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3. RESSOURCES HALIEUTIQUES


Les zones exploitées par les artisans pêcheurs des trois États du delta s’étendent sur quelque 10 000 km2 d’eaux saumâtres et d’eaux fluviales et sur plus de 18 000 km2 d’eaux côtières jusqu’à l’isobathe de 50 m. Contrairement à plusieurs autres pêcheries artisanales où les stocks ont été épuisés, le renforcement des capacités de production des pêcheurs dans les eaux côtières et au large du delta du Niger (voir paragraphe 4.3.4 ci-dessous) peut conduire à une augmentation des captures et donc à une offre plus abondante. Cela tient essentiellement à deux raisons: (i) toute amélioration technique des capacités de navigation et de capture favorise l’accès aux ressources importantes et assez stables de petits pélagiques et (ii) se traduit par une capacité accrue des artisans pêcheurs à affronter la concurrence des chalutiers pour l’exploitation en commun des stocks.

Les conclusions suivantes ont été dégagées par la mission d’évaluation du projet FIDA, après avoir étudié et analysé les données statistiques officielles portant sur plusieurs années, ainsi que les rapports connexes établis par la FAO et par le Nigéria, et au terme d’entretiens avec les pêcheurs comme avec les fonctionnaires des pêches: (a) l’insuffisance de matériel due au manque d’argent s’est traduite par une baisse notable des quantités débarquées par les artisans pêcheurs; (b) les quantités débarquées ont augmenté à nouveau suite à l’amélioration de la disponibilité des moyens de production matériels; (c) les données officielles n’étant pas fiables, il convient de ne les utiliser, ni à des fins de gestion de la ressource, ni dans le cadre d’études économiques; et (d) il n’y a pas eu en réalité de forte chute soudaine des débarquements enregistrés dans les années 1980, puisqu’il s’agissait en fait d’un phénomène artificiel dû à l’introduction par un expert de la FAO, d’une méthode plus fiable de collecte des données.

Les débarquements de pélagiques, constitués pour moitié de bonga (alose d’Afrique de l’Ouest), représentent semble-t-il entre le tiers et la moitié des débarquements totaux. D’après les pêcheurs interrogés, tandis que les captures au filet maillant de bonga, alose et sardinelle, quoique variables, sont restées stables à long terme, aucune diminution des captures de pélagiques n’a été observée à ce jour. En fait, le renforcement des moyens de production et l’amélioration de l’efficacité se sont traduits par un accroissement des captures.

Les petits pélagiques (essentiellement bongas et sardinelles) sont la principale ressource, dont l’exploitation, comme celle des grands pélagiques, n’est pas partagée entre les artisans pêcheurs et les chalutiers. Certains des stocks démersaux exploités conjointement par les deux secteurs peuvent être qualifiés sans risque d’erreur, de pleinement exploités, voire exploités au-delà du niveau optimal. Dans ces conditions tout accroissement de la part des captures réalisées par les chalutiers réduit celle des artisans pêcheurs et inversement. La concurrence revêt un caractère tant socioéconomique que politique. Dans le début des années 1990, le tiers de la flottille de chalutiers pratiquait une pêche illicite à la crevette, sur une étroite bande côtière. Or, leurs captures accessoires abondantes comprenaient de nombreux juvéniles d’espèces commerciales tels que tambours, menus flétans, grogneurs, nez-rouge (Characidé), etc. L’inaction des pouvoirs publics a favorisé le développement de cette flotte de chalutiers peu rentables. Il en a résulté en règle générale une réduction des avantages sociaux et nationaux tirés des ressources et en particulier pour chaque travailleur de la pêche et par ailleurs, une diminution des quantités de poisson disponibles pour la consommation de subsistance de la communauté des pêcheurs artisanaux.

Il faut s’interroger quant à la raison d’une telle durabilité à long terme, du moins jusqu’à présent, des ressources halieutiques côtières du Nigéria, lesquelles ne font l’objet de pratiquement aucune gestion. Difficilement perceptibles, les mesures de gestion traditionnelles étaient appliquées exclusivement dans certaines localités fluviatiles et lagunaires à proximité de villages de pêcheurs établis de longue date et de type permanent. Les pêcheurs en mer de la plupart de ces communautés établies sur des plages peuplées de façon relativement dense par des personnes originaires d’un grand nombre de tribus et de groupes linguistiques, étaient toutefois parfaitement libres de pêcher quelle que soit la période et partout où leurs embarcations pouvaient les amener, et ne se prêtaient pas à l’observation de systèmes traditionnels de gestion.

En l’absence de toute donnée concrète fiable sur le sujet, la réponse à ces questions doit s’appuyer sur des observations occasionnelles, sur des entretiens avec les pêcheurs, les agents de vulgarisation et les fonctionnaires des pêches, comme sur différentes données anecdotiques disponibles. La synthèse de ces observations fait apparaître un éventail de mécanismes d’autorégulation agissant à l’encontre de la surpêche. Les artisans pêcheurs sont dans l’incapacité de subvenir aux besoins financiers des activités de pêche, dès lors que les captures du jour ne couvrent pas les dépenses d’exploitation du lendemain. De plus, même si ces dépenses sont couvertes, l’absence d’une marge de revenu minimale les dissuadera d’aller opérer dans une pêcherie où tous ceux qui s’y trouvent sont des pêcheurs dits à la part. Cette absence d’incitation financière les contraint à réagir rapidement, et à changer d’espèce-cible ou de zones et de méthodes de pêche, ou encore à rester simplement chez eux. Il en résulte une réduction de l’effort de pêche, en proportion de la diminution des captures. Heureusement, les artisans pêcheurs ont peu de concurrents opérant à plus grande échelle pour l’exploitation des principaux stocks de pélagiques. Malheureusement, dans le cas des stocks démersaux, conjointement exploités par des chalutiers appartenant à des entreprises, la situation est radicalement différente (voir chapitre 9 ci-dessous, ainsi que Ajayi et Talabi, 1984; Decision Analysis Group, 1988; Moses, 1980& 1991, Ssentongo et al., 1986; Marcus et al.; et Tobor, 1977).


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