but de protéger la vie et la santé des personnes, des animaux et des végétaux.

· La signification du «Code des Normes» de 1979, qui a été négocié durant le Cycle de Tokyo et qui, même si il n'a été reconnu que par les pays qui l'ont ratifié, définissait les modalités d'application des normes internationales dans le cadre des mesures de restriction des importations et des procédures de règlement des différends.

· La Déclaration de Punta del Este de 1986, qui a lancé le Cycle d'Uruguay spécifiquement prévu pour renforcer les mesures sanitaires et phytosanitaires. Dans ce cadre, le Groupe de travail sur les réglementations sanitaires et phytosanitaires est dès novembre 1990 parvenu à consigner un accord essentiel dans un projet de texte.

· Après quelques modifications ultérieures, introduites en 1991 dans le «Projet Dunkel» d'accord final, l'Accord sur l'application des mesures sanitaires et phytosanitaires est entré en vigueur pour la plupart des Membres de l'OMC le 1er janvier 1995.

1.1 Introduction

Ce module décrit la génèse de l'Accord sur l'application des mesures sanitaires et phytosanitaires - l'Accord SPS - lors des premières négociations du GATT et il précise quels ont été les développements de cet accord durant les négociations du Cycle d'Uruguay.

1.2 Les dispositions du GATT

L'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) a établi une discipline, depuis sa création en 1948, dans les mesures nationales en matière d'innocuité des produits alimentaires et de protection de la santé des animaux et des végétaux. L'Article I du GATT, à savoir la clause de la nation la plus favorisée, exigeait l'application d'un traitement non discriminatoire vis-à-vis des différents fournisseurs internationaux de produits d'importation. C'est ce qui a constitué le principe de non-discrimination. L'Article III, quant à lui, stipulait que ces mêmes produits ne devaient pas faire l'objet, en matière de lois et de conditions de vente, d'un traitement moins favorable que celui dont bénéficient les marchandises d'origine nationale. C'est ce qui est maintenant connu en tant que principe du traitement national. Ces règles s'appliquaient déjà, par exemple, aux résidus de pesticides, aux seuils d'admissibilité des additifs alimentaires et aux barrières sanitaires et phytosanitaires.

L'Article XX(b) permet de prendre les mesures nécessaires à la protection de la santé des personnes, des animaux et des végétaux

Les règles du GATT contenaient également une exception [l'Article XX(b)] qui a finalement servi de base à l'Accord SPS. L'Article XX(b) stipule qu'un Etat peut prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé et la vie des personnes et des animaux ou préserver les végétaux tant que ces mesures n'entraînent pas de discriminations injustifiables entre les pays présentant les mêmes conditions et pourvu que ces mesures n'aient pas été conçues en tant que restriction déguisée au commerce. Cette disposition du GATT permet donc aux Etats de soumettre les produits d'importation à des clauses plus restrictives que celles imposées aux marchandises similaires d'origine nationale lorsque ces mesures sont effectivement destinées à protéger la santé des personnes, des animaux ou des végétaux.

1.3 L'Accord SPS lors du Cycle de Tokyo

Depuis 1948, il y a eu huit cycles de négociations commerciales dans le cadre du GATT. Les premiers cycles visaient surtout à diminuer les tarifs douaniers. Les négociations multilatérales du Cycle de Tokyo qui débutèrent en 1973 et durèrent jusqu'en 1979, furent la première grande tentative du GATT pour aborder la question des obstacles non-tarifaires au commerce et celle du commerce des produits agricoles. Les négociations furent un succès en ce qu'elles permirent effectivement de poursuivre la baisse des tarifs douaniers. Il en a, en outre, résulté une série d'accords sur les barrières non tarifaires et sur certaines modifications et ajouts à apporter au système du GATT.

Le Code des normes de 1979 ne s'applique qu'aux Etats qui l'ont ratifié

L'Accord sur les obstacles techniques au commerce (l'Accord OTC de 1979 ou «Code des normes») constitue l'un des principaux résultats du Cycle de Tokyo1. Bien que cet accord n'ait pas été élaboré dans le but spécifique de réglementer les mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS), il traitait des clauses techniques qui découlent des mesures visant à assurer l'innocuité des produits alimentaires et à protéger la santé des animaux et des végétaux, ce qui englobe entre autres le niveau des résidus de pesticides et les conditions d'inspection et d'étiquetage. Les Etats signataires de l'Accord OTC de 1979 ont ainsi accepté d'appliquer les normes internationales (comme celles élaborées par la Commission du Codex Alimentarius concernant l'innocuité des aliments) sauf lorsqu'ils estimaient que ces normes ne protégeait pas suffisamment la santé. Ces démarches sont en quelque sorte à l'origine du principe d'harmonisation.

1 L'Accord OTC de 1979 est entré en vigueur le 1er janvier 1980 pour les membres signataires du GATT. Il a été remplacé par l'Accord OTC de l'OMC de 1995 qui s'applique à tous les membres de l'OMC.
Les Etats qui ont négocié l'Accord OTC de 1979 ont également mis en place la disposition permettant, via le secrétariat du GATT, de notifier aux autres Etats toutes les réglementations techniques qui ne reposent pas sur des normes internationales, jetant ainsi les bases de ce qui donnera par la suite lieu aux procédures fondées sur le principe de transparence. L'Accord OTC de 1979 contient également des dispositions concernant le règlement des différends commerciaux résultant de la mise en place d'obstacles liés à l'innocuité des aliments et autres obstacles techniques et sanitaires. Etant donné que le GATT ne disposait d'aucun mécanisme exécutoire lui permettant de s'assurer que les Membres mettaient effectivement en œuvre leurs engagements, l'instauration des procédures de règlement des différends potentiellement applicables aux mesures SPS constituait un renforcement significatif de l'Accord OTC.

1.4 L'Accord SPS lors du Cycle d'Uruguay

Les questions SPS inscrites à l'ordre du jour du Cycle d'Uruguay

Le Cycle de Tokyo n'a toutefois pas permis d'aboutir à un accord sur la question clé du commerce des produits agricoles. En outre, il y a eu au cours des années 80, de plus en plus d'intérêt et de pressions pour élargir les négociations aux obstacles non-tarifaires et pour inclure les accords sur l'agriculture. La décision de débuter les négociations commerciales du Cycle d'Uruguay a donc été prise après des années de débat public, y compris au niveau des gouvernements nationaux. La Déclaration de Punta del Este, qui a lancé le Cycle d'Uruguay en septembre 1986, exigeait la discipline accrue dans trois domaines du secteur agricole; à savoir: l'accès au marché, les subventions directes et indirectes, et les mesures sanitaires et phytosanitaires2. Sur ces dernières, les négociateurs visaient à développer un système multilatéral qui permettrait aussi bien de simplifier et d'harmoniser les mesures SPS, et d'éliminer toute restriction qui ne reposerait pas sur des bases scientifiques valables3.

2 Le texte de la Déclaration ministérielle de Punta del Este stipule, en ce qui concerne l'agriculture, que les «négociations viseront à réaliser une plus grande libéralisation des échanges agricoles et amener toutes les mesures affectant l'accès à l'importation et la concurrence à l'exportation sous les règlements et disciplines du GATT qui soient plus renforcés et plus efficaces, du point de vue fonctionnement, tout en tenant compte des principes généraux régissant les négociations, par:...(iii) réduisant au minimum les effets nuisibles que les réglementations et les obstacles sanitaires et phytosanitaires peuvent avoir sur les échanges en agriculture, tenant compte des accords internationaux adéquats».

3 Les négociations de SPS ont été menées par l'Argentine, l'Australie, le Canada, la Communauté européenne, les Etats-Unis, le Japon, la Nouvelle Zélande et la Thaïlande.

Au début du cycle, certains négociateurs ont proposé de procéder à une profonde harmonisation, basée sur l'expertise des organisations internationales. Il a également été proposé que toutes les normes reposent sur des preuves scientifiques. Certains ont ainsi suggéré que le pays importateur ait à assumer la charge de la preuve des mesures SPS. C'est ce sur quoi ont insisté ceux là même qui soutenaient les efforts d'harmonisation basés sur les travaux des organisations internationales, tout en demandant une amélioration des procédures de notification et de consultation et des procédures de règlement de différends ainsi que la prise en compte spéciale pour les pays en développement. Ces derniers ont vigoureusement défendu l'idée d'une suppression des mesures sanitaires et phytosanitaires qui constituent autant d'obstacles non-tarifaires aux échanges commerciaux. Ils ont aussi soutenu l'idée d'une harmonisation internationale des mesures SPS de façon à empêcher les pays développés d'imposer arbitrairement des normes strictes.

En décembre 1988, lors de l'évaluation à mi-parcours du Cycle d'Uruguay, il a été convenu que les priorités en matière de mesures sanitaires et phytosanitaires seraient: l'harmonisation internationale sur la base des normes développées par les organisations internationales; le développement d'une méthode efficace de notification de la réglementation nationale; l'établissement d'un système de règlement bilatéral des différends; l'amélioration des procédures de règlement de différends; et des dispositions concernant la base scientifique des mesures.

Le projet de texte du Groupe de travail

Le Groupe de travail sur les mesures sanitaires et phytosanitaires, qui a été formé en 19884, a préparé un projet de texte en novembre 1990. Les parties en présence ont dégagé un consensus sur les points suivants: les mesures SPS ne doivent pas constituer des barrières déguisées aux échanges commerciaux; elles doivent être harmonisées sur la base de principes scientifiques couramment admis; une attention particulière doit être accordée aux pays en développement; la transparence doit être assurée lors de la mise en place de réglementations et lors de la résolution de différends; et un comité international devra être créé pour dispenser des consultations en matière de normes.

4 Les Etats-Unis ont demandé au Groupe de négociation sur l'agriculture de créer un groupe de travail pour s'occuper des mesures sanitaires et phytosanitaires qui, du fait de leur caractère technique, ne s'adaptaient pas bien aux négociations multilatérales. Selon les Etats-Unis, les résultats du groupe de travail pourraient ensuite être incorporés à un projet de texte global du groupe sur l'agriculture.
Les sujets en litige

De nombreux problèmes restèrent toutefois en suspens. Aucun accord n'a ainsi été trouvé ni pour déterminer si dans ces circonstances des pays pourraient mettre en application des mesures nationales plus strictes que les normes internationales - et dans quelles conditions - ni si des considérations d'ordre économique ou des préoccupations du consommateur devraient être prises en compte dans l'évaluation des risques. La question relative à l'inspection et à l'homologation restait également comme point de désaccord. Cependant, même avec ces considérables problèmes, les progrès réalisés par les négociations du Cycle d'Uruguay en matière de mesures SPS ont dépassé d'autres négociations de nombreux autres accords agricoles.

Le Projet Dunkel

Du fait, en grande partie, du blocage des négociations sur l'agriculture, le Cycle de négociations qui était supposé être conclu pour décembre 1990, a dû être reporté en décembre 1991. Ce report a été suivi par la publication appelée «Projet Dunkel», du nom du Directeur général du GATT de l'époque, Arthur Dunkel. Le but de ce texte révisé était de faire avancer d'un coup les négociations de façon à ce qu'elles puissent aboutir. Le projet de texte contenait des propositions sur les questions liées à l'accord SPS et reprenait largement l'avant-projet préparé en novembre 1990 par le Groupe de travail. Cependant, Dunkel y avait ajouté des dispositions pour rendre plus rigoureuses les réglementations nationales et avait exclu la prise en compte de considérations économiques dans l'évaluation des risques liés à l'innocuité des aliments. Durant les deux années qui suivirent, toutes les négociations du Cycle d'Uruguay ne cessèrent de frôler l'échec. Ceci était dû en grande partie aux différends qui opposaient les Etats-Unis et l'Union Européenne, entre autres au sujet des questions contenues dans le projet d'Accord SPS. En novembre 1992, les Etats-Unis et l'Union européenne réglèrent la plupart de leurs litiges dans un accord connu en tant que «Accord de Blair House». En juillet 1993, les négociations reprirent mais il fallut attendre le 15 décembre 1993 pour que tous les problèmes soient finalement résolus.

Le 15 avril 1994, les ministres de la plupart des 125 gouvernements qui ont participé au Cycle d'Uruguay se réunirent à Marrakech, au Maroc, pour signer l'Accord concluant le Cycle d'Uruguay. Le texte final de l'Accord sur l'application des mesures sanitaires et phytosanitaires qui a été approuvé à la fin du Cycle d'Uruguay s'appuie en grande partie sur le texte du Projet Dunkel et remplit les objectifs généraux qui lui étaient assignés dans la Déclaration de Punta del Este.

L'entrée en vigueur

Pour la plupart des Membres de l'OMC, l'Accord SPS est entré en vigueur le 1er janvier 1995. Des dispositions spécifiques de l'Article 14 de l'Accord SPS autorisent les Etats Membres des pays les moins avancés à différer la mise en œuvre de l'Accord pendant une période de cinq ans.


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